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13/05/2022 | FRANCE | N°21/03015

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 13 mai 2022, 21/03015


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 21/03015 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHAU2







S.A.R.L. JEAN DE LA FONTAINE





C/



Etablissement Public URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR



















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Robert BENDOTTI



- URSSAF PACA

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 29 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01387.





APPELANTE



S.A.R.L. JEAN DE LA FONTAINE, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Robert BENDOTT...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/03015 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHAU2

S.A.R.L. JEAN DE LA FONTAINE

C/

Etablissement Public URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Robert BENDOTTI

- URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 29 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/01387.

APPELANTE

S.A.R.L. JEAN DE LA FONTAINE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Robert BENDOTTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 2]

représentée par M. [X] [W], Inspecteur du contentieux en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Lors d'un contrôle du salon de thé 'la Fontaine', sis à [Localité 3], effectué le 6 décembre 2017 à 14 heures 55, par l'URSSAF, il a été constaté que M. [P] [B], vêtu d'un tablier blanc de cuisine y était occupé, sans avoir fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche.

L'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur a notifié à la société Jean de la Fontaine une lettre d'observations en date du 29 mai 2018 portant redressement de cotisations et contributions de sécurité sociale pour un montant de 5 854 euros outre la majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé d'un montant de 1 161 euros, puis après échange d'observations, une mise en demeure en date du 08 janvier 2019, d'un montant total de 7 424 euros (5 854 euros de cotisations, 1 161 euros de majoration pour infraction de travail dissimulé et 409 euros de majorations).

Après rejet le 29 mai 2019 par la commission de recours amiable de sa contestation, la société Jean de la Fontaine a saisi le 12 juillet 2019le tribunal judiciaire de Nice, pôle social.

Par jugement en date du 29 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, a:

* déclaré le recours recevable,

* confirmé la décision de la commission de recours amiable du 29 mai 2019,

* condamné la société Jean de la Fontaine à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 4 763 euros (soit 4 763 euros de cotisations et 409 euros de majorations de retard),

* condamné la société Jean de la Fontaine aux dépens.

La société Jean de la Fontaine a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions remises par voie électronique le 08 mars 2021, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société Jean de la Fontaine sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* annuler la mise en demeure du 08 janvier 2019,

* débouter l'URSSAF de toutes ses demandes,

* condamner l'URSSAF à lui restituer les sommes encaissées indûment.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de fixer le montant du redressement 'à tenant du salaire réel versé au salarié' et statuer ce que de droit sur les dépens.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 02 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sur les faits de travail dissimulé et de le réformer sur le montant de la condamnation.

Elle lui demande de:

* condamner la société Jean de la Fontaine au paiement en denier ou quittance de la somme de 7 424 euros soit 5 854 euros de cotisations, 1 161 euros de majorations de redressement et 409 euros de majorations de retard,

* condamner la société Jean de la Fontaine au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS

Par application des dispositions de l'article L.242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale sont assujetties à cotisations l'ensemble des sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

Il résulte des dispositions de l'article L.311-2 du code de la sécurité sociale que sont obligatoirement affiliées aux assurances sociales du régime général quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, de l'un ou l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quel que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

L'article L.1221-10 du code du travail dispose que l'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative accomplie par l'employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet.

Il résulte de l'article L.8221-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 en date du 8 août 2016, applicable en l'espèce, qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à son obligation relative à:

- la déclaration préalable à l'embauche,

- la délivrance d'un bulletin de paye, ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur ceux-ci un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail,

- aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu de dispositions légales.

L'appelante soutient que l'employeur est dispensé de déclaration préalable à l'embauche en cas de conclusion avec le même salarié d'un nouveau contrat prenant la suite d'un précédent sans interruption en se prévalant d'une circulaire de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale. Elle expose que le salarié concerné a fait l'objet d'un premier contrat de travail à durée déterminée saisonnier de 151.67 heures mensuelles portant sur la période du 1er mai au 30 novembre 2017, prévoyant la possibilité de deux prolongations par avenant, qu'un premier avenant a été signé le 1er juillet 2017 ramenant la durée hebdomadaire à 19 heures, et qu'il s'est poursuivi le 1er décembre 2017 par signature d'un contrat d'usage d'une durée d'un mois.

A titre subsidiaire, elle soutient que pour le calcul du montant du redressement et des majorations il convient de se référer au salaire réel versé au salarié résultant de son bulletin de paye de décembre 2017.

L'intimée lui oppose que si la lettre circulaire n°1993-79 du 06 octobre 1993 de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale prévoit que lorsqu'un même salarié est embauché successivement, à plusieurs reprises par le même employeur, celui-ci doit procéder chaque fois à une déclaration préalable à l'embauche mais que le renouvellement de la déclaration ne s'impose pas lorsque l'exécution de contrats successifs s'effectue sans interruption, ce dispositif ne s'applique pas dans le cadre de la déclaration unique d'embauche instaurée par le décret n°98-252 du 1er avril 1998, lequel permet à l'employeur de se dégager des neuf formalités liées à l'embauche d'un salarié dont la déclaration préalable à l'embauche.

Elle soutient qu'en l'espèce le registre du personnel mentionne une date de sortie du salarié au 30 novembre 2017, que lors du contrôle du 6 décembre 2017 il a déclaré avoir été embauché le matin même pour remplacer le cuisinier absent sans avoir signé de contrat de travail, que le contrat de travail présenté par le gérant est contradictoire avec ces déclarations en ce qu'il est daté du 1er décembre 2017 et qu'il a été relevé que la nouvelle date d'entrée sur le registre est sur la même ligne que celle de la date de sortie mentionnée pour le contrat du 15 avril 2017.

Elle soutient en outre que l'absence de planning et de feuilles de présence, comme l'absence de mention des jours de travail du salarié, ne permettent pas de certifier de façon probante les jours et heures de travail effectuées, ce qui justifie le redressement forfaitaire.

En l'espèce, la réalité de la situation de travail lors du contrôle du salarié dont l'identité a été relevé par l'inspecteur du recouvrement n'est pas contestée.

L'inspecteur du recouvrement indique dans la lettre d'observations avoir:

* d'une part constaté la situation de travail de ce salarié portant un tablier blanc de cuisine le 6 décembre 2017 et mentionné qu'il lui a déclaré avoir été embauché depuis le matin pour remplacer le cuisinier absent et travailler de 11 heures à 15 heures, ne pas avoir encore signé de contrat d'extra et avoir auparavant travaillé pour la société du 01/05/2017 au 30/11/2017,

* d'autre part vérifié le fichier des déclarations préalables à l'embauche dont il est résulté une déclaration en date du 12 avril 2017 pour une embauche au 15avril 2017, l'absence de nouvelle déclaration préalable à l'embauche pour l'embauche au 06 décembre 2017, que lors de son audition le gérant lui a déclaré que le salarié avait été embauché au 1er décembre 2017 en qualité d'extra immédiatement à la fin de son précédent contrat couvrant la période du 15avril 2017 au 30 novembre 2017, et a indiqué ne pas tenir de plannings ni de feuille de présence de ses salariés.

S'agissant des documents présentés par le gérant lors de son audition du 31 janvier 2018, l'inspecteur du recouvrement relève que:

* le registre du personnel fait apparaître que ce salarié est mentionné pour une date d'entrée au 15 avril 2017 et une date de sortie du 30 novembre 2017 avec sur la même ligne mention d'une nouvelle entrée au 1er décembre 2017 sans mention de fin,

* le bulletin de salaire de décembre 2017 indique une rémunération pour 14 heures sans préciser les jours de travail.

Par application des dispositions de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale les procès verbaux dressés par les inspecteurs de recouvrement font foi jusqu'à preuve contraire. Une lettre d'observations étant un élément constitutif des procès-verbaux dressés par les inspecteurs de recouvrement, il s'ensuit, par application des dispositions de l'article L.243-7 du code de la sécurité sociale, que ses mentions font foi jusqu'à preuve contraire.

Les constatations de l'inspecteur du recouvrement ne sont pas contredites par les éléments objectifs versés aux débats par l'appelante.

Il résulte en effet des contrats produits que ce salarié a été embauché par contrat de travail à durée déterminée saisonnier en date du 1er mai 2017 prenant effet le jour même avec pour terme fixé le 30 novembre 2017, pour un emploi de cuisinier à temps plein (151.67 heures mensuelles) qui a fait l'objet d'un avenant en date du 1er juillet 2017 portant sur la durée du travail (et de la rémunération subséquente) ramenée à 82.33 heures mensuelles, répartie deux jours par semaine de 11 heures à 14 heures et une demi-journée de 18 heures à 23 heures, avec la précision que 'la répartition exacte des jours travaillés sur la semaine sera communiquée au salarié par planning remis en mains propres contre décharge avec un délai de prévenance d'au moins 7 jours'.

Le dernier contrat de travail, en date du 1er décembre 2017, est qualifié de contrat de travail à durée déterminée d'usage, mention qui n'est pas compatible avec le remplacement d'un salarié absent, son terme est fixé au '31 décembre 2017 après le travail'. Il mentionne que le salarié est embauché pour deux jours de travail sur le mois de décembre 2017 soit 14 heures, sans précision des jours de travail comme de l'horaire de travail.

Le bulletin de paye de décembre établi pour la période du 1er au 31 décembre 2017, cette seconde date étant qualifiée de date de sortie, et la première d'entrée, ne mentionne ni les dates des jours travaillés, ni le nombre d'heures travaillées, il fait uniquement état d'un salaire de 82.33 euros et d'une 'déduction départ de 68.33 euros' et un versement d'une indemnité de congés payés d'un montant brut de 14.57 euros.

Les déclarations du salarié faites à l'inspecteur du recouvrement sont effectivement en contradiction avec le contrat daté du 1er décembre 2017, lui-même en contradiction avec les mentions du bulletin de paye de décembre 2017.

Il n'est nullement établi que le salarié a été employé en continu entre le terme de son contrat de travail à durée déterminée et l'emploi constaté le 6 décembre 2017, d'autant que les déclarations du salarié sont également contradictoires avec le motif du recours au contrat de travail du 1er décembre 2017.

L'attestation établie par le salarié, datée du 04 septembre 2020 dont se prévaut l'appelante est également dépourvue de tout caractère probant puisqu'il y écrit à la fois avoir travaillé jusqu'au 31 (sic) novembre 2017 et que son employeur lui a 'demandé de poursuivre pour remplacer un des cuisiniers absents' et qu'il a 'pris quatre jours de congés' avant de poursuivre son contrat de travail 'normalement pour les besoins de l'employeur', la cour relevant que le bulletin de paye de novembre 2017 mentionne paiement de 18 jours d'indemnités de congés payés.

Le travail dissimulé est donc établi et l'employeur n'ayant pas été en mesure de justifier dans le cadre du contrôle et vérifications subséquentes des heures réellement travaillées par ce salarié, le redressement forfaitaire est également justifié.

L'URSSAF fait mention dans ses conclusions de paiements postérieurs à la mise en demeure du 8 janvier 2019, effectués les:

* 16 janvier 2019 pour 1 573 euros,

* 20 février 2019 pour 544 euros,

* 20 mars 2019 pour 544 euros,

et précise que sur la mise en demeure il reste dû la somme de 4 763 euros, montant de la condamnation prononcée par les premiers juges et demande à la cour dans sa motivation de confirmer le jugement pour 4 763 euros et dans son dispositif de réformer le jugement entrepris sur le montant de la condamnation prononcée.

En l'absence de motivation de cette demande de réformation sur le quantum, alors que les premiers juges ont retenu à juste titre le montant restant dû, le jugement entrepris doit être confirmé à cet égard.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'URSSAF les frais que cet organisme a été contraint d'exposer pour sa défense en cause d'appel, ce qui conduit la cour à lui allouer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en ses prétentions la société Jean de la Fontaine doit être condamnée aux dépens

.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,

- Déboute la société Jean de la Fontaine de ses demandes,

- Condamne la société Jean de la Fontaine à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Jean de la Fontaine aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/03015
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;21.03015 ?
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