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06/05/2022 | FRANCE | N°21/00591

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 06 mai 2022, 21/00591


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/00591 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGY5H







Société [4]



C/



CPAM DES BOUCHES DU RHONE





Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Guy DE FORESTA



- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social

du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 10 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/09698.





APPELANTE



Société [4] prise en son établissement d'[Localité 2], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCAT...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/00591 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGY5H

Société [4]

C/

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Guy DE FORESTA

- CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 10 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/09698.

APPELANTE

Société [4] prise en son établissement d'[Localité 2], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant CONTENTIEUX GENERAL - [Adresse 3]

représenté par Mme [J] [O], inspectrice juridique, en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 4 novembre 2015, Mme [K] [N], employée au rayon boulangerie au sein de la société [4], a été victime d'un accident du travail, dans les circonstances suivantes, selon déclaration de l'employeur : « nature de l'accident : en portant un carton de pain, la victime se serait fait mal. Siège des lésions : la main droite douleurs. Nature des lésions : non apparente ».

Le certificat médical initial daté du même jour mentionne : « trauma main droite, poignet + P1».

Les certificats médicaux de prolongation ont fait apparaître un épanchement radio carpien puis une rupture complète du ligament luno pyramidal, et partielle du ligament scapho lunaire.

Le certificat médical final du 24 janvier 2017 précise : traumatisme poignet droit avec épanchement radio carpien.

Les conséquences de cet accident du travail ont été prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, et la consolidation a été fixée au 26 janvier 2017.

Par décision du 18 avril 2017, la caisse primaire centrale d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône ( ci-après désignée CPAM ou la caisse ) a pris en compte les séquelles suivantes : séquelles d'une rupture complète du ligament luno pyramidal, et partielle du scapho lunaire chez une droitière non opérée à type de raideur et douleurs résiduelles, pour fixer le taux d'incapacité permanente résultant à 15 %.

Le 16 juin 2017 , la société [4] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille, aujourd'hui pôle Social du tribunal judiciaire de Marseille, d'un recours à l'encontre de cette décision.

Le tribunal a ordonné une consultation confiée au Docteur [P], avec pour mission de donner son avis sur le taux d'incapacité permanente partielle reconnu à Mme [N] à la date impartie, au vu des lésions constatées par le médecin conseil de la caisse et en regard du guide barème en vigueur.

Cette mesure a été exécutée sur-le-champ en présence du médecin-conseil de la caisse et de celui de l'employeur, et a donné lieu à un rapport oral à l'audience, le Dr [P] proposant la fixation d'un taux de 6 %.

Par jugement du 10 décembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- rejeté le recours formé par la société [4],

- dit que le taux d'incapacité permanente partielle, résultant de l'accident du travail dont a été victime Mme [K] [N] le 4 novembre 2015 est maintenu à 10 %,

- condamné la CPAM à supporter les frais de consultation médicale,

- condamné la société [4] aux autres dépens.

Par acte du 8 janvier 2021, la société [4] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, à titre principal, de dire que le taux attribué à Madame [N] doit être ramené à 6 % dans les rapports entre l'employeur et la caisse,

à titre subsidiaire et avant-dire droit,

- ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer ce taux.

Elle fait valoir essentiellement que :

- son médecin-conseil, le Docteur [R], conclut à la minoration des séquelles propres à l'accident du travail du 4 novembre 2015 et à la réduction à 6 % du taux d'incapacité en résultant,

- le médecin consultant désigné par le tribunal a rejoint en tous points cette analyse,

- l'analyse médico-légale du Docteur [V], qu'elle a désigné devant la cour, propose également que soit retenu un taux de 6 %,

- la convergence de ces trois approches médico-légales effectuées par des médecins experts doit être retenue.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, la CPAM demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de débouter l'appelante de toutes ses demandes.

Elle soutient en substance que :

- au visa de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, du barème indicatif et de la jurisprudence de la CNITAAT, il est prévu l'attribution d'un taux de 15 % pour les atteintes constatées chez Madame [N] sur le côté dominant, précision faite de ce que la lésion du poignet a bien été visualisée par l'arthroscanner et tous les mouvements de ce poignet sont limités d'où la raideur ainsi que les douleurs pour un membre dominant,

- le médecin-conseil s'est placé sur la fourchette haute du barème en tenant compte de l'âge et de la qualification professionnelle de l'assuré, laquelle a été licenciée pour inaptitude le 23 mai 2017, ce qui prouve l'importance des séquelles, qui n'ont pas permis de reclassement professionnel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige. L'affaire a été mise au délibéré par mise à disposition au greffe, la date fixée ayant été communiquée aux parties présentes.

 

MOTIFS DE L'ARRÊT

Aux termes de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

L'article R.434-32 du même code prévoit qu'au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Les annexes I et II au code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d'invalidité applicables en matière d'accidents du travail et de maladie professionnelle et rappellent que le barème n'a qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème ; il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.

[Ce] barème indicatif a pour but de fournir les bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l'article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d'évaluation suivies par les tribunaux dans l'appréciation des dommages au titre du droit commun.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation du 26 janvier 2017 et les situations postérieures ne peuvent être prises en considération.

Seules les séquelles résultant des lésions consécutives à l'accident du travail pris en charge par la caisse primaire doivent être prises en compte pour l'évaluation du taux d'incapacité permanente attribué à la victime en application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, le Docteur [P], consulté en première instance en qualité d'expert, s'est déterminé en fonction du barème applicable en appréciant in concreto la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle.

Il a en effet retenu que l'assurée, âgé de 32 ans, employée de supermarché, avait présenté un traumatisme de la main droite et du poignet P1, l'arthroscanner du poignet du 1er avril 2016 montrant une rupture complète du ligament luno pyramidale, et une rupture partielle du ligament scaphandre lunaire, sans indication chirurgicale. L'examen clinique, chez une droitière, a relevé des douleurs au port de charges une flexion limitée à 50° à droite contre 90° à gauche, une extension limitée à 40° à droite contre 50° à gauche, une abduction et une adduction réduites d'un tiers, une prono-supination complète mais avec des douleurs en fin de course, une absence d'amyotrophie, le médecin consultant retenant au total un enraidissement et des douleurs résiduelles et proposant à ce titre un taux d'incapacité de 6 %.

Le médecin consultant de l'employeur en première instance a retenu qu'en l'état du caractère léger de la limitation du poignet alors que le barème préconise un taux de 15 % pour un blocage du poignet en rectitude ou en extension, un taux de 6 % devrait être retenu.

Le rapport médical du 19 novembre 2021 du Docteur [V], médecin conseil de l'employeur consulté en appel, retient que l'examen clinique montre une limitation légère des mouvements du poignet dominant en flexion et en extension sans atteinte de la prono-supination, il constate que la réduction d'un tiers des mouvements d'adduction et abduction a procédé d'un seul examen des mouvements actifs, et non passifs, il observe l'absence d'amyotrophie et l'absence d'altération de la force comme de difficultés de préhension. Il suggère qu'on ne peut affirmer que les lésions ligamentaires relèvent des conséquences directes et certaines de l'accident du travail déclaré. Il en conclut qu'un taux d'incapacité permanente partielle de 6 % apparaîtrait plus à même d'indemniser justement les séquelles strictement imputables à l'accident du travail.

Il est constant que le barème indicatif, dans son chapitre relatif au atteinte du poignet, précise que la mobilité normale est de 80° en flexion, 45° en extension active, 70° à 80° en extension passive, 15° en abduction, 40° en adduction. Il relève que des altérations fonctionnelles peuvent exister sans lésion anatomique identifiable. Pour un blocage du poignet, en rectitude ou extension sans atteinte de la prono-supination, il préconise l'attribution d'un taux de 15 % pour le poignet du membre dominant.

Il résulte incontestablement de l'examen réalisé par le médecin consultant désigné par le premier juge qu'il existe une atteinte aux mouvements de flexion, d'extension d'adduction et d'abduction du poignet comme ci-dessus précisé. Aucun blocage complet n'a été relevé.

Si en effet trois analyses médicolégales, à savoir celle du médecin consultant désigné par le premier juge, et celles des deux médecins consultants de l'employeur, convergent vers la fixation d'un taux de 6 %, il apparaît justifié de prendre en compte le fait que le médecin du travail a établi le 27 janvier 2017, soit le lendemain de la consolidation, un avis d'inaptitude en lien avec l'accident du travail survenu le 4 novembre 2015. La société [4] a établi une attestation le 1er juin 2017 par laquelle elle indique avoir procédé au licenciement pour inaptitude de sa salariée, suite à l'accident du travail du 4 novembre 2015. Cet élément prouve l'importance des séquelles affectant le poignet de Madame [N], au point de rendre impossible la poursuite de son activité professionnelle chez son employeur.

Dès lors, en considération de cet élément, le maintien à 10 % du taux d'incapacité permanente partielle est justifié, et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, sans qu'une nouvelle expertise soit nécessaire.

La société [4] sera condamnée au paiement des éventuels dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

- Confirme le jugement rendu le 10 décembre 2020 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- Condamne la caisse primaire centrale d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône aux éventuels dépens de l'instance.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/00591
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;21.00591 ?
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