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06/05/2022 | FRANCE | N°21/00593

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 06 mai 2022, 21/00593


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022



N°2022/.

Rôle N° RG 21/00593 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGY5N





CLINIQUE [3]



C/



CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE





Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Guy DE FORESTA



- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judic

iaire de Marseille en date du 10 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/9598.





APPELANTE



CLINIQUE [3], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON





INTIMEE



CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, deme...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/00593 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGY5N

CLINIQUE [3]

C/

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Guy DE FORESTA

- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 10 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/9598.

APPELANTE

CLINIQUE [3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Mme [Z] [I], inspectrice juridique, en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits - Procédure - Moyens et Prétentions des parties :

Le 10 décembre 2015, Mme [U] [F], infirmière depuis 12 ans au sein de la société clinique [3], a déclaré une tendinopathie, pathologie de la de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche. Le certificat médical initial daté du même jour mentionnait : « douleurs des deux épaules avec impotence fonctionnelle, coiffe des rotateurs bilatérale, maladie 57.

Cette pathologie a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels. Le certificat médical final du 30 novembre 2016 précise : « épaule gauche, douleurs, limitation des mouvements, fissure du tendon sus-épineux »

La consolidation a été fixée au 18 décembre 2016. La caisse primaire centrale d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après désignée CPAM ou la caisse) a pris en compte les séquelles suivantes : « rupture de la coiffe des rotateurs gauches au niveau du tendon sus-épineux, non opérée. Séquelles à type de limitation de plus 20° dans plusieurs mouvements de l'épaule gauche avec élévation latérale et antérieure restant supérieure à 90°, chez une personne droitière » pour fixer à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle, selon notification du 22 décembre 2016.

Le 21 février 2017, la société clinique [3] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille, aujourd'hui pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, d'un recours tendant à contester cette décision.

Le tribunal a ordonné une consultation confiée au Docteur [X], avec pour mission de donner son avis sur le taux d'incapacité permanente partielle reconnu à Mme [F] à la date impartie, au vu des lésions constatées par le médecin conseil de la caisse et en regard du guide barème en vigueur.

Cette mesure a été exécutée sur-le-champ en présence du médecin-conseil de la caisse et du Docteur [O], médecin conseil de l'employeur, et a donné lieu à un rapport oral à l'audience.

Par jugement du 10 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- rejeté le recours de la société clinique [3] ,

- dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société clinique [3] résultant de la maladie professionnelle reconnue à Mme [U] [F] le 10 décembre 2015, est maintenu à 10 %,

- condamné la CPAM à supporter les frais de consultation médicale,

- condamné la société clinique [3] à supporter les autres dépens.

Par acte du 8 janvier 2020, la société clinique [3] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et de :

à titre principal,

- fixer à 8 % le taux attribué à Madame [F] dans les rapports entre l'employeur et la caisse,

à titre subsidiaire, et avant dire droit,

- ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer ce taux.

Elle fait valoir essentiellement que :

- l'existence d'un état antérieur relevé par son médecin conseil n'a nullement été écartée par le médecin consultant désigné par le premier juge, s'agissant d'un syndrome sous acromial objectivé par explorations et échographies antérieures à la déclaration de la maladie professionnelle, qui ont révélé, outre une arthropathie acromio-claviculaire, également une bursite sous acromiale deltoïdienne,

- le premier juge a fait fi de ces constatations sans s'en expliquer,

- l'analyse médico-légale de son médecin-conseil désigné en appel rejoint celle des deux autres experts de sorte que la minoration du taux à 8 % est pleinement justifiée.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de débouter l'appelante de toutes ses demandes.

Elle soutient en substance que :

- l'état antérieur qui est révélé ou aggravé par l'accident du travail doit être indemnisé totalement de sorte que le moyen tiré de l'absence d'évaluation de l'état antérieur doit être en l'espèce rejeté,

- au visa de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, du guide barème indicatif, et de la jurisprudence de la CNITAAT, le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [F] évalué par la caisse est conforme et doit être confirmé.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Aux termes de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

L'article R.434-32 du même code prévoit qu'au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Les annexes I et II au code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d'invalidité applicables en matière d'accidents du travail et de maladie professionnelle et rappellent que le barème n'a qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème ; il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.

[Ce] barème indicatif a pour but de fournir les bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l'article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d'évaluation suivies par les tribunaux dans l'appréciation des dommages au titre du droit commun.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation du 18 décembre 2016 et les situations postérieures ne peuvent être prises en considération.

Seules les séquelles résultant des lésions consécutives à l'accident du travail pris en charge par la caisse primaire doivent être prises en compte pour l'évaluation du taux d'incapacité permanente attribué à la victime en application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, le Docteur [X], consulté en première instance en qualité d'expert, s'est déterminé en fonction du barème applicable en appréciant in concreto la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle.

Il a en effet retenu que l'assurée, âgée de 64 ans, infirmière diplômée d'État en salle de réveil, avait présenté une pathologie du tableau 57A, à savoir une rupture partielle ou transfixiante objectivée par IRM de la coiffe des rotateurs à gauche. Une échographie du 5 juin 2015 montrait un aspect modérément dégénératif de l'articulation acromio-claviculaire avec respect des tendons, une autre échographie du 2 septembre 2015 montrait une probable fissuration transfixiante partielle du tendon supra épineux, une échographie de l'épaule gauche du 19 octobre 2016 montrait une tendinose diffuse du tendon du long biceps avec remaniement dégénératif prononcé du tendon supra épineux. L'examen, chez cette patiente droitière, révélait des douleurs surtout la nuit, rappel fait de ce que les deux épaules étaient pathologiques, constatait l'absence d'amyotrophie, et une antépulsion active passive de 140° à 170° à droite et à gauche, une élévation latérale de 100° et 130° à droite, de 120° et 170° à gauche, une rétropulsion de 20° bilatérale, une rotation externe de 45° à droite et à gauche, les mensurations du biceps étant de 30 cms à droite, de 31 cms à gauche, la force des mains se mesurant à 10 à droite, à 0 à gauche, les omoplates restant mobiles mais douloureuses à la mobilisation. Le médecin consultant a retenu une limitation légère des mouvements, une notion de limitation de force musculaire contredite par l'absence d'amyotrophie, pour proposer un taux d'incapacité de 8 %.

Le médecin consultant de l'employeur en première instance a retenu qu'il existait un syndrome sous-acromial objectivé par les explorations réalisées le 5 juin 2015, le 2 septembre 2015 et l'I.R.M. du 17 novembre 2015, que d'autre part l'examen de l'épaule gauche a été incomplet, que l'absence de toute amyotrophie confirme une bonne utilisation du membre supérieur gauche, que la légère limitation mise en évidence épargne 6 mouvements sur 9, de sorte que le taux devrait être ramené à 6 %.

Le rapport médical du 10 décembre 2021 du Docteur [B], médecin conseil de l'employeur consulté en appel, retient qu'il existe un état antérieur caractérisé par une tendinose chronique de la coiffe des rotateurs, aux dépens des tendons infra épineux, long biceps et sous scapulaire, sans rupture, avec arthrose débutante de l'articulation acromio-claviculaire, connue avant l'accident du travail, sans argument médical objectif permettant de considérer que cet état antérieur a été révélé ou aggravé par la maladie professionnelle, cet état antérieur ayant poursuivi une évolution naturelle qui lui est propre. Il observe que la mention d'une perte totale de la force de préhension de la main gauche est inexplicable et incohérente, les lésions de l'épaule ne pouvant en aucun cas annihiler totalement les capacités de préhension de la main, et aucune amyotrophie n'ayant été objectivée. Il en conclut qu'un taux d'incapacité permanente partielle de 8 % apparaîtrait plus à même d'indemniser justement les séquelles strictement imputables à l'accident du travail.

Il est constant que le barème indicatif, dans son chapitre 1.1.2 atteintes des fonctions articulaires, s'agissant de l'épaule, rappelle les données normales de mobilité comme suit : 170° pour l'élévation latérale, 20° pour l'adduction, 180° pour l'antépulsion, 40° pour la rétropulsion, 80° pour la rotation interne, 60° pour la rotation externe, la main devant se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes et la circumduction devant s'effectuer sans aucune gêne. Ce barème prévoit, pour une limitation légère de tous les mouvements sur le membre non dominant, l'attribution d'un taux entre 8 % et 10 %.

Il convient en premier lieu de rappeler que le certificat médical initial mentionne comme date de la première constatation médicale de la pathologie le 17 août 2015. Le bilan radio échographique pratiqué le 5 juin 2015 montrait un aspect modérément dégénératif de l'articulation acromio-claviculaire, et un aspect relativement hétérogène du tendon du muscle supra épineux sans signe de transfixiance, confirmant l'aspect modérément dégénératif de l'articulation acromioclaviculaire. Le 2 septembre 2015 l'échographie des épaules a montré à gauche l'existence d'une très probable fissuration transfixiante partielle des fibres postérieures et distales du tendon du muscle supra épineux gauche.

Par conséquent, ce sont bien les conséquences de la pathologie déclarée, qui ont été évaluées dans les séquelles demeurant après consolidation pour fixer le taux d'incapacité permanente partielle.

Il convient en second lieu de rappeler qu'en toute hypothèse, l'état dégénératif, en l'espèce très modéré, qui n'était pas connu avant la constatation de la maladie professionnelle, s'il est décompensé par cette pathologie, ouvre droit à indemnisation. En l'espèce l'employeur n'établit pas que les séquelles évaluées soient en quoi que ce soit imputables à l'état dégénératif très modéré pouvant préexister.

Au regard de la limitation légère de certains mouvements seulement tels que constaté par le médecin consultant désigné par le premier juge, en retenant que l'absence de force dans la main gauche est contredite par l'absence de toute amyotrophie du membre supérieur gauche, et en observant qu'il existe une concordance d'analyse médicolégale entre eux le médecin consultant désigné par la juridiction et le médecin-conseil de l'employeur dessiné en cause d'appel, au regard encore de ce que le premier juge n'a pas motivé son appréciation au regard du barème ci-dessus rappelé, il apparaît justifié, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une nouvelle expertise, de réformer le jugement déféré et de minorer le taux d'incapacité opposable à l'employeur à 8 %.

La CPAM sera condamnée au paiement des éventuels dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

- Infirme le jugement rendu le 10 décembre 2020 en ce qu'il a rejeté le recours de la société clinique [3] et dit que le taux d'incapacité permanente partielle résultant de la maladie professionnelle reconnue à Mme [U] [F] le 10 décembre 2015 est maintenu à 10 %.

Statuant à nouveau,

- Fixe le taux d'incapacité permanente partielle résultant de la maladie professionnelle reconnue à Mme [U] [F] le 10 décembre 2015 à 8 % vis-à-vis de la société clinique [3].

Y ajoutant,

- Condamne la caisse primaire centrale d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône aux éventuels dépens de l'instance.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/00593
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;21.00593 ?
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