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12/05/2022 | FRANCE | N°19/06936

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 12 mai 2022, 19/06936


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2022



N° 2022/177













N° RG 19/06936 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEFWM







SAS MINOTERIE BATIGNE





C/



[K] [N]

[M] [X] épouse [N]

Philippe ROUET





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Philippe- Laurent SIDER



Me Christophe DUPONT

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 08 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00455.





APPELANTE



SAS MINOTERIE BATIGNE, dont le siège social est [Adresse 4]



représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2022

N° 2022/177

N° RG 19/06936 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEFWM

SAS MINOTERIE BATIGNE

C/

[K] [N]

[M] [X] épouse [N]

Philippe ROUET

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Philippe- Laurent SIDER

Me Christophe DUPONT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 08 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F00455.

APPELANTE

SAS MINOTERIE BATIGNE, dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau D'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Annabelle LE MAILLOT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [K] [N]

né le 27 Juillet 1965 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christophe DUPONT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [M] [X] épouse [N]

née le 01 Août 1966 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christophe DUPONT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE

Monsieur [T] [G]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Christophe DUPONT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 janvier 2014 M. [K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] ont cédé leur fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, situé à [Localité 3], à la société Neffati Food par acte sous-seing privé établi par Maître Philippe Rouet, avocat.

Le 23 janvier 2014 la société Minoterie Batigne (SAS) a procédé à une opposition sur le prix de cession entre les mains de Maître [T] [G] en faisant valoir qu'elle était titulaire d'une créance de 11.504,28 euros.

Le 30 mai 2017 M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice afin d'obtenir la libération des fonds détenus par Maître [T] [G].

Par ordonnance du 25 janvier 2018 le juge des référés a ordonné à Maître [T] [G] de se libérer de la somme de 1.969,02 euros au profit de la société Minoterie Batigne.

Par assignation du 24 juillet 2018 M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] ont saisi le tribunal de commerce de Nice afin d'obtenir à titre principal la mainlevée de l'opposition effectuée le 23 janvier 2014, et la restitution de la somme de 9.732,34 euros par Maître [T] [G].

Par jugement en date du 8 avril 2019 le tribunal de commerce de Nice a':

- ordonné la mainlevée de l'opposition abusive du 23 janvier 2014,

- débouté la société Minoterie Batigne de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- ordonné à Maître Philippe Rouet, avocat au barreau de Nice, de se libérer sans délai de la somme de 9.732,34 euros au profit de M. [K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N],

- condamné la société Minoterie Batigne au paiement de la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et mauvaise foi caractérisée,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Minoterie Batigne au paiement d'une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

Par déclaration en date du 24 avril 2019 la société Minoterie Batigne a interjeté appel du jugement.

Par conclusions en date du 20 septembre 2019 et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Minoterie Batigne fait valoir qu'elle justifie, par la production de factures et de bons de livraison, qu'elle a procédé à la livraison de farine auprès de M. [K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N], de sorte que ces derniers restent débiteurs de la somme de 9.237,28 euros.

Elle soutient que son opposition au prix de vente est dès lors bien-fondée et que M. [K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] ne peuvent se prévaloir d'un paiement effectué entre les mains de la société Julie International dès lors qu'il n'existe pas de lien contractuel avec cette société et que son gérant a reconnu avoir détourné les sommes et être à l'origine d'une escroquerie.

La société Minoterie Batigne ajoute que M. [K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] ne pouvaient ignorer que leur seul créancier était la société Minoterie Batigne

La société appelante demande ainsi à la cour, au visa de l'article L.141-14 code de commerce, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de':

- juger l'opposition fondée,

- condamner M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] au paiement d'une somme de 9.237,28 euros en règlement des factures impayées émises par la société Minoterie Batigne,

- enjoindre à Maître Philippe Rouet, avocat séquestre du prix de vente, de lui verser la somme de 9.237,28 euros,

- condamner M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens

Par conclusions en date du 30 septembre 2019 et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] exposent que la créance invoquée par la société Minoterie Batigne ne repose sur aucun fondement dès lors qu'il sont déjà réglé les 24 factures auprès de la société Julie International (Moulin de Julie), représentante de la société Minoterie Batigne, et qu'ils sont eux-mêmes étrangers à la relation contractuelle existant entre la société Minoterie Batigne et la société Julie International puisque les commandes avaient été passées auprès de la société Julie International.

M. [K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] dénoncent le fait que les factures invoquées par la société Minoterie Batigne n'ont été produites que le 19 octobre 2018 s'agissant de factures émises entre le 21 juin et le 21 novembre 2013.

Ils font également grief à la société Minoterie Batigne de sa résistance abusive et de sa mauvaise foi, justifiant leur demande de dommages et intérêts.

Ainsi, M. [K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N], au visa des article L141-1 et suivants du code de commerce, 1101 et 1108 du code civil, 1342-2 et 1343-3 du code civil, demandent à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant, de condamner la société Minoterie Batigne à leur payer les sommes de 4.000 euros pour appel abusif et 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, dont distraction.

Maître Philippe Rouet, constitué à la procédure devant la cour d'appel par le biais de maître Christophe Dupont par acte enregistré le 14 mai 2019, n'a pas conclu.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 21 février 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 21 mars 2022.

A cette date l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 12 mai 2022.

MOTIFS

Sur l'opposition au prix de vente du fonds de commerce :

Aux termes de l'article L.141-14 du code de commerce tout créancier peut, à l'occasion de la cession d'un fonds de commerce, former opposition au prix de vente «'que sa créance soit ou non exigible'».

Si le caractère exigible de la créance n'est pas requis, encore est-il nécessaire que la créance invoquée soit certaine.

Par ailleurs, aux termes des articles 1239 et 1240 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, le paiement doit être fait au créancier, ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui, ou qui soit autorisé par justice ou par la loi à recevoir pour lui.

Le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé.

En l'espèce, il ressort des termes mêmes de la plainte déposée par la société Minoterie Batigne auprès de M. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse que cette société a conclu avec la société Julie International un «'contrat de fourniture de farine'» aux termes de laquelle la société Julie International devait commercialiser la farine de la société Minoterie Batigne auprès des boulangeries. La société Minoterie Batigne précise également qu'elle facturait directement les clients, que la société Julie International livrait la farine et était chargée de remettre les factures aux clients.

La société Minoterie Batigne reconnaît elle-même qu'en l'état de nombreux impayés elle a découvert que la société Julie International «'avait refait les factures à son nom afin d'encaisser directement les clients'» (pièce 14 des intimés).

Au demeurant, M. [H] [I], gérant de la société Julie International, a reconnu ces faits par un courrier du 27 janvier 2014, et a également reconnu, par courrier du 21 janvier 2014 (pièce 4 des intimés) que la boulangerie [N] avait bien réglé les factures de farine émises du 1° juillet 2013 au 30 novembre 2013 par la société Moulin de Julie (Sarl Julie International) pour le compte de la société Minoterie Batigne et qu'elle les avait encaissées, de sorte qu'elles n'étaient plus dues par la boulangerie [N].

La plainte émise par la société Minoterie Batigne vise d'ailleurs la falsification des factures opérée par la société Julie International. M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] produisent en outre aux débats les factures émises au nom du «'Moulin de Julie'» entre le mois d'avril 2013 et le mois de septembre 2013.

Il peut donc être déduit de ces pièces que si la qualité de créancier de la société Minoterie Batigne est démontrée, en revanche, il est également établi que M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] se sont acquittés de bonne foi des factures émises faussement par la société Julie International, à l'enseigne Moulin de Julie, pensant avoir à faire au mandataire ou représentant de la société Minoterie Batigne.

En outre, la société Minoterie Batigne n'établit pas, en dépit du non-paiement invoqué de vingt-quatre factures datées du 25 juin 2013 au 22 janvier 2014, qu'elle a adressé une demande en paiement directement auprès de M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] ou, a minima, une relance avant l'opposition formée le 23 janvier 2014 et ce, alors que certaines factures étaient impayées depuis six mois.

Cette circonstance aurait été de nature à alerter les époux [N] sur les man'uvres opérées par la société Julie International.

Au surplus, la société Minoterie Batigne reconnaît elle-même, dans sa plainte, qu'elle a été destinataire du courrier émis le 27 janvier 2014 par M. [I] par lequel celui-ci reconnaît avoir encaissé le paiement des factures émises pour le compte de la société Minoterie Batigne de sorte que si à la date de l'opposition au prix de vente (23 janvier 2014) elle pouvait encore ignorer ce détournement, en revanche, elle était parfaitement informée par la suite des faits d'escroquerie et de faux en écriture privée et usage de faux dénoncés par sa plainte devant le procureur de la République. Cette attitude dénote dès lors un acharnement abusif à l'encontre des époux [N].

En conséquence, il y a lieu de juger que le paiement fait de bonne foi par M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] entre les mains de la société Julie International, qui en émettant elle-même les facture s'est présentée comme le véritable titulaire de la créance, les a libérés de leur obligation à l'égard de la société Minoterie Batigne.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif':

Au visa de l'article 1241 du code civil l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne peut constituer un abus de droit susceptible de donner lieu à dommages-intérêts que dans des circonstances particulières le rendant fautif, et notamment lorsqu'est caractérisée une intention malveillante ou une volonté de nuire de la part de celui qui l'exerce.

La partie intimée sera déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de l'appelant, qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits, et faute d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais de défense exposés.

Sur les frais et dépens :

La société Minoterie Batigne conservera la charge des dépens de la procédure d'appel et sera tenue de payer à M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 avril 2019 par le tribunal de commerce de Nice,

Y ajoutant,

Déboute M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne la société Minoterie Batigne aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Minoterie Batigne à payer à M.[K] [N] et Mme [M] [X] épouse [N] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/06936
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.06936 ?
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