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06/05/2022 | FRANCE | N°21/00572

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 06 mai 2022, 21/00572


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022



N°2022/.



Rôle N° RG 21/00572 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYZM





S.A. [2]



C/



CPAM DES ALPES MARITIMES





Copie exécutoire délivrée

le :

à :







- Me Julie HAZART



- CPAM DES ALPES MARITIMES









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marsei

lle en date du 15 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/11791.





APPELANTE



S.A. [2], demeurant [Adresse 3]



représentée par Me Julie HAZART de la SELARL TESSARES AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Guy DE FOREST...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 21/00572 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYZM

S.A. [2]

C/

CPAM DES ALPES MARITIMES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Julie HAZART

- CPAM DES ALPES MARITIMES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 15 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/11791.

APPELANTE

S.A. [2], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Julie HAZART de la SELARL TESSARES AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON

INTIME

CPAM DES ALPES MARITIMES, pour le compte de la CPAM du VAR - Pole expertise rente AT/MP - [Localité 1]

représenté par Mme Maryline DRAVET, inspectrice juridique, en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Catherine BREUIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022

Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [S] [H], agent de service hospitalier, aide de ménage salariée de la société [2], a déclaré le 18 mars 2016 un accident du travail survenu le 17 mars 2016 dans les circonstances suivantes : « la victime déclare être en train de manipuler des poubelles, et s'être bloquée au niveau du dos et du nerf sciatique en déplaçant une poubelle ».

Le certificat médical du 17 mars 2016 mentionne la lésion suivante : « sciatique gauche ».

Les certificats médicaux de prolongation ont fait apparaître une nouvelle lésion : hernie discale L5 S1 symptomatique.

Cet accident du travail a été pris en charge au titre de la législation professionnelle, la consolidation a été fixée au 17 septembre 2017 et, selon notification du 13 décembre 2017, prenant en compte les conclusions médicales suivantes : « lombosciatalgie gauche post-traumatique avec lombalgie prédominante », la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes (ci-après désignée CPAM ou la caisse) a notifié un taux d'incapacité permanente de 12 % à compter du 18 septembre 2017.

Par lettre du 4 juillet 2018, la société [2] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille, aujourd'hui pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, d'un recours à l'encontre de cette décision.

Le tribunal a ordonné une consultation sur pièces confiée au Docteur [E] avec pour mission de donner son avis sur le taux d'incapacité permanente partielle reconnu à la date impartie, au vu des lésions constatées par le médecin conseil de la caisse et en regard du guide barème en vigueur.

Cette mesure a été exécutée sur-le-champ en présence du médecin-conseil de la caisse et du médecin-conseil de l'employeur et a donné lieu à un rapport oral à l'audience, aux termes duquel s'agissant d'un lumbago aigu chez une patiente âgée de 51 ans, sur un état lombaire antérieur dégénératif ( canal lombaire étroit traité ), étant donné les examens cliniques et paracliniques, un taux de 5 % peut être proposé.

Par jugement du 15 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- dit que la société [2] est irrecevable pour cause de forclusion,

- condamné la société [2] aux dépens.

Par acte du 7 janvier 2021, la SA [2] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- déclarer son recours recevable,

à titre principal,

- juger que la décision prise par la caisse lui est inopposable,

à titre subsidiaire,

- dire que le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [H] doit être ramené à 2 % dans le cadre des rapports entre la caisse et l'employeur,

- condamner la caisse aux dépens.

Elle fait valoir en substance que :

- au visa de la jurisprudence de la Cour de cassation, l'insuffisance ou le caractère erroné de la motivation de la décision attributive de rente entraîne l'absence de délai de contestation, ce qui est le cas en l'espèce compte tenu de l'absence de précision dans la décision de toute notion de douleur ou de limitation fonctionnelle permettant d'isoler les séquelles et par conséquent de déterminer les dispositions du barème applicables,

- le défaut d'évaluation de l'état antérieur par le médecin-conseil de la caisse rend inopposable le taux fixé à l'égard de l'employeur, en application de la jurisprudence de la CNITAAT,

- en présence d'un état antérieur patent, il appartenait au médecin-conseil de l'évaluer et d'annexer à son évaluation tous les documents lui ayant permis de reconnaître la réalité de cet état antérieur, l'absence de toute communication à cet égard emportant inopposabilité de la fixation du taux à l'égard de l'employeur,

- à titre subsidiaire il convient de se rapporter aux observations du Docteur [Z] pour minorer le taux.

Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement déféré, à titre subsidiaire de :

- débouter l'appelante de son recours et de toutes ses demandes,

- confirmer le taux initialement fixé par son médecin-conseil à 12 %,

- déclarer ce taux de 12 % opposable à l'employeur,

- condamner la société [2] aux entiers dépens.

Elle soutient en substance que :

- la jurisprudence invoquée par l'appelante impose de vérifier si le défaut de motivation est établi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, tous les détails afférents aux conclusions médicales étant contenus dans le rapport médical d'incapacité permanente partielle, ce qui a permis du reste à la société de bien identifier la partie du barème applicable, et à son médecin recours de développer deux pages d'argumentation,

- au visa de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, du guide barème invalidité accident du travail et de la jurisprudence de la CNITAAT, le taux attribué est justifié et doit être confirmé,

- le prétendu défaut d'évaluation de l'état antérieur n'est pas sanctionné par l'inopposabilité mais peut seulement être revu à la baisse, or en l'espèce, Madame [H] travaillait sans difficulté ni réserve de la médecine du travail avant l'accident, et depuis cet accident, a été licenciée,

- le barème précise que l'état antérieur ( arthroses lombaires ou tout autre anomalie radiologique que l'accident révèle ou qui n'ont jamais été traitées antérieurement ) ne doit en aucune façon être retenu dans la genèse des troubles découlant de l'accident.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige. L'affaire a été mise au délibéré par mise à disposition au greffe, la date fixée ayant été communiquée aux parties présentes.

 

MOTIFS

 

Sur la recevabilité du recours :

La décision notifiée par la caisse le 13 décembre 2017 à l'employeur est ainsi libellée : « Après examen des éléments médicaux administratifs du dossier de votre salariée, Mme [S] [H], et des conclusions du service médical, le taux d'incapacité permanente est fixé à 12 % à compter du 18 septembre 2017. »

Le cartouche « conclusions médicales » porte comme unique mention : lombosciatalgie gauche post-traumatique avec lombalgie prédominante. Il s'agit à l'évidence de la nature de la pathologie constitutive des séquelles ouvrant droit à indemnisation, sans toutefois aucune précision relative aux considérations de fait afférentes aux conséquences objectivées sur l'état de santé de la salariée qui ont permis de déterminer et de quantifier le taux ainsi fixé.

Au rappel de ce que le rapport médical d'évaluation complet du taux d'incapacité permanente a été transmis seulement le 31 juillet 2018 au tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille, la caisse n'établissant nullement l'avoir communiqué antérieurement à l'employeur, il est justifié de considérer la décision du 13 décembre 2017 comme insuffisamment motivée, de sorte que le destinataire est fondé à la contester devant le juge sans condition de délai.

Le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions, et le recours exercé par la société [2] déclaré recevable.

Sur le fond :

Aux termes de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

L'article R.434-32 du même code prévoit qu'au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Les annexes I et II au code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d'invalidité applicables en matière d'accidents du travail et de maladie professionnelle et rappellent que le barème n'a qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème ; il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.

[Ce] barème indicatif a pour but de fournir les bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l'article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d'évaluation suivies par les tribunaux dans l'appréciation des dommages au titre du droit commun.

Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation du 17 septembre 2017 et les situations postérieures ne peuvent être prises en considération.

Seules les séquelles résultant des lésions consécutives à l'accident du travail pris en charge par la caisse primaire doivent être prises en compte pour l'évaluation du taux d'incapacité permanente attribué à la victime en application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, le Docteur [E], consulté en première instance en qualité d'expert, s'est déterminé en fonction du barème applicable en appréciant in concreto la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle.

Il a en effet retenu que l'assurée, âgé de 51 ans, avait présenté un lumbago aigu déclaré en accident du travail, sur un état lombaire antérieur dégénératif caractérisé par un canal lombaire étroit traité orthopédiquement depuis l'accident du travail, le médecin consultant, prenant en considération les examens cliniques et paracliniques, proposant à ce titre un taux d'incapacité de 5 %.

Le médecin consultant de l'employeur en première instance a retenu qu'il existait un état antérieur dégénératif conséquent et qu'en l'absence de toute lésion d'origine traumatique et en raison d'un examen non conforme au barème, un taux de 3 % devrait être retenu.

Il est constant que le barème indicatif, dans son chapitre 3.2 relatif aux rachis dorso-lombaire, prévoit, pour la persistance de douleurs notamment et gêne fonctionnelle discrète, un taux de

5 % à 15 %.

S'il résulte en effet de l'examen réalisé par le médecin consultant désigné par le premier juge qu'il existe un état antérieur caractérisé par un canal lombaire étroit, il n'est pour autant pas démontré que cet état antérieur ait été connu avant l'accident du travail. Or, le barème précise dans ce même chapitre 3.2 que l'état antérieur (arthrose lombaire ou tout autre anomalie radiologique que l'accident révèle et qui n'ont jamais été traité antérieurement) ne doit en aucune façon être retenu dans la genèse des troubles découlant de l'accident.

Dès lors, la demande d'inopposabilité tirée de l'absence d'évaluation par le médecin conseil de la caisse de cet état antérieur est sans emport.

Par ailleurs, la société [2] a établi une attestation le 24 octobre 2017 par laquelle elle confirme que la salariée a été licenciée pour inaptitude le 18 octobre 2017, soit un mois après la date de consolidation, sans aucun reclassement. Cet élément illustre l'impact des séquelles sur les capacités physiques et professionnelles de l'intéressée, que ne peut aucunement méconnaître l'employeur.

Dès lors, en considération de l'ensemble de ces éléments, le maintien à 12 % du taux d'incapacité permanente partielle est justifié, sans qu'une nouvelle expertise soit nécessaire.

La société [2] sera condamnée au paiement des éventuels dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

- Infirme le jugement rendu le 15 décembre 2020 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

- Déclare le recours de la société [2] recevable.

- Dit et juge que le taux d'incapacité permanente partielle, résultant de l'accident du travail dont a été victime Mme [S] [H] le 17 mars 2016 est fixé à 12 %, dans les rapports entre la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes et l'employeur.

Y ajoutant,

- Condamne la société [2] aux éventuels dépens de l'instance.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/00572
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;21.00572 ?
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