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13/05/2022 | FRANCE | N°20/12904

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 13 mai 2022, 20/12904


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 20/12904 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGV2S







[6] ([6])





C/



Société [3] SA

[F] [Z]

Organisme CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE



















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Paul GUILLET



- Me Romain ZANNOU
>

- Me Arnault CHAPUIS



- CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de DIGNE-LES-BAINS en date du 24 Novembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00427.





APPELANTE



[6] ([6]), demeurant [Adresse 2]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 20/12904 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGV2S

[6] ([6])

C/

Société [3] SA

[F] [Z]

Organisme CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Paul GUILLET

- Me Romain ZANNOU

- Me Arnault CHAPUIS

- CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de DIGNE-LES-BAINS en date du 24 Novembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00427.

APPELANTE

[6] ([6]), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Paul GUILLET de la SELARL PROVANSAL D'JOURNO GUILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Cécile BILLE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Société [3], demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Nicolas SCHLESINGER, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [F] [Z], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Arnault CHAPUIS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE, demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [K] [V], Inspectrice Juridique, en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [F] [Z], employé en qualité d'ouvrier qualifié par la [6] (dite [6]) depuis le 23 janvier 2007 a été victime, le 18 novembre 2016 d'un accident du travail, déclaré le jour même par son employeur et pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La caisse l'a déclaré consolidé à la date du 20 août 2017 en retenant un taux d'incapacité permanente partielle de 5 %.

Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 octobre 2017.

M. [Z] a saisi le 15 mars 2019, le pôle social du tribunal de grande instance aux fins de reconnaissance du caractère inexcusable de la faute reprochée à son employeur.

Par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Digne les Bains, pôle social, a :

* mis hors de cause la société [3], en raison de l'incompétence matérielle du pôle social pour juger d'une éventuelle faute commise par celle-ci,

* dit que l'accident du travail de M. [Z] est imputable à la faute inexcusable de la société [6],

* fixé à 20 000 euros les dommages intérêts provisionnels, que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence est tenue de verser à M. [Z],

* dit que la caisse primaire d'assurance maladie doit faire l'avance des frais d'expertise, verser directement à M.[Z] la réparation des préjudices et en récupérera le montant auprès de l'employeur,

* condamné la société [6] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence les sommes réglées à M. [F] [Z] tant au titre de la majoration de la rente que des préjudices,

* condamné les sociétés [3] et [6] aux entiers dépens de l'instance déjà exposés par la caisse primaire d'assurance maladie et par M. [Z], depuis le 1er janvier 2019 et à supporter la charge de leurs propres dépens de l'instance déjà exposés depuis le 1er janvier 2019,

* condamné la société [6] à régler à M. [Z] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* rejeté les autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné une expertise,

* rejeté le surplus des demandes,

* renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.

Ce jugement est assorti de l'exécution provisoire à hauteur du tiers de la provision allouée, à hauteur de la totalité somme accordée à M. [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [6] a interjeté régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées par le greffier le 16 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [6] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

*débouter M. [Z] de ses demandes,

* condamner M. [Z] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de:

* dire que le 'jugement' à intervenir sera déclaré commun et opposable à la société [3],

* limiter la mission de l'expert aux postes suivants: souffrances endurées physiques et morales, préjudice esthétique,

* revoir à de plus justes proportions la demande de provision,

* dire qu'il incombera à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence de verser toutes sommes qui pourraient être allouées à M. [Z] dans le cadre de la présente instance à charge pour elle d'en obtenir réparation auprès de l'employeur.

Par conclusions visées par le greffier le 16 mars 2022, reprises et modifiées oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [Z] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

A titre subsidiaire, il lui demande de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.

Il sollicite la condamnation de la société [6] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Sur l'audience il a abandonné son chef de demande portant sur la caducité de l'appel.

Par conclusions visées par le greffier le 16 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence indique s'en remettre à justice en ce qui concerne l'appréciation de l'existence d'une faute inexcusable imputable à l'employeur.

Dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement entrepris à cet égard, elle lui demande de: * fixer le montant de la majoration de l'indemnité en capital et des préjudices,

* condamner la société [6] et ou son assureur à lui rembourser les sommes qu'elle sera amenée à verser au titre des préjudices extra-patrimoniaux et de la majoration de l'indemnité en capital,

* confirmer le jugement en ce qu'il juge opposable à l'employeur la totalité des conséquences financières de la faute inexcusable.

Par conclusions visées par le greffier le 16 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [3] sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de:

* dire qu'elle n'a commis aucun manquement à l'origine de l'accident dont a été victime M. [Z],

* la mettre hors de cause.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de la société [6] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

* sur la faute inexcusable:

Dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'employeur a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il suffit que la faute inexcusable de l'employeur soit une cause nécessaire de l'accident du travail pour engager sa responsabilité.

C'est au salarié qu'incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par voie de conséquence d'établir que son accident présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

L'employeur expose avoir conclu un marché de travaux avec la société [3] pour la dépose et l'évacuation des départs HTA du poste source [Adresse 7] et que cette opération de dépose consistait à déposer les départs HTA qui avaient été mis hors tension par des travaux préliminaires les semaines auparavant, avec fourniture d'un document dénommé avis de mise hors exploitation et à enlever tous les autres morceaux de câbles HTA restant dans le parcours des câbles et dans la galerie, datant de précédents travaux des années antérieures et non déposés.

Elle soutient avoir respecté le protocole imposé par la société [3] puisque au moment de l'accident du travail intervenu le 18 novembre 2016 le salarié travaillait au niveau de la terrasse, sur un poste que la société [3] avait vérifié préalablement lors du repérage effectué par elle. Elle ajoute que le salarié ne travaillait pas seul, l'équipe sur site étant composée de sept personnes, qu'ainsi la règle imposée par le coordinateur de sécurité, posant l'interdiction de travailler seul, a été respectée, et relève qu'il ressort des déclarations du salarié devant les services de police, qu'il ne voyait pas l'extrémité du câble.

Tout en reconnaissant avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé, elle soutient avoir pris toutes les mesures qui s'imposent pour l'en préserver, se prévalant:

* du plan particulier de sécurité et de protection de la santé en date du 17 mai 2016 et en soulignant que le salarié intervient sur ce chantier en qualité d'électricien et de chef d'équipe,

* du plan de prévention des risques, mentionnant qu'à compter du 14 novembre 2016, il y aura dépose des conducteurs HTA et BT du poste de secours [Adresse 7] suite à la réunion du 8 novembre 2016 sur site, avec identification des départs et des phases du chantier,

* du compte rendu de visite de chantier par le coordinateur SPS le 18 novembre 2016, le matin même de l'accident auquel a participé le salarié.

Elle souligne que le salarié disposait des qualifications et diplômes et avait bénéficié des formations l'habilitant à travailler sur un chantier en qualité d'électricien et en tire la conséquence qu'il ne pouvait ignorer que pour éviter tout risque d'électrocution la coupe devait intervenir uniquement lorsque l'extrémité du câble était visible.

Le salarié réplique avoir été gravement électrocuté lors de la coupe d'un câble effectué à l'aide d'une scie sabre, alors qu'il intervenait sur un chantier sur lequel son employeur, la société [6], intervenait pour le compte de la société [3].

Il soutient que son employeur a manqué à son obligation de sécurité en omettant de l'avertir sur les risques liés à l'activité sur le lieu du travail et en lui donnant ordre de sectionner les câbles, alors que dans la fiche de déroulement des opérations, [3] évoque que l'entreprise recevra les consignes précises de l'exploitant avant toutes interventions sur les câbles à déposer et que le courriel en date du 09 novembre 2016 adressé à l'employeur évoque qu'il a été décidé que l'entreprise devra faire un point d'arrêt immédiat en cas de doute éventuel au niveau de la nature ou origine d'un câble avant de le déposer, et ce en contradiction avec l'autorisation d'intervention sur ouvrages hors exploitation du 08 novembre 2016.

Il relève notamment que:

* dans son courriel en date du 09 novembre 2016, le coordinateur SPS mentionne que la réunion du 08 novembre 2016 a pour objet de repérer et déterminer les câbles sur lesquels va intervenir [6] pour l'HTA tout en matérialisant les câbles du RTE et de l'AMEPS qui resteront en service,

* le rapport de l'inspection du travail retient que l'identification de l'ouvrage et de son environnement qui représente une étape centrale dans la prévention des accidents du travail aurait dû être effectuée de manière plus approfondie,

* dans le cadre des investigations réalisées le 29 novembre 2016 par l'inspection du travail, la société [3] a expliqué que la présence du câble n'avait pas été repérée et que la consigne donnée de ne découper que des tronçons de 1.50 m dont l'extrémité peut être vue avait pour objectif de protéger contre ce genre de risque.

Il en tire la conséquence qu'il travaillait dans un environnement électrique sans que son employeur l'ait correctement informé des consignes de prévention et de protection devant être mises en oeuvre sur ce chantier, et que ce manquement de son employeur ayant été une cause nécessaire de l'accident, caractérise sa faute inexcusable.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail en date du 22 novembre 2016 mentionne que le 18 novembre 2016, sur le chantier Poste source [Adresse 7] à [Localité 4], le salarié, occupé à la dépose et l'évacuation de câbles HTA, a tronçonné avec une scie un câble HTA qui s'est avéré être sous-tension alors que celui-ci aurait dû être hors tension, ce qui a provoqué un court-circuit et occasionné à la victime des brûlures à la main, à l'avant-bras et au visage.

Il résulte des déclarations du salarié lors de son audition en date du 25 janvier 2018 par les gendarmes, qui ne sont pas contredites, que le câble qu'il a sectionné à l'origine de son accident du travail n'était pas signalé par une couleur particulière et qu'il 'a effectué cette découpe car tous les câbles du dispositif devaient être sectionnés' et que son 'patron avait reçu délivrance d'une attestation de l'absence (coupure) d'une source électrique de 20 000 volts émanant de ces câbles'.

Le plan particulier de sécurité et de protection de la santé en date du 17 mai 2016 portant sur ce chantier n'identifie pas parmi les risques celui lié à la découpe de câbles HTA

Il est établi que la société [3] a délivré le 08 novembre 2016 à la société [6] une 'autorisation d'intervention sur ouvrages hors exploitation' dans laquelle elle atteste que dans le poste source [Adresse 7], et pour les salles HTA, cours avec les caniveaux techniques, sous-sol -1 Peytral et sous-sol -2, l'ouvrage:

* a fait l'objet d'une mise hors exploitation ou d'un refus de mise en exploitation,

* a été dé-raccordé physiquement par l'exploitant,

* ne comporte aucun point commun avec un ouvrage en exploitation ou pouvant être mis en exploitation,

* ne fera l'objet d'aucune mise en exploitation y compris pour essai, tant que l'attestation d'achèvement des travaux ainsi que la présente autorisation ne lui auront pas été remises.

Dans ce document la société [3] autorise le chargé de travaux de la société [6] à réaliser sur l'ouvrage précité les travaux de 'dépose des départs HTA et BT du poste source [Adresse 7] comme vu à la réunion du 08 novembre 2016".

Le compte rendu de la réunion de chantier en date du 08 novembre 2016, ne mentionne pas le nom du salarié pour y avoir participé, la société [6] y étant représenté par M. [D].

Dans le courriel en date du 9 novembre 2016, émanant du coordonnateur SPS, adressé notamment à M. [D], mais dont le salarié n'est pas au nombre des destinataires, qui se réfère à cette réunion de chantier, il est mentionné d'une part qu'en 'cas de doute au niveau de la nature ou de l'origine d'un câble avant de le déposer, l'entreprise devra faire un point d'arrêt immédiat', et qu'un 'représentant [3] sera sur site le 14 novembre 2016 pour accompagner l'entreprise [6], il réalisera le repérage et le sectionnement des câbles à déposer selon les règles d'exploitation d'Enedis en vigueur (l'entreprise devra toujours avoir dans son champ de vision l'extrémité du câble repéré et sectionné par l'exploitant)'.

Il s'ensuit que nonobstant la teneur de l'attestation du 08 novembre 2016, en réalité, la réunion de chantier du même jour, à laquelle le salarié n'a pas participé, a nécessairement pointé que tous les câbles pouvaient ne pas être hors tension, que la nature des câbles n'était pas de façon certaine déterminée et qu'un repérage était encore nécessaire avant le sectionnement sans qu'il puisse être considéré par ailleurs que ce nouveau repérage sera suffisant compte tenu des 'règles d'exploitation d'Enedis' qui devront être respectées.

Par ailleurs, ces documents établissent que l'employeur, à la différence du salarié, a connaissance de la situation et par suite du risque existant pour la prévention duquel [3] édicte une 'règle d'exploitation', qu'il lui incombe à tout le moins de porter à la connaissance de ses salariés.

Il résulte du compte rendu de la visite de chantier en date du 15 novembre 2016, que le salarié y était présent. Ce document ne comporte aucune mention des repérages qui devaient être faits, il est uniquement mentionné par le coordonnateur SPS qui l'a signé, qu'il a rappelé l'interdiction de manger, le port obligatoire du casque, et au sujet des 'modes opératoires travaux à risques particuliers' il note: 'prendre en considération le PGCSPS en matière de risque d'électrocution ou de choc électrique, de chute de hauteur et de levage'.

Il ne fait donc nullement mention de l'information donnée au salarié de ce que tous les câbles ne sont peut être pas hors tension ni des règles d'exploitation d'Enedis.

Si le compte rendu de la visite de chantier en date du 18 novembre 2016, jour de l'accident du travail, mais effectuée avant celui-ci, à laquelle le salarié a participé, rappelle le port obligatoire du masque, il ne comporte pas davantage de mention sur les repérages réalisés, que la réunion du 8 novembre avait préconisés, ou sur l'information donnée aux salariés travaillant sur le site de respecter les 'règles d'exploitation d'[3]' c'est à dire de 'toujours avoir dans son champ de vision l'extrémité du câble repéré et sectionné'. Il ne fait pas plus mention d'un risque lié à l'incertitude existant sur la réelle mise hors tension de tous les câbles HTA.

Alors que par ailleurs l'employeur ne justifie pas avoir porté cette information à son salarié, ni avoir porté à sa connaissance la préconisation d'Enedis, aucun des documents relatifs à ce chantier ne permet de considérer qu'il a prévenu le risque d'électrocution.

La circonstance que la société [3] lui a délivré une 'autorisation d'intervention sur ouvrages hors exploitation' ne peut l'exonérer du manquement, qui est de sien, dans son obligation de prévention de ce risque dont il reconnaît avoir conscience, alors que manifestement le même jour, soit le 8 novembre 2016, lors de la réunion de chantier il a été relevé l'existence d'un risque puisque des câbles sous tension pouvaient ne pas avoir été repérés.

Il s'ensuit qu'en ne transmettant pas à son salarié les informations sur le risque et les consignes qui lui avaient été données à titre de mesure de prévention par le coordonnateur SPS lors de la réunion de chantier du 8 novembre 2016, et en ne prenant pas davantage de dispositions pour s'assurer que les ordres transmis au salarié le matin de l'accident de sectionner les câbles ne l'exposaient pas au risque dont il avait conscience, l'employeur a commis un manquement fautif dans son obligation de prévention des risques qui a joué un rôle causal dans le grave accident du travail dont son salarié a été victime.

La circonstance que le salarié soit un salarié qualifié ne peut exonérer l'employeur de son obligation de prévention des risques, alors qu'il n'établit pas lui avoir relayé les informations résultant de la réunion de chantier du 8 novembre 20156, tout en ayant par contre porté à sa connaissance la délivrance de l'autorisation d'intervention sur ouvrages hors exploitation, de nature à lui laisser croire la mise hors tension des câbles sur lesquelles il devait intervenir et en lui donnant ordre le matin même de l'accident du travail de procéder à leur découpe.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [6] dans l'accident du travail dont a été victime le 18 novembre 2016 M. [Z].

* sur les conséquences de la faute inexcusable:

Lorsque l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit, en application des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, à une indemnisation complémentaire de ses préjudices, et depuis la décision du conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, à une réparation de son préjudice au-delà des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale, et à une majoration de la rente.

Le jugement entrepris doit être confirmé sur la majoration à son maximum de la rente, qui eu égard au taux d'incapacité permanente partielle de 5% reconnu est une indemnité en capital comme l'indique la caisse primaire d'assurance maladie.

L'expertise médicale ordonnée par les premiers juges est effectivement nécessaire avec la mission impartie pour évaluer les conséquences dommageables de l'accident, au sens des dispositions précitées et de la décision du conseil constitutionnel, le montant de l'indemnisation provisionnelle a été justement apprécié au regard de l'importance des blessures subies.

Le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a dit que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence fera l'avance de la provision allouée et des frais d'expertise et pourra en récupérer le montant ainsi que la majoration de la rente, en application des dispositions des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [Z] les frais qu'il a été contraint d'exposer pour sa défense, ce qui conduit la cour à lui allouer la somme de 3 000 euros.

* Sur la mise hors de cause de la société [3]:

Le dispositif du jugement entrepris 'met hors de cause la société [3] en raison de l'incompétence matérielle du pôle social pour juger d'une éventuelle faute commise par celui-ci'.

L'appelant expose demander simplement à ce que le 'jugement' soit déclaré commun et opposable à la société [3] compte tenu du rapport de l'inspection du travail qui lui impute la responsabilité de l'accident du travail.

La société [3] sollicite sa mise hors de cause en soulevant l'incompétence de la cour d'appel à son égard, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ne pouvant être engagée qu'à l'encontre de l'employeur, alors qu'elle n'a pas cette qualité à l'égard du salarié victime de l'accident du travail et que la société [6] est son seul employeur.

La cour n'est pas saisie par les conclusions de l'appelante de demandes dirigées contre la société [3] autre que celle de lui déclarer son arrêt commun et opposable en réformant le jugement entrepris.

Cette demande est effectivement justifiée par les circonstances mêmes de l'accident du travail et du contrat liant les deux sociétés portant sur le marché de travaux conclu le 03 novembre 2016 portant sur la dépose et l'évacuation des départs HTA du poste source [Adresse 7].

De plus, l'appel en cause de la société [3] dans le cadre de la présente procédure n'indique pas nécessairement que des demandes soient dirigées à son encontre, et elle ne peut être mise hors de cause pour le seul motif que son éventuelle faute relève de la compétence d'une autre juridiction.

La réformation de ce chef du jugement doit être prononcée, étant rappelé en outre qu'un dispositif n'a pas à comporter l'énonciation d'une motivation.

Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de la société [3] les frais qu'elle a été amenée à exposer pour sa défense en cause d'appel.

Succombant principalement en son appel, la société [6] doit être condamnée aux dépens et ne peut utilement solliciter l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

- Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société [3],

- Le confirme pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau du chef réformé, et y ajoutant,

- Dit que le jugement entrepris, comme le présent arrêt, sont communs et opposables à la société [3],

- Condamne la société [6] à payer à M. [F] [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir à application au bénéfice des sociétés [6] et [3] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Réserve les dépens en fin de cause.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 20/12904
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;20.12904 ?
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