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13/05/2022 | FRANCE | N°21/04056

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 13 mai 2022, 21/04056


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 21/04056 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHEIF







Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE





C/



S.A.S. [5]

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-

CPCAM BDR



- Me Virginie GAY-JACQUET

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 16 Février 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/10971.





APPELANTE





CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE, demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]



représentée par Mme [X] [J], Inspectrice Juridique, en ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/04056 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHEIF

Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE

C/

S.A.S. [5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-

CPCAM BDR

- Me Virginie GAY-JACQUET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 16 Février 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/10971.

APPELANTE

CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE, demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

représentée par Mme [X] [J], Inspectrice Juridique, en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

S.A.S. [5], demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représentée par Me Virginie GAY-JACQUET, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Vanessa DIDIER, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [T] [I], employé en qualité d'ouvrier qualifié par la société [5] depuis le 23 octobre 1995 a été victime le 09 avril 2014 d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône l'a déclaré consolidé à la date du 05 octobre 2017 et a fixé à 12% son taux d'incapacité permanente partielle.

La société [5] a saisi le 06 février 2018 le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille de sa contestation de cette décision afférente au taux d'incapacité.

Par jugement en date du 16 février 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* dit que le taux d'incapacité permanente partielle résultant de l'accident du travail dont a été victime M. [T] [I] est fixé à 5% vis à vis de l'employeur la société [5],

* condamné la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône aux dépens comprenant les frais de la consultation médicale.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône a relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions visées par le greffe le 10 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* confirmer l'opposabilité du taux d'incapacité permanente partielle de 12% à la société [5] pour les séquelles de l'accident de travail du 09 avril 2014 de son salarié M. [T] [I],

* ordonner la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction,

* débouter la société [5] de toutes ses demandes.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 15 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [5] sollicite la confirmation du jugement entrepris.

A titre subsidiaire, elle sollicite une expertise aux frais supportés par la caisse.

MOTIFS

L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.

Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Ainsi, le taux d'incapacité doit s'apprécier à partir de l'infirmité dont la victime est atteinte et d'un correctif tenant compte de l'incidence concrète de cette infirmité sur son activité, et ce en se plaçant à la date de la consolidation.

La caisse se prévaut du chapitre 3.1 du barème et soutient que les séquelles présentées par le salarié sont importantes et ont conduit à son licenciement pour inaptitude le 04 octobre 2015 alors qu'il était toujours en arrêt de travail pour cet accident.

Elle précise que lors de son accident du travail le salarié a chuté du camion d'une hauteur de 1m20 avec réception sur le côté droit et présente une raideur du rachis cervical après chirurgie d'arthrodèse cervicale avec complication opératoire, l'électromyogramme mettant en évidence l'atteinte nerveuse périphérique du membre supérieur droit.

Elle soutient que le médecin consultant ne tire pas les conséquences de ses propres constatations en soulignant que bien qu'il existe un état antérieur le salarié a dû être opéré dans les suites des lésions de l'accident du travail et que cette opération a eu lieu pour les lésions de l'accident du travail et non pour l'état antérieur.

Elle se prévaut de l'argumentaire de son médecin conseil.

L'intimée réplique que plusieurs compte-rendus de consultations et d'hospitalisations font état d'un deuxième accident du travail et relève qu'il y a eu un premier arrêt du travail du 09/04/2014 au 14/01/2015 puis un second du 13/05/2015 au 31/07/2016. Elle souligne que la transcription de l'examen clinique réalisé par le médecin conseil ne retrouve aucun déficit moteur au niveau du membre supérieur droit, que les dysesthésies alléguées par l'assuré ne sont validées par aucun compte rendu de consultation et que si aucun document ne permet d'affirmer l'existence d'un état antérieur, l'absence totale d'information sur l'accident survenu entre le 14 janvier 2015 et le 13/05/2015 pose problème.

Le barème indicatif d'invalidité des accidents du travail définit la consolidation comme correspondant au 'moment où, à la suite de l'état transitoire que constitue la période des soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent sinon définitif, tel qu'un traitement n'est plus en principe nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente consécutive à l'accident, sous réserve de rechutes et de révisions possibles'.

En présence d'un état antérieur, ce barème précise la nécessité de distinguer trois situations, les séquelles rattachables à l'accident du travail, étant en principe seules indemnisables, en distinguant selon que:

* l'état pathologique antérieur muet a été révélé à l'occasion de l'accident de travail, sans aggraver les séquelles, et dans ce cas il n'y a pas lieu d'en tenir compte,

* l'état pathologique antérieur muet révélé à l'occasion de l'accident du travail l'a aggravé, et dans ce cas, il doit y avoir indemnisation de l'aggravation résultant du traumatisme,

* l'état pathologique antérieur était connu avant l'accident et se trouve aggravé par celui-ci, dans ce cas cet état connu doit être évalué et l'aggravation indemnisable résultant de l'accident doit prendre en considération les séquelles présentées.

En l'espèce, le certificat médical initial en date du 09 avril 2014, daté du jour de l'accident du travail, établi par un médecin de la clinique de [6], mentionne une contusion de l'épaule droite ainsi qu'une cervico-dorsalgie et prescrit un arrêt de travail prolongé pour ce motif jusqu'au certificat médical du 5 mai 2014 mentionnant en sus '[7] C5 droite', celui du 19 mai 2014 faisant mention de '[7] droite par hernie discale C3/C4", éléments repris sur les certificats de prolongation suivants jusqu'au certificat du 14 janvier 2015 prescrivant la poursuite des soins, jusqu'au 14 février 2015, avec mention d'une reprise du travail au 14 janvier 2015, et la précision d'une 'amélioration des douleurs cervico-brachiales', soins dont la prescription est prolongée jusqu'au certificat médical du 13 mai 2015 qui prescrit à nouveau un arrêt de travail pour 'névralgies cervico-brachiales par hernie discale C4 C5" également prolongé ensuite.

Il est donc exact qu'il y a eu dans les certificats médicaux de prolongation une interruption des arrêts de travail prescrits entre le 14 janvier 2015 et le 13 mai 2015, mais la cour constate que durant cette période la prolongation des soins a été prescrite pour les lésions initialement constatées.

Il ne peut donc se déduire de cette interruption des prescriptions des arrêts de travail que le salarié aurait été victime d'un second accident du travail alors qu'il était toujours dans les liens de son contrat de travail avec l'intimée qui l'a licencié ultérieurement le 04 octobre 2015.

De plus l'intimé n'établit pas l'existence d'un second accident du travail après celui du 09 avril 2014.

La cour constate que des arrêts de travail ont à nouveau été prescrits en continu du 13 mai 2015 jusqu'au certificat du 27 août 2015, mentionnant une reprise du travail au 31 août 2015 mais avec poursuite des soins toujours pour '[7] droite par hernie discale C4 C5" jusqu'au 30 septembre 2015 et que ce jour là un nouvel arrêt de travail a été prescrit pour 'hernie discale C4 C5 droite' prolongé en continu jusqu'au certificat du 1er mars 2016, mentionnant une arthrodèse verticale avec prolongation de l'arrêt de travail, les certificats de prolongation suivant faisant en outre mention d'une situation post-opératoire avec atteinte plexulaire, les certificats médicaux de prolongation ultérieurs à compter du 1er août 2016 prescrivant la prolongation des soins en continu jusqu'à la date de consolidation.

Le rapport du médecin conseil de la caisse évaluant le taux d'incapacité permanente partielle travail n'est pas versé aux débats.

Le rapport du médecin consultant désigné en première instance indique qu'une lésion nouvelle est apparue le 05 mai 2014 '[7] C5Dr', puis une autre lésion nouvelle le 12/05/2014 'hernie discale C3 C4" et que le compte rendu opératoire du 25 février 2016 mentionne une discopathie (mot suivant illisible) C5 C6 avec décompression arthrodèse.

Il mentionne que l'IRM du 23 février 2015 fait état de discopathies dégénératives avec pincement des disques C3 C4, C4 C5 et C6 C7 avec canal cervical étroit congénital (C3-C4, C4-C5).

Il fait état d'un examen non daté dont il résulte une gène à la rotation du cou, des difficultés pour les gestes, un enraidissement modéré du rachis, des contractures para cervicales douloureuses en C5 C6 et C6 C7 avec irradiations dans le membre supérieur droit et conclut qu'il existe un enraidissement modéré du rachis cervical séquellaire d'une arthrodèse C5 C6 et une importante intrication d'un état antérieur dégénératif qui a été dolorisé pour évaluer le taux d'incapacité permanente partielle à 5% au regard du chapitre 3.1.

Le médecin conseil de l'employeur, qui à la différence de la cour, a manifestement eu connaissance du rapport pour évaluation du taux d'incapacité permanente partielle du médecin conseil de la caisse, reprend la chronologie des certificats médicaux et déduit l'existence d'un second accident du travail dont il ne précise pas la date, d'une part de l'interruption de la prescription d'arrêts de travail entre le 14 janvier 2015 et le 13 mai 2015 et d'autre part en se fondant essentiellement sur l'extrait de la consultation du Dr [Y] du 08 juillet 2015 qu'il dit indiquer 'cervico-rachialgie droite pénible. Il a repris le travail en janvier bien qu'il continuait à être gêné par son nouvel accident du travail et un nouvel arrêt de travail'.

Cette citation de la teneur d'un compte rendu d'examen médical, non versé aux débats, ne permet pas à la cour de retenir l'existence d'un second accident du travail après la reprise du travail le 14 janvier 2015 et le nouvel arrêt de travail prescrit le 13 mai 2015, d'autant que le salarié est demeuré dans les liens de son contrat de travail jusqu'à son licenciement du 04 octobre 2015, et que si tel avait été le cas, l'intimée est nécessairement en mesure de le justifier.

De plus, la caisse indique dans ses conclusions, sans être contredite, ne pas avoir reçu ni instruit une déclaration d'accident du travail entre le 14 janvier et le 13 mai 2015 ni après.

Le médecin consultant sollicité sur l'audience de première instance ne précise pas si l'état antérieur dont il fait mention était muet ou connu.

Le médecin consultant de l'employeur écrit qu'aucun document ne permet d'affirmer l'existence d'un état antérieur et relève dans son argumentaire que le médecin conseil (de la caisse) souligne au paragraphe 'discussion médico-légale' que le chirurgien précisait que l'atteinte périphérique est liée au morphotype du patient, à la mauvaise tolérance de la position opératoire plutôt qu'à un conflit cervical persistant.

Dés lors, il doit être considéré que l'état antérieur dont l'existence n'est pas réellement contestée, était nécessairement un état muet et qu'il a été révélé par les examens médicaux réalisés dans les suites de l'accident du travail.

Reste la difficulté relative à l'incidence de cet état sur les séquelles et à celle de l'accident du travail sur cet état antérieur.

Dans son argumentaire, le médecin conseil de la caisse indique que le taux de 12% a été fixé 'pour raideur cervicale modérée, séquellaire d'intervention d'arthrodèse C5 C6 pour une symptomatologie de névralgie cervico brachiale droite, sur état antérieur et dysesthésies du membre supérieur droit' et se réfère ensuite à une expertise médicale d'imputabilité en date du 18 août 2014 qui indique que 'la symptomatologie faite de douleurs cervicales importantes avec limitation des mouvements et névralgie C5C6 droite est en rapport avec le traumatisme et que les lésions mentionnées dans le certificat médical du 12 mai 2014 ont un lien de causalité direct certain et exclusif avec l'accident déclaré'.

Il s'ensuit que l'état antérieur révélé par les examens consécutifs à l'accident du travail l'a aggravé et qu'il doit être tenu compte dans l'indemnisation de l'aggravation résultant du traumatisme.

Le guide barème mentionne pour les atteintes du rachis cervical (chapitre 3.1) que l'évaluation de l'incapacité doit se faire d'après la flexion en avant du menton sur le sternum et la persistance de douleurs et de gène fonctionnelle, qu'il y ait ou non séquelles de fracture d'une pièce vertébrale en donnant les fourchettes suivantes selon que ces douleurs sont qualifiées de:

- discrètes: 5 à 15,

- importantes: 15 à 30,

- très importantes séquelles anatomiques et fonctionnelles 40 à 50.

A la date de la consolidation, il a été constaté par le médecin conseil de la caisse l'existence de séquelles qualifiées d'importantes, élément médical non contredit dans l'argumentaire du médecin conseil de l'employeur, et la cour constate que le médecin consultant de première instance fait mention de l'enraidissement modéré du rachis cervical avec une importante intrication d'un état antérieur dolorisé.

Or cette intrication de l'état antérieur n'a pas à être prise en compte dés lors qu'il doit être retenu qu'il était muet et que l'accident du travail l'a aggravé.

Le taux d'incapacité permanente partielle de 12% retenu par le médecin conseil de la caisse se situe dans la fourchette indicative du barème.

En l'absence de différent médical, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise et le taux de 12% doit être déclaré opposable à l'employeur par infirmation du jugement entrepris.

Succombant en ses prétentions la société [5] doit être condamnée aux dépens, hormis les frais de la consultation ordonnée en première instance demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

PAR CES MOTIFS,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Dit opposable à la société [5] le taux d'incapacité permanente partielle de 12% attribué par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône à M. [T] [I] à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 09 avril 2014,

- Déboute la société [5] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne la société [5] aux dépens, hormis les frais de la consultation médicale demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/04056
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;21.04056 ?
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