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19/05/2022 | FRANCE | N°18/17930

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 19 mai 2022, 18/17930


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2022



N° 2022/185













N° RG 18/17930 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDKSV







SAS DT PROJECT





C/



SA TIER PORT SERVICES



Société FR. MEYERS SOHN (GmbH & Co.) KG (FMS LOGISTICS)



















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Pascal ALIAS



Me Rachel SARAGA-BR

OSSAT



Me Romain CHERFILS













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 21 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F01173.





APPELANTE



SAS DT PROJECT, dont le siège social est sis [Adresse 2]



re...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2022

N° 2022/185

N° RG 18/17930 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDKSV

SAS DT PROJECT

C/

SA TIER PORT SERVICES

Société FR. MEYERS SOHN (GmbH & Co.) KG (FMS LOGISTICS)

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Pascal ALIAS

Me Rachel SARAGA-BROSSAT

Me Romain CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 21 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F01173.

APPELANTE

SAS DT PROJECT, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Bruno TIRET, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

SA TIER PORT SERVICES, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA- BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Marina PAPASAVVAS de la SELARL RAISON & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

PARTIE INTERVENANTE

Société de droit étranger FR. MEYERS SOHN (GmbH & Co.) KG (FMS LOGISTICS), dont le siège social est sis [Adresse 6] - ALLEMAGNE

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Christophe NICOLAS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Thomas GODENER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

assigné en appel provoqué le 3/05/2019 à la demande de la SA TIERS PORT SERVICES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Les 15 mars et 18 mars 2013, la société DT PROJECT a adressé à la société TIER PORT SERVICES une demande de booking pour le transport de deux conteneurs de produits chimiques de [Localité 4] (BOLIVIE) à [Localité 5] (FRANCE). Le transport maritime devait être effectué par la société MAERSK d'ARICA (CHILI) au port du [Localité 7] le 26 janvier 2014.

La société MAERSK a refusé la prise en charge des deux conteneneurs en raison de la dangerosité de la marchandise qui ne lui avait pas été signalée. Les conteneurs ont été en conséquence renvoyés au destinataire et finalement transporté par voie maritime par une autre compagnie, le départ s'effectuant le 16 février 2015.

Par acte en date du 20 avril 2016, la société DT PROJECT a fait assigner la société TIER PORT SERVICES devant le tribunal de commerce de MARSEILLE en paiement au principal de la somme de 81 050 USD au titre des frais générés par le retard du transport.

Par acte en date du 20 mai 2016, la société TIER PORT SERVICES a fait assigner en garantie la société FR MEYER'S SOHN Gmbh & CO KG, ci après société FMS, en garantie.

Suivant jugement en date du 21 septembre 2018, le tribunal de commerce a déclaré l'action de la société DT PROJECT irrecevable comme prescrite, et en conséquence l'action en garantie sans objet, et a condamné la société DT PROJECT à verser à la société TIER PORT SERVICES la somme de 3 000 € et la société TIER PORT SERVICES à la société FMS la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société DT PROJECT a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 13 novembre 2018.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 28 février 2022 et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 28 mars 2022.

A l'appui de son appel, par conclusions déposées par voie électronique le 23 décembre 2019, la société DT PROJECT conteste la qualité de commissionnaire de transport de la société TIER PORT SERVICES au motif que la liberté suffisante dans le chois des modes et des entreprises de transport caractérisant cette qualité n'est pas ici établie. Elle soutient notamment que la société TIER PORT SERVICES a elle-même reconnu dans la phase pré contentieuse avoir agi en qualité d'intermédiaire et n'établit pas avoir conclu les conventions de transport en son nom. Elle fait observer en outre que la société TIER PORT SERVICES n'avait nullement le choix du transporteur maritime.

Sur le point de départ de la prescription, elle fait observer qu'en sa qualité revendiquée de commissionnaire, la société TIER PORT SERVICES devrait être en mesure de justifier de la date de livraison de la marchandise. Elle fait observer que le jugement a appliqué une jurisprudence relative au transporteur maritime pour fixer le point de départ de la prescription et ce alors que ce point de départ est constitué par la remise effective de la marchandise au destinataire.

Elle invoque enfin la reconnaissance de sa responsabilité par la société TIER PORT SERVICES matérialisée par un courriel daté du 4 mars 2014, reconnaissance qui entraînerait une interversion de la prescription annale en prescription quinquennale ainsi qu'une novation, le contrat devant s'analyser en un contrat de porte-fort au regard de l'engagement de la société TIER PORT SERVICES de garantir la faute du transporteur.

La société DT PROJECT affirme que la société TIER PORT SERVICES est intervenue en qualité de transitaire, transitaire qui a désigné un autre transitaire désignant lui-même la société HERMES. Elle affirme qu'en cette qualité, la société TIER PORT SERVICES a commis une faute en ne signalant pas le caractère dangereux de la marchandise transportée, faute ayant entraîné le paiement des frais réclamés.

La société DT PROJECT conclut en conséquence à l'infirmation de la décision et demande à la cour de condamner la société TIER PORT SERVICES à lui verser la somme de 81 050 USD et 2 121 € 97 en remboursement des frais engagés, outre 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société TIER PORT SERVICES, par conclusions déposées par voie électronique le 18 décembre 2019, soutient avoir la qualité de sous commissionnaire et invoque en conséquence la prescription annale de l'article L 133-6 du Code de commerce. Selon elle, la marchandise a été finalement embarquée le 16 février 2015, et donc livrée au port de [Localité 3] en tenant compte de la durée du voyage maritime de 40 jours, le 28 mars 2015. L'action introduite le 20 avril 2016 serait en conséquence prescrite comme l'ont indiqué les premiers juges.

La société TIER PORT SERVICES maintient être intervenue en qualité de commissionnaire et se réfère aux courriels échangés entre les parties sur la mission confiée, rappel étant fait selon elle que l'absence de documents de transport et l'intervention d'autres entreprises est inopérante sur la qualification, et que la société DT PROJECT ne lui a imposé aucun mode de transport, ni aucune entreprise.

La société TIER PORT SERVICES conteste que le courriel du 4 mars 2014 ait pour effet d'intervertir la prescription, celui ci ne contenant aucune promesse formelle de règlement. Elle conteste de même toute novation en contrat de porte fort d'exécution à défaut de contrat conclu entre elle-même et le sous-traitant.

Subsidiairement, la société TIER PORT SERVICES conclut à sa mise hors de cause en l'absence de faute personnelle démontrée à son encontre, ayant indiqué à la société FMS LOGISTICS le caractère dangereux de la marchandise, cotée classe 9 dans son courriel d'instruction du 6 novembre 2013. Plus subsidiairement encore, elle conclut à la limitation de l'indemnisation.

A titre subsidiaire, la société TIER PORT SERVICES invoque la faute de la société FMS LOGISTICS, invoquant la théorie de l'apparence concernant son implication dans le transport, et demande à être par elle garantie de toute condamnation.

La société TIER PORT SERVICES demande en tout état de cause la condamnation de toute partie succombante à lui verser une somme de 7 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FMS LOGISTICS, par conclusions déposées par voie électronique le 26 septembre 2019, demande la confirmation de la décision ayant déclarée prescrite l'action en responsabilité formée par la société DT PROJECT. Elle invoque en tout état de cause la prescription de l'action en garantie, invoquant là encore les dispositions de l'article 133-6 du Code de commerce et soutenant que le délai d'un mois prévu par l'alinéa 4 ne s'applique pas aux commissionnaires de transport et aux transporteurs.

Sur le fond, la société FMS LOGISTICS conteste être intervenue dans l'expédition des conteneurs litigieux et soutient qu'aucune pièce n'établit l'existence de cette intervention, le transport ayant été organisé et facturé par la société HERMES et la demanderesse n'étant pas fondée à invoquer la théorie de l'apparence.

La société FMS LOGISTICS conclut en conséquence à la confirmation de la décision, subsidiairement à la prescription de l'action en garantie et à son caractère mal fondé et demande à la cour de condamner la société 35 000 € de dommages intérêts pour procédure abusive et 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Encore plus subsidiairement, elle conclut à la limitation de la condamnation aux sommes de 1 241 € 35 et 5 505 USD.

MOTIFS DE LA DÉCISION

C'est par une exacte analyse des pièces versées aux débats, et tout particulièrement des deux courriels adressés les 17 septembre 2013 et 6 novembre 2016, que les juges ont retenu que la société TPS s'était engagée à organiser les opérations de transport terrestre et maritime des deux conteneurs DT PROJECT sans qu'aucune directive ne lui soit donnée sur les modalités de ces transports, ni sur le choix des transporteurs et qu'elle en a conclu que la société TPS avait la qualité de commissionnaire de transport.

L'article L 133-6 du Code de commerce dispose que les actions pour avaries, pertes ou retards auxquels peut donne lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité ; cette disposition s'applique à la responsabilité des commissionnaires de transport.

Le point de départ du délai prévu par l'article L 133-6 du Code de commerce est en cas d'avarie le jour de la livraison effective de la marchandise, conformément au droit commun de la prescription en matière extra contractuelle qui retient comme point de départ de toute action en responsabilité le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer ; en matière de retard dans la livraison, le point de départ doit être fixé au jour de la livraison effective ou pour le moins lorsque la date de cette livraison demeure inconnue, au jour où cette livraison devait intervenir, le destinataire étant en mesure de connaître dès cette date l'existence du fait dommageable ; en l'espèce, et de manière au demeurant surprenante, aucune des parties n'est en mesure d'indiquer le jour de la livraison effective des deux conteneurs à leur lieu de destination ; en revanche, il n'est pas contesté que la société DT PROJECT a été informée par courriel du 29 janvier 2014 du refus du transporteur maritime de prendre en charge les conteneurs, et donc nécessairement du retard apporté à la livraison, et que la date de livraison prévue était celle mentionnée dans les échanges de courriels, soit le 7 mars 2014, date d'arrivée du transport maritime au port du [Localité 7] ; il apparaît dès lors que la société DT PROJECT était en mesure de connaître l'existence du retard apporté au transport dès le 29 janvier 2014 et qu'en toute hypothèse ce retard a été constatable dès le mois de mars 2014, à l'arrivée en FRANCE du navire ayant refusé la prise en charge ; c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont constaté que l'assignation délivrée par la société DT PROJECT l'avait été en avril 2016, soit plus d'un an après ces deux dates.

L'article 2231 du Code civil issu de la loi du 17 juin 2008 à vocation à s'appliquer, sauf exception textuelle, à l'ensemble des prescriptions ; il dispose que l'interruption du délai efface le délai de prescription acquis, et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien, et met ainsi expressément fin au mécanisme de l'interversion de prescription lié au système antérieur à la loi du 17 juin 2008 ; en outre, et surabondamment, le courriel en date du 4 mars 2014 excipé par la société TPS concerne la responsabilité d'un sous traitant, mais ne peut être analysé comme une reconnaissance par le commissionnaire de sa propre responsabilité accompagnée d'une offre chiffrée de dédommagement ; les premiers juges ont en conséquence à raison appliqué au litige les règles de la prescription annale de l'article L 133-6 du Code de commerce et déclaré éteinte l'action de la demanderesse.

L'intention de nuire de la société TPS n'est nullement démontrée et la société FR MEYER'SOHN sera en conséquence déboutée de sa demande en dommages intérêts.

La société DT PROJECT succombant en son appel, elle devra régler à la société TPS et à la société FR MEYER'S SOHN chacune la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 21 septembre 2018 dans l'intégralité de ses dispositions,

Y ajoutant,

- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

- CONDAMNE la société DT PROJECT à verser à la société TIER PORT SERVICES et à la société FR MEYER'SOHN Gmbh chacune la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- MET l'intégralité des dépens à la charge de la société DT PROJECT, dont distraction au profit des avocats à la cause en ayant fait la demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 18/17930
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;18.17930 ?
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