COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11 OP
ORDONNANCE SUR CONTESTATION
D'HONORAIRES D'AVOCATS
DU 26 JANVIER 2021
N°2021 / 054
Rôle N° RG 19/19882
N° Portalis DBVB-V-B7D-BFLQO
[M] [P] NEE [O]
[K] [P]
C/
SCP [V] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Maître [M] [P] NEE [O]
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel:
Décision fixant les honoraires de la SCP [V] [J] rendue le 29 Novembre 2019 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats d'AIX-EN-PROVENCE.
DEMANDEURS
Maître [M] [P] NEE [O], demeurant [Adresse 2]
et
Monsieur [K] [P], demeurant [Adresse 2]
représentés par Me Mireille RODET de la SELARL RODET MIREILLE ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
DEFENDERESSE
SCP [V] [J], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Michèle GRUGNARDI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2020 en audience publique devant
Madame Catherine LEROI, Conseiller,
délégué par ordonnance du Premier Président .
Greffier lors des débats : Mme Christiane GAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2021.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2021
Signée par Madame Catherine LEROI, Conseiller et Mme Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par décision n° 25368 en date du 29 novembre 2019, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Aix-en-Provence a fixé les honoraires dus par la SCP [V] [J] à Me [M] [P] à la somme de 1528,39 € TTC au titre de l'honoraire fixe et à la somme de 30452,54 € TTC au titre de l'honoraire de résultat.
Par courrier recommandé expédié le 20 décembre 2019 et réceptionné au greffe le 23 décembre 2019, Me [M] [P] et M. [K] [P] ont relevé appel de cette décision.
A l'audience du 25 novembre 2020, Me [M] [P] et M. [K] [P], se référant à leurs écritures déposées à l'audience, sollicitent l'infirmation de la décision querellée. Ils précisent à cette fin que leur appel se limite à la seule appréciation des factures n° 27 et 26 portant sur le redressement judiciaire de la SCP ; ils demandent en conséquence que, s'agissant des factures acquittées n° 181 et 126, la SCP PIOMBO ODDOUX soit renvoyée à mieux se pourvoir et, à titre subsidiaire, qu'elle justifie des reproches objectifs de nature à les remettre en cause alors qu'elle les a acquittées tout comme les factures n° 91 et 127 qui concernent le redressement judiciaire.
Au fond, ils demandent à la juridiction de juger :
- que la forclusion biennale prévue par l'article L 218-1 du code de la consommation s'apprécie à compter de la dénonciation du mandat soit le 18 mars 2019 et que sa demande de taxe en date du 29 mars 2019 n'est donc pas forclose ;
- que l'honoraire de résultat visé par la facture n°27 n'avait pas à faire l'objet d'une déclaration de créance provisionnelle au redressement judiciaire de la SCP [J], le fait générateur étant la date d'obtention du résultat et non celle de la signature de la convention, conformément à la jurisprudence de la cour de cassation,
- que le résultat conventionnel visé dans la convention en date du 5 septembre 2014 est celui existant à la date à laquelle la SCP pouvait effacer de ses bilans la provision concernant le compte courant de M. [Y], soit, en application de l'article L622-26 du code de commerce, au jour où le tribunal a rendu son jugement de clôture de la procédure de redressement judiciaire, le 11 octobre 2018,
- que la convention qui est claire et précise, n'autorisait pas le bâtonnier à diminuer de son seul chef le pourcentage servant de base au calcul de l'honoraire de résultat prévu.
Ils sollicitent en conséquence la condamnation de la SCP [V] [J] à payer les sommes de 1528,39 € TTC au titre de la facture n°26 et 45678,74 € au titre de la facture n° 27, avec intérêts au taux égal à trois fois l'intérêt de droit à compter du 20 mars 2019, date de l'émission des factures ainsi que la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCP [V] [J] sollicite l'allocation de ses écritures déposées à l'audience tendant à l'infirmation de la décision déférée.
Elle demande à titre principal qu'il soit jugé que la convention signée le 5 septembre 2014 dont aucun original ne lui a été remis, n'est pas applicable à la procédure de redressement judiciaire et qu'en conséquence, aucun honoraire de résultat n'est dû ; à titre subsidiaire, elle soulève la prescription de la demande en paiement d'honoraires de Mes [K] et [M] [P] ; à titre infiniment subsidiaire, elle demande à la juridiction de dire que les résultats obtenus du fait des six ordonnances rendues par le juge commissaire, ne sont pas liés à l'action du cabinet d'avocats et que l'honoraire de résultat n'est pas justifié. Elle indique qu'en tout état de cause les honoraires courants ont été soldés par le paiement de la facture globale de 18839,64 € TTC et que Mes [K] et [M] [P] doivent être déboutés de leur demande en paiement de la somme de 1528,64 €.
Elle sollicite enfin la condamnation solidaire de Me [M] [P] et de M. [K] [P] au paiement de la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il sera référé aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Le présent recours sera déclaré recevable comme satisfaisant aux conditions prévues par l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 tout comme l'appel incident formé par la SCP [V] [J] , conformément aux dispositions de l'article 550 du code de procédure civile.
Courant septembre 2014, la SCP notariale [V] [J] a saisi Mes [K] et [M] [P] de la défense de ses intérêts, suite à la mise en examen d'un des associés, Me [Y].
La lettre de mission datée du 5 septembre 2014 valant convention de mission et d'honoraires proposée par Me [K] [P] et Mme [M] [P] a été signée le 5 septembre 2014 par Me [J], notaire agissant tant pour son compte que pour celui de la SCP notariale, précédée de la mention « bon pour accord » .
Le cabinet d'avocats recevait, aux termes de cette convention, mission d'assister la SCP de notaires ou Me [J] à titre personnel, dans les actions tant en demande qu'en défense, portées devant les tribunaux et faisant suite à la mise en examen d'un des associés de la SCP ou résultant du risque qu'entraînerait pour elles une destitution ou une autre sanction susceptible d'être prononcée à l'encontre de ce dernier. Cette convention mentionnait par ailleurs qu'un dépôt de bilan de la SCP était envisagé du fait du blocage du fonctionnement de la société par l'associé co-gérant, et que Mes [K] et [M] [P] étaient missionnés dans tous dossiers pouvant leur être confiés afin de régler la problématique exposée.
Cette convention prévoyait à titre de rémunération, outre un honoraire forfaitaire de 150 € HT pour ouverture du dossier, et la tarification de frais divers, que les honoraires de l'avocat seraient facturés à hauteur de 200 € HT l'heure travaillée ou immobilisée (transport, attente à l'audience) et qu'un honoraire de fin de mission ou de résultat de 15 % des sommes gagnées ou économisées serait dû.
Le 2 juin 2015, une procédure collective concernant la SCP [J] a été ouverte par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence avec désignation d'un administrateur. Dans le cadre de la vérification des créances déclarées au passif de la SCP , le juge commissaire au redressement judiciaire a rendu les 19 et 26 février 2016, diverses ordonnances au contradictoire de la SCP représentée par le cabinet [P], constatant la forclusion des déclarations de créances de la SCP WINTRE VUATTIER LECUYER, MMA IARD, CORIOLIS BUSINESS SOLUTIONS et de M. [Y] et rejetant en totalité la créance de la caisse de retraite notariale et partiellement celle de l'URSSAF DES BOUCHES DU RHONE pour 51540 €.
Après adoption d'un plan de continuation le 22 avril 2016 et modification de ce plan le 6 juillet 2018, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a constaté l'exécution totale du plan, par jugement en date du 11 octobre 2018.
La SCP [V] [J] a dessaisi le cabinet [P] de l'ensemble des dossiers par courrier du 18 mars 2019.
Le cabinet [P] reconnaît que la SCP [V] [J] s'est acquittée des sommes de 5000 € le 30 novembre 2015 et de 10699,70 € le 10 mai 2016.
Sur l'applicabilité de la convention d'honoraires :
Il n'est pas contestable que la lettre de mission signée et donc acceptée par la SCP [V] [J] le 5 septembre 2014 et dont celle-ci ne conteste pas l'existence, porte notamment sur une éventuelle action en ouverture d'une procédure de redressement judiciaire laquelle est expressément visée par la convention. Il n'était nullement nécessaire que la convention prévoie le montant dû pour chaque diligence réalisée ; par ailleurs, les conventions d'honoraires n'ont pas à indiquer une durée de validité, celle-ci étant dépendante de la durée des procédures visées par la convention.
Il convient dès lors de faire application de la convention des parties que la SCP [V] [J] a signée et qui l'engage en application des dispositions de l'article 1134 devenues l'article 1103 du code civil.
Sur le montant des honoraires de diligences facturés :
Le 20 mars 2019, le cabinet [P] a établi une note de frais et d'honoraires n° 26 couvrant la période du 10 octobre 2017 au 15 octobre 2018, d'un montant de 1191,66 € HT soit 1528,39 € TTC et faisant état de 5h25 de travail et de 82 € de frais.
Pour contester cette facture, la SCP [V] [J] soutient que son avocat n'a plus effectué aucune diligence à compter du 22 avril 2016, date du jugement ayant arrêté le plan de redressement. L'annexe de la facture litigieuse mentionne toutefois l'analyse de la requête déposée par la SCP [V] [J] en modification du plan de continuation, la préparation d'un dossier de plaidoirie en vue de l'audience du 22 juin 2018, l'assistance de la cliente à l'audience de plaidoirie pendant 3 heures, la lecture et l'analyse du jugement rendu le 6 juillet 2018 modifiant le plan ainsi que l'analyse de de requête de Me [C] en constatation de l'exécution du plan et de la décision rendue.
Ces diligences apparaissent incontestables et les modalités de leur facturation ne sont pas critiquées par la SCP [V] [J] . Il convient dès lors de fixer les honoraires et frais dus à Me [M] [P] à 1273,66 € HT soit 1528,39 € TTC, somme au paiement de laquelle la SCP [V] [J] sera condamnée avec intérêt égal à trois fois le taux de l'intérêt légal à compter du 20 mars 2019, date de la facture, conformément aux modalités de règlement figurant sur la facture.
Sur la prescription de la demande en paiement d'un honoraire de résultat ou de fin de mission:
La prescription biennale prévue par l'article L 218-2 du code de la consommation ne s'applique qu'à la demande en paiement d'honoraires formée par l'avocat à l'encontre de son client personne physique n'agissant pas dans l'exercice de ses fonctions et pouvant être considéré comme un consommateur. Tel n'est pas le cas d'une SCP notariale. La prescription applicable est alors la prescription quinquennale de droit commun laquelle court à compter de la fin du mandat pouvant être fixée au 11 octobre 2018, date de la clôture de la procédure de redressement judiciaire. En tout état de cause, l'action en paiement d'un tel honoraire ne saurait être prescrite, même en prenant comme point de départ la date de réalisation du résultat, soit la date du 7 mars 2016 à laquelle les ordonnances du juge commissaire rejetant les créances étaient devenues définitives, le délai expirant dans ce cas au 7 mars 2021.
L' action en paiement de l'honoraire de résultat du cabinet [P] apparaît donc recevable.
Sur la contestation du résultat allégué :
Me [M] [P] a établi le 20 mars 2019 une note d'honoraires n°27 portant sur l'honoraire de résultat d'un montant de 38065,62 € HT soit 45678,74 € TTC, ce montant correspondant à 15 % de la somme de 253770,80 €, montant de 7 créances déclarées par M. [Y], la MMA IARD, la Caisse de retraite notariale, la SCP Wintre Vuattier et Lecuyer, Coriolis business solutions, l'URSSAF et la chambre départementale des notaires, rejetées par ordonnances du juge commissaire en date des 19 et 26 février 2016.
Pour s'opposer au paiement d'un honoraire de résultat, la SCP soutient qu'il n'est pas démontré que le rejet des créances litigieuses soit le résultat de l'activité de Me [M] [P] et que ce dernier aurait été identique si le cabinet [P] n'était pas intervenu, se justifiant par la seule intervention de Me [C] mandataire judiciaire et représentant des créanciers après constatation par ce dernier de l'absence de déclarations des créances dans le délai légal et de demandes tendant à être relevé de la forclusion.
La SCP [V] [J] admet toutefois s'être rendue avec son conseil le 6 janvier 2016 au cabinet de Me [C] pour présenter ses observations sur l'état des créances déclarées ; elle ajoute que Me [P] était présent à l'audience de vérification des créances même s'il s'est contenté d'acquiescer aux explications de Me [C] ainsi que le rapportent d'ailleurs les ordonnances rendues. La SCP [V] [J] ne peut dès lors soutenir que le travail de Me [P] soit étranger au résultat obtenu, ayant été effectivement assistée par son avocat aux différentes étapes de vérification des créances.
En revanche, la lecture des ordonnances en cause démontre que le travail de Me [P] a été amplement facilité par la position adoptée par le mandataire liquidateur disposant seul des éléments lui permettant d'apprécier la recevabilité des déclarations de créances et relevant leur forclusion et l'absence d'opposition sérieuse des créanciers s'étant, soit désistés de leur demande, soit n'ayant pas demandé à être relevés de la forclusion encourue.
Dans ces conditions, l'allocation d'un honoraire de résultat de 38065,62 € HT à Me [P] apparaît excessive au regard de sa contribution réelle au résultat obtenu. Ce montant sera justement réduit à 8% du montant des créances soit la somme de 20301,66 € HT ou 24361,99 € TTC.
La SCP [V] [J] devra en conséquence payer à Me [M] [P] la somme de 24361,99 € TTC augmentée d'un intérêt égal à trois fois le taux de l'intérêt légal à compter du 20 mars 2019.
La décision déférée sera infirmée en ce sens.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, statuant publiquement, contradictoirement en matière de contestation d'honoraires d'avocat,
DECLARONS recevables le recours formé par Mes [M] et [K] [P] à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Aix-en-Provence en date du 29 novembre 2019 ainsi que l'appel incident formé par la SCP [V] [J] ;
CONFIRMONS cette décision en ce qu'elle a fixé l'honoraire de diligences dû à Me [M] [P] à la somme de 1528,39 € TTC ;
y ajoutant CONDAMNONS la SCP [V] [J] à payer à Me [M] [P] la somme de 1273,66 € HT soit 1528,39 € TTC avec intérêts au taux de trois fois le taux de l'intérêt légal à compter du 20 mars 2019 ;
INFIRMONS la décision déférée pour le surplus et statuant à nouveau,
FIXONS à la somme de 20301,66 € HT ou 24361,99 € TTC l'honoraire de fin de mission ou de résultat dû à par la SCP [V] [J] à Me [M] [P] et CONDAMNONS la SCP [V] [J] à payer à Me [M] [P] la somme de 20301,66 € HT ou 24361,99 € TTC avec intérêts au taux égal à trois fois le taux de l'intérêt légal à compter du 20 mars 2019 ;
DEBOUTONS les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DISONS que chaque partie conservera la charge des dépens par elle avancés.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE