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20/05/2022 | FRANCE | N°18/20446

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 20 mai 2022, 18/20446


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 18/20446 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDRLT







[O] [Z]





C/



MSA [Localité 5] SITE [Localité 6]

[G] [F]

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE [Localité 5]









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Pascal ANTIQ



- MSA [Localité 5] SITE [Local

ité 6]





- Me Patrice REVAH



- Me Stéphane MÖLLER







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 11 Décembre 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21700161.





APPELANT



Mon...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 18/20446 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDRLT

[O] [Z]

C/

MSA [Localité 5] SITE [Localité 6]

[G] [F]

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Pascal ANTIQ

- MSA [Localité 5] SITE [Localité 6]

- Me Patrice REVAH

- Me Stéphane MÖLLER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 11 Décembre 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21700161.

APPELANT

Monsieur [O] [Z], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Pascal ANTIQ de la SCP MAGNAN - ANTIQ, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

INTIMES

MSA [Localité 5] SITE [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

non comparant

Monsieur [G] [F], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Patrice REVAH, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée l'audience

CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE [Localité 5] MSA [Localité 5], représentée par son Directeur en exercice, domicilié es qualité audit siège., demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Stéphane MÖLLER, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédures, moyens et prétentions des parties

M. [O] [Z], né le 28 septembre 1959, a été embauché par M. [G] [F], exploitant agricole, en qualité de manoeuvre par contrat à durée déterminée pour la période du 12 mai 2014 au 23 mai 2014 en vue de la rénovation du toit d'un hangar. Le 20 mai 2014, M. [Z] a fait une chute d'une hauteur de six mètres lorsqu'une partie du toit s'est cassée.

Le certificat médical initial relevait au titre du bilan lésionnel : un traumatisme crânien avec plaie du scalp de 20 centimètres et hématome du vertex, un traumatisme du rachis avec fracture de C2, fracture de C5, fracture de T5, un traumatisme thoracique avec contusion pulmonaire de l'apex gauche, minime lame de pneumothorax, fracture du sternum, fracture de la première côte droite, un traumatisme abdominal avec contusion du bloc duodéno-pancréatique, un traumatisme orthopédique avec hématome du dos du pied droit, luxation P1/P2 de l'hallux gauche, fracture de P2 non déplacée de l'hallux droit, fracture déplacée du deuxième métatarsien droit, une incapacité temporaire totale de 90 jours étant fixée sauf complications.

M. [F] a déclaré l'accident du travail dans ces termes : « M. [F], l'employeur, s'est absenté 1/4 d'heure du chantier et durant son absence, M. [Z] est monté sur le toit sans protection et sans autorisation et une éverite s'est cassée et M. [Z] est tombé du toit ».

Cet accident a fait l'objet d'une prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la mutualité sociale agricole (MSA) des [Localité 5] selon notification du 18 août 2014.

Par courrier du 22 septembre 2014, M. [Z] a saisi la MSA [Localité 5] d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, M. [F], dans la survenance de son accident du travail.

Par courrier du 16 février 2017, la MSA [Localité 5] l'a informé de l'avis du médecin conseil considérant que son état de santé pouvait être déclaré consolidé à la date du 1er avril 2017.

Un taux d'incapacité permanente partielle de 67% lui a été reconnu par la commission des rentes des salariés agricoles dans sa séance du 18 mai 2017. Après contestation devant le tribunal , le taux précité a été porté à 70%.

Par arrêt avant-dire droit du 22 novembre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a dit que l'accident de travail subi par M. [Z] est dû à la faute inexcusable de son employeur, M. [F], fixé au maximum la majoration de rente à laquelle M. [Z] peut prétendre, avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice corporel complémentaire de M. [Z], a ordonné une expertise médicale.

Le rapport d'expertise établi le 21 avril 2021par le Docteur [J] [S], conclut comme suit :

- incapacité temporaire totale professionnelle du 20 mai 2014 au 1er avril 2017,

- incapacité temporaire totale physiologique du 20 mai 2014 au 7 août 2014,

- incapacité temporaire partielle de classe III 3 du 8 août 2014 au 17 juin 2015,

- incapacité temporaire totale du 18 au 22 juin 2015,

- incapacité temporaire partielle de classe II du 23 juin 2015 au 18 mai 2017,

- consolidation au 18 mai 2017,

- assistance par tierce personne de 3 heures par jour durant un mois, puis d'une heure par jour du 20 juin 2014 à décembre 2014, puis 3 heures par semaine jusqu'au 31 décembre 2015,

- incidence professionnelle : inapte à toute profession,

- souffrances endurées : douleur qualifiée d'assez importante à 5/7,

- préjudice esthétique temporaire : qualifié entre léger et moyen à 2,5/7,

- préjudice esthétique définitif : qualifié de léger à 2/7,

- absence de préjudice sexuel,

- préjudice d'agrément : impossibilité de nager, de faire du ski, chasser, bricoler ou faire une promenade en mer.

- aucune modification de l'état actuel n'est prévisible dans l'immédiat.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, M. [Z] demande à la cour d'homologuer le rapport d'expertise et de :

- condamner solidairement M. [F] et la caisse de mutualité sociale agricole [Localité 5] qui devra lui en faire l'avance à lui verser la somme de 201.584,23 euros décomposée comme suit :

* 7.324,23 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,

* 100.000,00 euros au titre de l'incidence professionnelle,

* 8.860,00 euros au titre de l'assistance par tierce personne,

* 10.400,00 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 35.000,00 euros au titre des souffrances endurées 5/7,

* 6.000,00 euros au titre du préjudice esthétique temporaire 2,5/7,

* 4.000,00 euros au titre du préjudice esthétique permanent 2/7,

* 30.000,00 euros au titre du préjudice d'agrément,

- débouter M. [F] si de ces offres et demandes contraires,

- condamner M. [F] à lui verser une somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [F] et la MSA des [Localité 5] aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais d'expertise.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

- concernant les préjudices patrimoniaux temporaires, notamment les pertes de gains professionnels actuels correspondant aux pertes de salaire, de rémunération et de revenus pendant la période d'arrêt d'activité, la période indemnisable débute à la date du dommage et se termine à la date de la consolidation de la victime,

- selon le rapport d'expertise du Docteur [S], il a été en incapacité temporaire totale du 20 mai 2014 au 1er avril 2017 et a perçu des indemnités journalières et complément de salaire s'élevant à 83.758,97 euros, alors qu'il aurait dû percevoir la somme de 91.083,201 euros, de sorte qu'il réclame la somme de 7.324,23 euros,

- concernant l'incidence professionnelle à caractère définitif ayant pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte de chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé en raison du dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à la nécessité d'abandonner la profession exercée avant le dommage, il ressort du rapport précité qu'ayant été en incapacité temporaire totale du 20 mai 2014 au 1er avril 2017, en l'absence de toute qualification, il a été déclaré inapte à toute profession compte tenu des séquelles importantes résultant de son accident du travail, puis placé en invalidité, enfin mis à la retraite au 1er octobre 2019,

- exclu prématurément et définitivement du monde du travail, sans possibilité d'exercer une quelconque activité après la retraite, il conviendra de lui allouer la somme de 100.000,00 euros en réparation,

- concernant l'assistance d'une tierce personne, il a bénéficié de l'aide humaine de son épouse , selon les modalités suivantes : 3 heures par jour durant un mois, 1 heure par jour jusqu'au mois de décembre 2014, 3 heures par semaine durant une année, soit jusqu'au 31 décembre 2015,

- selon une jurisprudence constante, une indemnisation au titre de l'assistance de tierce personne ne peut être réduite sous prétexte qu'elle est fournie par un membre de la famille,

- compte tenu de la gravité des blessures subies et de l'impossibilité de réaliser, durant sa convalescence, les gestes courants de la vie quotidienne (aide au lever, au coucher, habillage, mise en place et retrait du corset, conduite aux rendez-vous médicaux, dont 500 séances de kinésithérapie, la réorganisation de son domicile pour mise à disposition des placards à sa hauteur, la gestion du passage des infirmiers ainsi que la préparation des repas, il conviendra de lui allouer la somme de 8.860,00 euros pour 443 heures sur la base de 20,00 euros de l'heure,

- concernant les préjudices extra patrimoniaux temporaires, notamment le déficit fonctionnel temporaire, recouvrant les troubles dans les conditions d'existence, le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire, il convient de lui allouer 25,00 euros par jour pour la période du 20 mai au 7 août 2014 de déficit fonctionnel temporaire total, soit la somme de 2.000,00 euros, puis 12,50 euros par jour pour la période du 8 août 2014 au 17 juin 2015 de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III, soit la somme de 3.295,00 euros, puis la somme de 125,00 euros pour la période du 18 au 22 juin 2015 de déficit fonctionnel temporaire total, et enfin la somme de 4.350,00 euros avec un déficit fonctionnel temporaire partielle de classe II, de 6,50 euros,

- concernant les souffrances morales et souffrances physiques endurées, évalué à 5/7 par le Docteur [S], comte tenu de son âge au moment de l'accident du travail (54 ans), des circonstances de l'accident (chute de plus de 6 mètres de hauteur), de la multitude des soins dont deux interventions chirurgicales en milieu hospitalier, il convient de lui allouer la somme de 35.000,00 euros,

- concernant le préjudice esthétique temporaire évalué à 2,5/7, il convient de lui allouer la somme de 6.000,00 euros,

- concernant le préjudice esthétique permanent évalué à 2/7, il convient de lui allouer la somme de 4.000,00 euros,

- concernant le préjudice d'agrément, apprécié in concreto en tenant compte de tous les paramètres individuels de la victime, le médecin expert a retenu une impossibilité de nager, faire du ski, chasser, bricoler et poursuivre des activités en mer, ce qui justifie l'allocation de la somme de 30.000,00 euros.

Par conclusions déposées par RPVA le 1er avril 2022, M. [F] demande à la cour de dire irrecevables les demandes présentées par M. [Z] au titre de la perte de gains professionnels actuels, de l'incidence professionnelle et de l'assistance par tierce personne, de juger suffisante l'offre d'indemnisation qu'il présente arrêtée aux sommes suivantes :

* déficit fonctionnel temporaire total et partiel : sur la base d'une indemnité journalière de 25,00 euros,

* souffrances endurées : 25.00,00 euros,

* préjudice esthétique temporaire : 4.000,00 euros,

* préjudice esthétique permanent : 3.000,00 euros,

* préjudice d'agrément : 10.000,00 euros,

et de débouter l'appelant de sa demande au titre des frais irrépétibles, sauf à la ramener à de plus justes proportions.

Il soutient en substance que :

- au visa des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, l'indemnisation de la victime est limitée aux postes complémentaires énumérées par l'article L.452-3, et aux postes non couverts par le livre IV, les pertes de gains professionnels actuels étant indemnisées par les indemnités journalières, et aucun complément n'étant dû, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent étant englobés dans la majoration de la rente,

- il ne conteste pas la demande présentée au titre du déficit fonctionnel temporaire sur la base d'une indemnité journalière d'un montant de 25,00 euros,

- s'agissant du préjudice d'agrément l'expert n'a pas précisé s'il existait une impossibilité à la réalisation de chaque activité agrément déclarée ou une simple gêne.

Par conclusions déposées par RPVA le 31 août 2021, la MSA [Localité 5] a demandé à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation souveraine de la cour quant à l'indemnisation des préjudices personnels de M. [Z] des suites de l'accident de travail du 20 mai 2014.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige. L'affaire a été mise au délibéré par mise à disposition au greffe, la date fixée ayant été communiquée aux parties présentes.

MOTIFS DE L'ARRÊT

À titre liminaire, il sera rappelé que la date de consolidation de l'état de santé de M. [Z] a été fixée au 1er avril 2017. Ce point ne fait pas discussion entre les parties. Ainsi sera écartée des débats la date de consolidation retenue par l'expert au 18 mai 2017.

En outre, par arrêt du 22 novembre 2019, la présente cour a déjà statué sur la faute inexcusable de l'employeur et sur la majoration de la rente de M. [Z], de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de nouveau sur ces points.

Aux termes de l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale :

'Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.'

Sur l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels

M. [Z] explicite cette demande par la perte de salaire, de rémunération et de revenus pendant la période d'arrêt d'activité, qui constitue selon lui un préjudice économique subi pendant son incapacité temporaire, depuis la date de l'accident jusqu'à sa consolidation intervenue au 1er avril 2017.

Néanmoins, ce chef d'indemnisation n'est pas prévu par les dispositions de l'article susvisé. La demande se trouve par conséquent voie de rejet.

Sur l'indemnisation de l'incidence professionnelle

Contrairement à ce que soutient M. [F], l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale prévoit explicitement le droit pour la victime d'un accident du travail résultant de la faute inexcusable de son employeur de solliciter l'indemnisation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

M. [Z], au visa des conclusions de l'expert, lequel a retenu au titre des incidences professionnelles particulières que la victime est inapte à toute profession, n'a pas repris ses activités, et a été placée en invalidité puis a fait valoir ses droits à la retraite, expose qu'il a été exclu prématurément et définitivement du monde du travail, sans possibilité d'exercer une quelconque activité après la retraite, caractérisant ainsi une incidence professionnelle constituée par l'obligation de devoir abandonner l'exercice de sa profession, mais également de renoncer à toute activité professionnelle, facteur d'intégration sociale.

Néanmoins, M. [Z] n'établit pas qu'il aurait eu, au jour de l'accident, de sérieuses chances de promotion professionnelle, ni qu'il avait entamé un cursus de formation professionnelle de nature à lui laisser espérer une promotion. Au contraire, il fait état de ce qu'il a toujours travaillé dans le domaine agricole, étant maçon de profession. Il précise en outre qu'il n'a pas d'autre qualification et a été définitivement déclaré inapte.

Il ne justifie par ailleurs d'aucun autre projet professionnel, que l'accident du travail l'aurait empêché de mener à terme ou de réaliser.

En considération du caractère limitatif du poste indemnisable au titre du texte précité, la demande ne peut prospérer et doit être rejetée.

Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire

Il s'agit ici d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire. C'est l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu'à sa consolidation.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise du Docteur [S] que M. [Z] a subi un déficit fonctionnel temporaire en quatre étapes :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 20 mai au 7 août 2014, soit pendant 80 jours,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III du 8 août 2014 au 17 juin 2015, soit pendant 314 jours,

- un déficit fonctionnel temporaire total du 18 au 22 juin 2015, soit pendant 5 jours,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II du 23 juin 2015 au 18 mai 2017, soit .

Toutefois, s'agissant de cette dernière période, il convient d'observer que l'expert a considéré que la consolidation était intervenue à la date du 18 mai 2017, alors que cette consolidation a été fixée sans contestation d'aucune partie au 1er avril 2017. Doit donc être déduite de la dernière période celle courant du 1er avril au 18 mai 2017, soit 47 jours.

M. [F] ne discute pas le montant global indemnitaire établi par la victime pour ce poste de préjudice calculé en prenant en considération une indemnité journalière d'un montant de 25,00 euros.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande de M. [Z] de ce chef, qui n'est pas contesté, saur à retrancher du montant de sa demande la somme de 293,25 euros au titre de la période trop comptée allant du 1er avril au 18 mai 2017 ( 47 jours X 6,25 euros = 293,75 euros ).

Il conviendra donc de fixer l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire de M. [Z] à la somme de 10.106,25 euros.

Sur l'indemnisation de l'aide temporaire humaine

Il s'agit d'indemniser la nécessité pour la victime d'avoir eu recours à l'assistance d'une tierce personne avant la consolidation de son état de santé.

M. [F] demande à la cour de déclarer irrecevable cette demande sans s'expliciter sur les moyens de fait ou de droit au soutien de cette prétention, alors que si la tierce personne permanente ne constitue en effet pas un préjudice complémentaire indemnisable, il en va autrement de la tierce personne temporaire, comme c'est le cas en l'espèce. Cette demande est donc recevable et doit être examinée par la cour.

À cet égard, il ressort du rapport d'expertise que la victime a nécessité l'aide d'une tierce personne pendant trois heures par jour durant un mois, puis pendant une heure par jour jusqu'au mois de décembre 2014, puis à raison de trois heures par semaine jusqu'au 31 décembre 2015, soit :

* 3 heures par jour pendant 30 jours, soit 90 heures,

puis * 1 heure par jour pendant 194 jours, soit 194 heures,

puis* 3 heures par semaine pendant 52 semaines, soit 159 heures,

soit au total 443 heures.

M. [Z] précise qu'il a à ce titre bénéficié de l'aide humaine de son épouse comme celle-ci en atteste. Il est de jurisprudence constante que le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance par une tierce personne ne saurait être réduite en cas d'assistance par un membre de la famille. Le tarif horaire de l'indemnisation se situe en général entre 16 et 25 euros de l'heure en fonction du besoin, de la gravité du handicap et de la spécialisation de la tierce personne.

Compte tenu d'un taux horaire de 18 euros, qui apparaît devoir être retenu en l'absence de toute spécialisation de la tierce personne dans le cas d'espèce, l'indemnisation du préjudice peut être calculée comme suit : 443 x 18 = 7.974,00 euros.

Il sera donc alloué à M. [Z] la somme de 7.974,00 euros au titre de l'indemnisation du préjudice découlant de l'assistance par une tierce personne avant la consolidation de son état de santé.

Sur les souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser ici toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

En l'espèce, l'expert a évalué les souffrances endurées à 5/7 compte tenu du très long cursus médico-chirurgical subi par la victime.

L'indemnisation de telles souffrances, qui peuvent être qualifiées d'assez importantes, sera fixée à 35.000 euros compte tenu des interventions chirurgicales subies, des hospitalisations nécessaires, d'une rééducation particulièrement lourde, de la mise en 'uvre de soins pénibles tels le port d'un corset cervico thoracique, les injections de Lovenox, la déambulation en fauteuil roulant puis avec des cannes, ou encore l'oxygénothérapie.

Sur le préjudice esthétique

L'expert a évalué le préjudice esthétique temporaire de M. [Z] à 2,5/7, compte tenu des cicatrices, des immobilisations subies, de la boiterie lors de la reprise de la marche.

Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 5.000 euros.

L'expert a également évalué le préjudice esthétique permanent de la victime à 2/7 en raison des cicatrices, de la boiterie à la marche, de la modification du port de tête avec rachis bloqué.

Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 3.000,00 euros.

Sur le préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément indemnisable vise exclusivement l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir.

L'expert a retenu expressément l'existence d'un préjudice d'agrément objectif consécutif à l'impossibilité de nager, de faire du ski, de chasser, de bricoler ou d'effectuer des promenades en mer, activités bien déterminées et répondant aux critères définis par la jurisprudence, dont M. [Z] rapporte la preuve de l'exercice avant l'accident du travail par la production de son permis de chasse antérieur à l'accident, de photographies le représentant au ski, et de plusieurs attestations de ses proches qui établissent la réalité de la pratique du bricolage.

L'existence d'un préjudice d'agrément apparaît ainsi suffisamment établi. Cette privation de la possibilité d'exercer, à un âge encore relativement jeune, toutes ces occupations de détente et de loisirs justifient l'allocation d'une indemnité de 20.000,00 euros.

Sur les frais et dépens

M. [F], succombant à l'instance, en supportera les dépens.

Condamné aux dépens, M. [F] sera également condamné à payer à M. [Z] la somme de 5.000 euros à titre de frais irrépétibles .

PAR CES MOTIFS

  La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Fixe l'indemnisation des préjudices personnels de M. [Z] à la suite de l'accident dont il a été victime le 20 mai 2014 comme suit :

- 10.106,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 7.974,00 euros au titre de l'aide temporaire humaine,

- 35.000,00 euros au titre des souffrances endurées,

- 8.000,00 euros au titre du préjudice esthétique,

- 20.000,00 euros au titre du préjudice d'agrément.

Déboute M. [Z] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels actuels, et de l'incidence professionnelle.

Dit que la caisse de mutualité sociale agricole [Localité 5] devra faire l'avance des sommes dues au titre de l'indemnisation des préjudices personnels de M. [Z], et les récupérera auprès de M. [F].

Condamne M. [F] à  payer à M. [Z] la somme de 5.000 euros à titre de frais irrépétibles ,  

Condamne M. [F] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 18/20446
Date de la décision : 20/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-20;18.20446 ?
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