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13/05/2022 | FRANCE | N°21/03461

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 13 mai 2022, 21/03461


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 21/03461 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCHN







Société BETONS SERVICES TRANSPORTS





C/



[V] [C]

S.A.S. INTERIMA

CPAM DES ALPES MARITIMES

S.A. ALLIANZ IARD















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Annie BERLAND


>- Me David-andré DARMON





- Me Alain DE ANGELIS



- Me Stéphane CECCALDI







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 29 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/00693.





APPELANTE



Société BETONS SERVICES TRANSPORTS, d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/03461 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCHN

Société BETONS SERVICES TRANSPORTS

C/

[V] [C]

S.A.S. INTERIMA

CPAM DES ALPES MARITIMES

S.A. ALLIANZ IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Annie BERLAND

- Me David-andré DARMON

- Me Alain DE ANGELIS

- Me Stéphane CECCALDI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 29 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/00693.

APPELANTE

Société BETONS SERVICES TRANSPORTS, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Annie BERLAND de la SELARL RACINE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMES

Monsieur [V] [C], demeurant [Adresse 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001351 du 25/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),

représenté par Me David-andré DARMON, avocat au barreau de NICE

S.A.S. INTERIMA prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège , demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Alain DE ANGELIS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julie SEGOND, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A. ALLIANZ IARD prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration, domicilié [Adresse 1]

représentée par Me Alain DE ANGELIS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julie SEGOND, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES ALPES MARITIMES, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M.[V] [C], salarié intérimaire de la société Intérima, a été victime le 10 août 2017, alors qu'il était mis à disposition de la société Béton services transports, d'un accident du travail, pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La caisse l'a déclaré consolidé à la date du 15 juin 2018, en lui reconnaissant un taux d'incapacité permanente partielle de 3%.

M. [C] a saisi le 17 avril 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans cet accident.

Par jugement en date du 29 janvier 2021, rectifié le 15 avril suivant, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, a:

* dit que l'accident du travail dont M. [C] a été victime le 10 août 2017 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société Interima,

* accordé à M. [C] la majoration à son taux maximal du capital de rente qui lui est servi,

* ordonné avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices une expertise médicale,

* fixé la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert dont la caisse primaire d'assurance maladie devra faire l'avance,

* rejeté la demande de provision formulée par M. [C],

* dit que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes fera l'avance des sommes allouées à titre de réparation à M. [C],

* condamné la société Interima à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes les sommes dont elle sera amenée à faire l'avance au titre de la réparation de la faute inexcusable,

* condamné la société Béton services transports à relever et garantir la société Interima du chef des sommes mise à sa charge au titre des conséquences de la faute inexcusable, à savoir la majoration de rente et les indemnités réparant les préjudices complémentaires,

* sursis à statuer sur les autres demandes et a renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.

Ce jugement est assorti de l'exécution provisoire.

La société Béton services transports a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 24 juin 2021, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société Béton services transports sollicite la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

* débouter la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes de ses demandes à son encontre,

* débouter la société Interima de ses demandes à son encontre.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sur l'expertise ordonnée et de débouter M. [C] de ses demandes de majoration de capital de rente, de provision et du surplus de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de juger que la majoration du capital alloué sera fixé de telle sorte qu'elle ne puisse dépasser le montant du dit capital.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de M. [C] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par conclusions visées par le greffier le 02 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, les sociétés Interima et Allianz iard, son assureur, sollicitent la réformation du jugement entrepris hormis en ce qu'il a rejeté la demande de provision.

Elles demandent à la cour de débouter M. [C] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable et de ses demandes subséquentes.

La société Interima sollicite sa mise hors de cause et la condamnation de M. [C] ou de tout succombant à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elles demandent à la cour de:

* dire que l'accident du travail dont a été victime M. [C] est dû à la faute inexcusable de la société Béton service substituée dans la direction de son employeur la société Interima,

* statuer ce que de droit sur la majoration de capital sollicitée par la victime,

* dire que la caisse primaire d'assurance maladie paiera au demandeur les sommes lui revenant et en récupérera le montant auprès de l'employeur,

* dire que la société Béton services transports, seule responsable des causes de l'accident et de la faute inexcusable commise, relèvera et garantira la société Interima totalement des conséquences financières du présent litige,

* déclarer le 'jugement' commun et opposable à la société Allianz,

* dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 au bénéfice de M. [C],

* débouter M. [C] de sa demande en dommages et intérêts.

Par conclusions remises par voie électronique le 1er mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [C] sollicite la confirmation du jugement entrepris hormis en ce qu'il a rejeté sa demande de provision.

Il demande à la cour de:

* débouter les sociétés Béton services transports, Interima et Allianz de leurs demandes dirigées à son encontre,

* condamner in solidum les sociétés Interim et Béton services transports à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

* condamner in solidum les sociétés Interima et Béton services transports à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions visées par le greffier le 02 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes indique s'en remettre à l'appréciation de la cour sur la recevabilité de l'appel et sur la faute inexcusable.

Dans l'hypothèse où celle-ci serait retenue, elle lui demande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Interima à lui rembourser les sommes dont elle a, aura ou fera l'avance pour son assuré social et de déclarer l'arrêt commun à la compagnie d'assurance Allianz.

Elle sollicite la condamnation de la partie succombant à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

* sur la faute inexcusable:

Dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'employeur a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants. Les articles R.4121-1 et R.4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

L'article R.4321-1 du code du travail dispose que l'employeur met à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité.

Le manquement à cette obligation de sécurité a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il suffit que la faute inexcusable de l'employeur soit une cause nécessaire de l'accident du travail pour engager sa responsabilité.

En matière d'accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur, il résulte de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale que l'entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction, au sens de l'article L.452-1, à l'entreprise de travail temporaire et l'article L.1251-21 du code du travail dispose que pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, et notamment de ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail.

Le salarié ayant confirmé lors de l'audience devant la cour ne pas invoquer la présomption de la faute inexcusable, il doit établir que son accident présente un lien avec une faute commise par son employeur dans le cadre de son obligation de sécurité.

Pour juger que l'accident du travail dont a été victime le salarié le 10 août 2017 est dû à la faute inexcusable de la société Interima et que la société Béton services transports doit la relever et garantir du chef des sommes mises à sa charge au titre des conséquences de la faute inexcusable les premiers juges ont retenu que les circonstances de l'accident du travail, à savoir le déplombage de la toupie, opération consistant à rentrer à l'intérieur afin de faire tomber le béton resté collé sur les parois intérieures, sont suffisamment établies, que l'existence du danger de chute des matériaux résulte de l'opération elle-même et ne pouvait être ignoré de l'employeur, que la preuve de la remise d'équipements de protection individuelle par l'employeur et l'entreprise utilisatrice n'est pas rapportée et que la faute inexcusable est exclusivement imputable à la société utilisatrice.

L'entreprise utilisatrice soutient d'une part que les circonstances de l'accident du travail sont indéterminées, le salarié ne rapportant pas la preuve d'avoir été blessé au visage à la suite de la manipulation du marteau piqueur pour les tâches qui lui avaient été confiées.

Elle soutient d'autre part avoir remis des équipements de protection individuelle et que les attestations dont elle se prévaut ne peuvent être écartées en raison de l'existence d'un lien de subordination avec leurs auteurs. Elle relève que lors de l'expertise médicale, le salarié a reconnu qu'un casque lui avait été fourni et ne pas l'avoir porté dans la toupie de la bétonnière.

Elle allègue avoir rempli son obligation de prévention en remettant les équipements de protection individuelle au salarié et en lui faisant bénéficier lors de sa prise de fonctions d'instructions adéquates relatives à la procédure de déplombage et à la sécurité.

L'entreprise de travail temporaire, employeur, relève que les explications du salarié sur les circonstances de l'accident ne sont pas corroborées et en tire la conséquence que n'étant pas établies, aucun manquement lié à l'accident ne peut lui être imputé.

Elle se prévaut de la charte d'engagement et du QCM de sensibilisation aux risques professionnels qu'elle fait remplir à tous ses salariés, de ce que le contrat de mission ne précise pas que le poste figure sur la liste des travaux prévus par l'article L.4154-2 du code du travail et mentionne que les autres équipements de protection individuelle sont fournis par le client si nécessaire, soutenant établir ainsi avoir rempli son obligation de prévention.

Elle affirme en outre que le salarié avait un casque de protection à sa disposition.

Le salarié leur oppose que son contrat de travail mentionne uniquement le port de chaussures de sécurité, et non celui du casque, qu'il a été grièvement blessé au visage lors de son accident.

Il fait état en page 2 de ses conclusions d'intimé qu'il était porteur de l'ensemble des équipements de protection individuelle requis et notamment d'un casque, tout en indiquant ensuite en page 7, que le port du casque n'est pas mentionné obligatoire dans le contrat de travail et que les mesures de prévention n'ont pas été prises afin d'éviter son accident.

Le contrat de mise à disposition en date du 04 août 2017 mentionne porter sur la mise à disposition de l'entreprise utilisatrice du salarié, pour un poste de manoeuvre, avec les tâches suivantes: 'ranger le dépôt. aider au ponçage et à l'entretien des camions. manutention diverse et ports de charges lourdes. Poste non soumis aux critères de pénibilité'.

Les risques professionnels sont décrits comme étant ceux 'inhérents à la profession selon législation en vigueur'.

Il y est mentionné pour les équipements: port obligatoire de chaussures de sécurité fournies par Interima et que les autres E.P.I (le sont) par le client si nécessaire.

La déclaration d'accident du travail n'est pas versée aux débats et le certificat médical initial produit par le salarié est illisible en ce qui concerne ses mentions manuscrites. Le certificat médical initial de prolongation en date du 02 octobre 2017 mentionne un traumatisme facial avec fracture des os propres du nez.

Dans son courrier en date du 10 octobre 2017 adressé à la Directe, la société Béton services transports écrit que les lésions occasionnées par l'accident du travail, localisées sur le visage, sont les suivantes: 'coupure, égratignure'et décrit ainsi les circonstances de l'accident: 'en utilisant le marteau piqueur pour casser le béton collé dans la cuve, un bloc de béton lui est tombé dessus' et mentionne que l'équipement de travail est le suivant: 'chaussures de sécurité, casque, lunette, gants, casque anti bruit, vêtement long'.

Compte tenu de la teneur de ce courrier de l'entreprise utilisatrice adressé à l'inspection du travail, il ne peut être sérieusement soutenu que les circonstances de l'accident du travail sont indéterminées, elles sont au contraire reconnues par l'entreprise utilisatrice et en concordance avec celles relatées par le salarié.

Il en résulte que le salarié a été blessé au visage par la projection d'un morceau de béton collé dans la cuve de la toupie, dans laquelle il intervenait, alors qu'il utilisait un marteau piqueur mis à sa disposition pour procéder à cette tâche.

Le risque de projection est inhérent à l'utilisation d'un tel outil sur du béton pour l'opération consistant à le décoller de la paroi de la toupie, et l'entreprise utilisatrice qui est spécialisée dans le bâtiment et le transport de béton ne peut l'ignorer.

Elle ne justifie pas de l'existence de son document unique d'évaluation des risques et se contente de verser aux débats une note de service datée du 31 janvier 2012 qui ne peut concerner le salarié intérimaire victime de l'accident du travail du 10 août 2017, en ce qu'il n'est nullement justifié qu'elle a été portée à sa connaissance et qu'il serait l'auteur d'un des paraphes.

Ce document mentionne que pour toute intervention à l'intérieur d'un malaxeur, il faut au minimum deux personnes, un à l'intérieur, l'autre à l'extérieur prés du véhicule, avant d'entrer dans la toupie porter des E.P.I: 'chaussures de sécurité, bouchons antibruit, casque, lunette de protection, masque anti-poussière, gants'.

La société utilisatrice ne justifie pas avoir mis à disposition du salarié intérimaire contre émargement les équipements de protection individuelle non fournis par l'entreprise de travail temporaire dont sa note de service rend le port obligatoire à l'intérieur de la toupie, qui sont effectivement des équipements de nature à limiter ou éviter les conséquences de blessures par projection.

Elle ne justifie pas davantage de la nature des casques de protection auxquels sa note de service fait référence, alors que la localisation des blessures sur le visage du salarié établie par les photographies versées aux débats, impliquaient la nécessité d'un port de casque protégeant non seulement le crâne mais aussi le visage des projections .

Les attestations dont elle se prévaut sont imprécises pour établir la mise à disposition du salarié d'un casque assurant la protection du visage:

* M. [H] attestant que 'pendant le déplombage M. [C] portait tous ses E.P.I',

* M. [R] écrivant quant à lui : 'le jour de l'accident, M. [C] était bien en possession de ses E.P.I à savoir le casque, masque, gants, lunettes et protections auditives' et que 'pour le déplombage de la toupie toutes les explications nécessaires au bon déroulement de l'activité lui ont été données'. Pour autant, ce 'témoin' n'indique pas ce qui lui permet d'affirmer que le salarié était en possession des équipements de protection individuelle qu'il liste, ni qui les lui avait remis, ni s'il les portait, et ne les décrit pas davantage.

S'il est exact que dans son rapport d'expertise médicale, l'expert désigné par les premiers juges mentionne que le salarié 'rapporte que le 10 août 2017 dans la matinée, (....) il lui fut demandé de procéder à l'enlèvement de dépôt de ciment à l'intérieur d'une toupie. M. [C] dit avoir pénétré sans casque car celui qui lui était proposé n'avait pas de lanière pour le maintenir et il aurait commencé le travail au marteau piqueur. Des plaques de ciment se sont alors détachées et ont blessé M. [C] à la tête', pour autant l'absence de justufucation de la mise à disposition du salariée d'un casque par la société utilisatrice ne permet pas de considéré qu'elle a remli son obligation de prévention du risque en lui remettant un équipement de protection adapté.

Pour rapporter la preuve qui lui incombe d'avoir rempli son obligation de prévention du risque lié aux projections de morceaux de béton décollés de la toupie du camion avec un marteau piqueur, en mettant à la disposition des travailleurs les équipements de protection individuelle adaptés, l'entreprise utilisatrice doit justifier d'une part de la mise à disposition du salarié victime de l'accident du travail avant celui-ci de ces équipements et d'autre part de ce que les casques de mis à disposition étaient appropriés à assurer sa protection contre le risque de projection.

Or elle est défaillante dans l'administration de cette preuve.

Ne justifiant pas avoir mis à la disposition du salarié intérimaire des équipements de protection appropriés permettant de protéger le visage de projections de morceaux de ciment alors que ce risque est, ainsi que retenu avec pertinence par les premiers juges, intrinsèque à la nature de la tâche consistant à décoller le ciment avec un marteau piqueur en se trouvant à l'intérieur de la toupie, il s'ensuit que le manquement à l'obligation de sécurité à laquelle elle est substituée à l'employeur doit être retenu, ce manquement étant constitutif de la faute inexcusable.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a retenu que l'accident du travail est dû à la faute inexcusable, mais réformé compte tenu de sa rédaction, la faute étant imputable à la société utilisatrice substituée à l'employeur dans la direction du salarié dans les conditions d'exécution du travail ayant trait à la santé et à la sécurité au travail.

* sur les conséquences de la faute inexcusable :

Lorsque l'accident du travail ou la maladie professionnelle est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit, en application des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente, à une indemnisation complémentaire du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurée, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, et depuis la décision du conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, à une réparation de son préjudice au-delà des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.

La majoration du capital de rente à son maximum ordonnée par les premiers juges doit être confirmée et l'expertise médicale du reste réalisée, est nécessaire pour statuer sur l'indemnisation des préjudices, ce qui justifie conformation du jugement entrepris de ces chefs.

L'existence des lésions qui n'est pas contestable justifie, par réformation du jugement entrepris d'allouer au salarié une indemnité provisionnelle de 2 000 euros dont la caisse devra faire l'avance.

Concernant l'action récursoire de la caisse, la cour n'est pas saisie d'une demande de réformation à cet égard.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [C] les frais qu'il a été contraint d'exposer pour sa défense en cause d'appel, ce qui justifie de lui allouer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à la charge de son employeur.

La cour n'est pas saisie d'une demande de réformation du jugement entrepris concernant l'action récursoire de la société Interima à l'encontre de la société Béton services transports.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Interima les frais exposés pour sa défense.

Les dépens doivent être réservés en fin de cause.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour hormis en ce qu'il a dit que l'accident du travail dont M. [C] a été victime le 10 août 2017 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société Interima et a rejeté la demande d'indemnité provisionnelle de M. [C],

- Le réforme de ces chefs,

Statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,

- Dit que l'accident du travail survenu le 10 août 2017 à M. [V] [C] est dû à la faute inexcusable de la société Béton services transports, substituée dans la direction à la société Interima,

- Alloue à M. [V] [C] une indemnité provisionnelle de 2 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

- Dit que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes en fera l'avance et pourra en récupérer directement et immédiatement le montant auprès de l'employeur la société Interima,

- Condamne la société Interima à payer à M. [V] [C] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que le présent arrêt est opposable à la société Allianz iard,

- Rappelle que le présent arrêt est commun à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des sociétés Interima et Béton services transports,

- Déboute la société Béton services transport de l'ensemble de ses demandes,

- Réserve les dépens en fin de cause.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/03461
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;21.03461 ?
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