La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2022 | FRANCE | N°21/00590

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 06 mai 2022, 21/00590


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/00590 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGY5B





Société [3]





C/



CPAM BOUCHES-DU-RHONE





Copie exécutoire délivrée

le :

à :





- Me Guy DE FORESTA



- CPAM BOUCHES-DU-RHONE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire

de Marseille en date du 10 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/9644.





APPELANTE



Société [3], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON





INTIMEE



CPAM BOUC...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/00590 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGY5B

Société [3]

C/

CPAM BOUCHES-DU-RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Guy DE FORESTA

- CPAM BOUCHES-DU-RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 10 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/9644.

APPELANTE

Société [3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

CPAM BOUCHES-DU-RHONE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Mme [F] [P], inspectrice juridique en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits - Procédure - Moyens et Prétentions des parties :

M. [L] [G], magasinier au sein de la société [3], a déclaré le 23 mars 2016 une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche, constatée par certificat médical initial du même jour précisant une opération à intervenir le 8 avril suivant.

Cette pathologie a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire centrale d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après désignée CPAM).

Le certificat médical final du 31 octobre 2016 faisait état de la persistance de gêne dans les gestes de la vie courante.

La consolidation a été fixée par la caisse au 31 octobre 2016 avec fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %, notifié le 12 janvier 2017, au vu des séquelles suivantes : «séquelles indemnisables d'une rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche, traitée chirurgicalement, chez un assuré droitier : limitation légère de tous les mouvements de l'épaule du côté non dominant ».

Le 7 mars 2017, la société [3] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille, aujourd'hui pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, d'un recours à l'encontre de cette décision.

Le Tribunal a ordonné une consultation confiée au Docteur [M], avec pour mission de donner son avis sur le taux d'incapacité permanente partielle reconnu à M. [G] à la date impartie, au vu des lésions constatées par le médecin conseil de la caisse et en regard du guide barème en vigueur.

Cette mesure a été exécutée sur-le-champ en présence du médecin-conseil de la caisse et a donné lieu à un rapport oral à l'audience.

Par jugement du 10 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- rejeté le recours de la société [3],

- dit que le taux d'incapacité permanente partielle, résultant de la maladie professionnelle reconnue à M. [L] [G] le 23 mars 2016, est maintenu à 10 % vis-à-vis de la société [3],

- condamné la CPAM à supporter les frais de consultation médicale,

- condamné la société [3] aux autres dépens.

Par acte du 08 janvier 2021, la Société [3] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de fixer à 6 % le taux d'incapacité permanente attribué à M. [G] dans les rapports entre la caisse et l'employeur, d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

subsidiairement,

- ordonner une mesure d'expertise aux fins de déterminer ce taux d'incapacité.

Elle fait valoir essentiellement que :

- tant son médecin consultant, que le médecin désigné par le premier juge ont proposé un taux minoré par rapport à celui fixé par la caisse,

- le guide barème prévoit un taux compris entre 8 et 10 % pour les limitations légères de tous les mouvements,

- selon le Docteur [Y], un état antérieur arthrosique important est à l'origine d'un conflit sous acromiale chronique, qui n'a pas été distingué des séquelles strictement imputables à la maladie professionnelle,

- les trois approches médico-légales effectuées par des médecins experts convergent pour estimer que le taux de 10 % retenus par la caisse n'est pas justifié.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, la CPAM demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de débouter l'appelante de toutes ses demandes.

Elle soutient en substance que :

- au visa de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, du guide barème d'invalidité, et de la jurisprudence de la CNITAAT, les séquelles retenues justifient le taux fixé par son médecin conseil, s'agissant d'une limitation des principaux mouvements pour le côté non dominant chez une personne droitière exposée à des mouvements répétitifs depuis plusieurs années et dont l'atteinte est bilatérale, puisque M. [G] souffre également de la même pathologie déclarée le 24 octobre 2011 à l'épaule droite, pour laquelle un taux d'incapacité permanente a été fixé à 7 %, sans contestation.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige. L'affaire a été mise au délibéré par mise à disposition au greffe, la date fixée ayant été communiquée aux parties présentes.

 

MOTIFS

Aux termes de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

L'article R.434-32 du même code prévoit qu'au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Les annexes I et II au code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d'invalidité applicables en matière d'accidents du travail et de maladie professionnelle et rappellent que le barème n'a qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème ; il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.

[Ce] barème indicatif a pour but de fournir les bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l'article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d'évaluation suivies par les tribunaux dans l'appréciation des dommages au titre du droit commun.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation du 30 octobre 2016 et les situations postérieures ne peuvent être prises en considération.

Seules les séquelles résultant des lésions consécutives à la maladie professionnelles prise en charge par la caisse primaire doivent être prises en compte pour l'évaluation du taux d'incapacité permanente attribué à la victime en application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, le Docteur [M], consulté en première instance en qualité d'expert, s'est déterminé en fonction du barème applicable en appréciant in concreto la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle.

Il a en effet retenu que l'assuré, âgé de 59 ans, magasinier, présentait au titre des antécédents la maladie professionnelle déclarée le 24 octobre 2011 pour la tendinopathie du sus-épineux à l'épaule droite chez un droitier, pathologie opérée, et pour laquelle un taux d'incapacité de 7 % a été fixé. Il a ensuite retenu du compte rendu opératoire du 8 avril 2016 que M. [G] a été opéré de la rupture du sus-épineux et de la partie antérieure du sus-épineux avec acromioplastie, cette intervention ayant présenté des suites simples. Il n'a été relevé aucun autre antécédent. À l'examen clinique, le sujet, droitier, a fait montre de la persistance de douleurs, pouvant se déshabiller sans gêne, ne présentant pas d'amyotrophie, ni déformation des articulations, des mesures à la mobilisation active et passive ont été réalisées par comparaison entre les deux épaules et le médecin a retenu que les mouvements complexes étaient possibles, et qu'il persistait une limitation légère des mouvements de l'épaule chez un sujet présentant une pathologie bilatérale, pour proposer la fixation d'un taux de 8 %.

Le médecin consultant de l'employeur a constaté qu'une période de quatre mois seulement séparait l'examen du médecin conseil de la caisse de la date de consolidation, les limitations de l'épaule gauche étant légères compte tenues des amplitudes retrouvées et de la force de préhension conservée. Du fait que la limitation épargne l'adduction, la rétropulsion, la rotation interne, la rotation externe, qui sont identiques au côté droit, mais également les mouvements complexes, et en raison de l'évolution particulièrement favorable, ce médecin a estimé qu'un taux de 6 % était plus conforme au déficit en rapport avec la maladie professionnelle dont s'agissait.

Le rapport médical du 3 décembre 2021 du Docteur [Y], médecin conseil de l'employeur consulté en appel, affirme qu'il existerait un état antérieur arthrosique important à l'origine d'un conflit sous acromiale chronique, sans toutefois d'argument médical objectif permettant de considérer que cet état antérieur a été révélé ou aggravé par la maladie professionnelle. Il a par ailleurs relevé que l'examen clinique en vue de déterminer la consolidation avait été trop précoce par rapport à l'intervention chirurgicale, l'état séquellaire ne pouvant être réellement apprécié dans les suites d'une réparation de la coiffe des rotateurs qu'à échéance de 9 à 12 mois post- opératoires. Il a estimé que pour une limitation légère de tous les mouvements de l'épaule pour le côté non dominant, un taux de 6 % apparaissait plus à même d'indemniser justement les seules séquelles strictement imputables à la maladie professionnelle.

Il est constant que le barème indicatif précis en son chapitre 1.1.2 : atteinte des fonctions articulaires - épaule non dominante, l'attribution d'un taux de 8 à 10 % pour la limitation légère de tous les mouvements.

Il résulte incontestablement de l'examen clinique réalisé par le médecin consultant désigné par le premier juge que les mouvements complexes sont possibles, que la force segmentaire est conservée, et qu'aucune amyotrophie n'a été constatée. Ce praticien a donc correctement évalué le taux, en retenant celui minimal de la fourchette précitée.

L'appelante entend se fonder sur l'existence d'un état antérieur qui n'est nullement démontré et n'a du reste pas été évoqué par le Docteur [K], lequel a pourtant pris connaissance de l'intégralité des investigations et notamment des données I.R.M. évoquées par le Docteur [Y].

Par ailleurs, l'observation selon laquelle la limitation épargnerait l'adduction, la rétropulsion, la rotation interne, la rotation externe, qui sont identiques au côté droit est dénuée d'incidence, dans la mesure où il convient de rappeler que M. [G] a été atteint d'une pathologie identique affectant l'épaule droite, qui a également laissé persister des séquelles. La bilatéralité de la pathologie ne peut que constituer un élément aggravant de ses séquelles pour le sujet, qui se trouve autant affecté d'un côté que de l'autre.

En considération de l'ensemble de ces éléments, et sans qu'il soit besoin d'une nouvelle expertise, il apparaît justifié de réformer le jugement et de retenir les conclusions du médecin consultant désigné en première instance pour fixer à 8 % le taux d'incapacité permanente partielle résultant de la maladie professionnelle du 23 mars 2016 de M. [L] [G] vis-à-vis de la société [3].

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'exécution provisoire, laquelle ne peut s'appliquer qu'à une décision rendue en première instance.

La CPAM, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des éventuels dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

- Infirme le jugement rendu le 10 décembre 2020 en ce qu'il a rejeté le recours de la société [3] et dit que le taux d'incapacité permanente partielle résultant de la maladie professionnelle reconnue à M. [L] [G] le 23 mars 2016 est maintenu à 10 % vis-à-vis de la société [3].

Statuant à nouveau,

- Fixe le taux d'incapacité permanente partielle résultant de la maladie professionnelle reconnue à M. [L] [G] le 23 mars 2016 à 8 % vis-à-vis de la société [3].

Y ajoutant,

- Condamne la caisse primaire centrale d'assurance-maladie des Bouches-du-Rhône aux éventuels dépens de l'instance.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/00590
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;21.00590 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award