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13/05/2022 | FRANCE | N°20/13263

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 13 mai 2022, 20/13263


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 20/13263 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGWYO







S.A.S. [2]





C/



CPAM DE HAUTE-GARONNE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES



- Me Stéphane CECCALDI





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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 20 Novembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 16/6225.





APPELANTE



S.A.S. [2], demeurant [Adresse 3]



représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, av...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 20/13263 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGWYO

S.A.S. [2]

C/

CPAM DE HAUTE-GARONNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES

- Me Stéphane CECCALDI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 20 Novembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 16/6225.

APPELANTE

S.A.S. [2], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

CPAM DE HAUTE-GARONNE, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [V] [S], employé en qualité d'ouvrier depuis le 03 mars 2002 par la société [2], a déclaré le 22 février 2016 une scapulalgie droite avec bursite sous acromion-deltoïdienne, subluxation du tendon du long biceps, tendinopathie distale des tendons des muscles supra-épineux et subscapulaire en sollicitant sa prise en charge à titre de maladie professionnelle, en joignant un certificat médical en date du 03 février 2016, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne a décidé, le 10 mai 2016 de prendre en charge au titre du tableau 57A des maladies professionnelles.

En l'état d'une décision implicite de rejet par la commission de recours amiable de sa contestation, la société [2] a saisi le 06 octobre 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale, étant précisé que la décision explicite de rejet est intervenue le 24 novembre 2016.

Par jugement en date du 20 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:

* confirmé la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne en date du 24 mai 2016,

* débouté la société [2] de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge,

* déclaré opposable à la société [2] la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 22 février 2016 par M. [V] [S],

*laissé les dépens à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.

La société [2] a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 12 avril 2021, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [2] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'affection de l'épaule droite déclarée par M. [V] [S].

Par conclusions visées par le greffier le 16 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de débouter la société [2] de ses demandes et de la condamner aux dépens.

MOTIFS

Il résulte des dispositions de l'article L.461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale que toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau, est présumée d'origine professionnelle.

A partir de la date à laquelle le travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux, l'article L.461-2 du code de la sécurité sociale subordonne la prise en charge par l'organisme social au titre de la maladie professionnelle, pour les maladies correspondant aux travaux énumérés, à la première constatation médicale pendant le délai fixé à chaque tableau.

La première constatation médicale de la maladie concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de la maladie, même si son identification n'intervient que postérieurement au délai de prise en charge et l'article D.461-1-1 du code de la sécurité sociale, applicable au présent litige, dispose que pour l'application du dernier alinéa de l'article L.461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil.

Le délai de prise en charge, qui a pour point de départ la date de la fin d'exposition au risque est celui au cours duquel doit intervenir la première constatation médicale, laquelle peut être antérieure à la fin de l'exposition au risque.

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'étend pendant toute la durée de l'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime.

En l'espèce, la discussion qui oppose les parties porte exclusivement sur la condition à l'exposition au risque du tableau 57A des maladies professionnelles, les conditions relatives au délai de prise en charge (et à la durée d'exposition), ainsi qu'à la caractérisation de la maladie qui y sont limitativement listés, n'étant pas contestées.

Il résulte du colloque médico-administratif, que la maladie prise en charge est une tendinite rompue de l'épaule droite, objectivée par l'IRM du 28 juillet 2014.

L'employeur expose que l'exposition au risque du tableau 57A n'est pas établie, le salarié n'ayant pas effectué des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

Considérant que les réponses apportées dans les questionnaires employeur/salarié sont contradictoires, il soutient que la caisse devait diligenter une enquête plus poussée afin qu'une étude de poste précise et circonstanciée soit réalisée. Elle souligne que le salarié conduisait pendant 60% de son temps de travail une mini pelle disposant d'accoudoirs et de leviers de commande, qu'il y avait ainsi un soutien des membres supérieurs, et que du fait de la configuration de cet engin, avec un siège surélevé et de la disposition des leviers de commande, la conduite n'implique pas d'angulation supérieur ou égale à 60°. Elle ajoute que dans le cadre de ses autres fonctions, le salarié n'était pas davantage amené à effectuer les mouvements décrits et quantifiés par le tableau 57A.

La caisse lui oppose qu'il résulte des questionnaires que le salarié est employé en qualité d'ouvrier voirie et réseaux divers (Vrd) en travaux publics depuis le 03 mars 2002, travaille à temps complet 7 heures par jour, 5 jours par semaine et est droitier, la pathologie déclarée concernant son épaule droite. Elle relève que la description faite par le salarié de ses tâches correspond à celle décrite sur la fiche Fast n°01-07-14 concernant les ouvriers exécution travaux publics, et qu'il a aussi indiqué être exposé parfois au froid, à l'humidité et à la chaleur, utiliser occasionnellement des outils vibrants et que le document joint au questionnaire employeur corrobore les tâches décrites par le salarié et un poste de travaux occupé en extérieur selon un horaire de jour de 35 heures hebdomadaires même s'il indique que le salarié n'est pas exposé dans le cadre de son travail au froid, à l'humidité ou à la chaleur. Elle souligne que l'employeur n'a pas renseigné les mouvements et la durée cumulée journalière d'activité.

Elle soutient que l'activité de conduite des machines et engins de chantier rendent nécessaires des mouvements de bras décollés du corps avec un angle d'au moins 60°, que les mouvements liés à la montée et à la descente de l'engin obligent nécessairement le chauffeur à lever les bras à au moins 60°, et ce de manière répétée et qu'il en est de même pour la réalisation des autres tâches de la journée d'un ouvrier Vrd en travaux publics quantifiées, pour chacune à hauteur de 10% de son temps de travail quotidien soit prés de 42 minutes par jour et qu'ainsi le salarié effectue bien des tâches qui nécessitent le décollement du bras de plus de 60° du corps pendant plus de deux heures par jour.

Enfin, elle souligne que les modalités de l'instruction décrites par l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale restent de la libre appréciation des caisses primaires.

Il est exact que la caisse a le choix des modalités auxquelles elle a recours pour l'instruction d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

Le tableau n° 57 A liste limitativement les travaux susceptibles de provoquer la tendinite rompue de l'épaule' comme 'comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction:

- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé,

ou

- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.'

Les questionnaires salarié et employeur sont concordants sur la nature du poste de travail (ouvrier des travaux publics, voirie et réseaux divers), sur un travail à temps plein en extérieur et comme tel exposant aux variations de température et d'hygrométrie ainsi que sur les attributions portant à la fois:

* sur la conduite d'engin :

- mini pelle équipé d'un brise-roches hydraulique, l'employeur précisant qu'à ce poste qu'il quantifie à 60% du temps de travail, le salarié est amené à descendre et monter plusieurs fois dans la journée de son engin, en appliquant la consigne des 3 points d'appui, afin d'aider au dégagement des matières,

- rouleau vibrant,

- utilisation de compresseur,

- plaques vibrantes,

- cylindre,

* sur des travaux impliquant à la fois l'utilisation de la force et de la manutention:

- pose de bordures de tuyaux,

- approvisionnement en matériaux des chantiers en ayant à sa disposition des équipements de manutentions mécaniques et l'aide de collègues,

- balisage du chantier,

- réalisation d'enrobés à la main en les répartissant à l'aide d'un râteau et d'une piloneuse,

que l'employeur quantifie pour chacune de ces tâches à 10%.

Le salarié indique effectuer des mouvements avec 'décollement du bras par rapport au corps' de plus de 60° entre 2 heures et 3.5 heures de durée cumulée journalière d'activité.

L'employeur n'a pas renseigné cette partie de son questionnaire.

Il ne peut donc être considéré que les réponses apportées par l'employeur et le salarié sont contradictoires.

Les attributions du salarié impliquent bien des mouvements répétés au cours de la journée de travail, à l'occasion de l'ensemble des tâches qui lui sont confiées, avec décollement du bras par rapport au corps, et avec un angle de plus de 60°, pendant au moins deux heures compte tenu de la ventilation du temps de celles-ci dans le temps de travail du salarié, suivant l'évaluation donnée par l'employeur lui-même. Si le temps de travail consacré à la conduite de la minipelle quantifié par l'employeur représente 60%, il reconnaît lui-même que le salarié devait monter et descendre de son engin plusieurs fois dans la journée 'pour aider au dégagement de matière' et par conséquent pour la manutention suscitant des mouvements de décollement du bras sans soutien, et il indique dans ses conclusions que le siège de la minipelle est surélevé ce qui implique nécessairement à ce moment là des mouvements de décollements des bras sans soutien avec un angle supérieur à 60°.

L'existence de moyens de manutention mis à la disposition du salarié n'est pas exclusive des mouvements de décollement répétés des bras d'autant que le salarié doit pendant 40% de son temps de travail, soit pendant plus de deux heures par jour en cumulé, effectuer des mouvements

impliquant de façon répétée le décollement des bras sans soutien, et avec un angle de plus de 60°.

La nature des travaux liés au poste de travail d'ouvrier de travaux public, voirie et réseaux divers du salarié correspond bien aux travaux limitativement listés au tableau n°57 A et il est reconnu par l'employeur que ce salarié a toujours occupé le même poste depuis son embauche le 1er mars 2002 jusqu'au 17 mars 2016 (date de sa réponse au questionnaire) soit durant plus de quatorze ans à la date de la déclaration de sa maladie professionnelle.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de renaissance de la maladie professionnelle déclarée par M. [V] [S].

Succombant en son appel, la société [2] doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant,

- Condamne la société [2] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 20/13263
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;20.13263 ?
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