COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 05 MAI 2022
N° 2022/170
N° RG 19/12959 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXTT
SA ALLIANZ COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS
C/
SA BETRISA
SA GENERALI ESPANA COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS
Société CIDEP INTERPLAST SAM
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Covadonga FERNANDEZ MIRAVALLES
Me Pascale PENARROYA-LATIL
Me Didier LODS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 17 juillet 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F00153.
APPELANTE
SA ALLIANZ COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS, dont le siège social est sis [Adresse 2] - ESPAGNE
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Pierre ALFREDO, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant
INTIMEES
SA BETRI, société de droit espagnol, dont le siège social est sis c/ DAVALL DE LA COVA [Adresse 3]-ESPAGNE
représentée par Me Covadonga FERNANDEZ MIRAVALLES de la SCP FERNANDEZ MIRAVALLES GARCIA COVADONGA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
SA GENERALI ESPANA COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS, dont le siège social est [Adresse 4]
représentée par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA- LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Isabelle DELOISON, avocat au barreau de PARIS et de Me Jérôme DA ROS, avocat au barreau de PARIS
Société de droit monégasque FITT MC SAM, anciennement CIDEP INTERPLAST SAM, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Didier LODS de la SCP POMMIER, COHEN & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 mars 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 mai 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2022,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DE L'AFFAIRE
La société ROYAL MOUGINS HOTEL, agissant pour le compte de la société en participation créée avec la société ROYAL MOUGINS GOLF, a passé commande à la société ETABLISSEMENTS LEMAIRE de travaux de rénovation du système d'arrosage d'un parcours de golf à MOUGINS. Les tuyaux ont été fournis par la FITT MC SAM (alors dénommée CIDEP INTERPLAST SAM), société de droit monégasque, qui s'est approvisionnée auprès de la société BETRISA, société de droit espagnol. Les travaux ont été réalisés entre octobre 2005 et avril 2006.
Des fuites ayant été constatées sur l'installation, une transaction a été conclue entre ROYAL MOUGINS GOLF HOTEL et FITT MC SAM, - transaction à la suite de laquelle les travaux de réfection ont été exécutés par la société BOTANICA JARDINS SERVICES.
De nouvelles fuites ayant été constatées, une expertise judiciaire a été diligentée et une procédure au fond engagée devant le Tribunal de Commerce de CANNES par les sociétés ROYAL MOUGINS GOLF et ROYAL MOUGINS HOTEL contre les ETABLISSEMENTS LEMAIRE, la société BOTANICA JARDINS SERVICES et FITT MC SAM. L'expert a rendu son rapport le 25 février 2010. Le Tribunal de Commerce de CANNES saisi a rendu un jugement le 16 février 2012.
Par arrêt en date du 21 novembre 2013, la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE a retenu la responsabilité de FITT MC SAM et celle des ETABLISSEMENTS LEMAIRE, les condamnant in solidum à payer à la société ROYAL MOUGINS GOLF et à la société ROYAL MOUGINS HOTEL la somme globale de 251.240 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil, la société FITT MC SAM étant condamnée à relever et garantir les ETABLISSEMENTS LEMAIRE de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, dépens et indemnité de procédure, et elle a mis hors de cause la société BOTANICA JARDINS CONSEIL.
Alors que cette instance était pendante devant la cour, la société FITT MC SAM a assigné devant le Tribunal de Commerce de CANNES, son fournisseur la société de droit espagnol BETRI, pour se voir relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle par la Cour.
La société BETRI a elle-même appelé en garantie ses assureurs, la société ALLIANZ COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS, ci-après ALLLIANZ, et la BANCO VITALICO DE ESPANA CIA ANONIMA DE SEGUROS Y REASEGUROS aux droits de laquelle est venue la société GENERALI ESPANA COMÄNIA DE SEGUROS Y REASEGUROS, ci-après GENERALI.
Par jugement du 17 juillet 2014, le Tribunal de Commerce de CANNES a condamné la société BETRI à relever et garantir FITT MC SAM des condamnations mises à la charge de cette dernière par la Cour d'Appel par arrêt en date du 21 novembre 2013, a condamné la société ALLIANZ à garantir la société BETRI, et a débouté la société BETRI de ses demandes dirigées contre GENERALI.
La société ALLIANZ a relevé appel de cette décision le 27 août 2014.
Par ordonnance du 4 juillet 2017, le conseiller de la mise en état a prononcé la radiation de la procédure ouverte sous le n° 14/16646, au motif que la société BETRI n'avait pas exécuté la décision précitée. Par ordonnance de référé du 1er mars 2019, le Premier Président a autorisé la SA ALLIANZ à consigner les sommes mises à sa charge par décision du 17 juillet 2014 du Tribunal de Commerce de CANNES sur un compte séquestre ouvert à la Caisse des Dépôts et Consignation.
L'affaire a été réenrôlée après exécution.
Par ordonnance du 3 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a rejeté l'exception tirée de la péremption de l'instance. Cette décision a été confirmée par la Cour d'Appel dans un arrêt du 12 mai 2021.
Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 28 février 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 14 mars 2022.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 février 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société ALLIANZ demande à la Cour de :
Infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
Au principal,
Vu l'article 445 du CPC, les articles 15 et 135 du même code, le principe des droits de la défense reconnu par les lois de la République, l'article 6 de la CEDH,
Annuler le jugement dont appel rendu par le Tribunal de Commerce de CANNES le 17 juillet 2014 et renvoyer FITT MC SAM à se pourvoir comme il appartiendra ;
Subsidiairement,
L'infirmer en toutes ses dispositions,
Dans les deux cas, statuant à nouveau,
Vu l'article 342 du code de commerce espagnol, 1490 du code civil espagnol, ou 1648 du code civil français, subsidiairement 1964.2 du code civil espagnol ou 224 du code civil français, très subsidiairement 1431-1 de la loi générale espagnole de défense des consommateurs et usagers du 16 novembre 2007 ou 1245-16 du code civil français,
Juger irrecevable l'action introduite par FITT MC SAM et Betri pour caducité ou prescription ;
Très subsidiairement,
Vu les clauses de la police d'assurance responsabilité civile conclue par BATRISA auprès d'ALLIANZ,
Mettre hors de cause ALLIANZ et débouter BETRI de ses demandes à son encontre ;
Plus subsidiairement encore,
Dire et juger inopposable à BETRI et à ALLIANZ le rapport d'expertise judiciaire déposé le 25 février 2010, et débouter FITT MC SAM de l'ensemble de ses demandes ;
Dans un ultime subsidiaire,
Dire et juger qu'ALLIANZ ne saurait être tenue de garantir BETRI pour la garantie due par celle-ci à FITT MC SAM du fait des travaux de réfection, réalisés après la période de vigueur de la police.
Débouter FITT MC SAM et Generali de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la concluante ;
Condamner BETRI à la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL-GUEDJ, sur son offre de droit.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 février 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société GENERALI demande à la Cour de :
Vu les articles 1134 et 1315 du Code civil,
Vu la police d'assurance n°27-1-265000.400 conclue entre GENERALI et BETRI S.A.,
A titre principal :
- CONSTATER que seule la commande n°24869 du 30 janvier 2007 a été livrée pendant la période de couverture de la police n°27-1-265000.400 délivrée par GENERALI ;
En conséquence
- DEBOUTER BETRI S.A. de sa demande de condamnation solidaire formée à l'encontre de GENERALI ;
A titre subsidiaire :
- CONSTATER que BETRI S.A. n'apporte pas la preuve du montant du préjudice qu'elle subit du fait des tuyaux objets de la commande n°24869 du 30 janvier 2007 ;
En conséquence
- DEBOUTER BETRI S.A. de l'ensemble de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de GENERALI ;
A titre infiniment subsidiaire :
- DIRE ET IUGER que GENERALI relèvera et garantira BETRI S.A. de toutes les demandes et condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre en raison des dommages causés par les tuyaux défectueux livrés par BETRI S.A. au titre de la seule commande n°24869 du 30 janvier 2007 ;
En toute hypothèse :
- DIRE ET JUGER que la garantie due par GENERALI couvre la période du période du 23 novembre 2006 au 23 novembre 2007 et ne pourra excéder le plafond total et cumulé de 300.000 euros défini par la police d'assurance n° 27-1-265.000.400 ;
- CONDAMNER solidairement BETRI S.A. et ALLIANZ à verser à GENERALI la somme de 7.000 euros au litre de l'artic1e 700 du Code de procédure civile, outre les entjers dépens.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 février 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société BETRISA, prise en la personne de son liquidateur demande à la Cour de :
DECLARER RECEVABLE ET FONDE l'appel incident de la société BETRI S.A.,
Y faisant droit,
REFORMER la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société BETRI S.A. à relever et garantir la société FITT MC SAM antérieurement INTERPLAST SAM
AU PRINCIPAL
JUGER caduque en application des dispositions de droit espagnol l'action en garantie de vices cachés de la société FITT MC SAM antérieurement INTERPLAST SAM à l'égard de la société BETRI SA.
DEBOUTER la société FITT MC SAM antérieurement INTERPLAST SAM de toutes ses demandes fins et conclusions.
SUBSIDIAIREMENT, JUGER ET DECLARER inopposable le rapport d'expertise de Monsieur [H] à la société BETRI SA.
DEBOUTER la société FITT MC SAM antérieurement INTERPLAST SAM de sa demande en garantie à l'encontre de la société BETRI SA,
TRES SUBSIDIAIREMENT,
CONDAMNER solidairement la société GENERALI et la société ALLIANZ à relever et garantir la société BETRI SA de toutes les demandes et condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre dans l'arrêt à intervenir.
EN TOUT ETAT DE CAUSE, CONDAMNER la société FITT MC SAM, à payer à la société BETRI SA la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER la société FITT MC SAM aux entiers dépens au profit de la SCP FERNANDEZ Y MIRAVALLES GARCIA BAYAT
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 février 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société FITT MC SAM demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement en date du 22 juillet 2014 du Tribunal de Commerce de CANNES, et ce faisant :
- Vu les articles 1134, 1641 et 1648 du Code civil,
- Vu le principe de l'Estoppel,
- Vu la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980
- Vu la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la responsabilité du fait des produits,
- Vu la doctrine du aliud pro alio,
- Vu l'article 1964 du Code civil espagnol,
- Vu l'article L 110-4 du Code de commerce,
- Vu l'arrêt de la Cour d'Appel D'AIX-EN-PROVENCE du 21 novembre 2013,
- Condamner la Société BETRI SA, à relever et garantir la Société FITT MC SAM, anciennement CIDEP INTERPLAST, des condamnations prononcées contre cette dernière par l'arrêt de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 21 novembre 2013 ;
- Condamner la Société ALLIANZ COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS à relever et garantir la Société BETRI des condamnations prononcées contre cette dernière, au profit de la Société FITT MC SAM.
- Dire non fondé l'appel de la Société ALLIANZ COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS et la débouter de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
- Dire non fondé l'appel de la Société BETRI S.A. dirigée contre la Société FITT MC SAM et la débouter de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
- Subsidiairement, Condamner la Société SA GENERALI ESPANA COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS (venant aux droits de la Société BANCO VITALICIO DE ESPANA CIA ANONIMA DE SEGUROS Y REASEGUROS) à relever et garantir la Société BETRI des condamnations prononcées contre cette dernière, au profit de la société FITT MC SAM.
- En tout état de cause,
- Condamner la Société BETRI S.A., la Société ALLIANZ COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS et subsidiairement la Société SA GENERALI ESPANA COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS à payer la somme de 6.000 euros à la Société FITT MC SAM, anciennement CIDEP INTERPLAST, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris notamment les frais d'expertise judiciaire.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du jugement
Vu les articles 16, 444 et suivant du code de procédure civile
La société ALLIANZ soulève la nullité du jugement pour non-respect du principe de la contradiction, en ce que la société FITT MC SAM aurait produit une note en délibéré et des factures après la clôture des débats à l'issue de l'audience de plaidoirie du 22 mai 2014, et la société BETRISA une note en délibéré, sans que le président les ait autorisées à déposer de note en délibéré.
Au cas présent, il ressort de la lecture du jugement que le Tribunal de Commerce s'est effectivement fondé sur des pièces versées aux débats tardivement soit pendant le cours du délibéré, sans réouverture des débats. Il n'y est, en outre, pas précisé si le juge a vérifié et constaté la communication entre parties des documents litigieux.
Dès lors, il y a lieu de prononcer la nullité du jugement querellé sur le fondement des dispositions précitées.
Sur le droit applicable à la relation contractuelle entre la société FITT MC SAM et la société BETRI
La société BETRI invoque la convention de Rome de 1980 qui selon elle désigne la loi espagnole qui serait alors applicable. Elle précise que la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 aurait effectivement vocation à s'appliquer lorsque la règle de conflit de loi utilisable conduit à appliquer la loi d'un Etat contractant, - ce qui est le cas, la règle de conflit de loi amenant à désigner la loi espagnole et l'Espagne étant un Etat contractant de la Convention de Vienne précitée-, mais que cette convention ne comporte aucune disposition sur la prescription. Elle considère alors que la question de la prescription de l'action fondée sur le vice caché engagée par la société FITT MC SAM doit être examinée au regard de la loi applicable au contrat de vente, à savoir la loi espagnole.
La société ALLIANZ invoque l'application du droit espagnol, loi du pays où la société BETRISA a son siège social, par application de l'article 3 de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux contrats de vente à caractère international d'objets mobiliers corporels, qui prévoit qu'à défaut de loi choisie par les parties, le contrat est régi par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle.
La société FITT MC SAM invoque l'application de la loi française, et à défaut, la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980.
Se pose effectivement la question préalable du droit applicable, car si, en première instance les parties ont conclu sur le fondement du droit interne français, en cause d'appel, sont développées des argumentations tendant à l'application d'une loi étrangère ou de conventions internationales.
Il s'agit d'un moyen nouveau recevable et non d'une demande nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
Selon l'article 132 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Au cas présent, les parties n'ont pas fait le choix de l'application d'une loi dans leurs rapports contractuels.
Le droit applicable à l'action engagée devant une juridiction française relative à la relation contractuelle entre une société de droit monégasque et une société espagnole doit être déterminée par la règle de conflit de loi applicable à la matière contractuelle liant le juge français.
C'est la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles dans l'Union Européenne (ci-après la « Convention de Rome ») remplacée ensuite par le règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 (« Rome I ») qui est applicable lorsque le juge français est saisi d'une demande pour régler les situations comportant un conflit de lois relatif à un contrat. Le règlement ne s'appliquant qu'aux contrats conclus après le 17 décembre 2009, et au cas présent les contrats ayant été conclus avant cette date, c'est la convention de Rome du 19 juin 1980 qui est applicable.
Peu importe que Monaco soit ou non un pays contractant de la Convention de Rome, celle-ci a vocation à s'appliquer car elle constitue la source des règles de conflit de lois en matière contractuelle pour le juge français saisi de la procédure.
Aux termes de l'article 2 de ladite convention, au regard du caractère universel de celle-ci, la loi désignée par la Convention s'applique même s'il s'agit de la loi d'un Etat non contractant.
A défaut de choix de la loi applicable au contrat par les parties, la Convention de Rome de 1980 précise quelle est la loi applicable (article 3 à 4 de la convention). Il s'agira de la loi qui présente les liens les plus étroits avec le contrat. Il est présumé que cette loi est la loi de résidence habituelle de la partie qui doit fournir la prestation caractéristique du contrat, ou s'agissant d'une société le lieu de son administration centrale ou de son principal établissement.
En l'espèce, le vendeur, la société BETRI S.A. est une société de droit espagnol, l'acheteur est une société de droit monégasque ; les produits objet du contrat, à savoir, les tuyaux ont été commandés et fabriqués en Espagne où la société BETRI S.A. a son principal établissement. Il y a lieu dès lors de faire application de la loi espagnole.
Lorsque la loi désignée est la loi d'un pays qui a ratifié la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 ou CVIM, ce sont les dispositions de cette dernière convention qui s'appliquent.
Au cas présent, l'Espagne a ratifié la CVIM, de sorte que ce sont les dispositions de cette convention qui trouvent application. Ses dispositions applicables au présent litige sont les suivantes :
Aux termes de l'article 35,
1) Le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat, et dont l'emballage ou le conditionnement correspond à celui qui est prévu au contrat.
2) À moins que les parties n'en soient convenues autrement, les marchandises ne sont conformes au contrat que si :
a) Elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type ;
b) Elles sont propres à tout usage spécial qui a été porté expressément ou tacitement à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat, sauf s'il résulte des circonstances que l'acheteur ne s'en est pas remis à la compétence ou à l'appréciation du vendeur ou qu'il n'était pas raisonnable de sa part de le faire ;
c) Elles possèdent les qualités d'une marchandise que le vendeur a présentée à l'acheteur comme échantillon ou modèle ;
d) Elles sont emballées ou conditionnées selon le mode habituel pour les marchandises du même type ou, à défaut du mode habituel, d'une manière propre à les conserver et à les protéger.
3) Le vendeur n'est pas responsable, au regard des alinéas a à d du paragraphe précédent, d'un défaut de conformité que l'acheteur connaissait ou ne pouvait ignorer au moment de la conclusion du contrat.
Aux termes de l'article 36,
1) Le vendeur est responsable, conformément au contrat et à la présente Convention, de tout défaut de conformité qui existe au moment du transfert des risques à l'acheteur, même si ce défaut n'apparaît qu'ultérieurement.
2) Le vendeur est également responsable de tout défaut de conformité qui survient après le moment indiqué au paragraphe précédent et qui est imputable à l'inexécution de l'une quelconque de ses obligations, y compris à un manquement à une garantie que, pendant une certaine période, les marchandises resteront propres à leur usage normal ou à un usage spécial ou conserveront des qualités ou caractéristiques spécifiées.
Aux termes de l'article 38, l'acheteur doit examiner les marchandises ou les faire examiner dans un délai aussi bref que possible eu égard aux circonstances.
Aux termes de l'article 39,
1) L'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut, dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater.
2) Dans tous les cas, l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité, s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d'une garantie contractuelle.
Aux termes de l'Article 40,
Le vendeur ne peut pas s' prévaloir des dispositions des articles 38 et39 lorsque le défaut de conformité porte sur des faits qu'il connaissait oune pouvait ignorer et qu'il n'a pas révélés à l'acheteur.
Ces dispositions doivent être interprétées de façon autonome, en fonction du propre contexte et de la finalité de la convention, sans référence aux concepts et règles d'un droit national particulier. Contrairement à ce qui a pu être affirmé, cette convention permet de résoudre le présent litige.
Sur les fins de non-recevoir tirées de la caducité et de la prescription
En application des dispositions de l'article 39 de la CVIM, l'acheteur est déchu de se prévaloir d'un défaut de conformité au sens de la convention s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises ont été remises. Ce délai doit être compatible avec la garantie contractuelle.
En l'espèce, le chantier a été terminé fin mars 2007, et la société CIDEP INTERPLAST, maintenant dénommée FITT MC SAM, a dénoncé les désordres par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 juillet 2007. Par télécopie du 26 janvier 2007, la société BETRI avait consenti une garantie de cinq années sur les tuyaux changés. Les désordres sont survenus dans le délai de la garantie consentie et la société CIDEP INTERPLAST, maintenant dénommée FITT MC SAM, a assigné la société BETRI par acte du 13 décembre 2011.
Il ne saurait être valablement invoqué des délais de caducité et de prescription non retenus par les dispositions de la CVIM et qui ne sauraient mettre en échec la garantie contractuelle susvisée.
Ces moyens seront rejetés.
Sur le bien-fondé de la demande de la société FITT MC SAM à l'égard de la société BETRISA
Vu les dispositions de la CIVIM précitées,
Vu la garantie contractuelle,
L'expert judiciaire dans son rapport déposé le 25 février 2010 retient, après avoir fait procédé à des investigations approfondies, en particulier des analyses mécaniques par un laboratoire, que les désordres qu'il a constatés sur le système d'arrosage du terrain de golf, à savoir des fuites ayant causé des dégâts sur le parcours de golf, proviennent des tuyaux trop fragiles des canalisations mises en place, qui ne résistent pas à la pression, se fissurent de sorte que des fuites se produisent brutalement sans prévenir tandis que les tuyaux plus solides résistent bien. Il a estimé nécessaire de faire procéder au remplacement de l'ensemble des canalisations mises en place tant par la société LEMAIRE que la société Botanica Jardins Services par des canalisations plus résistantes à la pression.
Les tuyaux en cause ont été fournis par la société BETRI S.A. à la société FITT MC SAM ainsi qu'il résulte des bons de commande n° 17711 en date du 20 novembre 2005, et n°24829 en date du 30 janvier 2007.
Si la société BETRI S.A. n'a pas été partie appelée à cette expertise, il n'est pas contesté qu'elle a néanmoins participé aux opérations, en étant représentée par messieurs [J] et [T] [W], puis lors du second accedit par monsieur [J], assisté de deux collaborateurs de l'usine ; elle a pu formuler toutes explications sur ce rapport qui a été discuté contradictoirement dans la cadre de la présente instance ; ce rapport comprenant des investigations complètes n'est pas combattu par la preuve contraire. Il s'infère des pièces versées aux débats que la société BETRISA a accepté de changer les tuyaux initialement livrés qui se sont à nouveau révélés défectueux, et qu'elle n'a pas formulé de demande de nouvelle expertise.
Au regard de ces éléments, il y a lieu de dire que la société BETRI S.A. devra garantir la société CIDEP INTERPLAST dont la contribution à l'entier dommage subi par les sociétés ROYAL MOUGINS HOTEL et ROYAL MOUGINS GOLF par la fourniture des tuyaux litigieux a été jugée de façon définitive par l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 21 novembre 2013.
Sur l'appel en garantie de la société BETRI S.A. à l'encontre des assureurs
La société BETRI a été assurée au titre de sa responsabilité civile professionnelle par deux assureurs différents, à savoir :
- ALLIANZ pour la période du 25 novembre 2003 au 25 novembre 2006,
- GENERALI pour la période du 23 novembre 2006 au 23 novembre 2007.
Par arrêt du 21 novembre 2013, la Cour d'Appel a retenu la responsabilité de la société LEMAIRE pour les prestations effectuées en 2005. Ainsi la société BETRI en étant condamnée à relever et garantir la société FITT MC SAM et la société LEMAIRE, doit assumer les conséquences des prestations réalisées en 2005. Seule est donc concernée par l'appel en garantie diligenté par la société BETRI S.A., son assureur la compagnie ALLIANZ.
La police d'assurance conclue entre la société ALLIANZ et la société BETRI S.A. est une police de responsabilité civile pouvant découler de son activité professionnelle, à savoir la fabrication de tubes en plastique à partir de billes de polyéthylène et leur distribution (article 1 et 2). Elle comprend la responsabilité civile des produits, à savoir les dommages causés par la mise sur le marché des produits, et l'utilisation des produits (point 7 de l'article 3).
Les préjudices retenus par l'expert et la Cour d'Appel sont des conséquences directes de l'usage des tuyaux fabriqués en Espagne et vendus par la société BETRI S.A., de sorte que la société ALLIANZ ne peut valablement décliner la prise en charge du sinistre.
Sur les demandes accessoires
Les circonstances de l'affaire imposent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
- ANNULE le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de CANNES le 17 juillet 2014
Statuant à nouveau,
- REJETTE les moyens tirés de la caducité et de la prescription de l'action engagée par la société FITT MC SAM,
- CONDAMNE la société BETRI S.A. à relever et garantir la société FITT MC SAM des condamnations prononcées contre cette dernière par arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE en date du 21 novembre 2013,
- CONDAMNE la société ALLIANZ COMPANIA DE SEGUROS Y REASEGUROS à relever et garantir la société BETRI S.A. de la condamnation susvisée,
- DEBOUTE la société BETRI S.A. de ses demandes formées à l'encontre de la société GENERALI,
- DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- DEBOUTE les parties de leurs demandes autres ou plus amples,
- CONDAMNE la société ALLIANZ aux entiers dépens.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT