COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 12 MAI 2022
N° 2022/175
N° RG 18/17570 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJS6
SAS AZUR ET CONSTRUCTION
C/
SARL NATMA COMMERCIALISATION
SAS DOMASUD VILLAS PRISME
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Alain GALISSARD
Me Nathalie LOPEZ
Me Stéphanie GAZIELLO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE en date du 10 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2018002507.
APPELANTE
SAS AZUR ET CONSTRUCTION, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Alain GALISSARD, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
SARL NATMA COMMERCIALISATION, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Nathalie LOPEZ, avocat au barreau de MARSEILLE
SAS DOMASUD VILLAS PRISME, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie GAZIELLO, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Kim RODRIGUEZ, avocat au barreau de MARSEILLE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Mars 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société Azur et Construction a conclu le 14 avril 2009 un contrat d'agent commercial avec la société Natma, représentée par M. [L], en vue de la négociation de contrats de construction de maisons individuelles dans certains départements du sud de la France.
Le 7 décembre 2015 la société Azur et Construction a notifié à la société Natma la résiliation de son contrat d'agent commercial pour faute grave.
Le 14 décembre 2015 la société Natma a signé un nouveau contrat d'agent commercial auprès de la société Domasud, société concurrente.
La société Azur et Construction, soupçonnant des faits de concurrence déloyale commis par les sociétés Natma et Domasud, a sollicité du juge des requêtes la désignation d'un huissier de justice et d'un expert en informatique.
Par ordonnance du 7 mars 2017 le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a fait droit à cette demande.
Le 19 juin 2017 la société Azur et Construction a fait citer la société Natma et la société Domasud pour voir juger que ces sociétés s'étaient livrées à des actes de concurrence déloyale et obtenir leur condamnation in solidum au paiement des sommes principales de 180.074,96 euros toutes taxes comprises et 100.000 euros en réparation de son préjudice.
Parallèlement, la société Natma, invoquant le non-paiement de commissions, a assigné la société Azur et Construction devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en paiement de la somme principale de 23.196,33 euros. Un jugement a été rendu le 18 octobre 2021.
Par jugement en date du 10 septembre 2018 le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a :
-débouté la société Azur et Construction de sa demande de condamnation in solidum de la société Natma et la société Domasud sur le fondement de faits de concurrence déloyale,
-débouté la société Domasud de sa demande reconventionnelle à l'encontre de la société Azur et Construction,
-débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,
-condamné la société Azur et Construction à payer à la société Natma la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société Azur et Construction à payer à la société Domasud la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
-condamné la société Azur et Construction aux entiers dépens
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Par déclaration en date du 7 novembre 2018 la société Azur et Construction a interjeté appel du jugement.
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Par dernières conclusions en date du 15 mai 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Azur et Construction (SAS) fait valoir que :
-l'agent commercial était tenu d'un engagement de non-concurrence (article 5 du contrat), d'une obligation de confidentialité des informations et documents remis (article 7) et d'une interdiction de démarchage des clients déterminés postérieurement à la rupture du contrat (article 14) et ce, jusqu'au 14 janvier 2016, date effective de la résiliation compte-tenu des modalités de réception du courrier, et non jusqu'au 7 décembre 2015 comme prétendu par la partie adverse,
-les sociétés Natma et Domasud avaient déjà débuté leur relation contractuelle avant la résiliation du contrat d'agent en transférant des contrats au bénéfice de la société Domasud,
-après la résiliation du contrat d'agent commercial, la société Natma a continué à intervenir auprès des clients prospectés précédemment et à les adresser vers la société Domasud, entraînant un détournement illégal de clientèle,
-la société Natma s'est livrée à un démarchage systématique pour convaincre les clients de la société Azur et Construction de mettre fin aux pourparlers ou de résilier leurs contrats en cours avec elle ; elle dénonce le dénigrement commis auprès de ses clients, le détournement déloyal de la liste de ses clients et le parasitisme commis par la société Domasud qui a bénéficié de ses investissements matériels et humains,
-la société Domasud ne peut prétendre ne pas avoir été informée de la clause de non-concurrence et être étrangère aux faits de concurrence déloyale,
-ces agissements ont entraîné une perte de marge brute au titre des dossiers détournés (180.074,96 euros) ainsi qu'une perte de notoriété, une atteinte à son image de marque et une perte de fidélisation de la clientèle (100.000 euros)
Ainsi, la société appelante demande à la cour de réformer le jugement attaqué, de juger que la société Natma et la société Domasud se sont livrées à des actes de concurrence déloyale à son préjudice et de les condamner à lui payer les sommes suivantes :
-151.729,13 euros hors taxe soit la somme de 180.074,96 euros toutes taxes comprises en réparation du préjudice avec intérêts au taux légal à compter de la présente et capitalisation des intérêts concernant les dossiers [Z], [R], [C] et [T],
-100.000 euros au titre du préjudice commercial concernant les dossiers [H], [W], [D] et [G],
-3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens
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Par dernières conclusions en date du 14 février 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Natma (SARL) rétorque que :
-le contrat d'agent commercial a pris fin le 7 décembre 2015 par la résiliation notifiée par la société Azur et Construction, de sorte qu'elle était libre de contracter un nouveau contrat le 14 décembre 2015 avec la société Domasud ; la clause de non-concurrence invoquée par la société Azur et Construction ne vaut que pendant l'exécution du contrat,
-la société Azur et Construction doit démontrer l'existence d'actes positifs et caractérisés de concurrence déloyale puisqu'elle ne dispose d'aucun droit exclusif sur la clientèle, notamment eu égard au droit de rétractation dont disposent les clients en matière de construction ; en l'espèce, la société Azur et Construction est défaillante dans l'administration de la preuve en dépit des moyens mis en 'uvre,
-seuls 3 clients sur 85 seraient concernés par une résiliation de leur contrat avec la société Azur et Construction et la résiliation de ces contrats ne procède d'aucune acte de concurrence déloyale,
-s'agissant des prospects, pour lesquels aucun contrat n'a été signé, la société Azur et Construction ne démontre pas davantage l'existence d'actes de concurrence déloyale,
-aucun parasitisme ne ressort des missions confiées aux huissiers de justice,
-aucun préjudice n'est établi et en tout état de cause il n'existe pas de lien direct et certain,
Ainsi, la société Natma demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de condamner la société Azur et Construction à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction.
Par dernières conclusions en date du 5 mars 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Domasud (SAS) fait valoir que :
-la demande de condamnation formulée par la société Azur et Construction à hauteur de 100.000 euros est irrecevable en cause d'appel puisque celle-ci a modifié le fondement de ses demandes et invoque désormais un préjudice commercial dans certains dossiers, ce qui n'avait pas été évoqué en 1ère instance,
-la perte de marge brute demandée sur un fondement contractuel est mal dirigée à son encontre dès lors qu'elle n'a jamais été en relation contractuelle avec la société Azur et Construction,
-la société Azur et Construction ne démontre aucune pratique prohibée par la loi, les règlements ou contraire aux usages commerciaux,
-aucun document ne mentionne l'intervention de la société Azur et Construction dans les quatre dossiers pour lesquels cette société sollicite une indemnité au titre de la perte de marge brute ; la société Azur et Construction lui reproche une pratique qui fait également partie de son mode de fonctionnement ; aucun acte de concurrence déloyale ne peut lui être reproché,
-le chiffrage du préjudice n'est pas démontré et repose sur des éléments fantaisistes,
-l'attitude de la société Azur et Construction est constitutive d'une procédure abusive et dilatoire, et sur un plan contractuel elle tente de demander des sommes déjà présentées devant le tribunal de grande instance et travestit, sur un plan délictuel les éléments du dossier ; sa mauvaise foi et les méthodes utilisées lui ont causé un préjudice justifiant sa demande de dommages et intérêts
La société intimée demande ainsi à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Azur et Construction de ses demandes et de le réformer en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La société Domasud demande ainsi à la cour de :
-rejeter les demandes formulées à son encontre sur le fondement contractuel,
-juger irrecevables les demandes nouvelles formées en cause d'appel au titre du préjudice commercial et au titre de la perte de marge brute sur le fondement délictuel,
-rejeter la demande de dommages et intérêts formulée à son encontre,
-condamner la société Azur et Construction au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-condamner la société Azur et Construction ou tout succombant à lui payer une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
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Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 21 février 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 21 mars 2022.
A cette date, l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 12 mai 2022.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Azur et Construction :
Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
En outre, conformément à l'article 563 du code de procédure civile, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge.
En l'espèce, les prétentions de la société Azur et Construction tendant à la condamnation des sociétés Natma et Domasud au paiement de la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles ont d'ores et déjà été formulées devant les premiers juges, peu important que leur fondement ou les moyens soulevés aient évolué en cause d'appel.
En conséquence, cette demande ne peut être considérée comme irrecevable.
Sur les faits de concurrence déloyale reprochés à la société Natma :
La société Azur et Construction se fonde à la fois sur le non-respect des clauses du contrat d'agent commercial et également sur les agissements de la société Natma postérieurement à cette rupture.
Ainsi, les actes commis avant la rupture du contrat ne peuvent être fondés que sur l'existence d'une responsabilité contractuelle tirée des manquements de l'agent aux obligations du mandat.
Or les parties diffèrent sur la date de résiliation du contrat d'agent commercial, la société Azur et Construction fixant cette résiliation au 14 janvier 2016, date de connaissance effective par la société Natma du courrier de résiliation, et la société Natma, par l'intermédiaire de M. [L], arrêtant cette date au 7 décembre 2016, justifiant ainsi la signature du nouveau contrat d'agent commercial avec la société Domasud dès le 14 décembre 2016.
En l'espèce, il apparaît que le courrier recommandé avec accusé de réception daté du 7 décembre 2015, adressé à la société Natma en vue de lui notifier la résiliation du contrat d'agent commercial, a fait l'objet d'un retour avec la mention « pli avisé et non réclamé » (pièce 6 appelante). Ce courrier a alors été signifié par voie d'huissier de justice à la société Natma le 14 janvier 2016.
Il résulte en outre des termes de ce courrier que la « résiliation prend effet à la date de présentation de la présente lettre ».
En conséquence il y a lieu de juger que le contrat d'agent commercial a pris fin le 14 janvier 2016, date de prise de connaissance effective des termes du courrier par M. [N] [L], gérant de la société Natma, aucune pièce n'attestant de l'existence d'un autre accord entre les parties concernant la résiliation de leurs relations contractuelles.
Dès lors, en signant un nouveau contrat d'agent commercial avec la société Domasud dès le 14 décembre 2014, soit avant l'expiration du précédent mandat la liant à la société Azur et Construction, la société Natma a manifestement manqué à son obligation de non-concurrence tirée de l'article 5 du contrat d'agent commercial signé le 14 avril 2009, lui faisant interdiction d'accepter d'autres mandats dans le même secteur économique, et ce, alors qu'il n'est pas contesté que la société Domasud est également une société de constructions de maisons individuelles au même titre que la société Azur et Construction.
S'agissant des faits commis postérieurement à la résiliation du contrat d'agent commercial, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1382 du code civil applicable aux faits litigieux et devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, le démarchage de la clientèle d'autrui, fût-ce par un ancien salarié de celui-ci, est libre, dès lors que ce démarchage ne s'accompagne pas d'un acte déloyal
En outre, la concurrence existant entre deux sociétés, spécialisées dans un secteur de marché similaire, ne constitue pas en soi un acte fautif.
En revanche, est fautive la concurrence qui s'accompagne d'actes ou de man'uvres déloyales ayant pour effet de désorganiser ou déstabiliser une autre entreprise, voire de neutraliser son activité.
En l'espèce, il ressort des entretiens téléphoniques effectués par la société Investiga France (détective privé) auprès de certains clients de la société Azur et Construction, et produits par la société Natma, sous couvert d' «enquête de satisfaction», que M. [Z], Mme [A], M. [C], ou encore Mme [T] ne font pas état de pressions ou de man'uvres déloyales de la part de M. [L] pour rejoindre la société Domasud. Certains évoquent en revanche des causes extérieures ou même leur mécontentement à l'égard du nouveau commercial de la société Azur et Construction.
Par ailleurs, « l'intuitu personae », à savoir la personnalité même d'un commercial et les liens de confiance qu'il a pu nouer avec les clients, peut expliquer que certains clients de la société Azur et Construction aient fait le choix de suivre M. [L] auprès de son nouvel employeur.
Au demeurant, la société Azur et Construction n'établit pas que le départ de certains de ses clients vers la société Domasud ait procédé d'un acte déloyal dès lors que ceux-ci ont fait usage de leur droit de rétractation, et ce, alors même que la société Domasud prouve par ailleurs que certains de ses clients sont eux-mêmes partis à la concurrence et précisément auprès de la société Azur et Construction (M. [E]).
Pour autant, un certain nombre d'autres éléments concordants permettent de conclure à la déloyauté de la société Natma dans le démarchage de la clientèle.
Ainsi, il ressort des attestations de Mme [O] [P] et M. [M] [U], de M. [V] [B] et [K] [B] que ceux-ci ont été sollicités « à de nombreuses reprises » par M. [L] qui leur a proposé de continuer leurs constructions chez Villa Prisme (société Domasud ).
Ce démarchage, en méconnaissance des clauses de l'article 14 du contrat interdisant à l'agent, notamment de se prévaloir de sa qualité d'ex-agent du mandant, corrobore le fait que M. [L] a tenté à plusieurs reprises de les influencer dans leur choix et de les détourner de la société Azur et Construction alors qu'il ne pouvait ignorer que pour certains des démarches avaient d'ores et déjà été menées par la société Azur et Construction (études géotechniques et thermiques, dépôt du permis de construire notamment).
En outre, s'agissant des époux [Z], dont le nom figure au titre des huit clients dont le nom a été retrouvé à la fois dans les fichiers de la société Azur et Construction et à la fois dans ceux de la société Domasud le 23 mars 2017 par les intervenants informatiques désignés par ordonnance du président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, il ressort du rapprochement fait entre l'expertise graphologique de Mme [X], le courrier de rétractation du 18 décembre 2015 et le nouveau contrat signé dès le 11 décembre 2015 auprès de la société Domasud qu'un contrat a été rédigé le 11 décembre par M. [L] pour le compte de son nouvel employeur et ce, alors même que les époux [Z] n'avaient pas encore usé de leur faculté de rétractation et que M. [L] n'était pas arrivé au terme de son contrat avec la société Azur et Construction et n'avait pas encore été embauché par la société Domasud.
Ces man'uvres déloyales attestent d'une confusion entretenue par la société Natma, par le biais de M. [L] dans la nature de ses fonctions et d'une volonté de détourner sciemment certains clients de la société Azur et Construction alors même que, pour certains, il était encore mandataire de cette dernière.
Par ailleurs, ces faits s'inscrivent dans un climat de défiance à l'égard de M. [L] au regard des fautes qui lui étaient reprochées par son premier mandataire (état d'ébriété lors d'un salon et fête privée dans une maison témoin de la société Azur et Construction) et qui ont conduit à la rupture du contrat d'agent commercial.
Ainsi, le comportement fautif de la société Natma peut être retenu, tant au titre de l'exécution des clauses du contrat qu'au titre de concurrence déloyale.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les faits de concurrence déloyale reprochés à la société Domasud :
A cet égard, aucun élément ne permet d'attester que la société Domasud était informée de ce que la société Natma était encore sous mandat avec la société Azur et Construction lors de son embauche le 14 décembre 2015.
La seule présence de M. [L] à un salon « Expobat » réunissant plusieurs exposants, dont la société Azur et Construction et la société Domasud, est insuffisante à établir que la société Domasud a embauché celui-ci en connaissance de son statut exact à l'égard de son concurrent, nonobstant le fait que vraisemblablement, compte-tenu du domaine d'activité spécifique des deux sociétés et de leur rayonnement géographique similaire, la société Domasud ne pouvait ignorer que M. [L] avait été commercial auprès de la société Azur et Construction.
En outre, aucun élément n'atteste de la complicité active de la société Domasud dans le démarchage de clients ou l'usage de man'uvres déloyales.
De même, s'agissant du parasitisme, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis, il apparaît qu'aucun pièce ne permet de corroborer le fait que la société Domasud a profité des investissements réalisés par la société Azur et Construction, sauf à relever à nouveau que certains clients ont pu quitter la société Azur et Construction pour des motifs tenant à leur degré de satisfaction ou pour des éléments extérieurs (défaut de permis de construire notamment) et qu'a contrario, certains clients de la société Domasud ont pu partir pour la société Azur et Construction.
En conséquence, la faute de la société Domasud dans la commission d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme n'est pas démontrée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le préjudice subi par la société Azur et Construction :
Au regard des éléments susvisés le préjudice de la société Azur et Construction peut être chiffré à la somme de 24.410 euros correspondant à la perte de marge brute subie par la société au titre du dossier [Z] tel que cela ressort de l'attestation de la société d'expertise comptable Axylis en date du 21 septembre 2016.
Pour le surplus, les demandes seront rejetées considérant que seuls huit clients communs ont été déterminés par les investigations ordonnées, et que seuls trois ont signé un contrat postérieurement avec la société Domasud, sans qu'il soit établi, hormis pour les époux [Z], que des man'uvres déloyales aient accompagné leur choix de changer de constructeur.
Cette somme sera mise à la seule charge de la société Natma en l'état de l'absence de responsabilité démontrée à l'égard de la société Domasud.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
Au visa de l'article 1241 du code civil l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne peut constituer un abus de droit susceptible de donner lieu à dommages-intérêts que dans des circonstances particulières le rendant fautif, et notamment lorsqu'est caractérisée une intention malveillante ou une volonté de nuire de la part de celui qui l'exerce.
En l'espèce, le renvoi aux motifs adoptés ci-dessus conduit à considérer que la procédure initiée par la société Azur et Construction présente pour partie un caractère fondé excluant tout abus de procédure.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les frais et dépens :
La société Natma conservera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
En outre, la société Natma sera tenue de payer à la société Azur et Construction la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
En revanche, la société Domasud conservera la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit recevables les prétentions formulées par la société Azur et Construction en cause d'appel,
Infirme le jugement rendu le 10 septembre 2018 par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence sauf en ce qu'il a débouté la société Azur et Construction de ses demandes à l'encontre de la société Domasud et a débouté la société Domasud de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Natma à payer à la société Azur et Construction la somme de 24.410 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
Condamne la société Natma aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Natma à payer à la société Azur et Construction la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Dit que la société Domasud conservera la charge de ses frais irrépétibles.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT