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29/01/2021 | FRANCE | N°17/15489

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 29 janvier 2021, 17/15489


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 29 JANVIER 2021



N° 2021/ 041













Rôle N° RG 17/15489 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBB7D







[F] [L]





C/



Société LOCASAIL

















Copie exécutoire délivrée

le : 29/01/2021

à :



Me Maud BOURET, avocat au barreau de TOULON



Me Philippe NEWTON, avocat au barreau de TOUL

ON

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 21 Juillet 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F15/01150.





APPELANT



Monsieur [F] [L], demeurant [Adresse 1]



représen...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 29 JANVIER 2021

N° 2021/ 041

Rôle N° RG 17/15489 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBB7D

[F] [L]

C/

Société LOCASAIL

Copie exécutoire délivrée

le : 29/01/2021

à :

Me Maud BOURET, avocat au barreau de TOULON

Me Philippe NEWTON, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 21 Juillet 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F15/01150.

APPELANT

Monsieur [F] [L], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Maud BOURET, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Franck BOURREL, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SAS LOCASAIL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe NEWTON, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Solange LEBAILE, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine LORENZINI, Présidente de Chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Mme Solange LEBAILE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2021

Signé par Madame Christine LORENZINI, Présidente de Chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant contrat verbal, Monsieur [F] [L] a été embauché à compter du 2 mai 1992 par la Sas Locasail. A compter du 26 août 2014, le salarié a été placé en arrêt maladie. A l'occasion de la visite de reprise du 4 février 2015, le médecin du travail a rendu l'avis suivant : 'inapte au poste en raison d'un danger immédiat en référence à l'art R4624-31 du code du travail : en un seul examen'. Le 10 avril 2015, il a été licencié pour inaptitude.

Contestant son licenciement et estimant avoir subi un préjudice découlant du retard pris par l'employeur pour organiser la visite de reprise, Monsieur [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon qui, par jugement en date du 21 juillet 2017, a dit que le licenciement était bien fondé, l'a débouté de ses demandes, a débouté la société Locasail de ses demandes de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Monsieur [L] aux entiers dépens.

Le 8 août 2017, Monsieur [L] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions en date du 31 décembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Monsieur [L] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- condamner la Sas Locasail à lui payer les sommes suivantes :

* avec intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l'employeur a accusé réception de la convocation à comparaître à l'audience de conciliation s'agissant de sommes à caractère salarial:

. Indemnité compensatrice de préavis : 5460,12 euros bruts,

. Indemnité de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis : 546,01 euros bruts,

* avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir :

. Dommages et intérêts pour rupture abusive : 20000 euros,

. Dommages et intérêts pour préjudice subi en raison du retard pris par l'employeur à organiser la visite de reprise : 1820 euros,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

'- article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance : 1500 euros,

- article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel : 3000 euros',

- débouter la Sas Locasail de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la Sas Locasail aux entiers dépens.

Le salarié soutient :

- sur les dommages et intérêts pour le retard pris par l'employeur à organiser la visite de reprise, que : dès le 1er décembre 2014, il lui a remis la décision d'attribution de pension d'invalidité en main propre à son employeur et plus précisément à Monsieur [I] ; par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 décembre 2014 reçu le 6 décembre 2014, il a par sécurité doublé cette démarche ; contrairement à ce que soutient l'employeur, cette lettre recommandée ne correspond pas à l'envoi de son arrêt maladie du 26 novembre 2014 puisque cet arrêt a été adressé à son employeur dans les quarante huit heures ; ce dernier n'a d'ailleurs jamais relevé la tardiveté de l'envoi de l'arrêt maladie ; l'employeur ne fournit aucun élément factuel de nature à laisser présumer qu'il aurait adressé en recommandé un arrêt de travail et non la décision de la Cpam ; par le passé, il n'a jamais adressé ses arrêts de travail en lettre recommandée avec accusé de réception et n'a jamais failli à son obligation de les communiquer à son employeur dans les quarante huit heures; s'inquiétant de ne pas être convoqué à aucune visite de reprise, il a à nouveau adressé le 24 janvier 2015, la décision de la Cpam et a joint cette fois-ci un courrier ; dans ce courrier il rappelait qu'il n'avait toujours pas de convocation ; parallèlement, il se rapprochait d'une assistante sociale qui, par courrier en date du 27 janvier 2015, lui adressait copie de la notification de l'invalidité lui demandant d'organiser la visite de reprise ; le retard dans l'organisation de la visite de reprise est imputable à l'employeur et légitime sa condamnation à lui payer une somme de 1820 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ; la visite de reprise s'imposait même s'il continuait à bénéficier d'un arrêt de travail de son médecin traitant ; il importe peu qu'il n'y ait eu aucune perte de rémunération ;

- sur les demandes tirées du manquement à l'obligation de reclassement, que : l'employeur a violé son obligation de reclassement qui devait être recherché dans le mois suivant l'examen l'ayant déclaré inapte à son poste ; à l'issue du délai d'un mois à compter de l'examen de reprise du travail, il n'était ni reclassé ni licencié ; les pièces produites par l'employeur démontrent que ce dernier n'a procédé à aucune recherche avant sa convocation à l'entretien préalable ; son employeur l'a convoqué sans même attendre les réponses de quatre entreprises sollicitées dans le cadre d'un reclassement externe ; le courriel adressé à Monsieur [O] date du 12 novembre 2015; l'employeur, qui n'a proposé aucun poste, a pourtant racheté en 2010, la société Yacht Port [Localité 4] ; compte-tenu de la présentation faite par la société, elle-même, dans la presse française et étrangère, il apparaît douteux qu'aucun reclassement en son sein n'ait été possible; il ne ressort d'aucune pièce que l'Aist aurait indiqué la nécessité d'un reclassement sur un poste sans contrainte liée à des objectifs saisonniers et avec des récupérations le week-end ; il ne s'agissait en réalité que d'une recommandation ; il aurait pu occuper un poste au sein de l'entreprise les fins de semaine avec des jours de récupération en semaine ; enfin la préconisation du médecin du travail était fait tant 'hors saison' qu''en saison' si bien que l'employeur ne pouvait utilement motiver le licenciement pour inaptitude par son 'activité éminemment saisonnière' ; le médecin du travail concluait en effet à une possibilité d'une activité 'en saison', la seule restriction étant que le salarié ne se trouve pas à effectuer d'heure supplémentaire et puisse avoir ' des jours de récupération normaux chaque semaine' ; dans un article paru sur le site de la Cciv, l'employeur indiquait que l'entreprise travaillait toute l'année en raison de l'activité de vente de bateaux ; le médecin du travail n'a pas émis d' interdictions 'de monter et descendre d'un bateau' ou ' de se déplacer sur un ponton avec un port de charge supérieure à 5 kg' mais a conclu à la possibilité de 'se déplacer sur un ponton sans port de charges de toute nature (inférieure à 5kg)', c'est à dire à une activité physique limitée comme peuvent le permettre des postes de surveillance, d'accueil ou de conseil ; il est douteux qu'au sein de cette société, il n'y ait jamais eu de fonctions de surveillance, d'accueil ou de conseil ; s'agissant de la surveillance des bateaux, d'une part il ne lui était pas interdit de monter et descendre des bateaux, d'autre part les services municipaux ne peuvent l'effectuer dès lors que la police municipale n'a pas le 'pouvoir' de monter sur des bateaux privés ; la société Locasail ne peut soutenir qu'en louant ou vendant des bateaux, elle n'accueille pas ses clients et ne leur donne aucun conseil ; l'employeur pouvait à tout le moins, transformer son poste ou aménager son temps de travail ; compte-tenu du rayonnement national et international affiché dans la presse par la société, il est étonnant qu'elle se soit limitée à interroger cinq sociétés d'ailleurs essentiellement axées sur la mécanique marine et non sur la location ; l'employeur ne justifie pas avoir interrogé la société Brise marine comme il le prétend ; les dommages et intérêts pour rupture abusive sollicités se justifient par son ancienneté, son âge ( plus de cinquante ans) et sa reconnaissance de travailleur handicapé classé en invalidité 2ème catégorie par la Cpam qui rend peu probable son retour à l'emploi ;

- sur la durée du préavis, que : le licenciement étant privé de cause réelle et sérieuse, il a droit à une indemnité de préavis ; l'article L5213-9 du code du travail prévoit que l'indemnité de préavis est doublée pour les travailleurs handicapés sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.

Par dernières conclusions en date du 14 septembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sas Locasail demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- constater que l'employeur a rempli ses obligations en matière de tentative de reclassement,

- constater que le salarié ne conteste pas son inaptitude définitive pour danger immédiat,

- dire le licenciement pour inaptitude bien fondé,

- donner acte à l'employeur de son versement du complément de salaire dès la conciliation et des documents sollicités,

- débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes,

- condamner reconventionnellement Monsieur [L] à lui verser la somme de 2000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive outre celle de 4000 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur fait valoir :

- sur le retard pour organiser la visite de reprise, que : Monsieur [L] n'a jamais manifesté sa volonté de reprendre ou non le travail avant le 22 janvier 2015 ; la preuve n'est pas rapporté qu'il ait été informé de l'invalidité du salarié avant le 22 janvier 2015 ; que les pièces adverses 7 et 7bis ne sont qu'un récépissé de recommandé avec accusé de réception sans justification du contenu du courrier ; il s'agit en réalité de l'envoi d'un arrêt de travail ; il n'a retrouvé qu'une lettre d'information datée du 22 janvier 2015 ; cette lettre ne fait nullement référence à une prétendue information antérieure ; l'affirmation du salarié selon laquelle il aurait remis en main propre un courrier le 1er décembre 2014 à Monsieur [I] est mensongère et ne repose sur aucun élément ; de plus, au-delà de cette première information du 22 janvier 2015, il a été concomitamment informé par la Carsat du placement en invalidité et la convocation selon notification en date du 27 janvier 2015 ; la visite de reprise s'est déroulée sans retard, dix jours après l'information officielle de l'employeur par le salarié comme par l'Aist ; le salarié ne rapporte pas la preuve du préjudice subi ;

- sur l'obligation de reclassement, que : il verse aux débats plusieurs pièces justifiant de la réalité de ses recherches ; toutes les diligences sont intervenues avant licenciement ; il produit les échanges de courriers intervenus avec le médecin du travail ; dès l'avis d'inaptitude du 4 février 2015, il n'a eu de cesse de rechercher avec le médecin du travail des solutions de reclassement en fonctions des capacités résiduelles du salarié ; il s'est d'abord rapproché téléphoniquement de l'Aist et parallèlement des sociétés du même secteur dans le cadre de tentatives de reclassement externe ; n'obtenant pas de réponse immédiate et surtout écrite, il a envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception le 26 mars 2015 à l'Aist83 ; dès réception de la réponse du médecin du travail par courriel, il revenait auprès de ce dernier pour solliciter des précisions opérationnelles ; la réponse de l'Aist était claire et non équivoque : interdiction de monter et descendre d'un bateau, interdiction de se déplacer sur un ponton avec un port de charge supérieur à 5 Kg, travail hors saison et allégé en saison, sans heure supplémentaire avec des jours de récupération le week-end ; la société Locasail exerçant une activité de vente et de location de bateaux, tous les salariés hormis la comptable passent leur temps de travail sur les pontons et les bateaux et en saison et en week-end ; les saisons printemps/été en Méditerranée concentrent l'activité de location de bateaux et l'intervention des techniciens ; la vente des bateaux relève essentiellement de la responsabilité de la direction et du commercial certes toute l'année mais avec tout de même une forte saisonnalité lors des salons d'automne et de printemps ; son activité liée au loisir est concentrée en fin de semaine et surtout le samedi jour des départs et des arrivées de location et de visites de bateaux pour les ventes ; seul un poste administratif de type 'surveillance, accueil, conseil' était théoriquement envisageable au regard de l'état physique du salarié selon le médecin conseil mais avant les demandes de précisions complémentaires au regard de l'activité ; il n'était pas tenu de créer un tel poste qui serait sans utilité ; les pontons n'ont pas besoin de réelle surveillance autre que celle assurée par les services municipaux ; le salarié n'aurait pas pu surveiller les bateaux sans aller sur les pontons ou sur les bateaux ; les précisions du médecin rendaient impossibles le reclassement sur les postes imaginés au départ ; la dimension de la société qui ne compte que cinq salariés ne permet pas de reclassement interne ; aucun reclassement interne n'était possible sur un poste administratif ; le salarié n'a jamais manifesté son désir de reprendre son emploi ou un quelconque emploi dans la société ; la société Yacht Port [Localité 4] n'a plus aucune activité et a été mise en sommeil ; il justifie avoir adressé mi-mars 2015 à quatre sociétés de vente et de location de bateaux à [Localité 3] des demandes de reclassement externe ; la société Quo Vadis qui avait été interrogé n'a répondu que plusieurs mois plus tard ; la société Brise marine n'a jamais répondu ;

- reconventionnellement, que : le salarié n'a manifesté aucune volonté de reprendre le travail et s'est totalement désintéressé de tout reclassement en interne ou externe ; il a attendu six mois avant de saisir son employeur et venir le quereller sur le reclassement ; il n'a même pas respecté le calendrier de procédure ; il n'a jamais connu aucun contentieux avant celui-ci ; le salarié a été augmenté le 1er avril 2014, après son retour de longue maladie, alors qu'il reprenait à mi-temps thérapeutique ; en 2014, il a travaillé six mois à temps partiel ; il ne s'est jamais emparé de ces absences pour plaider la désorganisation de l'entreprise et licencier le salarié ; en conséquence, la présente procédure est abusive ; le délai de saisine démontre que Monsieur [L] qui l'a remercié lors de l'entretien préalable a dû penser pouvoir tenter un 'loto' face à une Pme et un secteur d'activité où de nombreuses entreprises ferment ; que tablant sur l'absence de preuve (échanges avec l'Aist, reclassements internes) le salarié a lancé une procédure de façon particulièrement légère après de longs mois de vacances à l'étranger et probablement un besoin d'argent à son retour.

L'ordonnance de clôture date du 2 octobre 2020.

MOTIFS :

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant du retard dans l'organisation de la visite de reprise :

Le salarié qui ne démontre ni l'existence ni l'étendue de son préjudice sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement en date du 10 avril 2015 est rédigée en ces termes :

' Monsieur,

Nous vous avons reçu le jeudi 2 avril 2015 pour un entretien préalable.

Le 4 février 2015 lors d'une visite de reprise, le médecin du travail vous a déclaré définitivement inapte au poste que vous occupez en raison d'un danger immédiat sous le visa de l'article R4624-31 du code du travail.

A la suite d'échanges avec l'Aist pour étudier les possibilités de reclassement le médecin du travail nous a indiqué qu'un reclassement ne peut être envisagé que sur un poste de type administratif au maximum à mi-temps, avec une activité physique très limitée sans contrainte liée à des objectifs saisonniers, et avec des récupérations le week-end.

La médecine du travail prohibe toute montée et descente du bord d'un bateau, comme des déplacements sur un ponton avec un port de charge supérieure à 5 kilos.

Notre activité est la vente et la location de bateaux, activité éminemment saisonnière et concentrée en saison et le week-end, comme la présence récurrente à bord des bateaux.

Lors de l'entretien préalable nous avons discuté de ces points. Vous m'avez indiqué de plus que vous étiez dans l'impossibilité de travailler en ce moment sans visibilité ni sur votre état de santé ni sur les postes que vous pourriez occuper dans l'avenir.

Cette situation rend impossible le maintien de votre contrat de travail, nous vous informons en conséquence de notre décision de vous licencier pour inaptitude physique médicalement constatée par le médecin du travail sans possibilité de reclassement...'.

Alors qu'il n'est pas établi que l'employeur ait contacté téléphoniquement le médecin du travail antérieurement à l'envoi de son courrier recommandé du 26 mars 2015, il résulte des pièces produites par l'employeur que celui-ci alors qu'il estimait à juste titre, nécessaire d'obtenir des précisions de la part du médecin du travail sur l'inaptitude de Monsieur [L] et notamment ses éventuelles capacités résiduelles, ne l'a interrogé à ce sujet que postérieurement à l'envoi de la convocation à l'entretien préalable en date du 20 mars 2015 et donc à l'introduction de la procédure de licenciement. Par ailleurs, alors que l'employeur ne produit aucun des courriers envoyés dans le cadre de ses tentatives de reclassement externe aux sociétés Sillages Saint Cyr, Chantier naval Dettori, Yachting conseil et Mecanautic, mais uniquement les réponses négatives de ces sociétés en date respectivement des 27 mars 2015, 20 mars 2015, 24 mars 2015 et 19 mars 2015, il ressort de la lecture du courriel de la société Sillages Saint Cyr et Chantier Naval Dettori que les courriers adressés par l'employeur étaient en date du 17 mars 2015 soit trois jours seulement avant l'introduction de la procédure de licenciement. Trois des sociétés interrogées sur quatre n'ont répondu que postérieurement à l'introduction de la procédure de licenciement en raison de délai à l'évidence trop court entre l'envoi des demandes et la convocation à l'entretien préalable. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur n' a effectué des recherches de reclassement sur une durée suffisante au regard de la taille et de l'effectif de l'entreprise, de manière concrète, loyale et sérieuse, en se conformant aux préconisations du médecin du travail de sorte que le licenciement de Monsieur [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l'article L1235-5 du code du travail alors en vigueur et compte tenu de l'ancienneté du salarié (vingt-deux ans ), de son âge (quarante neuf ans) au moment de la rupture ainsi que de sa situation actuelle (travailleur handicapé), il convient de lui allouer la somme de 20000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, somme limitée au montant sollicité.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents:

En vertu des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur. Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont la rupture est sans cause réelle et sérieuse en raison du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

Par ailleurs, l'article L5213-9 du même code prévoit que l'indemnité de préavis est doublée pour les travailleurs handicapés sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis. En l'espèce, Monsieur [L] a été reconnue travailleur handicapé par décision de la maison départementale des personnes handicapées du Var en date du 23 avril 2015.

Au vu des éléments d'appréciation, l''employeur sera donc condamné au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de 5460,12 euros bruts et d'une somme de 546,01 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Sur les intérêts légaux :

En application des dispositions de l'ancien article 1153 du code civil, actuellement l'article 1231-6 du même code, les indemnités de préavis et de congés payés sur préavis porteront intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015, date de la réception par l'employeur de la convocation devant de bureau de conciliation.

En application des dispositions de l'ancien article 1153-1 du code civil, actuellement l'article 1231-7 du même code, les dommages et intérêts alloués porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la capitalisation :

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Les demandes de Monsieur [L] ayant été en partie accueillies, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la Sas Locasail sera rejetée, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles:

En considération de l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur [L] la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Sur les dépens:

La Sas Locasail, qui succombe, supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [F] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral en raison du retard pris par l'employeur à organiser la visite de reprise et en ce qu'il a débouté la Sas Locasail de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Monsieur [F] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la Sas Locasail à payer à Monsieur [F] [L] les sommes suivantes :

- 20000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5460,12 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 546,01 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

Dit que les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis porteront intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015,

Dit que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la Sas Locasail à payer à Monsieur [F] [L] la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sas Locasail aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 17/15489
Date de la décision : 29/01/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°17/15489 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-29;17.15489 ?
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