COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 14 JANVIER 2021
N° 2021/009
N° RG 20/08063 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGGDM
[G] [T]
C/
Société METLIFE EUROPE DESIGNATEDACTIVITY COMPANY
S.A. SOCIETE GENERALE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean-François JOURDAN
Me Paul GUEDJ
Me Bertrand DUHAMEL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN en date du 23 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/03990.
APPELANT
Monsieur [G] [T], né le [Date naissance 1] 1970, demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN/ WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Jean Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEES
Société METLIFE EUROPE DESIGNATEDACTIVITY COMPANY, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
ayant pour avocat plaidant Me Henri-Louis DELSOL de la SELARL DELSOL & ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
S.A. SOCIETE GENERALE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Bertrand DUHAMEL de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Novembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Florence TANGUY, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente
Mme Béatrice MARS, Conseiller
Mme Florence TANGUY, Conseiller (rapporteur)
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2021.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2021,
Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
En garantie du prêt immobilier de 452 000 euros que lui a consenti la Société Générale, M. [G] [T], né le [Date naissance 4] 1970, a souscrit, le 4 septembre 2007, une assurance couvrant les risques décès, invalidité permanente totale et incapacité temporaire totale auprès de la société AIG Vie, contrat repris par la société Metlife.
A compter du 2 décembre 2014, M. [T] a été placé en arrêt de travail à la suite de la découverte d'une affection marquant l'apparition d'un cancer du colon. Et la société Metlife lui a versé des prestations dans le cadre de la garantie incapacité temporaire totale.
Puis il a été placé ensuite en invalidité 2ème catégorie par la Sécurité sociale avec effet au 1er janvier 2016.
A la suite d'une expertise médicale amiable intervenue à la demande de la société Metlife et réalisée par le docteur [N], celle-ci lui a notifié, par courrier du 11 avril 2016, la cessation de toute prise en charge au titre de l'arrêt de travail, estimant que son état de santé actuel ne correspondait pas à l'état d'invalidité permanente totale (IPT) contractuellement prévue et qu'il était apte à la reprise partielle d'une activité professionnelle.
M. [T] a assigné la société Metlife devant le tribunal de grande instance de Draguignan en présence de la SA Société Générale, aux fins d'obtenir la garantie de l'assurance et une expertise médicale a été ordonnée par le juge de la mise en état, confiée au docteur [P] qui, dans son rapport rendu le 25 janvier 2019, a conclu à l'absence d'invalidité totale empêchant l'exercice d'un emploi.
Par jugement du 23 juillet 2020, le tribunal de grande instance de Draguignan a':
-rejeté la demande en paiement d'indemnité de M. [T] à l'encontre de la société Metlife ;
-condamné M. [G] [T] à payer à la société Metlife la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
-condamné M. [G] [T] à payer à la Société générale la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-rejeté la demande de M. [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile':
-condamné M. [G] [T] aux dépens':
-rejeté la demande d'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 24 août 2020, M. [G] [T] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 26 août 2020, il a été autorisé à assigner la société Metlife à jour fixe.
Par conclusions remises au greffe le 19 novembre 2020, et auxquelles il y a lieu de se référer, il demande à la cour :
-vu les articles 1134, 1157 et 1162 ancien du code civil,
-d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
-de dire et juger que M. [G] [T] est en invalidité permanente et totale au sens du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Metlife selon police n°200129428 en garantie du contrat de prêt souscrit dans les livres de la Société Générale selon contrat n°808016388830,
-statuant à nouveau,
-de dire et juger que les conditions de mise en 'uvre des garanties souscrites auprès de la compagnie Metlife selon police n°200129428 sont remplies,
-en conséquence,
-de dire et juger que la compagnie Metlife doit servir sa garantie au titre de l'invalidité permanente totale,
-de condamner la compagnie Metlife à payer la somme de 430 291,74 euros au titre du remboursement du capital restant dû selon contrat de prêt souscrit dans les livres de la Société Générale sous le n°808016388830,
-de condamner la compagnie Metlife à verser à M.[T] la somme de 7 150 euros au titre du remboursement des échéances versées à la Société Générale pour la période du 1er octobre 2018 au 30 septembre 2019,
-de condamner la compagnie Metlife à payer à M. [G] [T] une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Il prétend que la définition de l'invalidité permanente et totale figurant au contrat est contradictoire car tout en se référant à une classification en invalidité 2ème catégorie de la Sécurité sociale qui n'exclut pas une incapacité d'exercer une activité professionnelle, elle exige en outre une impossibilité totale de travailler. Il sollicite donc l'interprétation de la clause contractuelle dans le sens le plus favorable au consommateur.
Il fait valoir qu'il souffre de pathologies multiples l'empêchant de reprendre un emploi même à temps partiel ainsi que l'ont reconnu d'autres médecins et que son taux d'invalidité reconnu par la Sécurité sociale étant de 75%, la garantie de la société Meltlife lui est due.
Il sollicite donc le versement du capital contractuellement prévu et la prise en charge par la société Metlife des échéances du prêt ainsi que le remboursement par la Banque des sommes qu'il a versées à ce titre depuis le 1er janvier 2016.
Par conclusions remises au greffe le 18 novembre 2020, et auxquelles il y a lieu de se référer, la société Metlife demande à la cour :
-vu les articles 1315 et 1134 ancien du code civil,
-vu l'article L.341-4 du code de la sécurité sociale,
-de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
*débouté M. [T] de ses demandes à l'encontre de Metlife,
*condamné M. [T] à payer à Metlife la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamné M. [T] à payer à la Société Générale la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamné M. [T] aux dépens,
*rejeté la demande d'exécution provisoire de la décision,
-à titre subsidiaire,
-en tout état de cause,
-de débouter M. [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-de condamner M. [T] à payer à la société Metlife Europe insurance designated activity company la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle soutient que M. [T] ne présente pas un état d'invalidité correspondant aux clauses contractuelles pour la mise en oeuvre de la garantie, la constatation d'une invalidité 2ème catégorie de la Sécurité sociale étant insuffisante et n'étant pas incompatible avec une capacité de travailler à temps partiel.
Par conclusions remises au greffe le 21 septembre 2020, et auxquelles il y a lieu de se référer, la Société générale demande à la cour :
-de confirmer le jugement du 23 juillet 2020 en ce qu'il a alloué à la Société générale la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
-de donner acte à la société générale de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le litige opposant M. [G] [T] à la Société Metlife,
-de dire qu'il sera tiré toutes conséquences de droit quant au remboursement du prêt au regard de la décision à intervenir, confirmative ou infirmative,
-de condamner la partie succombante au paiement d'une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS':
M. [T] réclame le bénéfice de la garantie invalidité permanente et totale du contrat d'assurance, cette invalidité étant définie, au chapitre «'Définitions'» des conditions générales comme une invalidité physique ou mentale consolidée avant l'âge de 65 ans, constatée par l'assureur, mettant l'assuré dans l'incapacité définitive d'exercer toute occupation apportant gain ou profit (assimilable à la 2ème catégorie de la Sécurité sociale).
Cette clause assimile donc l'invalidité permanente et totale ouvrant droit à garantie à l'invalidité 2ème catégorie de la Sécurité sociale.
L'article L.341-4 du code de la Sécurité sociale définit la 2ème catégorie d'invalidité comme mettant l'assuré social dans une incapacité absolue d'exercer une activité quelconque.
La clause contractuelle définit donc clairement et sans contradiction l'état d'invalidité exigé comme étant similaire à celui défini pour l'invalidité 2ème catégorie de la Sécurité sociale et comme correspondant à une impossibilité d'exercer aucune activité professionnelle.
Du reste, si les conditions générales du contrat d'assurance subordonnent la mise en 'uvre de cette garantie, pour tout assuré social, à la reconnaissance préalable par la Sécurité sociale d'une invalidité de 66 % ou au moins d'une invalidité de 2ème catégorie, elles précisent au paragraphe «'invalidité permanente totale'», que l'éligibilité à la garantie est appréciée par le médecin de l'assureur au vu de l'état médical de l'assuré.
Il en ressort, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, que la simple reconnaissance d'une invalidité de 2ème catégorie par la Sécurité sociale, si elle est un préalable nécessaire, est insuffisante à mettre en 'uvre la garantie invalidité permanente totale qui suppose une incapacité totale de travailler constatée médicalement.
M. [T] a été reconnu à titre temporaire invalide catégorie 2, son titre de pension précisant que le médecin conseil de la Sécurité sociale a estimé qu'il présentait un état de santé réduisant de deux tiers au moins sa capacité de travail ou de gains.
Il appartient à M. [T] qui réclame la garantie de son assureur de prouver qu'il remplit les conditions contractuellement définies pour l'obtention de cette garantie, à savoir qu'il présente une invalidité le mettant dans l'incapacité définitive d'exercer toute occupation professionnelle.
Le docteur [N], qui a procédé à l'examen médical de M. [T] à la demande de la société Metlife, dans son rapport du 18 mars 2016, a dressé la liste des affections dont M. [T] souffrait et de leur incidence sur la capacité de travail de celui-ci (obésité morbide ayant donné lieu à la pose d'un anneau gastrique en 1998 limitant tout déplacement et justifiant d'un taux d'incapacité professionnelle de 50 %, colectomie partielle en 2014 pour traiter un adénocarcinome générant un taux d'incapacité professionnelle de 50 % et état anxio-dépressif évoluant depuis 2010 sur un mode chronique avec un taux d'incapacité professionnelle de 20 %).
L'assureur en a déduit à juste titre que l'assuré ne présentait pas une incapacité d'exercer toute activité professionnelle au moins à temps partiel.
Cette appréciation de la capacité professionnelle de M. [T] est confirmée par le rapport d'expertise judiciaire établi le 25 janvier 2019 par le docteur [P] qui a analysé l'ensemble des pathologies de M. [T], à savoir asthme, obésité morbide avec douleurs des membres inférieurs réduisant ses capacités de déplacement, état anxio-dépressif depuis de nombreuses années, diabète, syndrome des jambes sans repos, asthénie, troubles du transit avec épisodes diarrhéiques impératifs résultant de la colectomie, pour en déduire l'absence d'impact de certaines pathologies sur l'exercice d'une activité professionnelle et une réduction de la capacité de travail pour les autres pathologies physiques, sans cependant d'inaptitude professionnelle.
M. [T] produit plusieurs avis médicaux :
-deux certificats du docteur [H], allergologue, du 2 mai 2017 et du 6 décembre 2018 certifiant qu'il présente un asthme nécessitant un traitement quotidien pluri-médicamenteux et l'exonération du ticket modérateur,
-un rapport d'expertise judiciaire du 5 mai 2018 établi par le docteur [B] [M] concluant à une incapacité fonctionnelle de 75%,
-un certificat médical du 21 décembre 2018 du docteur [S] [R] [I], psychiatre, selon lequel la reprise d'une activité professionnelle serait un facteur d'aggravation de l'état psychique de M. [T],
-des prescriptions médicales de médicaments ou d'examens médicaux, des comptes rendus d'examens médicaux justifiant des affections présentées par M. [T].
Ces pièces médicales, si elles témoignent des affections dont souffrent M. [T], ne contredisent pas les rapports d'expertise du docteur [N] et du docteur [P] et ne mettent pas en évidence une incapacité totale de M. [T] de travailler.
Seul le certificat médical du docteur [C] du 24 novembre 2016 conclut que «'les capacités d'activités professionnelles de M. [T] sont actuellement inexistantes'», étant observé que depuis lors, plusieurs médecins ont constaté une simple réduction de la capacité de travail et non une inaptitude. Ce certificat médical a été établi après l'apparition de pathologies entre 2014 et 2016 (carcinome du colon droit en 2014, luxation traumatique de l'épaule gauche en septembre 2015, diabète de type II en 2016, asthme en 2015) et il retrace un état de santé ancien qui n'apparaît pas pertinent en raison de l'évolution des pathologies et des facultés de récupération physique de M. [T].
M. [T] qui ne rapporte pas la preuve qu'il présente un état d'invalidité ouvrant droit à garantie en application des clauses contractuelles, sera débouté de sa demande.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Metlife et de la Société Générale les frais irrépétibles qu'elles ont exposés.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne M. [O] [T] à payer à la société Metlife la somme de 2 000 euros et à la Société Générale la somme de 1 000 euros ;
Condamne M. [O] [T] aux dépens qui pourront être recouvrés contre lui conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE