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24/05/2022 | FRANCE | N°20/08765

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-3, 24 mai 2022, 20/08765


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3



ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2022



N° 2022/236









Rôle N° RG 20/08765 -

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGIQ7







[H] [D] épouse [V]





C/



[F] [V]

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Magali MONTRICHARD

Me Jerry DESANGES





©cision déférée à la Cour :



Jugement du Juge aux affaires familiales de DRAGUIGNAN en date du 15 juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/05594.





APPELANTE



Madame [H] [D] épouse [V]

née le 02 Avril 1971 à [Localité 3] (CAMEROUN)

de nationalité Camerounaise,

[Adresse 2] - [Localité 1]



(bénéfi...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3

ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2022

N° 2022/236

Rôle N° RG 20/08765 -

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGIQ7

[H] [D] épouse [V]

C/

[F] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Magali MONTRICHARD

Me Jerry DESANGES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge aux affaires familiales de DRAGUIGNAN en date du 15 juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/05594.

APPELANTE

Madame [H] [D] épouse [V]

née le 02 Avril 1971 à [Localité 3] (CAMEROUN)

de nationalité Camerounaise,

[Adresse 2] - [Localité 1]

(bénéficiant d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/004724 du 27/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AIX-EN-PROVENCE)

représentée par Me Magali MONTRICHARD, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Monsieur [F], [R], [C] [V]

né le 03 Mars 1965 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4] - [Localité 1]

représenté par Me Jerry DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 mars 2022 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Aurélie LE FALC'HER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Catherine VINDREAU, Président

Monsieur Thierry SIDAINE, Conseiller

Mme Aurélie LE FALC'HER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Anaïs DOMINGUEZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

Signé par Madame Catherine VINDREAU, Présidente et Madame Anaïs DOMINGUEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [F] [V] et Madame [H] [D] ont contracté mariage le 15 février 2013 à MAROUA (Cameroun) devant l'officier de l'Etat Civil et délégué du gouvernement, selon mention de transcription à l'Ambassade de France de YAOUNDÉ du 10 juillet 2013 et inscription au registre de l'Etat civil de Nantes.

Il figure sur l'acte de transcription la mention de l'option des époux pour l'un des régimes légaux prévus par la loi camerounaise.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Par ordonnance de non-conciliation du 20 novembre 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a notamment :

- attribué à Monsieur [F] [V] de la jouissance du domicile conjugal,

- fixé à trois mois le délai pour l'épouse pour quitter le domicile conjugal,

- condamné l'époux à verser à l'épouse 300,00 € par mois au titre du devoir de secours.

Saisi par Monsieur [V], le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN a rendu un jugement le 15 juillet 2020 dans lequel il a principalement :

- prononcé sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil le divorce entre les parties,

- débouté Madame [H] [D] de sa demande de prestation compensatoire,

- condamné chaque partie à la moitié des dépens de l'instance.

Le 11 septembre 2020, Madame [D] a fait appel de cette décision sur les dispositions relatives à la prestation compensatoire et aux dépens.

 

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 10 mai 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, Madame [D] demande à la cour de :

- lui allouer une prestation compensatoire en capital d'un montant de 20.000 euros et condamner en tant que de besoin Monsieur [F] [V] au paiement de ladite somme,

- condamner Monsieur [F] [V] seul aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu'elle a quitté son pays dans lequel elle a toute sa famille et où elle travaillait pour suivre Monsieur [V]. Elle indique qu'elle a des ressources de l'ordre de 1.200 euros par mois en qualité de contractuelle pour la mairie de [Localité 6] et que Monsieur [V] a des ressources plus importantes ce qui constitue une disparité. Elle ajoute qu'elle est dans une situation de surendettement suite à l'arrêt du règlement du crédit commun par l'intimé. Elle précise que ce dernier n'a jamais réglé la pension alimentaire mise à sa charge et qu'il a aggravé son endettement. Elle déclare n'avoir aucun patrimoine au CAMEROUN.

Dans ses dernières écritures d'intimé notifiées par RPVA le 8 juin 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, Monsieur [V] sollicite :

- la confirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- le rejet des demandes de Madame [D],

- la condamnation de Madame [D] à payer à Monsieur [V] une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation de Madame [D] en tous les dépens, qui seront recouvrés par la SCP BARTHELEMY DESANGES, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il s'oppose à la demande de prestation compensatoire de Madame [D] au motif qu'il n'y a aucune disparité au sens du code civil entre la situation des époux au regard de son salaire mensuel d'environ 1.600 euros et des nombreuses charges qu'il supporte. Il indique que le crédit réglé par Madame [D] correspond à celui permettant le financement du véhicule qu'elle utilise. Il ajoute qu'il est propriétaire depuis 2002 de son appartement. Il souligne que Madame [D] n'a jamais travaillé au CAMEROUN et qu'elle est propriétaire d'un bien immobilier dans son pays natal.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la juridiction compétente et la loi applicable

Il existe des éléments d'extranéité en l'espèce puisque Madame [D] est de nationalité camerounaise, que le mariage a été célébré au CAMEROUN et que le régime matrimonial choisi par les époux est soumis à la loi camerounaise.

Toutefois, les époux ont établi leur résidence en FRANCE.

La décision déférée n'a pas été contestée initialement en ce que le juge aux affaires familiales pouvait retenir sa compétence et appliquer la loi française. Elle n'est pas davantage contestée en cause d'appel et doit être confirmée de ce chef.

Sur la prestation compensatoire

L'article 270 du code civil énonce que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

Ce n'est que si l'analyse du patrimoine des parties tant en capital qu'en revenus disponibles fait apparaître, au détriment de l'un des époux, une inégalité, présente ou se réalisant dans un avenir prévisible, du fait de la rupture du lien conjugal qu'il y a lieu à compensation.

L'époux qui demande une prestation compensatoire, supporte la charge de la preuve de la disparité résultant de la rupture du mariage créée dans les conditions de vie respectives des époux, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l'évolution dans un avenir prévisible.

En application de l'article 1075-2 code de procédure civile, les époux doivent, à la demande du juge, justifier de leurs charges et ressources, notamment par la production de déclarations de revenus, d'avis d'imposition et de bordereaux de situation fiscale. Ils doivent également, à sa demande, produire les pièces justificatives relatives à leur patrimoine et leurs conditions de vie, en complément de la déclaration sur l'honneur permettant la fixation de la prestation compensatoire.

En application de l'article 259-3 du code civil, les époux doivent se communiquer et communiquer au juge tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial.

L'article 272 du code civil dispose que dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.

Pour déterminer l'existence du droit et apprécier le montant de la prestation compensatoire, les juges doivent se placer à la date où le divorce a pris force de chose jugée et non à la date où ils statuent ni au moment où les effets du divorce ont été reportés entre les parties. Lorsque l'appel principal limité, ni les conclusions d'appel incident limité n'ont remis en cause le prononcé du divorce, le jugement de divorce est passé en force de chose jugée à la date de l'appel incident limité.

Pour débouter Madame [D] de sa demande de prestation compensatoire, le juge aux affaires familiales retient que :

« l'époux est facteur et son revenu imposable déclaré en 2016 était de 22 190.94 € selon son bulletin de salaire de décembre 2016. Il est passé à 28 480 € au titre de l'année 2017 et 23 238 € au titre de l'année 2018 selon ses avis d'imposition. Monsieur [F] [V] est propriétaire de son logement acquis le 14 mai 2002 selon l'acte qu'il produit, moyennant versement de 106 714 €. Dans sa liste manuscrite de charge, il précise régler 364.7 € au titre de l'emprunt immobilier, justifié par le tableau d'amortissement du contrat Pactys liberté. La dernière échéance est fixée au mois de décembre 2021 ».

« Madame [H] [D] déclare sur l'honneur le 3 septembre 2018 disposer d'un revenu mensuel équivalent à 936 € par mois (arrondi). Elle produit un contrat de travail et les bulletins de salaire afférents à la saison d'été 2018 par Vacanciel qui devait lui verser un salaire brut de 1600.00 € mais il apparaît qu'elle a été en arrêt de travail à compter du 25 juillet jusqu'au 14 octobre 2018 selon attestation de paiement des indemnités journalières. En décembre 2018, Pôle emploi lui a versé 1072.50 € selon relevé de banque de ce mois et attestation de la structure. Elle fait état de charges pour un montant de 1370 € (arrondi) comprenant son loyer (490 € par mois) selon contrat de résidence SAEM ADOMA signé le 11 juillet 2018. La commission de la Banque de France qui a analysé sa situation en mai 2019 (sur la base d'élément antérieur) a retenu un revenu de 1446 € par mois et 1241 € de charges. Madame [H] [D] est allocataire de Pôle Emploi. Elle a perçu l'ARE pour des montants variables en fonction des prestations qu'elle effectue rémunérées au moyen de chèque « Cesu ». Selon bulletins Cesu et ARE la moyenne de ses revenus actualisés pour 2019 varie entre 700 et 800 € par mois ».

« Il résulte de l'ensemble des éléments susvisés que Madame [H] [D] ne justifie pas avoir abandonné une situation établie et sécure pour elle au plan matériel et financier dans son pays au seul bénéfice de l'époux ou de la carrière de celui-ci. De même en France puisqu'elle n'a commencé à travailler qu'à compter de février 2017.

En conséquence, elle est défaillante dans la preuve qui lui incombe de ce que la rupture serait la source de la disparité entre les revenus respectifs des époux ».

Devant la cour, aucune des parties ne remettant en cause le prononcé du divorce, il convient de se placer à la date des premières conclusions des parties pour évaluer leur situation respective dans le cadre de la demande de prestation compensatoire de Madame [D], soit le 22 décembre 2020.

Pour l'année 2020, Madame [D] a déclaré un revenu global de 17.375 euros, soit 1.448 euros par mois en moyenne.

Elle ne produit aucune attestation de la CAF sur la perception ou nom d'une allocation logement.

Outre les charges courantes, elle a déclaré le 21 novembre 2020 (déclaration sur l'honneur) régler un loyer de 49 euros, mais il s'agit peut-être d'une erreur de plume compte tenu du loyer de 490 euros retenue par le premier juge et un remboursement de 205 euros au titre de son dossier de surendettement.

Il n'est pas établi que Madame [D] soit propriétaire d'un bien immobilier au CAMEROUN.

Monsieur [V] a déclaré pour l'année 2020, des revenus de 22.853 euros, soit 1.904 euros par mois en moyenne.

Outre les charges courantes, il règle :

- des taxes foncières annuelles de 1.028 euros, soit 86 euros par mois,

- la redevance à l'audiovisuel public,

- des charges de copropriété de 199 euros sans compter les appels de fonds exceptionnels en 2020 pour le ravalement de façade,

- un crédit immobilier de 364,73 euros.

Il a déclaré également régler deux crédits à la consommation de 162,50 euros et 169,65 euros, notamment pour régler ses frais d'avocat, ce qui ne constitue pas un endettement fautif.

Il indique avoir un livret et être propriétaire de son logement d'un valeur de 120.000 euros lors de son achat en 2002.

Par conséquent, même si les ressources de Monsieur [V] sont légèrement supérieures à celles de Madame [D], cette différence n'est pas suffisante (450 euros par mois) pour retenir l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des époux suite à la rupture du mariage. A cela s'ajoute les charges plus importantes réglées par Monsieur [V].

Le bien immobilier a été acquis bien avant le mariage.

De ce fait, en l'absence de disparité, il convient de rejeter la demande de prestation compensatoire faite par Madame [D].

La décision de première instance sera donc confirmée.

Sur les autres demandes

Compte tenu du prononcé du divorce sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil, il est justifié que les dépens de première instance soient réglés par moitié par chaque partie.

Madame [D] succombant à ses demandes en appel, elle sera condamnée au paiement des dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP BARTHELEMY DESANGES.

L'équité commande qu'elle soit également condamnée à verser à Monsieur [V] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en chambre du conseil,

En la forme,

Reçoit l'appel,

Au fond,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 juillet 2020 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN,

Y ajoutant,

Condamne Madame [H] [D] au paiement des dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP BARTHELEMY DESANGES,

Condamne Madame [H] [D] à verser à Monsieur [F] [V] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-3
Numéro d'arrêt : 20/08765
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;20.08765 ?
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