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13/05/2022 | FRANCE | N°20/06796

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 13 mai 2022, 20/06796


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022



N°2022/.













Rôle N° RG 20/06796 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGCAN







Organisme CAF 13 DES BOUCHES DU RHONE





C/



[C] [I]

[N] [H]

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- CAF 13 DES BOUCHES DU RHONE





- Me Benjamin PITCHO



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 26 Septembre 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 17/02592.





APPELANTE





CAF 13 DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]



représenté par M. [G] [D] [Z], en vertu d'un pouv...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 20/06796 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGCAN

Organisme CAF 13 DES BOUCHES DU RHONE

C/

[C] [I]

[N] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CAF 13 DES BOUCHES DU RHONE

- Me Benjamin PITCHO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 26 Septembre 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 17/02592.

APPELANTE

CAF 13 DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

représenté par M. [G] [D] [Z], en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEES

Madame [C] [I], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Benjamin PITCHO, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sonia OULED-CHEIKH, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Madame [N] [H], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Benjamin PITCHO, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sonia OULED-CHEIKH, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE:

Mme [C] [I] a été bénéficiaire du 1er janvier 2008 au 31 janvier 2016 du revenu minimum d'insertion devenu, à compter du 1er juin 2009, revenu de solidarité active, et également d'une allocation adulte handicapé depuis une date non précisée.

Mme [N] [H] a été bénéficiaire du 1er juillet 2012 au 31 mars 2015 du revenu de solidarité active et depuis le 1er avril 2015 de l'allocation adulte handicapé.

Ces prestations ont été versées par la caisse d'allocations familiales des Bouches du Rhône.

A la suite d'un contrôle de leur situation, cette caisse a notifié :

* à Mme [H]:

- le 23 mai 2016, la radiation de son compte allocataire 'pour regroupement de dossiers', et, par suite du réexamen de ses droits à l'allocation adulte handicapé et au revenu de solidarité active à compter du 1er mai 2014, un indu de 15 371.17 euros,

- sa décision du 02 juin 2016 retenant un indu d'allocation adulte handicapé d'un montant de 10 464.26 euros,

- sa décision du 1er juillet 2016 retenant une fraude pour dissimulation de vie maritale avec Mme [I] depuis le 29 juin 2001, avec inscription pour une durée de trois ans dans la base nationale fraude,

* à Mme [I]:

- le 16 juin 2016, retenir une vie maritale avec réexamen de ses droits à l'allocation adulte handicapé et au revenu de solidarité active à partir du 1er juin 2014 faisant ressortir qu'elle a reçu 9 034.87 euros alors qu'elle avait droit à 17 669.49 euros et qu'il lui est dû 8 634.62 euros, somme retenue en remboursement de sa dette, le trop perçu pour le revenu de solidarité active étant de 6 736.55 euros, l'allocation adulte handicapé d'un montant mensuel de 808.46 euros à compter de juin 2016 étant ramenée, après retenue mensuelle de 59.25 euros, à 749.21 euros,

- sa décision du 1er juillet 2016 retenant un indu de 152.45 euros au titre de l'indu de prime exceptionnelle de fin d'année 2014,

- une seconde décision en date du 1er juillet 2016 retenant une fraude pour dissimulation de vie maritale avec Mme [H] depuis le 29 juin 200, avec inscription pour une durée de trois ans dans la base nationale fraude.

Après rejet par la commission de recours amiable du 8 novembre 2016 de leurs recours, contre les décisions datées des 1er juillet 2016 et 2 juin 2016, mesdames [H] et [I] ont saisi le 13 janvier 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône.

Par jugement en date du 26 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Marseille, pôle social:

* a déclaré recevable l'action de mesdames [H] et [I],

* s'est déclaré incompétent pour la contestation afférente aux indus de prime exceptionnelle de fin d'année et de revenu de solidarité active,

* a dit qu'une communauté de vie entre mesdames [H] et [I] est caractérisée depuis le 29 juin 2001,

* a rejeté la demande de mesdames [H] et [I] relative à leur inscription sur le fichier de fraude aux prestations sociales,

* a annulé l'indu l'allocation adulte handicapé généré suite à la caractérisation de vie maritale entre mesdames [H] et [I] avec toutes conséquences de droit sur les éventuelles retenues opérées sur leurs comptes,

* a condamné la caisse d'allocations familiales des Bouches du Rhône à verser à Mme [H] et à Mme [I], à chacune, la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,

* a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* a condamné la caisse d'allocations familiales des Bouches du Rhône aux dépens.

La caisse d'allocations familiales des Bouches du Rhône a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Après radiation de l'affaire par ordonnance en date du 19 février 2020, puis remise au rôle le 17 juillet 2020, en l'état de ses conclusions visées par le greffier le 30 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse d'allocations familiales des Bouches du Rhône demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il se déclare incompétent en matière de contestation des indus de prime exceptionnelle de fin d'année et de revenu de solidarité active et de:

* valider l'indu d'allocation adulte handicapé de 10 464.26 euros imputé solidairement à mesdames [N] [H] et [C] [I],

* condamner mesdames [N] [H] et [C] [I], chacune, à lui payer la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts,

* rejeter les prétentions de mesdames [N] [H] et [C] [I].

En l'état de leurs conclusions visées par le greffier le 30 mars 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, mesdames [N] [H] et [C] [I] demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé l'indu d'allocation adulte handicapé et de l'infirmer en ce qu'il a caractérisé une vie maritale entre elles.

Elles demandent à la cour de:

* condamner la caisse d'allocations familiales à leur rembourser la somme indûment prélevée de 11 272.72 euros,

* condamner la caisse d'allocations familiales à leur payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts,

* condamner la caisse d'allocations familiales des Bouches du Rhône au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonner qu'elles soient désinscrites du fichier de la base nationale fraude,

* condamner la caisse d'allocations familiales des Bouches du Rhône aux dépens.

MOTIFS

Compte tenu des dispositifs des conclusions des parties, puisque l'acte d'appel ne précise pas les chefs du jugement critiqué, la cour est saisie en réalité uniquement d'une demande de réformation partielle du jugement entrepris, limitée aux chefs de jugement relatifs à:

* l'indu d'allocation adulte handicapé notifié le 2 juin 2016 à Mme [H],

* l'inscription au fichier de fraude aux prestations sociales (décisions du 1er juillet 2016, notifiées à mesdames [H] et [I] ),

* des dommages et intérêts.

L'article L.821-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable issue de la loi n°2005-102 du 11 février 2005, dispose que l'allocation aux adultes handicapés peut se cumuler avec les ressources personnelles de l'intéressé et, s'il y a lieu, de son conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité dans la limite d'un plafond fixé par décret, qui varie selon qu'il est marié, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité et a une ou plusieurs personnes à sa charge.

Aux termes de l'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable issue du décret 2012-1032 en date du 07 septembre 2012, l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 142-1, présenter ses observations écrites ou orales.

A l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées.

L'appelante expose que dans les demandes de prestations effectuées par chaque intimée, celles-ci ont toutes deux déclaré vivre seule, alors que le contrôle opéré a révélé une vie martiale, depuis le 29 juin 2001, date de leur achat de leur appartement, qu'elles ont reconnu dans les procès-verbaux d'entretien joints aux contrôles. Les prestations versées étant sous conditions de ressources, et alors qu'aucune d'elles ne l'a informée de la situation de vie maritale, elle a été amenée ainsi que le Conseil départemental des Bouches du Rhône à revoir les dossiers des deux allocataires ce qui a occasionné pour:

* Mme [H] un indu l'allocation adulte handicapé d'un montant de 10 646.26 euros pour la période du 1er avril 2015 au 30 avril 2016 notifié le 23 mai 2016, ainsi que de revenu de solidarité active et d'aide exceptionnelle de fin d'année,

* Mme [I] un indu de revenu de solidarité active et d'aide exceptionnelle de fin d'année,

et ces indus ont été transférés dans le dossier de Mme [I] après la prise en compte de la vie maritale des deux allocataires et de leurs ressources personnelles pour la période du 1er juin 2014 au 31 mai 2016, avec un droit d'allocation adulte handicapé pour le couple de 10 464.26 euros (soldant l'indu notifié à Mme [H] transféré dans le dossier de Mme [I]).

Elle précise que la somme de 13 201.97 euros correspond aux droits effectifs auxquels le couple [I]/[H] pouvait prétendre pour la période de juin 2014 à mai 2016 après la régularisation de leur dossier (10 464.26 euros d'allocation adulte handicapé plus 2 737.71 de revenu de solidarité active dont le contentieux relève du tribunal administratif), et ajoute que le tribunal administratif de Marseille, saisi par Mme [I] de sa contestation des indus de revenu de solidarité active et d'aide exceptionnelle de fin d'année 2014 et 2015, qui soutenait être colocataire et non en situation de vie maritale avec Mme [H], a dans son jugement du 25 novembre 2020 retenu la communauté de vie.

Elle soutient que l'inexactitude ou l'incomplétude des déclarations faites pour le service des prestations, comme l'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le service des prestations, sont constitutifs de fausses déclarations.

Elle conteste le caractère peu explicite retenu par les premiers juges de la notification de l'indu d'allocation adulte handicapé généré suite à la caractérisation de la vie maritale entre les intimées, alors que le caractère frauduleux est incontestable pour résulter des fausses déclarations réitérées au long des années par les deux allocataires pour dissimuler leur vie maritale et bénéficier des prestations indue.

Les intimées lui opposent d'une part que les règles relatives à la notification de l'indu n'ont pas été respectées en ce que:

* Mme [I] a reçu quatre courriers datés du 1er juillet 2016, trois en courriers simples et un indiquant être un recommandé sans qu'aucun de ces courriers ne soit de nature à permettre de rapporter la preuve de la date de réception,

* Mme [H] n'a reçu qu'un courrier simple en date du 02 juin 2016,

* les courriers du 1er juillet 2016 adressés à Mme [I], comme celui du 2 juin 2016 adressé à Mme [H] pour un indu de 10 464.26 euros, ne comportent pas de motivation efficace permettant de connaître le fondement de la réclamation, la nature et le montant des sommes réclamées, les périodes des versements, le délai pour s'acquitter des sommes réclamées et les voies de recours.

Elles soutiennent que ces manquements caractérisent une violation des droits de la défense rendant la procédure irrégulière et que la caisse a manqué son obligation d'information, ne les ayant jamais informées clairement et précisément de leurs obligations.

Elles contestent d'autre part l'existence d'une vie maritale, soulignant n'être ni mariées, ni pacsées, ni concubines mais être des personnes transsexuelles.

Elles soutiennent qu'une communauté d'intérêts et de biens est insuffisante, que le rapport d'enquête est lacunaire, alors qu'il n'existe entre elles aucune relation sexuelle et que l'existence d'une communauté patrimoniale n'est pas établie, ayant toujours réglé séparément leurs dépenses personnelles (téléphone, ordinateur).

Elles justifient l'existence d'un compte commun 'pour les dépenses courantes', dont elles concèdent avoir adressé le RIB à toutes les administrations telles que Pôle emploi, service des impôts, par une situation d'entraide, Mme [H] souffrant d'un handicap important la rendant inapte à la gestion de certaines tâches de la vie courante, comme la bonne gestion des comptes bancaires et estiment avoir fait l'objet d'une pression illégitime les ayant conduites à signer des déclarations inexactes.

L'indu dont la cour est saisie ne porte que sur les allocations adulte handicapé versées, même si les intimées procèdent encore par confusion dans leurs conclusions en faisant état des différentes prestations dont elles ont bénéficié.

Le litige est par ailleurs lié exclusivement à la reconnaissance d'une vie maritale entre les intimées ayant conduit la caisse à leur appliquer, à l'issue du contrôle auquel elle a procédé, d'une part la règle de l'unicité de l'allocataire et d'autre part à opérer un nouveau calcul de l'allocation adulte handicapé en tenant compte des ressources constituées par leur couple.

L'indu objet du litige dont est saisie la cour est consécutif à la notification en date du 02 juin 2016 à Mme [H] par lettre simple d'un indu l'allocation adulte handicapé d'un montant de 10 464.26 euros, sans précision de la période concernée par l'indu et également du délai imparti pour payer cette somme, comme de la possibilité de contester cet indu (voie de recours et modalités pour l'exercer). La caisse ne justifie pas de la date à laquelle il a été réceptionné par sa destinataire. De plus cette lettre ne précise nullement l'existence de voies de recours et ses modalités, ni la période concernée par l'indu d'allocation adulte handicapé .

Il s'ensuit que cette notification d'indu qui ne respecte pas les conditions de forme posées par l'article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale est effectivement irrégulière.

Il est établi cependant que cette lettre a été précédée de l'envoi par la caisse d'allocations familiales à Mme [H] d'un courrier en date du 23 mai 2016, lui notifiant une 'radiation pour regroupement de dossiers', un réexamen de ses droits avec effet au 1er mai 2014 faisant ressortir pour le calcul de l'allocation adulte handicapé et du revenu de solidarité active un indu de 15 371.17 euros, sans que soient précisées les périodes d'indus comme les montants d'indus par nature de prestations.

Par contre, le recto de ce courrier mentionne, s'agissant du revenu de solidarité active, que pour le contester, le recours doit être adressé 'dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette lettre, et avant de saisir le tribunal administratif, auprès du président du Conseil général' et que pour 'les prestations familiales, le recours est à adresser auprès de la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales'.

La caisse ne justifie pas de la modalité de notification retenue de ce courrier et en particulier ne rapporte pas la preuve de sa date de réception par sa destinataire.

Il résulte donc de ces éléments que ni le courrier du 23 mai 2016, ni celui du 02 juin 2016 relatifs à l'indu d'allocations adulte handicapé retenu par la caisse à l'encontre de Mme [H] ne sont réguliers en la forme et dans leurs modalités de notifications ce qui fait obstacle à la poursuite de l'action en recouvrement de l'indu de la caisse d'allocations familiales.

La caisse doit en conséquence être déboutée de sa demande de validation de l'indu, sans qu'il y ait lieu à ce stade du raisonnement d'apprécier le bien fondé, et le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a annulé l'indu d'allocations adulte handicapé notifié.

La mention dans le dispositif du jugement entrepris de ce qu'une 'communauté de vie entre mesdames [H] et [I] est caractérisée depuis le 29 juin 2001" ne constitue pas un chef décisoire mais une motivation qui n'a pas lieu d'y être mentionnée en application de l'article 455 alinéa 2 du code de procédure civile, et justifie la réformation de ce chef du jugement entrepris.

S'agissant de la demande des intimées de remboursement de la somme de 11 272.72 euros , la cour relève que ce montant ne correspond pas au montant de l'indu notifié.

S'il résulte des relevés du compte de Mme [I] extraits du site internet de la caisse d'allocations familiales la mention que, pour la période de juin 2014 à mai 2016, des retenues pour un total de 13 201.97 euros sont à opérer en raison d'une part des allocations adulte handicapé 'pour Monsieur' d'un montant de 11 272.72 euros et du revenu de solidarité active pour un montant de 1 929.25 euros, soit pour un total de 13 201.97 euros, pour autant ce document qui mentionne aussi que la dernière connexion est du 01/11/2016 n'établit pas que la caisse a opéré une retenue de 11 272.72 euros au titre d'un indu d'allocations adulte handicapé versées à Mme [H].

Ce document établit tout au plus une absence de versement de prestations le 16 juin 2016 et qu'il a été versé le 05/07/2016 la somme de 749.21 euros (sans plus de précision pour la nature de l'allocation).

Ne rapportant pas la preuve qui leur incombe d'avoir payé l'indu notifié de 10 464.26 euros, ni d'avoir payé par retenue sur les prestations échues postérieurement à la notification de l'indu litigieuse, la somme de 11 272.72 euros, les intimées doivent être déboutées de ce chef de demande.

Concernant l'inscription au fichier de fraude aux prestations sociales, la cour constate d'une part que cette inscription en date du 1er juillet 2016 l'a été pour une durée de trois ans, et n'est donc plus actuelle, et d'autre part qu'elle n'est pas étayée dans les conclusions des intimées.

Cette inscription est la conséquence des déclarations résultant des questionnaires remplis par les intimées mentionnant qu'elles vivaient, chacune, 'seule', ayant conduit la caisse à retenir que l'inexactitude de leurs déclarations est volontaire et constitue une fraude.

La condition de ressources pour l'allocation adulte handicapé doit être examinée par la caisse au regard des ressources personnelles de l'intéressé cumulées avec celles, s'il y a lieu, de son conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité, et cet examen doit être opéré régulièrement sur la base des déclarations de ressources des intéressées et en tenant compte de changements survenus dans leur vie.

S'il est exact que la communauté de vie résultant de ces situations (mariage, concubinage, pacs) s'apparente à une vie maritale, celle-ci n'implique pas nécessairement l'existence de relations sexuelles, pouvant se limiter à l'existence d'une communauté patrimoniale avec aide ou soutien apporté. La circonstance que les intimées soient transgenre est donc inopérante.

En l'espèce, il est non seulement reconnu que le bien immobilier a été acquis en commun le 29 juin 2001, date que les intimées ont toutes deux reconnue dans le procès-verbal d'entretien réalisé avec chacune lors du contrôle, être le début de leur vie maritale, mais aussi qu'elles ont un compte commun utilisé pour les 'dépenses courantes' et que la carte grise du véhicule est aux deux noms, comme relevé par le jugement du tribunal administratif.

La circonstance que Mme [I] est inapte à la conduite à la suite d'un accident de la circulation et inopérante, la carte grise du véhicule étant de nature à établir qu'il s'agit d'un bien commun, utilisé dans l'intérêt commun, ce qui établit à tout le moins des relations très étroites, excédant une simple cohabitation de colocataire induisant certaines dépenses communes.

La cour constate également que l'avis d'imposition 2016 pour les taxes foncières fait mention d'un prélèvement sur un compte commun ouvert aux deux noms, dont l'existence est ainsi établie.

La circonstance que les intimées puissent aussi avoir, chacune, un compte bancaire personnel est inopérante à démontrer l'absence de vie maritale, comme le fait que certains abonnements (le seul justifié étant avec la société [3] mais prélevé sur le compte commun) ou certains achats soient exclusivement au nom de l'une d'elles.

L'agent assermenté a relevé dans son rapport que les factures EDF, d'eau, d'assurance habitation, les cartes grises des véhicules et caravanes étaient prélevées sur le compte commun, et que le compte bancaire joint ne fait apparaître aucune autre source de revenus hormis les prestations familiales et les salaires de Mme [I] depuis décembre 2015 et que cette dernière lui a expliqué ne pas avoir déclaré sa situation de vie maritale auprès de la caisse d'allocations familiales du fait qu'elle milite pour avoir les mêmes droits qu'un couple ordinaire et que certains droits auprès d'autres administrations ne lui sont pas attribués.

L'ensemble de ces éléments caractérise effectivement une situation de vie maritale, non déclarée et par suite le caractère volontaire de la fausse déclaration relevée par la caisse d'allocations familiales.

La fraude aux allocations est donc établie ce qui justifie l'inscription temporaire opérée sur le fichier de fraude aux prestations sociales.

Par réformation du jugement entrepris, compte tenu de la rédaction du dispositif à cet égard, la cour déboute mesdames [N] [H] et [C] [I] de leurs demandes tendant à leur désinscription au fichier de fraude aux prestations sociales.

Enfin, s'agissant de la faute reprochée par les intimées à la caisse d'allocations familiales, si la notification de l'indu est effectivement irrégulière, ce qui fait obstacle à la demande de validation de l'indu, pour autant la mauvaise rédaction de ce document par la caisse d'allocations familiales de l'indu notifié ne peut être, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, génératrice d'un préjudice pour les intimées.

La circonstance qu'elles soient transsexuelles et puissent subir de ce fait des discriminations et violences psychologiques, est sans lien avec le contrôle de la caisse d'allocations familiales, et si la copie écran du compte de Mme [I] mentionne une allocation adulte handicapé 'pour Monsieur' en utilisant ainsi un terme inapproprié, pour autant, il ne peut être considéré, que cette erreur caractérise une discrimination ou un refus de reconnaissance du changement de genre de Mme [H], celle-ci ne justifiant pas du reste que son état civil a été modifié plusieurs années auparavant avec changement de prénom.

La cour ne peut que constater que sur tous les documents versés aux débats établis pas la caisse d'allocations familiales, Mme [H] y est désignée comme étant de genre féminin.

Le jugement entrepris doit en conséquence être réformé en ce qu'il a condamné la caisse d'allocations familiales à verser à mesdames [N] [H] et [C] [I] des dommages et intérêts.

Succombant principalement en son appel, la caisse d'allocations familiales des Bouches du Rhône doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

- Réforme le jugement entrepris hormis en ce qu'il a déclaré recevable l'action de mesdames [N] [H] et [C] [I] et s'est déclaré incompétent pour connaître de la contestation des indus de prime exceptionnelle de fin d'année et de revenu de solidarité active,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Annule la notification de l'indu d'allocation adulte handicapé,

- Déboute la caisse d'allocations familiales des Bouches du Rhône de sa demande de validation de l'indu d'allocations adulte handicapé,

- Déboute Mesdames [N] [H] et [C] [I] de leurs demandes de remboursement de la somme de 11 272.72 euros,

- Déboute mesdames [N] [H] et [C] [I] de leurs demandes de des-inscription au fichier de fraude aux prestations sociale,

- Déboute Mesdames [N] [H] et [C] [I] de leurs demandes de dommages et intérêts,

- Condamne la caisse d'allocations familiales des Bouches du Rhône aux dépens,

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 20/06796
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;20.06796 ?
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