COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 12 MAI 2022
N° 2022/
FB/
Rôle N° RG 19/05408 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEBZK
(N° RG 21/15150 JOINT)
[W] [T]
C/
SARL AMC ETEC
Copie exécutoire délivrée
le :
12 MAI 2022
à :
Me Sandrine COHEN-SCALI, avocat au barreau de GRASSE
Me Sophie BOYER MOLTO, avocat au barreau de GRASSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 15 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00338.
APPELANTE
Madame [W] [T], demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]
représentée par Me Sandrine COHEN-SCALI, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
SARL AMC ETEC prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]/FRANCE
représentée par Me Sophie BOYER MOLTO, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [T] (la salariée) a été mise à disposition par la société de travail temporaire Proman auprès de l'entreprise utilisatrice SARL AMC ETEC (la société) suivant contrat de mission temporaire pour la période du 3 au 7 octobre 2016, renouvelée jusqu'au 2 décembre 2016, en qualité d'assistante communication.
La société l'a ensuite engagée par contrat à durée indéterminée 'non cadre' du 5 décembre 2016 en qualité de Web Marketing Manager, niveau IV, échelon 1, coefficient 255, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2000 euros, outre une prime sur résultat, pour 151,67 heures.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la métallurgie des Alpes Maritimes.
La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement.
La salariée a été placée en arrêt maladie à plusieurs reprises à compter de janvier 2017 : du 25 janvier au 29 janvier 2017, du 2 au 8 mai 2017, puis de manière continue à compter du 31 mai 2017.
Le 6 juin 2017 la société a notifié à la salarié un avertissement.
La salariée a saisi le 1er septembre 2017 le conseil de Prud'hommes de Cannes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail au torts de l'employeur, de demandes subséquentes, d'une revendication du statut cadre, d'une régularisation des cotisations afférentes au statut de cadre, d'une demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et d'un rappel de prime.
Par jugement du 15 mars 2019 le conseil de Prud'hommes de Cannes a:
- débouté Madame [T] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail
- débouté madame [T] de l'ensemble de ses autres demandes
- débouté la SARL AMC ETEC de sa demande reconventionnelle
- condamné les parties aux dépens partagés.
La salariée a interjeté appel par déclaration du 3 avril 2019 qui énonce :
'L'appel tend à la réformation du jugement rendu le 15 mars 2019 sous le RG N° 17/00338 par le Conseil de Prud'hommes de Cannes en ce qu'il a :
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande visant à Dire et Juger qu'elle relève de la classification cadre, Position I de la convention collective nationale des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande visant à Condamner la société AMC ETEC à régulariser, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, les cotisations sociales patronales et salariales des cadres afférentes aux rémunérations versées à Madame [T] sur la période du 5 décembre 2016 au 31 mai 2017
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande visant à Dire et Juger que la
résiliation judiciaire de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui verser la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui verser la somme de 2.750 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 275 € au titre des congés payés y afférents
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui verser la somme de 1.600 € à titre de rappel de prime sur résultat sur la période du 1er février 2017 au 31 mai 2017, outre la somme de 160 € au titre des congés payés y afférent
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société
AMC ETEC à lui verser la somme de 5.000 € à tire de dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail et manquement à l'obligation de loyauté - Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui verser la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour délivrance tardive d'une attestation de salaire conforme
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC
- Condamné les parties aux dépens partagés'
La procédure est suivie sous le n° RG 19 / 05408.
A l'issue du dernier arrêt de travail le 2 août 2019, le médecin du travail indiquait lors de la visite de reprise du 5 août 2019 que 'la salariée, actuellement, ne peut pas poursuivre sur son poste. Inaptitude à son poste envisagée dans l'attente : de la réalisation ou de l'éventuelle mise à jour de la fiche d'entreprise, de l'étude de poste et des conditions de travail, de l'échange avec l'employeur' et renvoyait à un 2ème examen dans un délai maximum de 15 jours.
Lors de la visite de reprise du 8 août 2019 le médecin du travail l'a déclarait définitivement 'inapte à tous les postes' avec mention que 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi'.
Le 27 août 2019 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 6 septembre 2019.
Par lettre du 10 septembre 2019 la société lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La salariée a saisi le 9 janvier 2020 le conseil de Prud'hommes de Cannes d'une contestation de son licenciement, de demandes subséquentes, de demandes de dommages et intérêts pour défaut d'information des motifs s'opposant à son reclassement et pour délivrance tardive d'une attestation de salaire conforme.
Par jugement du 5 octobre 2021 le conseil de Prud'hommes de Cannes a :
- dit et jugé que le licenciement de Madame [T] pour inaptitude est intervenu pour une cause réelle et sérieuse;
- condamné la SAS AMC ETEC à payer à Madame [T] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté Madame [T] du surplus de ses demandes;
- rejeté la demande reconventionnelle de la SAS AMC ETEC;
- partagé les dépens.
La salarié a interjeté appel du jugement par déclaration du 25 octobre 2021 qui énonce :
''L'objet du présent appel est de faire droit à toutes exceptions de procédure, d'annuler, sinon d'infirmer et à tout le moins de réformer le jugement rendu le 5 octobre 2021 sous le RG N° 20/00007 par le Conseil de Prud'hommes de Cannes. II est précisé que le présent appel est relatif aux chefs du jugement ayant:
- Dit et jugé que le licenciement de Madame [T] pour inaptitude est intervenu pour une cause réelle et sérieuse
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande visant à Dire et Juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui payer la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui payer la somme de 2.750 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 275 € au titre des congés payés y afférents
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information des motifs s'opposant à son reclassement
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui payer la somme de 1.000€ à titre de dommages et intérêts pour délivrance tardive d'une attestation de salaire conforme
- Débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui délivrer ses bulletins de salaire des mois d'août 2017 et septembre 2017, ainsi que ceux des mois d'août 2018 à août 2019, sous astreinte de 100 € par jour
de retard à compter de la notification du jugement à intervenir
- Partagé les dépens'
La procédure est suivie sous le n° RG 21 / 15150.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
-Procédure suivie sous le n° RG 19 / 05408
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 février 2022 Mme [T], appelante, demande de :
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 mars 2019 par le conseil de Prud'hommes de Cannes
Statuant à nouveau,
A Titre Principal
PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail à durée indéterminée de Madame
MICHELIS
DIRE ET JUGER que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [T] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
A Titre Subsidiaire
DIRE ET JUGER le licenciement de Madame [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse
En conséquence, et en tout état de cause,
CONDAMNER la société AMC ETEC à payer à Madame [T] la somme de :
- 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- 2.750 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 275 € au titre des congés payés y afférents
- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information des motifs s'opposant à son reclassement.
CONDAMNER encore la société AMC ETEC à payer à Madame [T] la somme de 1.600 € à titre de rappel de prime sur résultat sur la période du 1er février 2017 au 31 mai 2017, outre la somme de 160 € au titre des congés payés y afférent
CONDAMNER encore la société AMC ETEC à payer à Madame [T] la somme de 5.000 € à tire de dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail et manquement à l'obligation de loyauté
CONDAMNER encore la société AMC ETEC à payer à Madame [T] la somme de 1.000 € à titre de dommage et intérêts pour délivrance tardive d'une attestation de salaire conforme
CONDAMNER encore la société AMC ETEC à délivrer à Madame [T] ses bulletins de salaire des mois d'août 2017 et septembre 2017, ainsi que ceux des mois d'août 2018 à août 2019, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
DIRE ET JUGER que Madame [T] relève de la classification cadre, Position I de la convention collective nationale des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie
CONDAMNER la société AMC ETEC à régulariser, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, les cotisations sociales patronales et salariales des cadres afférentes aux rémunérations versées à Madame [T] sur la période du 5 décembre 2016 au 31 mai 2017
ORDONNER la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code Civil.
CONDAMNER la société AMC ETEC à verser à Madame [T] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC
CONDAMNER la société AMC ETEC aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 janvier 2020 la SARL AMC ETEC, intimée, demande de :
CONFIRMER le Jugement du Conseil des Prud'hommes de [Localité 2] du 15 mars 2019;
En conséquence:
DEBOUTER Madame [T] de sa demande de résiliation judiciaire de contrat de travail
DEBOUTER Madame [T] de ses demandes de condamnation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse;
DEBOUTER Madame [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
CONDAMNER Madame [T] à la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens.
-Procédure suivie sous le n° RG 21-15150
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 février 2022 Mme [T], appelante, demande de :
INFIRMER le jugement rendu le 5 octobre 2021 par le conseil de Prud'hommes de Cannes en ce qu'il a :
- dit et jugé que le licenciement de Madame [T] pour inaptitude est intervenu pour une cause réelle et sérieuse
- débouté Madame [W] [T] de sa demande visant à Dire et Juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui payer la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêt pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui payer la somme de 2.750 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 275 au titre de congé payés y afférents
- débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui payer la somme de 5.000 à titre de dommage et intérêts pour défaut d'information des motifs s'opposant à son reclassement
- débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui payer la somme de l.000 € à titre de dommages et intérêts pour délivrance tardive d'une attestation de salaire conforme
- débouté Madame [W] [T] de sa demande de condamnation de la société AMC ETEC à lui délivrer ses bulletins de salaire des mois d'août 2017 et septembre 2017, ainsi que ceux des mois d' août 2018 à août 2019, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir
- partagé les dépens
Statuant à nouveau
DIRE ET JUGER le licenciement de Madame [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse
En conséquence,
CONDAMNER la société AMC ETEC à payer à Madame [T] la somme de :
- 20.000 à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- 2.750 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 275 € au titre des congés payés y afférents
CONDAMNER la société AMC ETEC à payer à Madame [T] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information des motifs s'opposant à son reclassement.
CONDAMNER encore la société AMC ETEC à payer à Madame [T] la somme de 1.000 à titre de dommages et intérêts pour délivrance tardive d'une attestation de salaire conforme
CONDAMNER encore la société AMC ETEC à délivrer à Madame [T] ses bulletins de salaire des mois d'août 2017 et septembre 2017, ainsi que ceux des mois d'août 2018 à août 2019, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
ORDONNER la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code Civil
CONDAMNER la société AMC ETEC à verser à Madame [T] la somme de 3.000 au titre de l'article 700 du CPC
CONDAMNER la société AMC ETEC aux entiers dépens
DEBOUTER la société AMC ETEC de l'ensemble de ses demandes.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 février 2022 la SARL AMC ETEC, intimée, demande de :
CONFIRMER le Jugement du Conseil des Prud'hommes de [Localité 2] du 05 octobre 2021;
En conséquence:
' DEBOUTER Madame [T] de condamnation pour licenciement dépourvu du cause réelle et sérieuse;
' DEBOUTER Madame [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
' CONDAMNER Madame [T] à la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens;
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
L'ordonnance de clôture a été rendue dans les procédures suivies sous les n° RG 19 / 05408 et n°21 / 15150 le 14 février 2022.
SUR CE
Sur la jonction des procédures
L'article 367 du code de procédure civile dispose:
'Le juge peut à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les faire instruire ou juger ensemble'
En l'espèce la cour dit qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des procédures, au demeurant sollicitée par le conseil de la salariée par courrier du 30 novembre 2021, dès lors qu'elles opposent les mêmes parties sur l'exécution et la rupture du contrat de travail qui les liait, ayant fait l'objet d'une première instance portant sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et d'une seconde instance, à la suite du licenciement notifié à la salarié, portant sur la contestation de celui-ci.
En conséquence la cour ordonne la jonction des procédures suivies sous les n° RG 19/05408 et n° RG 21 /15150.
Sur la revendication du statut de cadre et la demande de régularisation sous astreinte des cotisations patronales et salariales des cadres pour la période du 5 décembre 2016 au 31 mai 2017
II appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de
celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d'un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.
En l'espèce la salariée revendique le statut de cadre en faisant valoir que :
- compte tenu de son diplôme Master 2 elle répondait aux critères définis par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie;
- la réalité de ses fonctions dépassait les tâches et responsabilités correspondant à son emploi.
La société s'oppose à la demande en faisant valoir que ni son diplôme ni ses attributions, conformes à son emploi et sans fonction d'encadrement, ne justifient la reconnaissance du statut de cadre et qu'au surplus la demande ne présente pas d'intérêt dès que la salariée était rémunérée au niveau du coefficient minimal du statut cadre.
La cour constate qu'il résulte du contrat de travail et des bulletins de paie de la salariée qu'elle relevait de la convention collective de la métallurgie des Alpes Maritimes et qu'il lui était appliqué le statut employé, niveau IV, échelon 1, coefficient 255.
Selon l'article 37 de la convention collective de la métallurgie des Alpes Maritimes appliquée à la salariée 'les classifications professionnelles, les niveaux et coefficients hiérarchiques sont établis conformément à l'accord national du 21 juillet 1975 modifié sur la classification et ses avenants annexés à la présente convention. Il est souligné que l'annexe I de l'accord national a aménagé une garantie de classement minimal ou classement d'accueil pour les détenteurs de certains diplômes professionnels'
L'accord national du 21 juillet 1975 sur la classification concerne les salariés des entreprises entrant dans le champ d'application des accords de la métallurgie, à l'exclusion des ingénieurs et cadres relevant de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972. Il comprend trois classifications : ouvriers, administratifs-techniciens et agents de maîtrise.
La salariée relevait de la classification agent de maîtrise définie à l'article 3 de l'accord national précité de la façon suivante 'L'agent de maîtrise se caractérise par les capacités professionnelles et les qualités humaines nécessaires pour assumer des responsabilités d'encadrement, c'est à dire technique et de commandement dans les limites de la délégation qu'il a reçue'
Aux termes de l'article 3 de l'accord national du 21 juillet 1975, l'agent de maîtrise niveau IV est celui qui :
' A partir d'objectif et d'un programme, d'instructions précisant les conditions d'organisation, avec les moyens dont il dispose, il est responsable, directement ou par l'intermédiaires d'agents de maîtrise de qualification moindre, de l'activité de personnels des niveau I à III.
Cette responsabilité implique :
- participer à l'accueil du personne nouveau et veiller à son adaptation;
- faire réaliser des programmes définis en recherchant la bonne utilisation du personnel et des moyens, donner des instructions adaptées et en contrôler l'exécution;
- décider et appliquer les mesures correctrices nécessaires pour faire respecter les normes qualitatives et quantitatives d'activité;
- apprécier les compétences manifestes au travail, proposer toute mesure individuelle et modifications propres à promouvoir l'évolution et la promotion des personnels;
- imposer le respect des dispositions relatives à la sécurité et à l'hygiène, en promouvoir l'esprit;
- rechercher et proposer des améliorations à apporter dans le domaine des conditions de travail;
- transmettre et expliquer les informations professionnelles dans les deux sens;
Il est placé sous la responsabilité d'un supérieur hiérarchique.
Niveau de connaissance
Niveau IV - Education nationale (circ. du 11 juillet 1967)
Acquis soit par voie scolaire, soit par l'expérience et la pratique complétant une qualification initiale au moins équivalente à celle du personne encadré.
3ème échelon (AM4, coefficient 285)
Agent de maîtrise dont la responsabilité s'exerce sur des personnels assurant des travaux faisant appel à des solutions diversifiées et nécessitant des adaptations. Il est associé aux études d'implantations et de renouvellement des moyens et à l'établissement des programmes d'activité, à l'élaboration des modes, règles et normes d'exécution.
1er échelon (AM 3 coefficient 255)
Agent de maîtrise responsable de la conduite de travaux d'exécution répondant principalement aux définitions des échelons du niveau III. Il complète les instructions de préparation par des interventions techniques portant sur les modes opératoires et les méthodes de vérification nécessaires au respect des normes définies'
Par ailleurs l'article 6 de l'accord national prévoit que les titulaires de diplômes professionnels accèdent à un classement minimal en renvoyant à l'annexe I de l'accord national du 21 juillet 1975 lequel fixe le seuil minimal d'accueil du titulaire d'un diplôme universitaire de technologie à au 1er échelon du niveau IV.
Enfin l'article 7 de l'accord national relatif aux conditions accès à la position de cadre
stipule que les salariés classés au troisième échelon du niveau V seront placés en position II au sens de la classification définie par l'article 20 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres du 13 mars 1972, à la condition que leur délégation de responsabilité implique une autonomie suffisante.
Sur le premier moyen, la salariée se prévaut de l'article 1er de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 étendue, selon lequel :
'Le personnel visé par la présente convention est ainsi défini :
a) Années de début (position I) Les dispositions relatives aux années de début s'appliquent au personnel de l'un ou l'autre sexe suivant:
- ingénieurs diplômés selon les termes de la loi et engagés pour remplir immédiatement ou au bout d'un certain temps une fonction d'ingénieur;.
- autres diplômés engagés pour remplir immédiatement ou au bout d'un certain temps des fonctions de cadres techniques, administratifs ou commerciaux, titulaires de l'un des diplômes nationaux suivants:
.....
- agrégations, doctorats (docteur d'Etat, docteur ingénieur, docteur 3e cycle), diplômes d'études approfondies, diplômes d'études supérieures spécialisées, maîtrise et licences délivrés par les universités des lettres, de droit, des sciences économiques, des sciences humaines et de sciences;'
La cour relève des termes mêmes de la convention collective, que le critère de diplôme n'est pas l'unique critère classant mais qu'elle subordonne son champ d'application à la combinaison d'un niveau de diplôme et de fonctions exercées d'ingénieur ou de cadre technique, administratif ou commercial pour les autres diplômés.
Il s'ensuit que la circonstance que la salariée justifie être titulaire :
- d'une licence de langues étrangères appliquées spécialisation russe, allemand délivrée par l'université de Nice [5] en 2003;
- d'un master lettres, langues, arts à finalité professionnelle, mention Information, Communication et Culture, spécialité Ingenerie de la création multimédia et direction artistique de projets dans le domaine Lettres, Langues Arts délivrée par l'université de Nice [5] en 2005;
ne suffit dès lors pas à justifier qu'elle relevait d'un statut cadre de par son seul niveau de diplôme.
Au soutien du second moyen, la salariée compare les tâches qui lui étaient effectivement confiées avec la définition de la fonction de Web Marketing Manager.
La salariée se réfère à la fiche de l'APEC sur la fonction de Responsable de la stratégie digitale dont la cour constate qu'elle correspond à plusieurs intitulés d'emplois : Responsable du marketing produits web, On-line marketing manager, Responsable marketing digital, Responsable de l'innovation et de la stratéie web.
La société qui pour sa part produit en pièce 3ter un document intitulé dans son bordereau de communication de pièces 'fiche métier Web maketing manager' et présentant des articles définissant et illustrant un métier qualifié d' 'encore assez nouveau', ne conteste pas que la fonction détaillée dans la fiche APEC sous l'intitulé de Responsable de la stratégie digitale correspondait bien à celle qu'occupait la salariée sous la dénomination de Web Marketing manager.
Il résulte de la fiche de l'APEC que :
' Le responsable de la stratégie digitale a pour mission de développer et déployer la stratégie multicanal de l'entreprise. II conçoit avec ses équipes internes/externes de nouveaux produits et services digitaux et vise ainsi à maximiser les points de contacts entre l'internaute et la marque.
Activités principales :
Mise en place d'une veille stratégique....
Conception d'une stratégie marketing .....
Conception et lancement des nouveaux services....
Suivi des opérations de marketing......
Management et animation d'équipes.....'
La salariée dresse ensuite une liste de tâches qu'elle assumait (liées aux métiers du web avec notamment la charge de quatre sites web, à la communication/design, aux ressources humaines, au secrétariat, achats, à la traduction, à la gestion commerciale et à l'export, au métier de chef de projet événementiel/ à la communication et à la presse, au marketing digital/négociation de contrat, au community management et à la stratégie commerciale/export) et à l'appui verse aux débats :
- en pièce 22 un document intitulé dans le bordereau des pièces communiquées 'tableaux des tâches réalisées' correspondant à des plannings établis par ses soins du 24 octobre au 31 décembre 2016 renseignés au moyen d'intitulés de type 'réunion, Slider, Metas, Plan de mesurabilité, Sauvegarde site, Trads UK, Mise en prod site, Réseaux sociaux créa, Installation WP +SQL, Paramétrage NL, Paramétrage Google, Objectifs GA, Tutoriel site, Prospection, Stats, SEO, newsletter lancement....' ;
- en pièce 23 un document intitulé dans le bordereau de communication de pièces 'Détail des fonctions' correspondant à un descriptif établi par ses soins listant de manière synthétique et par blocs chronologiques suivant les contrats : octobre- novembre (intérim proman), décembre-janvier (CDI essai amcetec), février-mars (CDI amcetec), avril-mai (CDI amcetec) les tâches réalisées;
- en pièces 33 à 75 notamment des courriels rendant compte d'actions professionnelles sur les quatre sites internet de la société, des copies d'écran d'arborescences informatiques, des dossiers de travail, des articles de presse, des documents de présentation des sites web, des produits commercialisés, des tutoriels d'outils informatiques, des rapports d'analyse de statistiques du trafic sur les sites et sur les opérations d'Emailing, un rapport de synthèse sur la stratégie webmarketing, des études portant sur la procédure de dépôt de marque, sur la faisabilité et les coûts des projets web, un récépissé de déclaration à la CNIL, des notices, outils de présentation remaniés par ses soins, des travaux préparatoires aux réunions du directeur, aux opérations de communication, des travaux de traduction, d'analyse des propositions de prestataires de marketing digital;
- l'attestation de Mme [N] qui déclare que 'depuis le départ en maladie de Mme [T], une autre personne a également été embauchée, Mme [O] pour la partie qualité et management notamment. Enfin Mme [J] gère depuis le laboratoire de recherches sis... différentes tâches administratives, commerciales et comptables. J'atteste enfin que la société Ambra....intervient pour la maintenance web. Une bonne partie des tâches incombant à Mme [T] semblent donc couvertes par plusieurs personnes (2, 3) et une société externe'.
La cour relève d'abord que :
- la pièce 22 ne revêt aucun caractère probant et ne met pas la cour en mesure d'apprécier la réalité des fonctions exercées par la salariée;
- la pièce 23 n'est qu'un listing d'attributions établi par ses soins et correspondant pour l'essentiel aux développements figurant dans ses écritures, qu'elle affirme avoir exercées;
- par sa généralité l'attestation de Mme [N] n'apporte aucun élément précis ni sur les caractéristiques des fonctions exercées par la salariée, ni sur la nature des responsabilités assumées .
La cour relève ensuite des éléments matériels issus de ses pièces 33 à 75, qu'ils attestent certes d'une part de l'étendue et de la technicité du travail exécuté par la salariée sur les canaux de communication, d'autre part de sa contribution par des outils relevant de ses compétences professionnelles à la stratégie commerciale et marketing de la société, enfin d'un rôle d'interface entre la direction, les prestataires, les clients, les collaborateurs dans les champ précités.
Toutefois, ceux-ci n'objectivent pas les attributions d'encadrement et de responsabilité qu'elle se prête dans le listing qu'elle dresse en pièce 23.
Surtout ils n'établissent pas que le niveau de responsabilité dont elle était investie et d'autonomie excédait la définition conventionnelle de la catégorie professionnelle qui lui était appliquée et correspondait à celui du niveau cadre.
Ainsi si elle avait en charge la conception et la gestion des canaux de communication qui participent de la stratégie commerciale de l'entreprise, aucun de ces éléments ne permet d'établir dans quelle mesure elle disposait d'une capacité d'initiative, d'une autonomie, d'un pouvoir décisionnaire au delà des missions confiées relevant de sa stricte compétence technique et dont elle rendait compte.
Dès lors la salariée ne démontre pas qu'elle relevait du statut cadre.
En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré du 15 mars 2019 est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
Sur la demande de régularisation sous astreinte des cotisations sociales patronales et salariales afférentes au statut cadre
Il résulte de ce qui précède que la salariée qui n'est pas fondée en sa prétention au statut cadre. Par voie de conséquence elle n'est pas fondée en sa demande de régularisation au titre des cotisations sociales afférentes au statut revendiqué.
En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré du 15 mars 2019 est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
Sur le rappel de prime sur résultat
Lorsqu'une prime est contractuellement prévue, l'employeur est tenu aux conditions fixées au bénéfice de cette prime.
Lorsque l'employeur instaure une prime sur résultat ou objectifs, ses critères d'attribution et de calcul doivent être précis, objectifs, vérifiables et être communiqués à l'avance au salarié.
Par ailleurs dès lors que l'employeur a pris par décision explicite un engagement unilatéral de faire bénéficier ses salariés ou une catégorie d'entre eux, d'un avantage collectif supplémentaire, celui-ci est créateur de droits pour les salariés concernés et l'employeur ne peut cesser de les en faire bénéficier qu'à condition de dénoncer l'engagement unilatéral.
En l'espèce la salariée réclame le paiement d'un rappel de prime sur résultat d'un montant de 1600 euros outre 160 euros de congés payés afférents pour la période du 1er février au 31 mai 2017, date de son arrêt de travail.
Elle soutient qu'en cessant de lui verser la prime sur résultat à compter de février 2017, la société n'a respecté ni les dispositions du contrat de travail ni ses engagements unilatéraux et fait valoir que:
- elle n'a pas été destinataire de l'annexe prévue au contrat de travail sur les modalités d'attribution de la prime sur résultat de sorte que l'employeur ne s'est pas conformé à son obligation de porter à sa connaissance préalable les objectifs déterminant sa rémunération variable ainsi que les éléments servant de base à ses modalités de calcul;
- l'employeur s'était engagé à lui verser dans son courrier du 12 janvier 2017 une prime sur résultat de 400 euros par mois.
La société s'oppose à la demande en faisant valoir que:
- elle n'avait pas à lui fixer des objectifs dès lors qu'il s'était engagé à lui verser une prime mensuelle de 400 euros;
- celle-ci lui a été versée jusqu'en avril 2017, en sus d'une prime exceptionnelle versée à tous les salariés au mois de mars et elle en a ensuite légitimement cessé le paiement en mai 2017 lorsque la salariée a été placée en arrêt maladie dès lors que cette prime était calculée sur les résultats.
A l'analyse des pièces du dossier la cour constate que:
- les parties étaient tenues par les stipulations du contrat de travail prévoyant que 'la salariée bénéficiera d'une prime sur résultat dont les modalités seront déterminées dans un document annexé au contrat';
- l'annexe visée n'est pas produite des parties et la société ne fournit aucun élément justificatif des conditions d'attribution de la prime sur résultat;
- dans l'écrit du 12 janvier 2017 contresigné par la salariée la société indiquait 'je certifie, [U] [C], PDG de la société AMC ETEC, d'[W] [T] effectuera 140 heures mensuelles (et non 151h) pour 2000€ bruts + 400 bruts de primes'
- sur les bulletins de paie figurent les versements suivant :
- prime sur résultat de 400 euros en décembre 2016
- prime sur résultat de 427,05 euros en janvier 2017
- primes exceptionnelles des mois de février à mai 2017 de 385,90 euros (février), de 401,35 euros et de 500 euros (mars), de 350 euros (avril) et de 21 euros (mai).
Il s'ensuit d'abord que la source de l'engagement de la société est exclusivement contractuelle et ne résulte pas d'un engagement unilatéral.
Or le contrat de travail mentionnait le bénéfice d'une prime sur résultat dont la société n'a pas mis en mesure la salariée de connaître les conditions d'attribution comme les modalités de calcul et elle ne justifie pas des critères conditionnant son versement par des éléments objectifs et vérifiables.
Si la société s'est ensuite engagée sur le versement d'une somme mensuelle de 400 euros au titre des primes, et non uniquement et spécifiquement de la prime sur résultat, cette circonstance ne la dispensait pas des obligations attachées à la prime sur résultat.
Et la société ne peut utilement se prévaloir des primes exceptionnelles versées à compter de février 2017 qui ne peuvent se substituer à la prime contractuelle sur résultat qui n'a ni la même nature ni la même origine.
Il résulte de ces éléments que la société est redevable d'un rappel de prime sur résultat pour la somme réclamée de 1 600 euros et 160 euros de congés payés afférents.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré du 15 mars 2019, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 1 600 euros à titre de rappel de prime sur résultat et celle de 160 euros pour les congés payés afférents.
Sur la résiliation judiciaire
Il résulte de la combinaison des articles 1224 et suivants du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2916-131 du 10 février 2016 applicables aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016) et L.1221-1 du code du travail que le salarié peut demander la résiliation du contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsque le salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licenciement postérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée, c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement, de la prise d'acte ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur.
Il incombe au salarié qui demande la résolution de son contrat de travail d'apporter la preuve que son employeur a commis à ses obligations des manquements suffisamment graves pour avoir rendu impossible la poursuite de la relation contractuelle.
En l'espèce la salariée a introduit son action en résiliation judiciaire du contrat de travail le 1er septembre 2017 et a ensuite fait ensuite l'objet d'un licenciement pour inaptitude notifié le 10 septembre 2019.
Il convient donc d'examiner en premier lieu la demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail.
A l'appui, la salariée invoque les manquements suivants :
- le non respect du niveau de classification auquel elle pouvait prétendre en ce que la société ne lui a pas appliqué le statut cadre;
- le non-paiement de la prime sur résultat;
- la référence erronée à une durée de travail à temps plein dans le contrat et les bulletins de salaire pour éluder les dispositions d'ordre public du temps partiel;
- l'attribution de tâches ne correspondant pas aux fonctions contractuelles;
- la délivrance tardive de l'attestation de salaire nécessaire à la perception des indemnités journalières;
- le refus d'organiser une visite médicale de reprise, en ce qu'à plusieurs reprises la société n'a pas donné suite à ses courriers l'informant de sa reprise imminente.
Sur le manquement au titre de la classification, comme il été précédemment dit, la salariée n'est pas fondée en sa prétention au statut cadre.
Sur le manquement reposant sur l'attribution de tâches ne correspondant pas aux fonctions contractuelles, la salariée s'appuie sur:
- le référentiel métier de l'OPIIEC qui dresse en des termes généraux une liste des principales activités relevant des fonctions de chef de projet web et wekmarketing;
- les pièces 33 à 75 ci-dessus décrites sur la revendication du statut cadre pour témoigner de son activité;
- son courrier du 7 juin 2017 dans lequel elle indique 'vous avez finit par me reprocher mon manque d'impact contre la chute du chiffre d'affaire ce mois-ci, notamment en terme de prospection web. Mon temps de travail ayant été mis au service de tâches qui ne m'incombaient pas (notamment l'aspect commercial et plus particulièrement sa restructuration), chose sur laquelle je vous ai alerté depuis plusieurs mois';
- le courrier en réponse de l'employeur du 14 juin 2017 par lequel il conclut 'nous restons ouvert à toute discussions avec vous pour aborder toutes questions sur vos conditions de travail qui vous poseraient problèmes' dont la salariée tire une absence de contestation du fait précédemment énoncé.
La société conteste le manquement et soutient au contraire que la salariée n'a jamais effectué de tâches dans certains des domaines qu'elle énonce (liées à la veille législative, aux ressources humaines, au secrétariat et aux achats) et que son activité relevait bien de l'emploi contractuellement convenu.
La cour relève d'abord, après analyse des pièces du dossier, que l'emploi de web marketing manager tel qu'exposé dans la fiche de métiers APEC et même celui plus restrictif de chef de projet web et webmarketing, décline des activités portant sur les outils de la stratégie multicanal de l'entreprise et sur la stratégie marketing qui se trouve en lien étroit et direct avec le secteur commercial de l'entreprise.
La cour relève ensuite que la salariée extrapole le contenu des éléments qu'elle produit, lesquels par leur caractère parcellaire, ponctuel et imprécis, ne rapportent pas la preuve d'attributions étrangères à ses fonctions contractuelles.
Ainsi les courriels notamment produits en pièce 63, se limitent à la faire apparaître comme l'un des destinataires de deux candidatures, ce qui n'établit pas comme elle l'affirme qu'elle était chargée des candidatures d'emploi et des entretiens d'embauche et son mail explicatif de l'organisation fonctionnelle, des outils informatiques et de travail, adressé à une salariée n'atteste pas comme elle l'indique qu'elle 'intégrait les nouvelles collaboratrices qu'elle avait recruté pour les former au discours commercial par email'.
Si en pièce 64 elle sollicite effectivement par courriel du 29 mai 2017 des membres de collectivités locales sur les dispositifs d'aide aux entreprises suite à leur rencontre avec le dirigeant de la société, cette pièce est insuffisante à établir qu'elle 'coordonnait également les projets en interne à [Localité 2] et aidait à la préparation du transfert de la société vers le Var (coordination, visite des locaux, demande de soutiens financiers auprès de la CAVEM, réseau internet et logistique diverse)'.
Elle n'explicite pas en quoi des échanges de courriels avec Orange et SFR en pièce 66 pour la commande de tablette, de téléphone et d'abonnement seraient étrangers à ses missions contractuelles et ceux-ci ne caractérisent pas 'des taches liées au secrétariat et aux achats' en ce 'qu'elle échangeait avec différents prestataires comme APPLE, Orange, SFR ou l'entreprise Prohyma spécialisée dans le nettoyage'
Si les pièces qu'elle verse en pièce 70 corroborent sa participation à la stratégie commerciale (rapport synthétique de présentation, mail du dirigeant indiquant 'je recherche avec [W] les meilleures solutions possibles pour la commercialisation de ces produits et services'), la salariée n'explicite pas en quoi celle-ci serait étrangère aux fonctions de web marketing qui contribuent à la stratégie commerciale dès lors qu'il résulte de ces pièces que, par son action tendant à promouvoir les produits par les différentes voies de communication, elle collaborait au processus de commercialisation.
En conséquence la cour dit que la salariée n'établit pas que la société a manqué aux obligations découlant du travail en lui confiant des missions ne relevant pas de l'emploi convenu.
En revanche comme il a été précédemment dit, la société a manqué à son obligation de paiement de la prime sur résultats de février à mai 2017.
Il résulte au surplus de l'échange de courriers des 7 juin 2017 et du 14 juin 2017 que la salariée a demandé des éclaircissements sur les primes perçues (changement de dénomination, absence d'information sur leurs conditions d'attribution 's'agit-il d'un 13ème mois ou 17ème mois comme vous avez coutume de le dire ' De primes sur le Chiffre d'affaire' Si oui quelle est la politique concernant l'égalité de traitement sur l'intéressement dans votre société '') auxquels la société se contentait de répondre 'Concernant les différentes primes données dans l'entreprise, ces dernières ne sont pas contractuelles et donc non obligatoire, elles sont versées en fonctions des bons résultats de l'entreprise ou du salarié selon les circonstances' ce qui est d'une part en contradiction avec les engagements contractuels et manifeste d'autre part la volonté de maintenir la salariée dans l'incertitude des critères d'attribution en violation des obligations de l'employeur.
Enfin la salariée, qui a saisi la juridiction prud'homale le 1er septembre 2017 de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, justifie d'aucune suite donnée à la mise en demeure de son avocat par courrier du 7 juillet 2017 de régulariser le paiement de la prime sur résultat, laquelle est demeurée impayée.
Le manquement est donc établi.
Sur les faits portant sur la durée du travail, la salariée justifie par la production des courriers de la société du 12 janvier 2017 ayant pour objet 'accord mutuel sur le temps de travail relatif au contrat du 5/12/2016" et du 14 juin 2017 qu'elle effectuait 32 heures de travail par semaine tout en disposant d'un contrat de travail et de bulletins de paie se référant à un temps complet de 151,67 heures par mois.
Elle verse également son courriel du 23 décembre 2016 et son courrier du 7 juin 2017 dont il résulte qu'elle demandait une régularisation du ratio temps de travail/ salaire brut pour ne pas réduire artificiellement son taux horaire, auquel la société n'a pas donné suite.
La non conformité du contrat à la réalité de la relation de travail, qui n'est au demeurant pas contestée, est donc établie sans que ne soit apporté, de part et d'autre, d'explication étayée, la salariée évoquant dans un courriel du 23 décembre 2016 des raisons de complexité comptable invoquée par le dirigeant, et la société de manière contradictoire une demande refusée de modification du contrat de travail portant réduction du temps de travail et une tolérance sur une réduction effective de ses horaires.
Il s'ensuit que le manquement portant sur la non conformité du contrat est établi.
Sur les faits reposant sur la délivrance tardive de l'attestation de salaire en vue du paiement des indemnités journalières par la sécurité sociale, ils portent en réalité sur la tardiveté de la transmission d'une nouvelle attestation de salaire pour la prolongation d'arrêts de travail excédant six mois.
Or la cour constate à l'analyse des pièces produites que:
- la salariée a par courrier recommandé du 23 novembre 2017 demandé à la société de lui renvoyer le formulaire CERFA d'attestation de salaire complété;
- la société a télétransmis le 30 novembre 2017 une attestation de salaire datée du même jour faisant figurer le dernier jour travaillé au 28 avril 2017 et sans mention du nombre d'heures de travail effectué sur les douze derniers mois;
- la salariée a par courriers recommandés des 12 décembre 2017 et 3 janvier 2018 réclamé la rectification de la date du dernier jour travaillé au 31 mai 2017 et de l'inscription du nombre d'heures travaillées;
- la société a établi une seconde attestation de salaire en date du 30 novembre 2017 rectifiant le dernier jour travaillé au 30 mai 2017 et renseignant le nombre d'heures accomplies.
Si la société conteste toute tardiveté dès lors qu'elle a procédé à la rectification dès qu'elle a eu connaissance de l'erreur, la cour relève que la société ne justifie pas de la date à laquelle elle a établi ni délivré l'attestation rectifiée dont la date du 30 novembre 2017 ne peut tenir lieu de preuve qu'elle s'est acquittée de son obligation dans les meilleurs délais alors qu'elle n'apporte aucun élément contraire aux relances de la salariée.
En conséquence le manquement est établi.
Sur les faits reposant sur le refus d'organiser une visite médicale de reprise, la salariée fait valoir qu'elle a vainement sollicité à plusieurs reprises l'organisation d'une visite médicale de reprise, ce qui, d'une part l'a obligée à faire renouveler ses arrêts de travail, d'autre part l'a placée dans une situation où elle n'a perçu ni salaire ni indemnités journalières du 27 juin au 4 juillet 2019 avant que son arrêt ne soit à nouveau renouvelé à compter du 5 juillet 2019.
Il résulte des écritures de la société que celle-ci ne discute pas son inertie mais conteste le manquement en faisant valoir qu'il n'en résulte aucune faute grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail. Par ailleurs aux termes de développements confus, la société invoque la possibilité pour la salariée de saisir elle-même le médecin de travail, sous réserve d'avoir préalablement prévenu l'employeur de l'examen médical, ce qu'elle n'aurait pas fait.
La cour constate après analyse des pièces du dossier que:
- par courrier du 19 avril 2019 la salariée a informé l'employeur du non renouvellement de son arrêt de travail au-delà du 21 mai 2019 et a sollicité l'organisation d'une visite médicale de reprise, demande réitérée par courrier de relance du 14 mai 2019;
- une visite de reprise a été organisée le 24 mai 2019 et le médecin du travail a conclu que l'état de santé de la salariée ne permettait pas une reprise de son poste de travail, l'adressant dès lors à son médecin traitant pour prolongation de l'arrêt;
- par courrier du 11 juin 2019 la salariée a informé l'employeur du non renouvellement de son arrêt de travail au delà du 26 juin 2019 et a sollicité l'organisation d'une visite médicale de reprise;
- l'attestation de paiement des indemnités journalières de la CPAM fait figurer une interruption de versement du 27 juin au 4 juillet 2019 puis l'application des trois jours de carence au nouvel arrêt de travail délivré le 5 juillet 2019;
- par courrier du 5 juillet 2019 la salariée a informé l'employeur du non renouvellement de son arrêt de travail au delà du 17 juillet 2019 et sollicité l'organisation d'une visite de reprise, demande réitérée par courriers de relance du 19 juillet 2019, puis du 22 juillet 2019 ;
- une première visite de reprise a été organisée le 5 août 2019 concluant à une inaptitude à envisager avec deuxième examen après étude de poste et conditions de travail et la salariée a été déclarée inapte lors de la seconde visite de reprise du 8 août 2019.
La cour relève d'abord que l'initiative des visites de reprise du 24 mai 2019 puis des 5 et 8 août 2019 n'est pas déterminée mais que n'est pas contestée la validité de l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 8 août 2019 sur la base duquel la société a licencié la salariée.
La cour dit ensuite qu'est caractérisée la carence de l'employeur dans l'organisation de la visite de reprise en ce que ce dernier, pourtant soumis en application de l'article R.4634-32 du code du travail à l'obligation de saisir le médecin du travail dès qu'il a connaissance de la date de fin de l'arrêt de travail, n'a pas organisé de visite de reprise dès qu'il a été informé, ce qu'il ne conteste pas, par lettre du 11 juin 2019 d'une fin d'arrêt de travail prévue le 26 juin 2018 puis par lettre du 5 juillet d'une fin d'arrêt de travail le 17 juillet 2019, ce qui a conduit la salariée à lui adresser deux relances les 19 et 22 juillet 2019 et à faire prolonger ses arrêts de travail .
En conséquence le manquement est établi.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les manquements des chefs de non-paiement de la prime sur résultat, de non conformité du contrat de travail à la réalité de la durée du temps de travail de la salarié, de la délivrance tardive de l'attestation de salaire en vue du paiement des indemnités journalières et de la carence répétée de l'employeur dans l'organisation de la visite médicale de reprise sont établis et qu'ils sont suffisamment graves par leur multiplication et leur incidence sur la situation de la salariée, pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la résiliation judiciaire.
En conséquence en infirmant le jugement déféré du 15 mars 2019, la cour prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société et dit que cette résiliation est prononcée au 10 septembre 2019.
Sur le licenciement
Dès lors que la cour a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte qu'elle n'a pas à se prononcer sur le licenciement ensuite notifié à la salariée.
Par voie de conséquence, la cour, saisie de l'appel du jugement du 5 octobre 2021 ayant dit le licenciement pour inaptitude justifié et débouté la salariée de ses demandes au titre des indemnités de rupture, infirme le jugement déféré excepté sur l'indemnité compensatrice de préavis et dit que la demande de la salariée tendant à dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse est sans objet.
Sur les conséquences financières de la rupture
1° l'indemnité compensatrice de préavis
La résiliation judiciaire du contrat de travail ouvre droit pour le salarié aux indemnités de rupture, notamment à l'indemnité compensatrice de préavis, peu important qu'il ait été en arrêt maladie ou dans une situation d'inaptitude au moment de la rupture.
En application de l'article L. 1234-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° s'il justifie d'une ancienneté de services continus chez le même employeur inférieure à six mois à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou à défaut par les usages pratiqués dans la localité ou la profession
2° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et deux ans, à un préavis d'un mois;
3° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
En application de l'article L. 1234-8 du même code, la période de suspension du contrat de travail n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier des dispositions précitées.
Le préavis minimum légal ne s'applique que dans la mesure où une disposition conventionnelle ne détermine pas un préavis plus favorable au salarié.
En l'espèce la salariée réclame le bénéfice d'une indemnité compensatrice de préavis d'un mois pour une ancienneté de 6 mois à la date de son arrêt de travail et sur la base des dispositions conventionnelles relatives au statut cadre.
Or comme il a été précédemment dit, la salariée ne peut prétendre au statut cadre.
Par ailleurs elle ne présente pas une ancienneté d'au moins six mois de services continus dès lors qu'engagée le 5 décembre 2016, elle a été placée en arrêt maladie du 25 janvier au 29 janvier 2017, du 2 au 8 mai 2017, puis de manière continue à compter du 31 mai 2017.
En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré du 15 mars 2019 sera confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
2° l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le calcul de l'effectif d'une entreprise s'opère au niveau de l'entreprise et non de l'établissement.
En l'espèce l'attestation Pôle Emploi mentionne un effectif de 9 salariés dans l'établissement et de 11 salariés dans l'entreprise, nombre qu'il convient dès lors de retenir.
En vertu des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, version en vigueur depuis le 1er avril 2018, la salariée, qui était employée dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, a droit, en l'absence de réintégration, à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mise à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.
En considération notamment de l'effectif de l'entreprise devant être retenu, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (un salaire mensuel brut de 2 750 euros), de son âge au jour de son licenciement, de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il convient, en infirmant le jugement déféré, d'indemniser la salariée en lui allouant la somme de 8 250 euros au titre de la perte injustifiée de son emploi et donc de condamner la société au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d'information des motifs s'opposant à son reclassement
L'article L. 1226-2-1 du code du travail dispose que 'lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.'
L'inobservation de ces dispositions constitue une irrégularité de forme qui entraîne un préjudice ouvrant droit pour le salarié à réparation par le versement de dommages et intérêts.
Mais l'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de notification écrite des motifs qui s'opposent au reclassement et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulent pas.
En l'espèce la salariée réclame la somme de 5000 euros pour le non respect de ces dispositions et fait valoir qu'en dépit de la mention expresse dans l'avis d'inaptitude 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi', l'employeur n'était pas exonéré de son obligation.
La société soutient au contraire qu'elle était dispensée de cette formalité du fait de cette mention du médecin du travail sur l'avis d'inaptitude.
Mais la cour dit que dès lors qu'ont été alloués des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée n'est pas fondée à obtenir des dommages et intérêts pour absence de notification écrite des motifs s'opposant à son reclassement.
En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré du 5 octobre 2021 est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
En l'espèce la salariée réclame le paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
A l'appui de sa demande elle invoque les manquements suivants :
- l'absence de fixation d'objectifs et d'information sur les modalités de détermination de la prime sur résultat ainsi que le non paiement de celle-ci à compter de février 2017;
- ne pas l'avoir mise en mesure d'exercer correctement ses fonctions en lui attribuant d'autres tâches ne correspondant pas à ses fonctions contractuelles;
- la délivrance de bulletins de paie non conformes à sa durée réelle de travail et ce faisant au taux horaire.
Sur le manquement portant sur l'extension du champ de ses missions ne lui permettant pas d'assurer correctement les missions relevant de son emploi, comme il a été précédemment dit, l'attribution à la salariée de tâches ne relevant pas de ses fonctions contractuelles n'est pas établie.
En outre la salariée ne justifie pas en quoi, par d'autres attributions l'employeur l'aurait placée dans des conditions l'empêchant d'exécuter les missions contractuellement convenues, tel qu'elle l'invoque au titre du manquement.
En revanche comme il a été précédemment dit, les manquements liés à la prime sur résultat sont établis en ce que la société n'a pas porté à la connaissance de la salariée les modalités d'attribution de cette prime et a cessé de lui verser à compter de février 2017.
De la même façon comme il a été précédemment dit, le manquement reposant sur la non conformité des bulletins de salaire à la réalité du temps de travail de la salariée est établi en ce que la société mentionnait en toute connaissance de cause un horaire à temps plein alors que la salariée travaillait à temps partiel, ce qui minorait en conséquence son taux horaire au regard de la rémunération mensuelle brute convenue.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que sont établis les manquements liés à la prime sur résultat et à la non conformité des bulletins de salaire à la réalité du temps de travail de la salariée, ce qui caractérise la déloyauté alléguée.
Sur le préjudice, la salariée fait valoir qu'en est résulté un préjudice d'anxiété et une dégradation de son état de santé.
Si elle ne peut relever des conditions de reconnaissance d'un préjudice d'anxiété, elle verse aux débats :
- ses arrêts maladie mentionnant un état dépressif;
- le certificat médical du 25 août 2017 du docteur [I], médecin généraliste, qui indique avoir constaté lors de la consultation du 26 janvier 2017 'qu'elle était très fatiguée sur le plan psychique et intellectuel' ce que la salariée mettait en lien avec ses conditions de travail et celui du 14 décembre 2017 de ce même médecin, qui certifiait avoir été obligé de lui octroyer un arrêt de travail justifié par son 'état de fatigue et de stress', le médecin évoquant un burn out réactionnel;
- le certificat médical du 25 août 2017 du docteur [E], psychiatre, qui évoque la nécessité d'un prolongement des arrêts de travail de la salariée qui 'se remet à peine d'un épuisement psychique que la patiente relie directement à son employeur'.
Ces pièces médicales établissent que la dégradation des conditions de travail de la salariée se trouve à l'origine de la dégradation de son état de santé et celle-ci, combinées aux réclamations non satisfaites de la salariée en vue de régulariser le paiement de la prime et les dispositions contractuelles sur son temps de travail, notamment par courriers des 7 juin et 7 juillet 2017, caractérise l'existence d'un préjudice occasionné par les manquements de l'employeur.
Dans ces conditions la cour dit que la salariée est fondée à obtenir l'indemnisation de son préjudice dont il convient de fixer le montant à la somme de 2 000 euros.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré du 15 mars 2019, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur les dommages et intérêts pour délivrance tardive de l'attestation de salaire
La salariée réclame le paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation de salaire nécessaire au paiement par la CPAM des indemnités journalières et ce à deux reprises, en novembre 2017 et à nouveau en juillet 2019.
Comme il été précédemment dit le retard dans la remise de l'attestation de salaire au terme des six premiers mois d'arrêts de travail est établi.
Sur la réitération alléguée du manquement, la salariée produit:
- son courrier du 5 juillet 2019 informant la société que son arrêt de travail ne sera pas renouvelé au delà du 19 juillet et demandant l'organisation d'une visite de reprise;
- son courrier de relance du 19 juillet 2019 adressé en copie au service de la médecine du travail et à la Direccte, indiquant 'Vous n'avez pas répondu à ma LRAR du 5 juillet reçue le 8 juillet 2019, d'où ma prolongation ci-jointe';
- son courrier du 22 juillet 2019 adressé en copie au service de la médecine du travail, à la Direccte et à la CPAM, énonçant : '... vous n'avez pas non plus envoyé l'attestation de salaire à la CPAM concernant mon arrêt de travail du 5 juillet, m'empêchant ainsi de subvenir à mes besoins.... Je vous rappelle également que le fait de délivrer une attestation de salaire à la CPAM pour un arrêt de travail est obligatoire, que je vous ai fait parvenir cet arrêt par LRAR, ce qui est mentionné dans la LRAR du 19/07/19 pour ma demande de visite de reprise, ainsi que la prolongation jointe jusqu'au 02/08/19, en l'absence de réponse de votre part, une nouvelle fois';
- son courrier du 24 juillet 2019 par lequel elle indiquait à l'employeur 'Vous n'avez pas envoyé l'attestation de salaire à la CPAM concernant mon arrêt de travail du 05/07/19, m'empêchant ainsi de subvenir à mes besoins depuis un mois. Je vous rappelle que le fait de délivrer une attestation de salaire à la CPAM pour un arrêt de travail est obligatoire, que je vous ai fait parvenir cet arrêt par recommandé, ce qui est par ailleurs clairement mentionné dans la lettre recommandée du 19/07/19".
Dans ses écritures la société reste taisante sur la remise tardive de l'attestation de salaire afférente au nouvel arrêt de travail du 5 juillet 2019, intervenu comme il a été examiné ci-dessus, ensuite du défaut d'organisation de la visite de reprise sollicité par la salariée par lettre du 11 juin 2019.
La cour dit le manquement établi comme étant non discuté, et étayé par les courriers envoyés successivement par la salariée, y compris à l'organisme payeur et à l'inspection du travail, que la société n'a pas établi ni transmis dans les meilleurs délais l'attestation de salaire devant être remise dès qu'elle a eu connaissance de l'arrêt de travail, soit le 8 juillet 2019, date de réception de la lettre du 5 juillet 2019.
Mais sur son préjudice, si le retard dans la remise d'attestations de salaire peut exposer le salarié à un différé de paiement des indemnités journalières, en l'espèce la salariée ne produit aucun élément, en particulier des relevés de compte, de nature à justifier des dates auxquelles les indemnités ont été versées par la CPAM et ce faisant de l'existence et de l'étendue du préjudice allégué.
En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que les jugements déférés sont confirmés en ce qu'ils l'ont rejetée.
En conséquence et en infirmant les jugements déférés, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des attestations de salaire. )
Sur la demande de délivrance sous astreinte des bulletins de salaire non délivrés
En l'espèce la salariée soutient que la société ne lui a pas délivré de bulletins de paie pour les mois d'août et septembre 2017, les mois d'août 2018 à août 2019.
La société ne conclut pas.
La cour constate que figurent dans les pièces du dossier les bulletins de salaire d'août et septembre 2017 mais que n'y figurent pas ceux des mois d'août 2018 à août 2019.
En conséquence la cour confirme le jugement déféré du 5 octobre 2021 en ce qu'il a rejeté la demande au titre des bulletins de salaire des mois d'août et septembre 2017 et en l'infirmant, ordonne à la société de remettre à la salariée les bulletins de salaire des mois d'août 2018 à août 2019 dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt.
En revanche la salariée ne produisant aucun élément de nature à justifier le prononcé d'une astreinte, la cour dit qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Sur la demande de délivrance des documents de fin de contrat rectifiés
Il convient d'ordonner à la société, en ajoutant aux jugements déférés, de remettre à la salariée les documents de fin de contrat rectifiés conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à la compter de sa signification, conformément à la demande formée pour la première fois en appel par la salariée.
En revanche aucun élément ne justifiant le prononcé d'une astreinte, la cour dit qu'il n'y pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Sur les intérêts
En ajoutant aux jugements déférés, la cour dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt.
Les conditions de l'article 1343-2 du code civil étant remplies, il convient en ajoutant aux jugements déférés, de faire droit dans les conditions de ce texte à la demande de capitalisation des intérêts formée pour la première fois en cause d'appel.
Sur le remboursement des indemnités chômage
En application de l'article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable, il convient en ajoutant au jugement déféré, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de deux mois d'indemnisation.
Sur les dispositions accessoires
Il y a lieu d'infirmer les jugements du 15 mars 2019 et du 5 octobre 2021 en ce qu'ils ont condamné les parties à supporter par moitié le partage des dépens de première instance et de confirmer le jugement du 5 octobre 2021 en ce qu'il a alloué à la salariée une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société est condamnée à supporter les dépens de première instance et les dépens d'appel.
L'équité et la situation respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par la salariée. La société sera condamnée à lui verser la somme de 3000 euros et la société sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,
Ordonne la jonction des procédures suivies sous les n° RG 19 /05408 et n° RG 21 /15150,
Infirme le jugement déféré du 15 mars 2019 sauf en ce qu'il a :
- débouté Mme [T] de sa prétention à la reconnaissance du statut de cadre et de sa demande de régularisation sous astreinte des cotisations patronales et salariales des cadres pour la période du 5 décembre 2016 au 31 mai 2017,
- débouté Mme [T] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis,
- débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la délivrance tardive de l'attestation de salaire,
Infirme le jugement déféré du 5 octobre 2021 sauf en ce qu'il a :
- débouté Mme [T] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis,
- débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation de salaire,
- débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d'information des motifs s'opposant à son reclassement,
- débouté Mme [T] de sa demande de délivrance des bulletins de salaire d'août et septembre 2017,
- condamné la SAS AMC ETEC à verser à Mme [T] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SAS AMC ETEC au 10 septembre 2019,
Dit sans objet la demande de Mme [T] tendant à dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 10 septembre 2019 et les demandes financières au titre d'un licencenciement sans cause réelle et sérieuse ,
Condamne la SAS AMC ETEC à verser à Mme [T] les sommes de :
- 8 250 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 600 euros au titre du rappel de prime sur résultat et 160 euros au titre des congés payés afférents,
- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des attestations de salaire,
Dit que les sommes allouées sont exprimées en brut,
Ordonne à la SAS AMC ETEC de délivrer à Mme [T] les bulletins de salaire des mois d'août 2018 à août 2019 dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt,
Rejette la demande d'astreinte,
Y ajoutant,
Ordonne à la SAS AMC ETEC de remettre à Mme [T] les documents de fin de contrat rectifiés conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de signification,
Rappelle que la créance salariale est productive d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Ordonne d'office le remboursement par la SAS AMC ETEC aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [T] licenciée du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de deux mois d'indemnisation,
Condamne la SAS AMC ETEC à verser à Mme [T] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS AMC ETEC à supporter les dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT