COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 06 MAI 2022
N° 2022/ 147
Rôle N° RG 18/14072 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC7LL
SCP BR ASSOCIES
C/
[Y] [C]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
SARL LA TUILIERE
Copie exécutoire délivrée
le : 06.05.2022
à :
représentée par Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON
Me Daniel RIGHI, avocat au barreau de TOULON
Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 18 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00505.
APPELANTE
SCP BR ASSOCIES es-qualitès de Commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL LA TUILIERE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON
INTIMEES
Madame [Y] [C], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Daniel RIGHI, avocat au barreau de TOULON
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4] , [Adresse 3]
représentée par Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON
SARL LA TUILIERE, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Février 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Philippe SILVAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Monsieur Thierry CABALE, Conseiller
M. Ange FIORITO, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022,
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par jugement du 23 juillet 2012, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la SARL La Tuilière. Par jugement du 31 octobre 2013, cette juridiction a arrêté le plan de redressement de cette société. La SCP BR Associés a successivement exercé les fonctions de représentant des créanciers puis de commissaire à l'exécution du plan.
Le 22 juin 2016, Mme [C], se prévalant de l'existence d'un contrat de travail avec la SARL La Tuilière, a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon d'une demande portant principalement sur un rappel de salaire et d'heures supplémentaires et le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés ainsi que de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugement du 18 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Toulon a':
- constaté l'existence d'un contrat de travail verbal entre la SARL La Tuilière et Mme [C]';
- fixé les créances de Mme [C] au passif du redressement judiciaire de la SARL La Tuilière aux sommes suivantes':
- 3.800'€ net au titre des salaires des mois d'avril, mai et juin 2016';
- 380'€ net au titre des congés payés';
- 300'€ au titre de l'article 700 du la SARL La Tuilière de procédure civile';
- ordonné à la SARL La Tuilière en la personne de son mandataire judiciaire la SCP BR Associés de remettre à Mme [C] les bulletins de paie des mois d'avril 2016, mai 2016 et juin 2016, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard';
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
- Dit que les dépens seraient passés en frais privilégiés de procédure collective.
La SCP BR Associés a fait appel de ce jugement le 27 août 2018.
Au terme de ses conclusions du 24 décembre 2018 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SCP BR Associés demande de':
- constater que le jugement adoptant le plan de redressement de la SARL La Tuilière est du 31 octobre 2013,
- constater qu'elle n'a plus la qualité de mandataire judiciaire,
- constater que le litige née en 2016 concerne exclusivement la SARL La Tuilière,
- réformer le jugement en ce qu'il a ordonné à la SARL La Tuilière, en la personne de son mandataire judiciaire, de remettre à Mme [C] les bulletins de salaire des mois d'avril à juin 2016, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi sous astreinte,
- prononcer sa mise hors de cause,
- condamner tout contestant au paiement d'une somme de 1'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'issue de leurs conclusions 14 décembre 2018 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SARL La Tuilière demande de':
- recevoir la SARL La Tuilière dans son appel incident';
- constater que Mme [C] a été embauchée par la SARL Pénélope et non par la SARL La Tuilière';
- constater qu'à compter du 07 mai 2016, Mme [C] a cessé toute activité';
- dire que la SARL Pénélope était bien l'employeur de Mme [C]';
- réformer dans son intégralité le jugement querellé';
- déclarer irrecevables les demandes de Mme [C] à l'encontre de la SARL La Tuilière, et la débouter purement et simplement';
- condamner Mme [C] au paiement d'une somme de 1'500'€ sur le fondement de l'article 700 du la SARL La Tuilière de procédure civile.
Elle expose que Mme [C] ne peut se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail avec la SARL La Tuilière aux motifs que la SARL La Tuilière et la société Pénélope exercent une activité complémentaire puisque la première a pour objet une activité de restauration, traiteur à domicile, location de salle pour mariage, banquets, location de chambres et que la seconde exerce une activité d'hébergement de plein air, que Mme [C] connaissait cette situation puisqu'elle effectuait un stage via un organisme de formation auprès de la SARL La Tuilière, qu'à l'issue de son stage, elle a été recrutée par la société Pénélope, que Mme [C] a mis fin à la période d'essai en cessant de venir travailler, que son salaire lui a été réglé et son attestation ASSEDIC lui a été remise et que Mme [C] ne rapporte pas la preuve de l'exécution d'une prestation de travail au profit de la SARL La Tuilière pour les mois avril à juin 2016.
Au terme de ses conclusions du 10 janvier 2022 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, Mme [C] demande de':
- recevoir la SCP BR Associés et LA SCEA AGS en leur appel respectif';
- Les déclarer fondés';
- statuer ce que de droit sur sa demande de mise hors de cause de la SCP BR Associés';
- statuer ce que de droit sur les demandes de l'UNEDIC, Délégation de la AGS CGEA de [Localité 4]';
pour le surplus';
- confirmer le jugement entrepris';
- dire et juger que la SARL La Tuilière l'a employée entre le 25 avril et le 21 juin 2016 en qualité d'assistante de direction';
- condamner la SARL La Tuilière à lui payer':
3'800'€ nets au titre des salaires des mois d'avril, mai et juin 2016';
380'€ nets au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés';
- condamner la SARL La Tuilière à lui payer la somme de 2'500'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamner la SARL La Tuilière aux entiers dépens.
Mme [C] fait valoir que par jugement du 31 octobre 2013, le tribunal de commerce de Toulon a arrêté le plan de redressement de la SARL La Tuilière, que le litige, né de son emploi par cette société, trouve sa cause postérieurement à l'adoption du plan de redressement et qu'il conviendra de mettre hors de cause la SCP BR Associés et l'AGS-CGEA de [Localité 4].
Sur le fond, elle expose que, le 25 avril 2016, elle a été recrutée en qualité d'assistante de direction à temps complet par la SARL La Tuilière, gérée par M. [S], et qu'elle exerçait ses fonctions dans les locaux de l'auberge «'La Tuilière'», appartenant à cette société, et qui constitue un établissement d'hôtellerie-restaurant qui propose des hébergements insolites et des animations.
Elle indique que le 18 juin 2016 puis le 21 juin 2016, elle a vainement réclamé ses salaires et qu'il lui a été répondu qu'elle avait été recrutée par l'EURL Pénélope en vue de la recherche d'une clientèle nouvelle et que sa période d'essai, qui avait commencé le 2 mai 2016, avait pris fin le 7 mai 2016.
Elle fait valoir que sa relation de travail a commencé à compter du 25 avril 2016 et s'est exercée au profit de la SARL La Tuilière et non de la société Pénélope.
A l'issue de ses conclusions du 31 décembre 2018 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, l'AGS-CGEA de [Localité 4] demande de':
en toute hypothèse':
- dire et juger exclues de la garantie de l'AGS les sommes allouées au titre de l'astreinte et de l'article 700 du code de procédure civile';
à titre principal':
- mettre hors de cause l'AGS en l'absence de tout contrat de travail conclu avec la SARL La Tuilière et au motif que la société Pénélope, seule employeur de Mme [C], ne fait l'objet d'aucune procédure collective';
- condamner qui il appartiendra aux entiers dépens';
subsidiairement':
- mettre hors de cause l'AGS s'agissant de la demande de garantie de salaires dus sur une période postérieure à l'adoption du plan de redressement en l'absence de liquidation judiciaire';
- condamner qui il appartiendra aux entiers dépens';
infiniment subsidiairement':
- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et 8 du la SARL La Tuilière du travail que dans les termes et les conditions résultant des articles L. 3253-17, L. 3253-19 à 20 du la SARL La Tuilière du travail';
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte-tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponible entre ses mains pour procéder à leur paiement';
- condamner qui il appartiendra aux entiers dépens';
En tout état de cause';
- En tout état de cause, fixer toutes créances en quittance ou deniers';
- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 à 8 du la SARL La Tuilière du travail (anciens articles L. 143.11.1 et suivants) que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15 (ancien article L. 143.11.7) et L. 3253-17 (ancien article L. 143.11.8) du la SARL La Tuilière du travail';
- dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D3253-5 du la SARL La Tuilière du travail';
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
L'AGS-CGEA de [Localité 4] fait valoir qu'elle n'a pas vocation à garantir les sommes réclamées par Mme [C] aux motifs, d'une part, que celle-ci a été en réalité recrutée par une société Pénélope, que sa période d'essai a été rompue et que la société Pénélope ne fait l'objet d'aucune procédure collective alors que l'AGS a pour finalité de garantir les créances salariales nées de l'exécution et de la rupture des contrats de travail conclus avec des employeurs ayant fait l'objet d'une procédure collective et, d'autre part, qu'à supposer que la SARL La Tuilière soit l'employeur de Mme [C], sa garantie n'est pas due puisque les sommes dues au titre de l'exécution du contrat de travail sur une période postérieure au jugement d'homologation du plan de redressement ne sont pas garanties par l'AGS en l'absence de liquidation judiciaire.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 janvier 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.
SUR CE':
Il n'est pas contesté que la créance revendiquée par Mme [C] à l'égard de la SARL La Tuilière trouve sa cause postérieurement au jugement arrêtant le plan de redressement de cette société. Dès lors, elle ne ressort pas du périmètre de la garantie de l'AGS-CGEA de [Localité 4]. En outre, et pour les mêmes motifs, aucune demande ne pouvait prospérer à l'encontre de la SCP BR Associés. Il conviendra en conséquence de prononcer leur mise hors de cause.
Il est de jurisprudence constante que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs et que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l'espèce, pour justifier de l'existence d'une relation de travail avec la SARL La Tuilière entre le 25 avril et le 21 juin 2016, Mme [C] verse aux débats':
- une fiche de poste aux fonctions d'assistante de direction/chargée de développement au sein de l'auberge La Tuilière,
- deux courriels que lui a adressé l'auberge La Tuilière le 26 avril et le 5 mai 2016 comprenant des photographies et l'adresse de cette auberge,
- un courriel adressé le 28 avril 2016 par un certain M. [L] à l'auberge La Tuilière et dont Mme [C] a été destinataire en copie relatif à la réalisation de supports publicitaires,
- un courriel adressé le 4 mai 2016 par l'auberge La Tuilière à un destinataire non-identifié, dont Mme [C] a reçu copie, portant sur un projet de bon cadeau,
- un courriel adressé le 6 mai 2016 par le gérant de la SARL La Tuilière et d'une société Pénélope à son comptable demandant à ce dernier de procéder à la déclaration de Mme [C] en contrat à durée déterminée à compter du 1er mai 2016.
Aucun de ces éléments ne permet de caractériser, pour la période courant du 25 avril au 21 juin 2016, l'exécution par Mme [C] d'une prestation de travail au profit de la SARL La Tuilière. Le jugement déféré, qui a fait droit à la demande de Mme [C] de ce chef, sera en conséquence infirmé.
Il n'apparaît pas inéquitable de débouter la SARL La Tuilière et la SCP BR Associés de leur demande au titre de leurs frais irrépétibles.
Enfin Mme [C], partie perdante qui sera condamnée aux dépens, sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
DECLARE la SCP BR Associés recevable en son appel,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 18 juillet 2018 en ce qu'il a':
- constaté l'existence d'un contrat de travail verbal entre la SARL La Tuilière et Mme [C]';
- fixé les créances de Mme [C] au passif du redressement judiciaire de la SARL La Tuilière aux sommes suivantes':
- 3.800'€ net au titre des salaires des mois d'avril, mai et juin 2016';
- 380'€ net au titre des congés payés';
- 300'€ au titre de l'article 700 du la SARL La Tuilière de procédure civile';
- ordonné à la SARL La Tuilière en la personne de son mandataire judiciaire la SCP BR Associés de remettre à Mme [C] les bulletins de paie des mois d'avril 2016, mai 2016 et juin 2016, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard';
- Dit que les dépens seraient passés en frais privilégiés de procédure collective.
LE CONFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau,
PRONONCE la mise hors de cause de l'AGS-CGEA de [Localité 4],
PRONONCE la mise hors de cause de la SCP BR Associés,
DEBOUTE Mme [C] de ses demandes,
DEBOUTE la SARL La Tuilière et la SCP BR Associés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [C] aux dépens de première instance et d'appel.
Le GreffierLe Président