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06/05/2022 | FRANCE | N°18/14588

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 06 mai 2022, 18/14588


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 6 MAI 2022



N° 2022/ 157













Rôle N° RG 18/14588 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDAYX







SAS DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX (DMBP)





C/



[F] [H]















Copie exécutoire délivrée

le :06/05/2022

à :



Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Me Frédér

ic DELCOURT, avocat au barreau de TOULON







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 31 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00807.





APPELANTE



SAS DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 6 MAI 2022

N° 2022/ 157

Rôle N° RG 18/14588 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDAYX

SAS DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX (DMBP)

C/

[F] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :06/05/2022

à :

Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 31 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00807.

APPELANTE

SAS DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX (DMBP), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [F] [H], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Février 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, M. Ange FIORITO, Conseiller de la chambre, est chargé du rapport.

La Cour était composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Avril 2022 puis prorogé au 6 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 6 Mai 2022,

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. [F] [H] a été embauché le 6 juillet 1988 comme man'uvre par la société COMPTOIR DES BOIS ET CONTREPLAQUES par contrat de travail à durée déterminée qui a été renouvelé. Le contrat est devenu à durée indéterminée à compter du 1er décembre 1988.

Par avenant à effet du 1er janvier 2011, le temps de travail a été annualisé, sans référence hebdomadaire.

A compter du 1er janvier 2012, le contrat a été transféré à la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX (DMBP), filiale du groupe SAINT-GOBAIN, qui commercialise sous l'enseigne DISPANO tous les produits issus du bois pour la construction et la décoration à destination des professionnels du bois.

M. [H], dans le dernier état des relations contractuelles, était «'responsable libre-service'», statut cadre, niveau VII, échelon A, coefficient 410, au sein de l'agence de [Localité 3]. Il bénéficiait d'une rémunération mensuelle de 3 074,72 euros bruts sur la base d'un forfait annuel de 217 jours travaillés.

M. [H] a été convoqué le 11 décembre 2015 à un entretien préalable qui s'est tenu le 22 décembre 2015. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 29 décembre 2015.

M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes le 3 novembre 2016.

Le conseil de prud'hommes de TOULON par jugement du 31 juillet 2018 a rendu la décision suivante':

«'JUGE que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [H] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la SAS DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX DMBP à payer à Monsieur [F] [H] les sommes suivantes':

- 86.092,10 euros net au titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- 6149,44 € net au titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation adaptation

- 2500 € au titre de l'art. 700 du CPC et aux entiers dépens

ORDONNE à la SAS DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX DMBP de remettre à Monsieur [F] [H] ses bulletins de paie, certificat de travail et attestation pôle emploi dument rectifiés sous astreinte de 100 €/jour de retard à compter du 1er septembre 2018.

DEBOUTE les parties de toute autre demande plus ample ou contraire.

CONDAMNE la SAS DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX DMBP aux dépens.'»

Le jugement du conseil de prud'hommes de TOULON a été notifié le 10 août 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception à la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX qui a interjeté appel par déclaration du 6 septembre 2018.

La clôture de l'instruction a été fixée au 14 janvier 2022. L'affaire a'été plaidée à l'audience de la cour en sa formation collégiale du 8 février 2022'; l'arrêt a été mis en délibéré au 8 avril 2022.

La société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX (DMBP), suivant conclusions notifiées par RPVA le 22 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande'de':

- dire et juger M. [F] [H] irrecevable et, en tout état de cause, mal fondé en son appel incident';

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de TOULON le 31 juillet 2018 dans toutes ses dispositions';

- confirmer les dispositions du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de TOULON le 31 juillet 2018 en ce qu'il a débouté M. [H] de ses demandes formées au titre de la nullité et/ou de l'inopposabilité de sa clause de forfait en jours';

Statuant à nouveau,

- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes';

- condamner M. [H] à payer à la société DMBP la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE.

La société DMBP énonce que le licenciement pour insuffisance professionnelle est bien-fondé. Elle expose que M. [H] a progressé au sein de la société, que son niveau de responsabilité a augmenté mais que son management s'est révélé de plus en plus défaillant. Elle explique que M. [H] était chargé d'assurer l'animation des équipes du libre-service, d'assurer la vente des produits proposés dans le libre-service auprès de tous les clients, de s'assurer de la bonne gestion du libre-service, de prendre en charge les clients, d'identifier leurs besoins, de leur proposer des conseils et des solutions, de conclure des ventes dans le cadre de la délégation tarifaire, de suivre son chiffre d'affaires et sa marge, et de mettre en 'uvre des actions commerciales et des promotions. Elle énonce que ces missions étaient régulièrement rappelées à M. [H], notamment à l'occasion des entretiens annuels d'évaluation.

Elle précise que M. [H] avait plusieurs salariés sous sa responsabilité.

La société DMBP allègue que des difficultés relatives à l'animation commerciale de l'agence, à la «'conduite de changement'» et au «'travail en équipe'» ont été pointées lors de l'entretien annuel d'évaluation pour 2013. Elle fait état pour 2013 d'un bilan négatif des objectifs en «'CA et REA'», de «'très peu de communication avec le magasin'», et d'une «'mauvaise ambiance due au peu de communication entre les services.'»

Elle énonce que lors de l'entretien annuel d'évaluation pour 2014, il a été constaté que M. [H] n'avait pas pris la mesure de la recommandation dont il avait fait l'objet l'année passée'; elle fait état d'aggravation des défaillances. Les compétences professionnelles de M. [H] ont été jugées 'insuffisantes. La société DMBP précise que M. [H] n'a pas contesté cette évaluation.

Elle explique que la situation ne s'est pas améliorée en 2015, M. [H] se révélant définitivement incapable de fédérer les membres de son équipe autour des objectifs à atteindre'; elle ajoute que M. [H] n'a pas su animer le libre-service de l'agence, n'organisant qu'une seule opération commerciale en une année.

La société DMBP énonce que M. [H] n'avait nullement contesté ces constats jusqu'à sa saisine du conseil de prud'hommes.

La société DMBP soutient, contrairement aux prétentions adverses, que la lettre de licenciement est suffisamment motivée, les griefs étant précis et matériellement vérifiables. Elle ajoute que le fait qu'elle ait initialement envisagé un licenciement économique avec deux autres salariés ne saurait remettre en cause la réalité de l'insuffisance professionnelle reprochée. Elle sollicite le rejet de la demande pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et énonce que M. [H] ne démontre aucunement l'existence d'un préjudice à hauteur du montant alloué par le conseil de prud'hommes.

La société DMBP énonce n'avoir jamais manqué à son obligation de formation-adaptation comme cela est prévu par l'article L 6321-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au moment des faits'; elle précise que depuis le 1er janvier 2012, M. [H] occupait le poste de responsable libre-service, que les contours du poste n'ont pas évolué depuis cette date, de sorte qu'aucune formation destinée à assurer la capacité de M. [H] à occuper son emploi s'imposait, et que par ailleurs il ne justifie nullement d'un préjudice.

La société DMBP soutient que Monsieur [H] avait la possibilité de conclure une convention de forfait en jours, comme il l'a fait librement par la signature de l'avenant du 1er janvier 2011, au vu de son statut cadre niveau VII catégorie A, de la convention collective nationale du négoce des matériaux de construction, précisée par l'accord national du 23 juin 1999 relatif à la réduction du temps de travail à 35 heures, et de l'article L3121-43 du code du travail. Elle explique que l'organisation du travail et la charge de travail de M. [H] ont fait l'objet d'un suivi dans le cadre des entretiens d'évaluation professionnelle, et que M. [H] ne s'est jamais plaint de son rythme ou de sa charge de travail, et n'a formulé aucune observation sur le principe et l'application de la convention de forfaits en jours, ne la remettant jamais en cause.

La société DMBP expose que M. [H] ne démontre pas la réalité des heures supplémentaires revendiquées pour la période de 2013 à 2015, précisant que si la convention de forfait jours était déclarée nulle ou inopposable, cela ne signifiait pas que le salarié avait effectivement accompli des heures supplémentaires. Au cas où l'inopposabilité de la convention de forfait jours serait retenue, la société DMBP réclame le remboursement des journées de réduction du temps de travail, soit une somme totale de 3 876,82 €.

La société DMBP soutient qu'aucun élément intentionnel n'est rapporté par Monsieur [H] permettant de justifier un travail dissimulé.

M. [F] [H], suivant conclusions notifiées par RPVA le 16 décembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande'de':

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de TOULON le 31 juillet 2018 en ce qu'il a condamné la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX DMBP à payer les sommes de':

. 86 092,10 € net au titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

'. 6149,44 € net au titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation adaptation,

. 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- donner acte à M. [H] de son désistement d'appel incident et de l'abandon tant de sa demande relative à l'illicéité de la convention de forfait jours que des demandes financières qui en découlent, à savoir':

. rappel de salaire sur heures supplémentaires': 15 432,06 € brut,

. indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire': 1 543,21 € brut,

. dommages et intérêts pour travail dissimulé (6 mois)': 18 448,32 € net';

Dans tous les cas,

- condamner la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX DMBP à payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les entiers dépens, outre les intérêts au taux légal à compter de la réception par la société défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jour du paiement';

- dire et juger que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, le point de départ des intérêts capitalisés étant fixé au jour de réception par le greffe de la saisine';

- fixer en application de ce dernier article la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à': 3 074,72 € bruts';

- ordonner la remise à M. [H] du certificat de travail, des bulletins de paie et de l'attestation Pôle Emploi dûment rectifiés sous astreinte de 100 € par jour de retard';

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d'exécution forcée, le montant des sommes retenues par l'huissier chargé de l'exécution en application de l'article 10 du décret du 08/03/2001 (portant modification du décret du 12/12/1996 n° 96-1080 sur le tarif des huissiers) sera supporté par le débiteur, en sus de l'application de 700 du code de procédure civile.

M. [H] énonce notamment avoir exercé ses fonctions de'responsable libre-service pendant plus de 27 ans en donnant pleine satisfaction et que l'insuffisance professionnelle invoquée est largement démentie par son passé professionnel et ses promotions successives. Il précise qu'il n'a aucun passé disciplinaire. Il soutient que les griefs invoqués ne sont pas suffisamment précis et vérifiables, la motivation de la lettre de licenciement étant vague et généraliste. M. [H] soutient que le grief de défaut de management d'équipe dans la mise en 'uvre de la politique commerciale lui est inopposable car aucune fiche de poste n'a été signée entre les parties. S'agissant de ses missions il se réfère aux dispositions conventionnelles relatives à la classification des salariés, la mise en 'uvre de la politique commerciale relevant davantage selon M. [H] des attributions d'un directeur d'enseigne que de celles d'un responsable libre-service. Il explique qu'aucun document contractuel signé entre les parties ne l'astreignait à la réalisation d'objectifs précis et chiffrés. Il énonce que l'ensemble de l'argumentation de son employeur ne repose que sur un entretien annuel d'évaluation. Il expose notamment que lors des entretiens d'évaluation de 2013 et 2014, il a sollicité qu'on lui fixe un cap à suivre, et qu'il attendait des directives plus claires de sa hiérarchie, ce qui n'a pas été le cas. M. [H] soutient n'avoir jamais disposé des moyens nécessaires à ses fonctions et invoque un non-respect des dispositions de l'article L 6321-1 du code du travail.

MOTIVATION

Sur le licenciement

Il est de jurisprudence constante que l'insuffisance professionnelle est susceptible de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle est définie comme l'incapacité du salarié à exercer correctement ses fonctions. Elle se distinguer de la faute disciplinaire et doit être étayée par des faits objectifs prouvés. L'insuffisance professionnelle doit s'inscrire dans une certaine durée. L'employeur est cependant tenu à une obligation de formation du salarié'; il a l'obligation de veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper un emploi. D'autre part, les griefs formulés à l'encontre du salarié doivent porter sur des tâches relevant de sa qualification.

La lettre de licenciement délimite les contours du litige.

La lettre de licenciement 29 décembre 2015, après avoir précisé que les compétences techniques de M. [H] n'étaient pas remises en cause, motive l'insuffisance professionnelle invoquée de la manière suivante':

- il est reproché à M. [H] sa capacité à manager son équipe et à animer le libre-service placé sous sa responsabilité';

- il est mentionné qu'il a été alerté sur ce dysfonctionnement à plusieurs reprises et notamment lors de l'entretien d'évaluation qui a eu lieu en février 2015, au cours duquel son adéquation au poste occupé a été considérée comme insuffisante';

- depuis, il n'a pas été constaté d'amélioration';

- M. [H] ne parvient pas à impulser du dynamisme commercial et ne met rien en 'uvre pour y parvenir';

- M. [H] n'est pas acteur au niveau commercial et ne fédère pas son équipe autour des objectifs de l'enseigne';

- M. [H] ne parvient pas à réaliser l'animation de la politique commerciale interne de l'agence';

- M. [H] n'a mis en 'uvre qu'une seule opération commerciale (Festool) en un an';

- M. [H] n'est pas force de proposition et attend que son manager prenne des initiatives à sa place qu'il se contente d'exécuter.

La lettre conclut':'«'ce n'est pas le type de comportement que nous sommes en droit d'attendre d'un collaborateur ayant le statut de Cadre'».

Pour étayer ses prétentions, la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX ne produit aux débats que les entretiens d'évaluation des années 2013 et 2014, mais non celui de 2015 qui est visé par la lettre de licenciement, ainsi qu'une fiche de poste «'Responsable Libre-Service'».

L'entretien annuel d'évaluation pour l'année 2013, s'agissant des points défavorables au salarié, à la rubrique «'Evénements marquants'», fait état d'un bilan négatif des objectifs en CA et REA, de très peu de communication avec le magasin, d'une ambiance mauvaise due au peu de communication entre les services. Aucune pièce ne vient à l'appui de ces constats.

Au niveau de la rubrique «'compétences métier'» il est mentionné': «'Développer la relation client et animation du magasin'»'; à la rubrique «'Forces'», il est indiqué': «'être force de proposition pour animation LSN + EXPO'». Il est mentionné à certaines rubriques, à la partie commentaires «'souhaite qu'on lui fixe le cap'» et «'attends des directives plus claires de son hiérarchique'», commentaires qui a priori semblent provenir du salarié. La cour constate cependant que le document ne contient aucune rubrique où les commentaires du salarié apparaissent de manière explicite. Le document par ailleurs n'est pas signé par le salarié.

L'entretien annuel d'évaluation pour l'année 2014 mentionne à la rubrique «'appréciation globale'»': insuffisant. A la rubrique «'Axes d'amélioration'», il est mentionné «'Management, animation commerciale de la zone de vente, être force de proposition, piloter'»'; la rubrique «'commentaires responsable hiérarchique'» indique': «'j'attend de [F] qu'il soit une vraie force de proposition QUOTIDIENNE, une prise en main de la zone LS, Exposition et Accueil, ainsi qu'un management de son équipe'». Aucune pièce ne vient à l'appui du document d'entretien d'évaluation. Au bas de la dernière page apparaît la mention «'je suis d'accord'», mention non nominative.

Comme pour l'entretien de 2013, le document ne contient aucune rubrique où les commentaires du salarié apparaissent de manière explicite, et il n'est pas signé par le salarié.

M. [H] rétorque en réponse à ces entretiens qu'il avait sollicité des directives claires et des moyens à sa hiérarchie qui ne lui ont jamais été donnés.

Ainsi les entretiens de 2013 et 2014 font état de reproches d'ordre général, aucune pièce n'étant produite afin de justifier de leur réalité.

La cour rappelle que les entretiens de 2013 et 2014 ne sont pas visés par la lettre de licenciement, contrairement à celui de 2015 qui n'est cependant pas versé aux débats.

La cour constate que la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX, la fiche de poste produite n'étant pas signée par le salarié, ne verse aux débats aucun document contractuel dûment signé par le salarié énonçant expressément le contenu de ses missions qui permettrait ainsi d'identifier celles pour lesquelles M. [H] aurait montré des insuffisances professionnelles, et ce conformément au libellé de la lettre de licenciement.

Ainsi la cour considère que la lettre de licenciement ne s'appuie pas sur des éléments précis et vérifiables. Le licenciement est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud'hommes a alloué à M. [H] des dommages et intérêts en raison du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse pour une somme d'un montant de 86 092,10 € correspondant à 28 mois de salaire. M. [H] justifie le quantum de la somme allouée du fait de ses 27 années d'ancienneté et parce qu'il est demandeur d'emploi depuis le 19 avril 2016, avec par intermittence des emplois saisonniers'; il produit à cet effet les attestations d'indemnisation de chômage et les différents contrats de travail à durée déterminée. L'employeur invoque l'absence de préjudice.

L'article L 1235-3, en vigueur à la date du licenciement, énonce':

«'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.'»

La cour considère qu'au vu des pièces produites et des moyens développés par M. [H] que compte tenu de son ancienneté, de sa rémunération et des difficultés qu'il a rencontrées pour retrouver une activité professionnelle, la somme qui lui a été allouée par le conseil de prud'hommes est justifiée.

Sur le manquement à l'obligation de formation-adaptation

L'article L.6321-1 du code du travail prévoit notamment que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et qu'il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il est de principe que cette obligation relève de l'initiative de l'employeur et, en conséquence, que ce dernier ne peut s'exonérer de son obligation au motif que son salarié n'a formé aucune demande pendant l'exécution du contrat de travail.

La société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUM. [F] [H] ne justifie pas du respect de cette obligation envers M. [F] [H]. Le préjudice subi par ce dernier, caractérisé par la réduction de ses capacités à retrouver un nouvel emploi, sera justement indemnisé en lui allouant la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts.

Le licenciement ne résultant pas d'une cause réelle et sérieuse, il conviendra en conséquence de faire application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail et d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage.

Sur les demandes accessoires

Les intérêts légaux sont de droit'; il sera fait droit à la demande de capitalisation, au visa de l'article 1343-2 du Code civil, l'employeur ne s'y opposant pas.

Il sera fait droit à la demande de fixer la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à la somme de 3 074,72 € bruts, l'attestation Pôle emploi et les bulletins de paie étant produits, et l'employeur ne s'y opposant pas.'

La cour n'estime pas opportun de se reconnaître compétente pour liquider l'astreinte prononcée par la première juridiction dans le cadre de la remise des documents de fin de contrat.

L'article 10 du décret du 08/03/2001 (portant modification du décret du 12/12/1996 n° 96-1080 sur le tarif des huissiers) dont il est demandé application par M. [H] a été abrogé par le décret n° 2016-230 du 26 février 2016.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La partie qui succombe supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, Statuant publiquement et par jugement contradictoire,'après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX recevable en son appel';

INFIRME le jugement rendu le 31 juillet 2018 par le conseil de prud'hommes de TOULON en ce qu'il a condamné la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX à payer à M. [F] [H] la somme de 6 149,44 € net au titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation-adaptation ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX à payer à M. [F] [H] la somme de 1 000 € à titre de demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation-adaptation';

PREND ACTE du désistement d'appel incident et de l'abandon de M. [F] [H] tant de sa demande relative à l'illicéité de la convention de forfait jours que des demandes financières qui en découlent, au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires, de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire, et des dommages et intérêts pour travail dissimulé';

CONFIRME le jugement rendu le 31 juillet 2018 par le conseil de prud'hommes de TOULON pour le surplus';

ORDONNE le remboursement par la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX des indemnités de chômage versées à M. [F] [H] du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage';

DIT que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal, avec capitalisation, au visa de l'article 1343-2 du Code civil, le tout à compter de la date du jugement du conseil de prud'hommes';

FIXE la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à la somme de 3074,72 € bruts';

DIT que la cour ne sera pas compétente pour liquider l'astreinte prononcée par le conseil de prud'hommes dans le cadre de la remise des documents de fin de contrat';

CONDAMNE la société DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX à payer à M. [F] [H] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens.'

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 18/14588
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;18.14588 ?
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