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12/05/2022 | FRANCE | N°19/07036

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 12 mai 2022, 19/07036


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2022



N° 2022/178













N° RG 19/07036 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEF7Y







SAS RIVIERA PATRIMOINE ET CONSEILS





C/



[W] [B] épouse [Z]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Pascal ALIAS



Me Stéphanie BRAGANTI










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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 19 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/07027.





APPELANTE



SAS RIVIERA PATRIMOINE ET CONSEILS, dont le siège social est sis Immeuble [7] [Adresse 2] - [Localité 4]



représentée par Me P...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2022

N° 2022/178

N° RG 19/07036 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEF7Y

SAS RIVIERA PATRIMOINE ET CONSEILS

C/

[W] [B] épouse [Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Pascal ALIAS

Me Stéphanie BRAGANTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 19 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/07027.

APPELANTE

SAS RIVIERA PATRIMOINE ET CONSEILS, dont le siège social est sis Immeuble [7] [Adresse 2] - [Localité 4]

représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Anaïs GARAY de la SELAS ROBIN LAWYERS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Madame [W] [B] épouse [Z], demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représentée par Me Stéphanie BRAGANTI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Mars 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Riviera Patrimoine & Conseils, créée en 2012, exerce une activité d'intermédiaire en assurances et produits financiers et de transactions immobilières sur la commune de [Localité 8] et a signé le 9 mars 2015 un mandat d'intérêt commun avec Mme [W] [B] épouse [Z].

Le contrat de mandat comportait une clause de non-détournement de clientèle (article 11) ainsi qu'une clause de non-concurrence en cas de fin de mandat par laquelle le mandataire s'interdisait durant un an d'exercer des fonctions similaires sur la même commune et dans un rayon de 20 kilomètres (article 12).

Le 21 février 2017 Mme [W] [B] épouse [Z] a mis fin au contrat de mandat et a créé la société Cyfa Patrimoine, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 22 février 2017, dans un domaine d'activité similaire.

Un contentieux a alors opposé les parties sur le paiement de commissions ainsi que sur le respect de la clause de non-concurrence.

Par ordonnance du 8 novembre 2017 (ou 2018) le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan a condamné la société Riviera Patrimoine & Conseils à payer à Mme [W] [B] épouse [Z] la somme provisionnelle de 46.204,80 euros au titre des commissions.

Parallèlement, estimant que Mme [W] [B] épouse [Z] avait manqué à son obligation de non-concurrence, la société Riviera Patrimoine & Conseils a assigné celle-ci devant le tribunal de grande instance de Draguignan le 2 octobre 2017 afin d'obtenir à titre principal la condamnation de Mme [W] [B] épouse [Z] au paiement de la somme de 128.080,59 euros.

Par jugement en date du 19 mars 2019 le tribunal de grande instance de Draguignan a:

-condamné Mme [W] [B] épouse [Z] à payer à la société Riviera Patrimoine & Conseils la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence stipulée au mandat d'intérêt commun en date du 9 mars 2015 conclu entre les parties,

-débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

-condamné Mme [W] [B] épouse [Z] à payer à la société Riviera Patrimoine & Conseils la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens,

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

Le tribunal de grande instance a constaté la violation par Mme [W] [B] épouse [Z] de la clause de non-concurrence mais a réduit la demande de dommages et intérêts formée par la société Riviera Patrimoine & Conseils à la somme de 10.000 euros en considérant qu'il s'agissait d'une clause pénale soumise à modération.

Par déclaration en date du 25 avril 2019 la société Riviera Patrimoine & Conseils a interjeté appel du jugement en ce qu'il a limité sa demande de dommages et intérêts à la somme de 10.000 euros.

Par dernières conclusions en date du 21 juin 2021 et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Riviera Patrimoine & Conseils (SAS) fait valoir que':

-la clause de non-concurrence a été violée par Mme [W] [B] épouse [Z] puisque celle-ci a créé une société Cyfa Patrimoine avec un début d'activité au 7 février 2017, soit avant sa démission, et ayant des activités similaires'; un procès-verbal de constat établi par huissier de justice démontre qu'un programme immobilier a été proposé par cette société à moins de 20 kms de [Localité 8],

-des clients ont été détournés et Mme [W] [B] épouse [Z] a également embauché deux anciennes salariées de la société Riviera Patrimoine & Conseils,

-le tribunal de grande instance n'a pas pris la mesure du préjudice subi par la société Riviera Patrimoine & Conseils'; la clause 12 du contrat de mandat prévoit qu'en cas de violation de la clause de non-concurrence le mandataire sera tenu d'une indemnité forfaitaire d'un montant égal à celui des commissions perçues sur les 12 derniers mois précédant la rupture du contrat'; or, Mme [W] [B] épouse [Z] a perçu la somme de 128.095,59 euros sur cette période,

-le premier juge n'a pas motivé en quoi le montant de l'indemnité était excessif et justifiait sa réduction sur le fondement de l'article 1231-5 du code civil'; la clause contractuelle avait vocation à s'appliquer et doit revêtir un caractère dissuasif'; Mme [W] [B] épouse [Z] n'avait elle-même pas sollicité la réduction du montant de l'indemnité'; la mauvaise foi de Mme [W] [B] épouse [Z] est avérée,

-en l'absence de demande expresse de réformation du jugement dans ses écritures du 17 octobre 2019 la cour n'est pas saisie d'un appel incident

Ainsi, la société appelante demande à la cour, au visa des articles 1231-1 du code civil et 1240 du code civil, de:

-réformer partiellement le jugement,

-condamner Mme [W] [B] épouse [Z] au paiement de la somme de 128.080,59 euros avec intérêts de droit à compter du 15 juin 2017,

-constater que les conclusions signifiées par Mme [W] [B] épouse [Z] par Rpva le 17 octobre ne contiennent en leur dispositif aucune demande de réformation,

-débouter Mme [W] [B] épouse [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner Mme [W] [B] épouse [Z] au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Par dernières conclusions en date du 17 février 2022 et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [W] [B] épouse [Z] fait valoir que:

-elle conteste la violation de la clause de non-concurrence invoquée par la société Riviera Patrimoine & Conseils et dénonce la volonté de nuire de cette dernière,

-la situation lui a causé divers préjudices d'ordre financier et moral

L'intimée demande ainsi à la cour de réformer partiellement le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Riviera Patrimoine & Conseils la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence stipulée au mandat d'intérêt commun en date du 19 mars 2015 conclu entre les parties et à payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Mme [W] [B] épouse [Z] sollicite ainsi le rejet de toutes les demandes, fins et conclusions de la société Riviera Patrimoine & Conseils et la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation des différents préjudices subis, et la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 21 février 2021et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 24 mars 2022.

A cette date l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 12 mai 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel incident de Mme [W] [B] épouse [Z] :

Aux termes de l'article 909 du code de procédure civile l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 980 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

En l'espèce, il ressort des conclusions de l'intimée, datées du 17 octobre 2019, soit dans les trois mois des conclusions de l'appelant signifiées le 24 juillet 2019, que celle-ci n'a pas sollicité la réformation du jugement mais a sollicité de voir la société Riviera Patrimoine & Conseils déboutée de ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les frais et dépens.

En conséquence, il y a lieu de juger que la demande de réformation formée par conclusions postérieures est irrecevable.

Dès lors, Mme [W] [B] épouse [Z] est réputée s'être appropriée les motifs du jugement.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Riviera Patrimoine & Conseils :

En l'état de ce qui précède et au regard de l'appel partiel formé par la société Riviera Patrimoine & Conseils sur le quantum de l'indemnité fixée par les premiers juges, il n'y a pas lieu d'évoquer les motifs relatifs à la violation de la clause de non-concurrence, ni les motifs tenant à la demande de dommages et intérêts formée par Mme [W] [B] épouse [Z], motifs considérés comme définitivement jugés.

En revanche, la société Riviera Patrimoine & Conseils conteste le montant de l'indemnité allouée par le tribunal, rappelant qu'elle avait sollicité la somme de 128.095,59 euros correspondant aux commissions perçues par le mandataire sur les 12 derniers mois précédant la rupture du contrat en cas de violation de la clause de non-concurrence, conformément à l'article 12 du contrat de mandat d'intérêt commun conclu le 9 mars 2015 avec Mme [W] [B] épouse [Z].

Ainsi, aux termes de l'article 12 dudit contrat intitulé «'clause de non-concurrence » il est prévu qu'en cas de cessation du contrat, pour quelque raison que ce soit, le mandataire s'interdit durant un an à compter de la fin du contrat, sur la ville de [Localité 8] (Var), et un rayon de vingt kilomètres à vol d'oiseau autour de cette ville, d'exercer des fonctions similaires à celles prévues au présent contrat, tant pour son compte que celui de toute autre personne physique ou morale.

L'article 12 précise en outre que le non-respect de cette clause rendra le mandataire «'redevable envers le mandant d'une indemnité forfaitaire d'un montant égal à celui des commissions qu'il aura perçues du mandant sur les DOUZE (12) derniers mois précédant la rupture du contrat, le mandant conservant la faculté d'engager l'action judiciaire en cessation de la violation de ladite clause'».

Aux termes de l'article 1226 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 telle qu'applicable au contrat conclu le 9 mars 2015,'«'la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution'».

Par ailleurs, conformément aux articles 1151 et 1152 anciens du code civil, «'dans le cas même où l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention'».

«'Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite'».

La clause pénale, en ce qu'elle est destinée à se prémunir contre les manquements du cocontractant dans le respect de ses obligations, présente un caractère comminatoire et doit, notamment par son montant, conserver ce caractère dissuasif, sauf à être dépourvue de toute utilité.

Néanmoins, conformément aux articles susvisés, les dommages et intérêts prévus par la clause pénale ne doivent correspondre qu'à la perte éprouvée et au gain manqué et n'être que la conséquence immédiate et directe de l'inexécution de la convention.

En l'espèce, il est établi qu'en dépit de la clause contenue au contrat de mandat, et du rappel qui en a été fait expressément à Mme [W] [B] épouse [Z] par courrier du 2 mars 2017, cette dernière a violé la clause de non-concurrence prévue à l'article 12 au moins à deux reprises par le biais de la société Cyfa Patrimoine, créée dès le 7 février 2017 (date de commencement de l'activité), soit avant la démission de Mme [W] [B] épouse [Z] du 21 février.

Ainsi, par procès-verbal établi le 15 juin 2017, il a été constaté que la société Cyfa Patrimoine commercialisait un programme immobilier à [Localité 5], soit à 14,93 kilomètres de [Localité 8]. Il a également été constaté postérieurement qu'un autre programme immobilier était commercialisé à [Localité 6], également à moins de vingt kilomètres, selon un plan de vente du 30 juin 2017.

Il résulte de ces éléments que si la privation pour un mandataire d'un revenu égal à une année de commissions constitue une pénalité manifestement excessive et ce, notamment au regard de la durée du mandat (9 mars 2015-21 février 2017), il n'en demeure pas moins que l'indemnité, telle que réduite au montant de 10.000 euros, est insuffisante à réparer la perte éprouvée par la société Riviera Patrimoine & Conseils du fait du non-respect de la clause de non-concurrence au regard de l'importance des deux programmes commercialisés par Mme [W] [B] épouse [Z], par le biais de la société Cyfa Patrimoine, et des circonstances de la violation contractuelle.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ramené le montant de la clause pénale à la somme de 10.000 euros, et statuant à nouveau, de juger que ce montant sera valablement fixé à la somme de 50.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande formée par assignation du 2 octobre 2017.

Sur les frais et dépens :

Mme [W] [B] épouse [Z], partie succombante, conservera la charge des entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et sera tenue de payer à la société Riviera Patrimoine & Conseils la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit irrecevable l'appel incident formé par Mme [W] [B] épouse [Z],

Infirme le jugement rendu le 19 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a condamné Mme [W] [B] épouse [Z] à payer à la société Riviera Patrimoine & Conseils la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence stipulée au mandat d'intérêt commun en date du 9 mars 2015 conclu entre les parties,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [W] [B] épouse [Z] à payer à la société Riviera Patrimoine & Conseils la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2017,

Condamne Mme [W] [B] épouse [Z] aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne Mme [W] [B] épouse [Z] à payer à la société Riviera Patrimoine & Conseils la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/07036
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.07036 ?
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