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13/05/2022 | FRANCE | N°21/02439

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 13 mai 2022, 21/02439


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/02439 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG65P





URSSAF PACA



C/



Société [3] ([3])





Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- URSSAF PACA



- Me Jean-Jacques TOUATI















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de

Marseille en date du 07 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 20/00506.





APPELANTE





URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]



représentée par M. [N] [Y], Inspectrice Juridique, en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



[3] ([3]), demeurant [Adre...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/02439 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG65P

URSSAF PACA

C/

Société [3] ([3])

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- URSSAF PACA

- Me Jean-Jacques TOUATI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du tribunal judiciaire de Marseille en date du 07 Janvier 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 20/00506.

APPELANTE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]

représentée par M. [N] [Y], Inspectrice Juridique, en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

[3] ([3]), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-Jacques TOUATI, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

A l'issue d'un contrôle portant sur l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de la garantie des salaires au sein de la société [3] portant sur les années 2005 et 2006, l'URSSAF des Bouches du Rhône lui a notifié une lettre d'observations en date du 04 décembre 2007 comportant un redressement total de 167 950 euros.

Après échanges d'observations l'URSSAF a notifié à la société [3] une mise en demeure en date du 19 août 2008 portant sur un montant total de 196 709 euros dont 159 699 euros au titre des cotisations et contributions et 37 010 euros au titre des majorations de retard.

Après rejet le 27 mai 2009 par la commission de recours amiable de sa contestation, la société a saisi le 11 août 2009 le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement en date du 26 novembre 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône a sursis à statuer en attente de la décision de la cour d'appel dans le cadre d'une autre instance.

Après transmission le 06 février 2020 par l'URSSAF de l'arrêt de la Cour de cassation n°17-21.020 en date du 20 septembre 2018 rejetant par décision non spécialement motivé le pourvoi, par jugement en date du 7 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a :

* annulé la mise en demeure en date du 19 août 2008,

* annulé le redressement de la société [3],

* dit n'y avoir lieu à statuer sur le fond du litige,

* débouté les parties de leurs prétentions,

* mis les dépens de l'instance à la charge de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur,

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

En l'état de ses conclusions n°2 visées par le greffier le 16 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur sollicite l'infirmation de la décision entreprise et demande à la cour de :

* confirmer le redressement notifié par la lettre d'observations en date du 04 décembre 2007,

* confirmer le chef de redressement relatif aux frais professionnels-déduction forfaitaire spécifique- personnel affecté aux joueurs et services annexes,

* confirmer le chef de redressement relatif aux frais professionnels: dirigeants de société: abattement supplémentaire appliqué à tort,

* confirmer le point relatif aux frais professionnels- déduction forfaitaire spécifique-membres du comité de direction,

* condamner la société [3] au paiement des cotisations notifiées par la mise en demeure du 19 août 2008 ramenée par la commission de recours amiable à 120 788 euros de cotisations et 28 003 euros de majorations de retard soit un total de 148 791 euros,

* condamner la société [3] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 16 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [3] sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de juger que la mise en demeure est nulle et rend nulle la procédure de recouvrement et de redressement en cause.

Subsidiairement, elle lui demande de:

* procéder à l'annulation des chefs de redressement contestés pour un montant de 156 629 euros, et en tout état de cause, de lui déclarer inopposable et sans effet toute demande de majorations de retard,

* condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Dans sa rédaction issue de la loi n°2003-1199 en date du 18 décembre 2003 applicable à la date de la mise en demeure litigieuse, l'article L.244-2 du code de la sécurité sociale disposait que toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée du directeur régional des affaires sanitaires et sociales invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.

L'article R.244-1 dans sa rédaction issue du décret n°2007-546 du 11 avril 2007, applicable à la date de la mise en demeure disposait quant à lui que l'envoi par l'organisme de recouvrement ou par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Pour annuler la mise en demeure et le redressement les premiers juges ont retenu que l'URSSAF ne justifie pas de l'avis de réception portant notification de la mise en demeure du 19 août 2008 et ont relevé en outre une différence sensible entre le montant récapitulatif des cotisations redressées figurant au terme de la lettre d'observations du 4 décembre 2007 de 167 950 euros hors majorations de retard et celui arrêté dans la mise en demeure du 19 août 2008 ressortant à 159 699 euros ne permettant pas à la société de connaître avec précision le montant effectif du redressement mis en recouvrement et dés lors l'étendue de ses obligations.

Tout en reconnaissant ne pas produire l'accusé de réception de la mise en demeure, l'URSSAF allègue que la cotisante l'a bien reçue et en a revendiqué la réception le 21 août 2008 dans ses écritures devant le tribunal tout en communiquant une copie tronquée de ladite mise en demeure. Elle soutient que la validité d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception n'est pas soumise à sa réception effective ou à la signature de l'accusé de réception par le cotisant et que si l'envoi de la mise en demeure conditionne effectivement la poursuite du recouvrement, l'accusé de réception constitue pour l'organisme un moyen de preuve de la bonne réception du courrier valant mise en demeure par son destinataire, preuve qu'elle peut rapporter par tout moyen. Elle se prévaut des conclusions prises devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour l'audience du 21 septembre 2012 par la société dans le cadre desquelles celle-ci fait état d'une réception de la mise en demeure le 21 août 2008.

L'intimée lui oppose que ni la mise en demeure ni la lettre d'observations n'ont été l'objet d'un envoi par lettre recommandée avec avis de réception en violation des règles substantielles ce qui emporte nullité de l'opération de recouvrement et de redressement, que la mise en demeure n'indique pas le montant, la nature, l'assiette du redressement, porte sur des montants de redressement différents de ceux de la lettre d'observations, ne mentionne pas le destinataire du contrôle et ne précise pas qui l'a signée.

En l'espèce, l'appelante justifie s'agissant de la lettre d'observations du 04 décembre 2007 de la copie d'un accusé de réception du pli recommandé en date du 6 décembre 2007 et la cour relève que dans son acte de saisine de la commission de recours amiable en date du 19 septembre 2008, la cotisante a écrit d'une part que la lettre d'observations du 04 décembre 2017 lui a été notifiée et d'autre part qu'elle a adressé par lettre en date du 1er février 2008 ses observations sur un certain nombre de points auxquelles l'URSSAF a répondu le 22 avril 2008 en maintenant un certain nombre de chefs de redressement.

Dés lors l'intimée ne peut utilement alléguer en cause d'appel qu'elle n'aurait pas réceptionné la lettre d'observations du 04 décembre 2017.

L'appelante justifie par ailleurs d'une mise en demeure en date du 19 août 2008, d'un montant total de 196 709 euros, dont le destinataire est la société [3], qui fait référence dans la case motif de mise en recouvrement au 'contrôle chefs de redressement notifiés le 04/12/07 du JJ/MM/AA article R.243-59 du code de la sécurité sociale', mentionne porter sur les cotisations et majorations de retard afférentes aux périodes annuelles 2005 et 2006, précise pour chacune de ces années les montants des cotisations et des majorations, le montant total des cotisations demandées étant de 159 699 euros et des majorations de 37 010 euros.

La cour constate effectivement que la copie de cette mise en demeure en date du 19 août 2008 en pièce n°1 de l'appelante ne comporte pas de paraphe sous la mention 'le directeur ou son délégataire'.

L'autre 'copie' de cette mise en demeure du 19 août 2008 versée aux débats par l'appelante, constituant sa pièce n°17, comporte un paraphe, sans précision de l'identité de son auteur, ne mentionne pas son destinataire, mais porte sur les mêmes périodes de cotisations ainsi que sur les mêmes montants de cotisations et de majorations que la pièce n°1 précitée.

Dans les deux cas (pièces n°1 et 17) il est mentionné le délai d'un mois imparti au cotisant pour s'acquitter du paiement.

Il est exact que dans le cadre de ses conclusions récapitulatives n°2 prises, certes en première instance, mais dans le cadre du présent litige, la cotisante a écrit que la 'lettre de mise en demeure datée du 19/8/2008 (lui a été) notifiée le 21/08/08", faisant ainsi reconnaissance de cette réception.

De plus, la cour constate que l'intimée verse aux débats copie de sa lettre de saisine de la commission de recours amiable en date du 19 septembre 2018, qui fait expressément référence d'une part à la lettre d'observations du 4 décembre 2007, à ses observations en date du 1er février 2008, à la réponse de l'URSSAF en date du 22 avril 2008 et à la mise en demeure datée du 19 août 2008 'reçue par notre société le 21 août 2008".

Enfin, la décision de la commission de recours amiable en date du 27 mai 2009 mentionne avoir été saisie d'une contestation partielle par la cotisante de 'la mise en demeure suite à contrôle du 19 août 2008 d'un montant total de 196 709 euros'.

Dés lors, l'absence de justification de la réception de la mise en demeure par l'organisme de recouvrement ne peut constituer un motif d'annulation, la cotisante l'ayant manifestement réceptionnée pour l'avoir itérativement reconnu et avoir fait usage de ses droits en contestant la teneur de cette mise en demeure devant la commission de recours amiable.

Une mise en demeure ne constituant pas un titre, l'identité de son signataire n'a pas à y être mentionnée et ne peut faire grief.

Par contre, il est exact d'une part que la mise en demeure litigieuse ne porte pas sur le même montant en cotisations (159 699 euros) que celui du redressement retenu dans le cadre de la lettre d'observations en date du 04 décembre 2017 qu'elle vise, qui est de 167 950 euros, ce qui représente une différence de 8 251 euros alors que la mise en demeure ne l'explicite pas.

Cette différence négative de montant n'est pas davantage explicitée par l'URSSAF qui indique dans ses conclusions d'appelante que les inspecteurs du recouvrement ont tenu compte des observations de la société qui a évoqué un crédit de 3 982 euros et qui ont annulé le point 4 notifié au titre de l'assiette minimum.

Or la cour constate que le point 4 de la lettre d'observations est une observation pour l'avenir et non un chef de redressement, n'ayant de ce fait aucune incidence sur le montant du redressement retenu et que l'erreur reconnue concernant le point 6 CSG/CRDS: limites d'exonération des indemnités de mise à la retraite retenait une erreur sur l'assiette de cotisations (la cotisante ayant calculé ses cotisations sur 51 309 euros alors qu'elle aurait le faire sur la base de 49 770 euros ce qui induisait comme indiqué un crédit de cotisations de 3 982 euros et non une régularisation en cotisations comme écrit dans la lettre d'observations.

Or cette erreur de crédit/régularisation qui porte sur la somme de 3 982 euros ne peut nullement expliquer la différence de 8 251 euros entre le montant du redressement retenu dans la lettre d'observations et celui mentionné dans la mise en demeure.

Il s'ensuit que la différence de montant entre celui retenu dans la lettre d'observations et celui notifié au titre des cotisations dans la mise en demeure est encore inexpliqué, et que la cotisante est fondée à soutenir que les mentions de la mise en demeure ne lui permettaient pas de connaître la nature, les montants et les périodes des cotisations dont le paiement lui était demandé, ce qui justifie l'annulation de la mise en demeure.

L'URSSAF ne peut plus dés lors solliciter le paiement du redressement sur la base de cette mise en demeure annulée.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a annulé la mise en demeure du 19 août 2008 mais réformé sur le surplus, le redressement n'étant pas subséquent à la mise en demeure dont l'annulation fait uniquement obstacle à la demande de condamnation de l'URSSAF. Le redressement notifié n'a pas lieu d'être annulé.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais exposés pour sa défense.

Succombant en ses prétentions, l'URSSAF ne peut utilement solliciter l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la mise en demeure du 19 août 2008 et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus et y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à annuler le redressement,

- Déboute l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur de ses demandes,

- Dit n'y avoir lieu au bénéfice de quiconque à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/02439
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;21.02439 ?
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