COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 05 MAI 2022
N° 2022/
FB/FP-D
Rôle N° RG 18/13625 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC6AK
Société LA POSTE
C/
[G] [S]
Copie exécutoire délivrée
le :
05 MAI 2022
à :
Me Florent AUDOLI, avocat au barreau de NICE
Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 23 Juillet 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00664.
APPELANTE
S.A. LA POSTE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Florent AUDOLI, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [G] [S], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2022
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [S] (le salarié) a été engagé par La Poste (la société) par contrat à durée déterminée de professionnalisation du 2 juin 2016 au 06 septembre 2017 en vue d'une qualification de responsable en management d'unité et de projets, avec une formation théorique dispensée par l'organisme Formaposte Pro Conseil Méditerranée, un tuteur désigné en la personne de Mme [C] et une formation pratique à l'agence de La Poste à [Localité 4], moyennant une rémunération brute mensuelle de 1466,67 euros pour 35 heures.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de France-Télécom.
Fin octobre 2016, le salarié a sollicité le remboursement de ses frais de déplacement, de repas et d'hébergement exposés lors de ses temps de formation théorique sur le campus CESI d'[Localité 3] auquel il était rattaché, que la société a refusé.
Par courrier du 24 novembre 2016 la société a mis en demeure le salarié de justifier de ses absences depuis le 21 novembre 2016 aux cours dispensés au CESI d'[Localité 3] et a suspendu sa rémunération.
Le salarié a saisi en référé le conseil de Prud'hommes de Grasse d'une demande de remboursement des frais litigieux. Par ordonnance du 3 février 2017 le conseil de Prud'hommes statuant en référé, renvoyait les parties à se pourvoir au fond.
Par courriers successifs du 10 avril 2017, 2 mai 2017 , 9 mai 2017, 7 juin 2017 la société le mettait en demeure de justifier de ses absences non autorisées et l'informait de la suspension consécutive de sa rémunération.
Après une réponse par lettre du 21 avril 2017 exposant que la société refusait à torts la prise en charge de ses frais de déplacement et que sa situation économique ne lui permettait pas de les assumer, le salarié prenait acte de la rupture de son contrat de professionnalisation aux torts de l'employeur par lettre du 27 mai 2017.
Le salarié a saisi le 8 septembre 2017 le conseil de Prud'hommes de Grasse à titre principal d'une demande de requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat de professionnalisation en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de demandes subséquentes, à titre subsidiaire d'une demande de requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de demandes subséquentes, de demandes de rappel de salaire, de remboursement de frais professionnels, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement du 23 juillet 2018 le conseil de prud'hommes de Grasse a :
- dit et jugé que la prise d'acte de Monsieur [G] [S] est justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- dit et jugé que le contrat de professionnalisation de Monsieur [G] [S] ne peut être requalifié en contrat à durée indéterminée.
- condamné la SA La Poste à payer à Monsieur [G] [S] les sommes suivantes:
' 1.466,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
' 146,66 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents.
' 2.000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
' 1.569,81 euros à titre de rappel de salaire.
' 156,98 euros à titre d'indemnité de congés payés et afférents.
' 2.251,02 euros à titre d'indemnités de remboursement de frais, déplacements, repas et hébergement.
' 100,00 euros à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail.
' 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
- condamné la SA La Poste aux entiers dépens.
La société a interjeté appel du jugement par déclaration du 10 août 2018 énonçant :
'Objet/Portée de l'appel: Appel tendant à l'infirmation du jugement rendu le 23 juillet 2018 par le Conseil de Prud'hommes de Grasse, en ce qu'il a :
Dit et jugé que:
- La prise d'acte de Monsieur [G] [S] était justifiée et devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamné la SA La Poste à payer à Monsieur [G] [S] :
- 1.466,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 146,66 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 2.000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.569,81 € à titre de rappel de salaire,
- 156,98 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 2.251,02 € à titre d'indemnités de remboursement de frais, déplacements, repas et hébergement,
- 100,00 € à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 800,00 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- à supporter les entiers dépens,
Débouté la SA La Poste de ses demandes,
Débouté la SA La Poste de sa demande reconventionnelle à hauteur de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de professionnalisation,
Débouté la SA La Poste de sa demande reconventionnelle à hauteur de 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Appel tendant à la confirmation du jugement rendu le 23 juillet 2018 par le Conseil de Prud'hommes de Grasse, en ce qu'il a :
Débouté Monsieur [G] [S] du surplus de ses demandes,
Dit et jugé que le contrat de professionnalisation de Monsieur [G] [S] ne pouvait être requalifié en contrat à durée indéterminée'.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 novembre 2018 la SA La Poste, appelante, demande de :
CONSTATER le fait qu'aucun manquement suffisamment grave ne justifiait la prise d'acte par Monsieur [G] [S] de son contrat de travail,
CONSTATER le fait que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [G] [S] doit produire les effets d'une démission,
CONSTATER le fait qu'caractère infondé de la prise d'acte du contrat de professionnalisation
CONSTATER le caractère infondé de la demande de requalification en CDI du contrat de professionnalisation,
DEBOUTER Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER Monsieur [S] à verser à La Poste la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de professionnalisation à défaut de faute grave imputable à l'employeur,
CONDAMNER Monsieur [S] au paiement au bénéfice de La Poste de la somme de 2.000,00 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur [S] aux entiers dépens et frais de procédure.
Par conséquent, il est demandé à la Cour d'appel d' Aix-en-Provence d'INFIRMER le jugement du 23 juillet 2018 en ce qu'il a :
- dit et jugé que la prise d'acte de Monsieur [G] [S] était justifiée et devait
produire les effets d'un licenciement an cause réelle et sérieuse,
- condamné la société La Poste à payer à Monsieur [G] [S] les sommes suivantes:
1.466,62 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
146,66 € à titre d'indemnité de congé payés y afférent,
2.000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1.569,81 à titre de rappel de salaire,
156,98 à titre d'indemnité de congés payés et afférents,
2.251,02 € à titre d'indemnités de remboursement de frais, déplacements, repas et
hébergement,
100,00 € à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail,
800,00 € sur le fondement de I'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la Société La Poste des demandes reconventionnelles suivantes:
5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de
professionnalisation,
2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est demandé à la Cour d'appel d' Aix-en-Provence de CONFIRMER ledit jugement en ce
qu'il a :
- débouté Monsieur [G] [S] du surplus de ses demandes,
- dit et jugé que le contrat de professionnalisation de Monsieur [G] [S] ne pouvait être requalifié en contrat à durée indéterminée.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 février 2019, M. [S], intimé, demande de :
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Grasse en ce qu'il a :
o Dit et jugé que la pris d'acte de Monsieur [G] [S] est justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
o Condamné la SA La Poste à payer à Monsieur [G] [S] les sommes suivantes:
' 1.466,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavi
' 146,66 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférent
' 1.569,81 euros à titre de rappel de salaire
' 156,98 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents
o Débouté la Société La Poste de ses demandes reconventionnelles
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Grasse en ce qu'il l'a dit et jugé que le contrat de professionnalisation ne pouvait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Grasse en ce qu'il a débouté Monsieur [S] du surplus de ses demandes
INFIRMER jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de sur le quantum des condamnations au titre:
o de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
o du remboursement des frais de déplacements, repas et hébergement
o de l'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail
En conséquence
A titre principal :
DIRE ET JUGER que la prise d'acte de Monsieur [S] est justifiée en raison des manquements graves de l'employeur à ses obligations et qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
CONDAMNER la Société La Poste à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes:
- 1 466,62 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;
- 146,66 € au titre des congés payés afférents;
- 2 933,24 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
A titre subsidiaire :
PRONONCER la requalification du contrat de professionnalisation de Monsieur [S] en un contrat à durée indéterminée
CONDAMNER la Société La Poste à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes:
- 1 466,62 au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;
- 146,66 € au titre des congés payés afférents;
- 2933,24 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En tout état de cause
CONDAMNER la Société La Poste à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes:
- 1 569,81 € à titre de rappel de salaire
- 156,98 € au titre des congés payés afférents
- 4502,04 € à titre de remboursement de frais de déplacement, repas et d'hébergement
- 500 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
CONDAMNER la Société La Poste à payer à Monsieur [S] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile.
CONDAMNER la Société La Poste aux entiers dépens.
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 décembre 2020.
Par arrêt avant-dire droit du 2 décembre 2021 la cour a ordonné la réouverture des débats sans révocation de l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 9 février 2022.
SUR CE
Sur la rupture du contrat de travail
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette prise d'acte emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail et les effets d'une démission dans le cas contraire.
Mais l'article L.1243-1 du code du travail dispose que 'sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.'
Il s'ensuit que les causes de rupture du contrat à durée déterminée sont limitativement énumérés à l'article L.1243-1 du code du travail et que la prise d'acte n'est pas ouverte au salarié en contrat à durée déterminée, de sorte qu'il ne peut pas demander que la rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et par suite obetnir les indemnités de rupture propres au licenciement.
Toutefois le salarié en contrat à durée déterminée peut prendre l'initiative d'une rupture anticipée de son contrat de travail en invoquant des manquements de l'employeur constitutifs de faute grave, ce qui ouvre droit à indemnisation à la condition pour le salarié de démontrer qu'il a subi un préjudice.
En l'espèce le salarié, qui était en contrat de professionnalisation à durée déterminée, a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur par lettre du 27 mai 2017 et invoque divers manquements de la société.
A titre principal il demande à la cour de dire que sa prise d'acte était justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de tirer les conséquences de la rupture.
Il convient dès lors de se prononcer d'abord sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée pour examiner la demande de prise d'acte, pour ensuite le cas échéant examiner si la rupture anticipée du contrat à durée déterminée à l'initiative du salarié, alors improprement qualifiée de prise d'acte, était justifiée par les manquements de l'employeur en ce qu'ils constituaient une faute grave.
1° sur la requalification en contrat à durée indéterminée
A l'appui de sa demande de requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié invoque d'une part l'absence de mention du poste occupé dans le contrat de professionnalisation, d'autre part un manquement à l'obligation de formation.
- sur le défaut de mention du poste occupé
L'article L.6325-5 du code du travail dispose que le contrat de professionnalisation est un contrat de travail à durée déterminée ou à durée indéterminée. Il est établi par écrit. Lorsqu'il est à durée déterminée, il est conclu en application de l'article L.1242-3. Le contrat de professionnalisation est déposé auprès de l'autorité administrative.
Le salarié fait valoir que la société n'a pas renseigné l'emploi occupé sur le formulaire Cerfa du contrat et que l'absence de cette mention obligatoire entraîne la requalification du contrat. Selon le salarié l'omission est volontaire dans la mesure où l'intitulé de son poste ne figure pas non plus sur ses bulletins de salaire.
La société admet l'omission qu'elle qualifie d'erreur matérielle et soutient au contraire que cette omission n'emporte pas la requalification du contrat dès lors que cette sanction n'est pas légalement prévue.
Il résulte du texte précité que l'écrit constitue une condition de validité du contrat de professionnalisation et à défaut d'écrit il est réputé conclu à durée indéterminée. En revanche ce texte n'énumère pas de mentions obligatoires et il ne renvoie pas pour le contrat de professionnalisation à durée déterminée aux dispositions applicables au formalisme exigé pour le contrat à durée déterminée.
La cour dit que la mention de l'intitulé du poste occupé par le salarié dans le contrat de professionnalisation n'en conditionne pas sa validité et son défaut n'emporte pas requalification du contrat.
- sur le manquement à l'obligation de formation
L'article L. 6325-1 du code du travail dispose que 'le contrat de professionnalisation a pour objet de permettre d'acquérir une des qualifications prévues à l'article L.6314-1 et de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle'.
L'article L.6325-3 du même code dispose que 'l'employeur s'engage à assurer une formation au salarié lui permettant d'acquérir une qualification professionnelle et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat'.
Il s'ensuit que l'obligation de formation constitue une des conditions d'existence du contrat de professionnalisation, à défaut de laquelle il est requalifié en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée.
Et aux termes des articles D. 6325-11 et D.6325-13 du code du travail :
- 'un document précisant les objectifs, le programme et les modalités d'organisation, d'évaluation et de sanction de la formation est annexé au contrat de professionnalisation'
- 'dans les deux mois suivant le début du contrat de professionnalisation, l'employeur examine avec le salarié l'adéquation du programme de formation au regard des acquis du salarié. En cas d'inadéquation, l'employeur et le salarié peuvent, dans les limites de la durée du contrat, conclure un avenant'.
En l'espèce le salarié fait valoir d'une part que la société a méconnu les dispositions des articles D. 6325-11 et D.6325-13 du code du travail, d'autre part que les fonctions et tâches qui lui étaient confiées étaient sans relation avec la qualification poursuivie.
La société conteste tout manquement.
A l'analyse des pièces du dossier la cour relève d'abord que quand bien même n'est pas produit le document annexe au contrat de professionnalisation prévu à l'article D. 6325-11, celui-ci vise à composer le dossier transmis à l'opérateur OPCA chargé de valider la prise en charge financière du contrat de professionnalisation, qui en l'espèce a été acceptée et le salarié ne peut utilement s'en prévaloir au titre d'une carence de formation.
La cour constate également que le salarié n'étaye par aucun élément que la société ne lui a pas fourni d'emploi en relation avec l'acquisition de la certification de Responsable en management d'unités et de projets. Il produit certes la fiche descriptive de la certification issue du répertoire national des certifications mais il procède par seule affirmation sur les fonctions et tâches subalternes auxquelles il prétend avoir été limité, à savoir la surveillance du chargement/déchargement des camions venant de la Plate-forme Industriel de Courrier de [Localité 7], la surveillance des facteurs au tri général, voir leur dépannage sur les tournées pour apporter un véhicule de remplacement.
Au contraire la société verse aux débats :
- une fiche suivi établie le 4 janvier 2017 par la tutrice dressant de manière synthétique diverses actions menées par le salarié dont effectivement des 'coup de main sur le SIEC', 'coup de main pour le transport des colis pendant la période de Noël', mais également notamment 'supervision TG', 'remise à plat du parc auto et contact prestataires', contact avec les agents (illisible) pour prise de T° du climat et besoins', 'parc auto : remise à plat cartes grises, contrôle technique, attribution des véhicules nominativement', 'projet ATA (accident du travail) analyse, (illisible), mise en oeuvre =$gt; prévent° des risques', 'miss° annexes : animation des formation (cf manager développeur, Gestion du parc auto, activités quotidiennes', 'à rédiger par [G] : lettre de miss°/ commandes à faire signer par [B]'..... autant de missions qui ressortent bien de l'organisation d'un service;
- une grille des compétences dont les rubriques en rapport avec la qualification, est renseignée par la tutrice le 4 janvier 2017 pour la période 1 assortie de commentaires personnalisés;
- un document intitulé 'qui fait quoi si encadrants concentration' dressant les référents et leurs suppléants dans divers domaines d'activité et faisant apparaître le salarié en qualité de suppléant pour ceux portant sur les domaines suivants : 'saisie quotidienne avant 9h du trafic arrivée, FD, Quad, Restes', 'saisie de l'arrivée et départ des TPC', 'Relations avec les entités implantées dans le département et les entités à compétence nationale (cas du STP', 'effectuer les initialisations des téléphones, les mises à jour, les formations', 'accompagnement des tournées à potentiel ATA'.
La circonstance que ces documents ne soient pas contresignés par le salarié, ce qu'ils n'ont d'ailleurs pas vocation à être, ne les prive pas de valeur probante. La société rapporte donc la preuve qu'elle a dispensé au salarié une formation pratique en lien avec la qualification de Responsable en management d'unités et de projets.
En revanche la société ne justifie pas de l'examen avec le salarié dans les deux mois du début du contrat de professionnalisation de l'adéquation du programme de formation prévu à l'article D.6325-13 du code du travail.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que seul ce dernier manquement est établi.
Toutefois il ne résulte pas des pièces du dossier que cette seule carence a entaché la mission de formation dont la société a justifié de l'effectivité.
En conséquence la cour dit que la demande de requalification n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
2° sur la rupture du contrat
Il résulte de ce qui précède que le contrat de professionnalisation à durée déterminée ne peut être rompu de manière anticipée par le salarié que pour faute grave de l'employeur.
La demande du salarié, improprement qualifiée de prise d'acte produisant les efets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, doit être requalifié en demande de rupture anticipée pour faute grave de l'employeur.
Le salarié invoque les manquements suivants de nature à justifier la faute grave:
- un manquement à l'obligation de remboursement de ses frais de déplacement, de repas et d'hébergement lors des temps de formation au CESI d'[Localité 3], en ayant au préalable manqué à son obligation de conseil et d'information sur les conditions financières des déplacements nécessaires au suivi de la formation théorique;
- le non respect par l'employeur de son obligation de formation;
- le non respect du salaire applicable à sa classification;
- un traitement discriminatoire vis à vis d'autres salariés en ce qu'il ne bénéficiait pas des tickets restaurants, de l'indemnité de frais de repas et des indemnités kilométriques.
1. sur l'absence de remboursement des frais de déplacement, de repas et d'hébergement
Aucune disposition légale ne prévoit la prise en charge par l'employeur des frais de transport et d'hébergement des salariés en formation dans le cadre du contrat de professionnalisation.
Toutefois l'article L.6325-6 du code du travail dispose que le titulaire d'un contrat de professionnalisation bénéficie de l'ensemble des dispositions applicables aux autres salariés de l'entreprise dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les exigences de la formation.
La durée du travail du salarié sous contrat de professionnalisation inclut le temps passé en formation de sorte que les déplacements du salarié pendant son temps de formation doivent être indemnisés selon les dispositions applicables à l'ensemble des salariés de l'entreprise.
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de l'égalité de traitement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité, notamment en ce qu'il se trouve bien dans une situation identique ou similaire à celui à qui il se compare et incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.
Une différence de traitement établie par engagement unilatéral ne peut être justifiée que si elle repose sur des raison objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
Lorsque l'employeur décide de prendre en charge des frais qui ne ressortent pas de ses obligations, il ne peut pas faire de différence de traitement, sauf à justifier de raisons objectives.
En l'espèce le salarié reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de lui rembourser les frais de trajets, d'hébergement et de repas qu'il exposait pour suivre sa formation théorique au sein de l'organisme Formaposte Pro Conseil Méditerranée sur le campus CESI d'[Localité 3] et d'avoir manqué à son obligation préalable de conseil et d'information.
Sur ce dernier manquement, la cour dit que la société n'était pas tenue de mentionner au contrat de professionnalisation l'adresse de l'organisme de formation et relève ensuite de l'attestation délivrée au salarié le 27 mai 2016, soit préalablement à la signature du dit contrat, qu'y figure l'information du suivi de la formation théorique au CESI d'[Localité 3], dont le salarié avait donc connaissance. Ce manquement n'est par conséquent pas établi.
A l'appui du manquement portant sur le défaut de prise en charge des frais, le salarié articule un moyen principal portant sur l'atteinte à l'égalité de traitement en ce que l'employeur s'était expressément engagé à prendre en charge les frais d'autres salariés en contrat de professionnalisation et un moyen subsidiaire tenant à la méconnaissance des dispositions légales en ce que ces déplacements sur un lieu inhabituel de travail non mentionné au contrat, ont la qualification de déplacement professionnel.
Sur le moyen principal il fait ainsi valoir que la société a pris en charge les frais exposés par plusieurs salariés en contrat de professionnalisation dans des bureaux de poste de [Localité 4] et [Localité 7] durant leur formation théorique dans un centre Formaposte basé à [Localité 10].
A l'appui du moyen il produit :
- le courrier de la société du 11 janvier 2016 à M. [N], M. [D] [I], M. [X] et Mme [K], dont l'objet est 'prise en charge des frais de déplacement' et dans lequel la société indique que 'J'ai le plaisir de vous informer que la Direction du Réseau des Alpes Maritimes a décidé de prendre en charge les frais de déplacement qui auraient été occasionnés par votre année de formation. Les remboursements concernent :
* Les déplacements à [Localité 10] en train (à partir de votre bureau d'apprentissage jusqu'a [Localité 10])
* Les repas du soir à [Localité 10] (remboursement forfaitaire 14.56 euros)
* L'hébergement à [Localité 10] (dans la limite de 75 euros par nuit)
* Les déplacements à l'Université de [Adresse 5] (à partir de votre bureau d'apprentissage non niçois)
Ces remboursements ne pourront être effectués qu'avec la production de justificatifs (sauf pour les repas) que vous communiquerez à [P] [V] avant le 29/02/16";
- un bulletin de salaire de M. [O] de décembre 2016 faisant apparaître le paiement d'indemnités kilométriques;
- les contrats de professionnalisation de M. [D] [I] et de M. [N] avec la DR 06, en qualité de conseiller financier, l'un affecté à la Poste de [Localité 9], l'autre de [Localité 8], pour une qualification d'attaché commercial, avec une formation théorique auprès de Formaposte Pro Conseil Méditerranée.
La société réfute toute inégalité de traitement en faisant valoir que les salariés auxquels le salarié intimé se compare ne se trouvaient pas dans une situation identique en ce qu'ils étaient rattachés à une autre direction et soutient au surplus que l'engagement de remboursement de frais invoqué dans la lettre du 11 janvier 2016 ne concernait pas les trajets domicile/travail, était prévu pour les seuls frais de transport en commun et visait les seuls déplacements considérés comme professionnels dans les limites d'un plafond.
A l'analyse des pièces du dossier la cour constate que :
- la production du bulletin de salaire de M. [O], dont les mentions ne permettent pas de déterminer son statut, ne démontre pas que le salarié intimé se trouvait dans une situation identique ou de valeur comparable et rien ne permet de déterminer non plus à quel titre les indemnités kilométriques lui ont été versées;
- en revanche le salarié établit qu'il se trouvait dans une situation identique ou de valeur comparable à M. [D] [I] et de M. [N], sous contrat de professionnalisation dans un emploi de même niveau 3, coefficient 1, sans que la différence de direction, au sein de la même société, ni l'intitulé de la qualification poursuivie ne soient discriminantes dès lors qu'ils répondaient aux mêmes caractéristiques de contrat et de niveau.
Il s'ensuit que le salarié produit des éléments de fait susceptibles de laisser présumer une inégalité de traitement.
A ces éléments la société ne produit aucun élément de nature à justifier par des raisons objectives la différence de traitement constatée avec M. [D] [I] et M. [N].
Est ainsi établi le manquement portant sur une inégalité de traitement sur les frais exposés durant la formation théorique, et ce dans les limites de la prise en charge qui a ainsi été octroyée à ces deux salariés, à savoir la prise en charge en transport public du bureau de rattachement au centre de formation, des indemnités de nuitées et de repas.
Sur le moyen subsidiaire, le salarié fait valoir que les frais engagés pour suivre sa formation au CESI d'[Localité 3] relèvent du régime des déplacements professionnels dès lors qu'il ne s'agissait pas du lieu habituel de travail figurant sur son contrat de travail.
La société fait au contraire valoir que les frais litigieux ne relevaient pas de la qualification de frais de déplacements professionnels, seuls ouvrant droit à remboursement, au contraire des trajets domicile/travail ou des frais d'hébergement destinés à lui éviter des trajets domicile/travail, qu'au surplus le salarié n'a pas respecté les conditions et modalités de prise en charge .
Elle expose que le salarié, domicilié dans le Var, avait en connaissance de cause postulé pour cette formation en alternance en bureau de poste à [Localité 4] et au CESI d'[Localité 3], qu'il ne pouvait prétendre qu'à la prise en charge de la moitié des frais de transports publics en application de l'article L.3261-2 du code du travail pour les trajets domicile/travail, les déplacements au CESI ne pouvant recevoir la qualification de déplacements professionnels dès lors qu'ils n'étaient pas effectués pour les besoins du service conformément à la définition donnée par la Poste .
La cour relève que le contrat de professionnalisation implique la coexistence en alternance de deux lieux d'exécution du contrat, un établissement d'accueil et un organisme de formation, lequel avait été désigné en l'espèce dans l'attestation de formation du 27 mai 2016.
A ce titre et sans que le salarié appelant ne soit privé de dispositions applicables à l'ensemble des salariés, ses déplacements pour se rendre en chacun des lieux d'exécution de son engagement professionnel n'ont pas la qualification de déplacement professionnel et les frais engagés pour suivre le volet formation au sein de l'organisme dédié ne sont pas des frais professionnels en ce qu'ils ne sont pas engagés pour les besoins de l'activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur.
Ainsi seule l'inégalité de traitement est de nature à fonder le manquement tenant à la prise en charge des frais exposés lors du suivi de la formation théorique au CESI d'[Localité 3].
2- sur l'obligation de formation
L'article L. 6325-1 du code du travail dispose que 'le contrat de professionnalisation a pour objet de permettre d'acquérir une des qualifications prévues à l'article L.6314-1 et de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle'.
L'article L.6325-3 du même code dispose que 'l'employeur s'engage à assurer une formation au salarié lui permettant d'acquérir une qualification professionnelle et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat. Le salarié s'engage à travailler pour le compte de son employeur et à suivre la formation prévue au contrat'.
Il s'ensuit que la formation constitue un élément essentiel du contrat de professionnalisation.
Et aux termes des articles D. 6325-11 et D.6325-13 du code du travail :
- 'un document précisant les objectifs, le programme et les modalités d'organisation, d'évaluation et de sanction de la formation est annexé au contrat de professionnalisation'
- 'dans les deux mois suivant le début du contrat de professionnalisation, l'employeur examine avec le salarié l'adéquation du programme de formation au regard des acquis du salarié. En cas d'inadéquation, l'employeur et le salarié peuvent, dans les limites de la durée du contrat, conclure un avenant'.
En l'espèce le salarié reprend les moyens précédemment invoqués au soutien de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, à savoir le défaut de remise du document annexe prévu par l'article L. 6325-11 du code du travail, l'absence d'entretien dans les deux mois suivant le début du contrat prévu par l'article L.6325-13 du même code et une affectation à des tâches sans rapport avec la formation.
La société conteste tout manquement.
Il résulte de ce qui précède que seul le manquement reposant sur l'absence d'évaluation d'étape de l'article L.6325-13 du code du travail est établi.
Seul ce dernier manquement est en conséquence établi.
3. Sur le salaire applicable à la classification
Dans sa lettre du 27 mai 2017 le salarié invoque le non respect par la société du minima conventionnel prévu pour sa classification et son coefficient hiérarchique.
Mais à l'analyse de ses écritures la cour n'a pas trouvé de développement portant sur ce grief qui ne précise pas en quoi les dispositions légales et conventionnelles relatives à la rémunération du salarié en contrat de professionnalisation n'ont pas été respectées, d'autant que l'article L. 6325-9 du code du travail applicable au salarié âgé de plus de 26 ans, fixe un salaire au moins égal au salaire minimum de croissance mais équivalent à un pourcentage déterminé par décret de la rémunération minimale prévue par accord collectif.
En conséquence le manquement n'est pas établi.
4. Sur la discrimination
Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable sont prohibées les mesures discriminatoires directes ou indirectes telles que définies à l'article 1er de la loi n°2008-796 du 27 mai 2008 à l'égard d'un salarié en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat à raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Il résulte de l'article L 1134-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable qu'en cas de litige reposant sur les principes précités, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte; il appartient ensuite au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Dans sa lettre du 27 mai 2017 le salarié invoque un traitement discriminatoire à raison de faits portant sur des avantages perçus par d'autres salariés.
Toutefois il ne précise pas le motif de la discrimination alléguée (origine, sexe, moeurs, etc) et à l'analyse des écritures et pièces du salarié, la cour n'a pas trouvé de développement portant sur ce point, ni d'élément laissant supposer une discrimination.
Le manquement n'est pas établi.
En définitive le salarié rapporte la preuve de deux manquements qui consistent d'une part en une atteinte au principe d'égalité de traitement à l'occasion de la prise en charge des frais exposés lors de la formation théorique, d'autre part en l'absence d'examen de l'adéquation du programme de formation dans les deux mois du début du contrat de professionnalisation.
La cour dit que le manquement tenant au défaut d'examen de l'adéquation du programme de formation dans les deux mois du début du contrat n'est pas constitutif d'une faute grave dès lors que le seul défaut de cette étape n'est pas de nature à compromettre l'effectivité de la formation, qui comme il a été dit, est rapportée par la société.
S'agissant du manquement tenant à l'inégalité de traitement sur les frais exposés pour le suivi de sa formation théorique, le salarié soutient qu'il l'a empêché de poursuivre sa formation en alternance.
Toutefois la cour relève que le salarié ne rapporte pas la preuve que ce manquement qui n'a d'effet que sur une fraction des frais dont la prise en charge est revendiquée par le salarié, est constitutive d'une faute grave de nature à compromettre la viabilité du contrat de professionnalisation et l'empêcher de le poursuivre, au regard des dépenses réellement exposées dans les limites précitées et de la rémunération perçue et ce, dans le cadre d'un contrat visant à acquérir une formation qualifiante.
En conséquence la cour dit que le salarié ne démontre pas que les manquements de l'employeur sont constitutifs de faute grave et ce faisant que la rupture anticipée du contrat de professionnalisation à durée déterminée dont il a pris l'initiative et qu'il a improprement qualifié de prise d'acte, était justifiée.
La cour, en infirmant le jugement déféré en ce qu'il a dit que la prise d'acte du contrat de professionnalisation était justifiée et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, rejette la demande au titre d'une rupture anticipée pour faute grave de l'employeur.
Sur les conséquences financières de la rupture
Il résulte de ce qui précède que le salarié n'est pas fondé en ses demandes au titre de la rupture du contrat de professionnalisation.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré, le salarié est débouté de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le rappel de salaire fondées sur les retenues pour absences injustifiées
Il appartient à l'employeur de justifier le fondement des retenues opérées sur le salaire.
En l'espèce le salarié conteste les retenues que la société a opéré sur ses salaires au motif de ses absences au CESI d'[Localité 3] dès lors qu'il était empêché d'y suivre sa formation pratique en raison du refus de prise en charge des frais exposés à cette occasion. Il réclame à ce titre la somme de 1569,81 euros et 156,98 euros de congés payés afférents, sans exposer le détail des périodes ni ses calculs.
La société soutient que les retenues étaient justifiées par l'absence du salarié à sa formation en dépit des injonctions qui lui ont été adressées.
Les absences du salarié au centre de formation théorique ne sont pas discutées.
Et le salarié ne justifie par aucun élément que ces absences seraient la conséquence du défaut de prise en charge des frais exposés à l'occasion de la formation théorique au CESI d'[Localité 3].
En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour déboute le salarié de sa demande à ce titre.
Sur la demande de remboursement des frais de déplacement, repas, hébergement
En l'espèce le salarié réclame paiement de la somme de 4502,04 euros pour les frais qu'il a engagés pour suivre sa formation théorique au centre de formation d'[Localité 3].
A l'appui de sa demande il fournit :
- un tableau récapitulatif précisant le détail des dates et comprenant des frais d'hébergement, de repas sur la base d'une indemnité forfaitaire unitaire de 14,66 euros, de déplacement avec son véhicule sur la base d'une indemnité kilométrique de 0,33 euros pour un trajet aller-retour de 282 kilomètres, soit moindre que la distance séparatrice entre les deux lieux de formation;
- les justificatifs de logements retenus aux dates correspondantes sur la plate-forme Rbnb;
- trois demandes d'autorisation d'utilisation de son véhicule personnel validées par la hiérarchie au motif de formation les 2-3 juin 2016, du 5 au 10 juin 2016 et du 21 au 26 août 2016.
La société soutient ne devoir aucun remboursement au salarié au titre des frais occasionnés pour suivre sa formation au CESI d'[Localité 3], soulignant en le justifiant avoir défrayé le salarié lors de la session spécifique dispensée du 18 au 22 juillet 2016 au campus de [Localité 6]. Elle fait valoir que la demande d'autorisation d'utiliser son véhicule personnel était purement liée à cette dernière session.
Il découle de ce qui précède que l'atteinte portée au principe d'égalité est de nature à fonder la prétention du salarié pour la prise en charge des déplacements en transport public depuis l'établissement de stage pratique, des indemnités de nuitées et de repas.
Par ailleurs la cour relève du planning des manager d'Unité et de Projet que la société produit elle-même, que l'autorisation d'utilisation du véhicule personnel du 5 au 10 juin et du 21 au 26 août 2016 a porté sur la formation dispensée par le centre au CESI d'[Localité 3].
Il s'ensuit que le salarié est fondé à réclamer pour ces sessions de formation une demande sur la base d'indemnités kilométriques.
Il est également fondé en sa demande sur cette base concernant les trajets du 2-3 juin 2016 pour lesquels il justifie d'une location à [Localité 3] ainsi que de l'autorisation d'utiliser son véhicule personnel.
En conséquence au vu des éléments et justificatifs produits, la cour fixe à 3 648,62 euros le montant de la créance détenue par le salarié sur la société au titre de l'égalité de traitement à l'occasion de la prise en charge des frais exposés lors de la formation au CESI d'[Localité 3].
Le jugement déféré sera infirmé sur le quantum alloué sur ce chef de prétention.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
En l'espèce à l'appui de sa demande de dommages et intérêts le salarié fait grief à la société, d'une part de ne pas lui avoir délivré de formation qualifiante, d'autre part de ne pas lui avoir remboursé ses frais de déplacement.
La cour observe d'abord que dans ses écritures le salarié n'explicite pas son premier grief, qu'il ne présente aucun développement exposant en quoi la société aurait manqué à la délivrance d'une formation qualifiante et ne produit pas d'élément de nature à démontrer le grief.
La cour dit ensuite que, comme il a été précédemment retenu, le manquement est établi en ce que la société a procédé à un traitement inégal entre salariés sous contrat d'apprentissage à l'occasion des frais exposés pour la formation pratique, ce qui caractérise la déloyauté invoquée.
Mais sur son préjudice, la cour relève des écritures portant sur ce chef de prétention, que le salarié ne présente aucun élément justificatif et qu'il ne produit pas de pièces relatives aux conséquences sur sa situation financière.
En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour déboute le salarié de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la rupture anticipée du contrat de professionnalisation
L'article L.1243-3 du code du travail dispose que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée qui intervient à l'initiative du salarié en dehors des cas prévus aux articles L.1243-1 et L1243-2 ouvre droit pour l'employeur à des dommages et intérêts correspondants au préjudice subi.
En l'espèce la société, se fondant sur les dispositions précitées, demande la condamnation du salarié au paiement d'une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour la rupture du contrat de professionnalisation avant son terme en dehors des exceptions légales.
Dès lors que la faute grave de l'employeur n'a pas été retenue, le contrat a bien été rompu à l'initiative du salarié en dehors des cas autorisés et la première condition de l'article L.1243-3 du code du travail est remplie.
Mais sur son préjudice la société se limite à faire valoir que la formation dont le salarié a bénéficié était payée par la Poste.
La cour dit qu'au vu de cette seule référence pour un contrat qui a fait l'objet d'une prise en charge des dépenses de formation par l'OPCA et en l'absence de production de tout élément justificatif concret de l'existence et de l'étendue du préjudice dont elle demande l'indemnisation, la société ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable.
En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
Sur les dispositions accessoires
En application de l'article 700 du code de procédure civile il est équitable que l'employeur contribue aux frais irrépétibles qu'il a contraint le salarié à exposer en cause d'appel. Il sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros et sera débouté de sa demande à ce titre.
En application de l'article 696 du même code, il échet de mettre les dépens d'appel à la charge de la société appelante qui n'est pas satisfaite de l'intégralité de ses demandes.
PAR CES MOTIFS
statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :
- débouté M. [S] de sa demande de requalification du contrat de professionnalisation à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
- débouté la SA La Poste de sa demande de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de professionnalisation à l'initiative du salarié
- condamné la SA La Poste au titre des frais irrépétibles et aux dépens,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déboute M. [S] de sa demande au titre de la rupture anticipée pour faute grave de la SA La Poste,
Déboute M. [S] de ses demandes au titre d'une prise d'acte,
Déboute M. [S] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [S] de sa demande de rappel de salaire au titre des retenues,
Déboute M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de professionnalisation,
Condamne la SA La Poste à verser à M. [S] la somme de 3 648,62 euros au titre de remboursement des frais exposés lors de la formation théorique au CESI d'[Localité 3],
Y ajoutant,
Condamne la SA La Poste à verser à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel,
Condamne la SA La Poste aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT