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24/11/2020 | FRANCE | N°18/01164

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 24 novembre 2020, 18/01164


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 24 NOVEMBRE 2020



N°2020/328













Rôle N° RG 18/01164 N° Portalis DBVB-V-B7C-

BBZ5T







[G] [Z] [V] épouse [M]



C/



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Copie exécutoire délivrée

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à :





Me Isabelle GARNIER-SANTI<

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Me Sonnia KARA





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence en date du 09 octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02529





APPELANTE



Madame [G] [Z] [V] épouse [M]

née le [Date naissance 7] 1953 à [Localité 24]

de nationalité française,

demeurant [Adre...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 24 NOVEMBRE 2020

N°2020/328

Rôle N° RG 18/01164 N° Portalis DBVB-V-B7C-

BBZ5T

[G] [Z] [V] épouse [M]

C/

[W] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle GARNIER-SANTI

Me Sonnia KARA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence en date du 09 octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02529

APPELANTE

Madame [G] [Z] [V] épouse [M]

née le [Date naissance 7] 1953 à [Localité 24]

de nationalité française,

demeurant [Adresse 10]

représentée par Me Isabelle GARNIER-SANTI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [W] [M]

né le [Date naissance 8] 1951 à [Localité 28] (HONDURAS)

de nationalité suisse,

demeurant [Adresse 3] (SUISSE)

comparant en personne, assisté de Me Sonnia KARA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Cyril CHELLE, avocat au barreau de GUYANE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 octobre 2020, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président, et Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Mme Catherine VINDREAU, Conseiller

Mme Marie-Dominique FORT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [G], [Z] [V] et Monsieur [W] [M] se sont mariés le [Date mariage 11] 1997 par devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 25], après avoir signé un contrat de séparation de biens le 9 juillet 1997.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Madame [V] a présenté une requête en divorce le 28 février 2014.

Par ordonnance rendue le 19 octobre 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence s'est notamment déclaré incompétent au visa des dispositions des articles 1070, 92 et 93 du code de procédure civile, au motif que l'époux, Monsieur [M], défendeur à la procédure, demeurait à [Localité 20] au Pérou.

Par arrêt sur contredit rendu le 17 mars 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a notamment infirmé l'ordonnance rendue le 19 octobre 2015 et dit le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence territorialement compétent pour statuer sur la requête de divorce déposée par Madame [V].

Par ordonnance de non-conciliation rendue le 19 septembre 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a notamment :

- autorisé les époux à introduire l'instance,

- fixé à la somme de 2.500 euros le montant de la pension alimentaire due par Monsieur [M] à Madame [V] au titre du devoir de secours, à compter de la présente ordonnance.

Madame [V] a introduit une demande en divorce le 24 janvier 2017.

Par jugement rendu le 9 octobre 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a notamment :

- prononcé le divorce des époux sur le fondement des dispositions de l'article 237 du code civil pour altération définitive du lien conjugal,

- débouté Madame [V] de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné Monsieur [M] à payer à Madame [V] une prestation compensatoire en capital d'un montant de 200.000 euros.

Madame [V] a interjeté appel de cette décision le 19 janvier 2018.

Par ordonnance d'incident rendue le 11 février 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a notamment :

- écarté la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [M] sur le fondement de l'article 132 du code de procédure civile,

- ordonné la communication aux débats par Monsieur [M] des pièces suivantes :

1. Les relevés des comptes bancaires suivants sur la période du 1er mai 2015 au 30 avril 2018, et, en cas de clôture d'un compte avant cette dernière date, le justificatif de la clôture et du solde de clôture :

- compte courant BCGE libellé en dollars US domicilié à la banque cantonale de [Localité 15] (Suisse) numéroté [XXXXXXXXXX014],

- compte courant n°[XXXXXXXXXX04] Banque UBS à [Localité 15],

- comptes n°[XXXXXXXXXX05], n°[XXXXXXXXXX06], n°[XXXXXXXXXX06] et n°[XXXXXXXXXX06]

- compte Banque State Farm (Illinois - Etats-Unis) n°[XXXXXXXXXX02],

- compte Scotia BANK au Pérou n°[XXXXXXXXXX09],

- compte Banco de Bogota à Panama n°[XXXXXXXXXX01],

2. La convention de prêt contracté auprès de la Banque Wolmar Finance à [Localité 17], ayant donné lieu à la dette alléguée de 3.604.870$, précisant le montant emprunté et la nature des garanties données pour obtenir un tel prêt,

3. Les déclarations de résultats ou bilans pour les années 2015 à 2017 des sociétés dont la liste suit :

- EWA Architectone (Suisse),

- GABRIELA PERU SAC,

- GOLD PLATA CORPORATION LTD (Colombie),

- GOLD PLATA MINING INTERNATIONAL CORPORATION SA,

- GOLD PLATA RESOURCES LTD (Iles Vierges Britanniques),

- BREXIA GOLD PLATA PERU SAC,

- GOLD PLATA RESSOURCES GUYANE,

- LA [G] MINING CORPORATION - PANAMA,

4. L'acte matérialisant le prêt de 330.000 euros consenti par Monsieur [M] à la société SILDERMA, son tableau d'amortissement, et les justificatifs des remboursements du capital et des intérêts échus,

5. L'acte matérialisant le prêt de 400.000 euros consenti par Monsieur [M] à son fils Monsieur [R] [M], en vue de l'acquisition en date du 23 décembre 2011 d'un appartement à [Localité 22] et le tableau d'amortissement de ce prêt, et les justificatifs des remboursements du capital et des intérêts échus,

- débouté Monsieur [M] de sa demande de suppression de pension alimentaire à effet retroactif de septembre 2016 et du surplus de ses conclusions incidentes,

- condamné Monsieur [M] à payer à Madame [V] une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt sur déféré rendu le 5 décembre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a notamment:

- confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- écarté les pièces n°108 et 109 de Monsieur [M],

- débouté Madame [V] de ses demandes sur ce point pour le surplus,

- débouté Madame [V] de ses demandes d'irrecevabilités de pièces et de dommages et intérêts.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 30 janvier 2020, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Madame [V] demande à la cour de :

- recevoir Madame [V] en son appel,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence le 9 octobre 2017,

Vu les articles 212, 242 du code civil,

- prononcer le divorce aux torts exclusifs de Monsieur [M] en application de l'article 242 du code civil,

- condamner Monsieur [W] [M], sur le fondement de l'article 266 du code civil, à verser à Madame [V] une somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi par son épouse,

- condamner Monsieur [W] [M], sur le fondement de l'article 1240 du code civil, à verser à Madame [V] une somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi par son épouse,

Vu l'article 264 du code civil,

- donner acte à Madame [V] de ce qu'elle reprendra son nom de jeune fille,

Vu l'article 257-2 du code civil,

- donner acte à Madame [V] de sa proposition sur le règlement des intérêts pécuniaires,

Vu les articles 270 et 271 du code civil,

Vu la disparité existant dans les conditions de vie respectives des parties,

- condamner Monsieur [M] à payer à [G] [V] une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 5 millions d'euros payable comptant,

- juger que cette somme sera payée immédiatement et en un seul paiement,

- débouter Monsieur [M] de sa demande tendant au versement de la prestation compensatoire sous forme de versements périodiques indexés pendant 8 ans (article 275 du code civil),

- dire et juger que, dans l'hypothèse où Monsieur [M] n'exécutait pas la décision à intervenir dans les délais impartis et viendrait à s'acquitter du paiement de ce capital dans un délai supérieur à une année à compter du jour où l'arrêt à intervenir sera devenu définitif, il supportera alors seul la charge de la fiscalité rendue alors exigible et réglera, à titre de prestation compensatoire complémentaire, les impôts dus par Madame [V] au titre de l'article 80 quater du code général des impôts,

- débouter Monsieur [M] de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur [M] à verser à Madame [V] la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Madame [V] fait en effet notamment valoir que :

- elle a cumulé plusieurs emplois pour élever ses enfants et l'enfant de Monsieur [M] ; qu'elle a cessé ses activités pour rejoindre Monsieur [M] en [Localité 16] à sa demande ; qu'elle s'est investie professionnellement auprès de lui ; que Monsieur [M] entretient une relation adultérine a minima depuis 2009 ; que le couple s'est alors séparé en 2011 ; qu'il n'a pas respecté l'ordonnance de non-conciliation mettant à sa charge une pension alimentaire au titre du devoir de secours ; que l'ensemble de ces circonstances a rendu intolérable le maintien du lien conjugal ;

- la dissolution du mariage a été a l'origine d'un préjudice financier important pour Madame [V] ; qu'elle a quitté son lieu de vie, sa famille et son travail pour suivre Monsieur [M] en [Localité 16] ; qu'elle l'a aidé à promouvoir ses projets professionnels ; que Madame [V] a subi des préjudices psychologiques en raison de l'infidélité et du manquement au devoir de secours et d'assistance de Monsieur [M] ;

- la situation de Monsieur [M] n'est pas transparente ; que le mariage a duré 18 ans ; que Monsieur [M] est âgé de 68 ans et ne présente pas de problème de santé ; que Madame [V] est âgée de 66 ans et justifie d'une situation médicale fragile ; qu'aucun enfant n'est issu de leur union ; que toutefois, Madame [V] a hébergé et élevé le fils de Monsieur [M] en plus de ses propres enfants ; que Madame [V] est retraitée depuis 2017 et perçoit la somme de 1.943,16 euros par mois ; qu'elle assume seule l'intégralité des charges afférentes à la SCI commune ; que Monsieur [M] a toujours perçu des revenus importants mais ne justifie pas de ses revenus mensuels ; qu'il détient des actions estimées à 183.242.466 euros ; qu'il ne justifie pas de charges particulières ; qu'il bénéficie d'un train de vie confortable ; que Madame [V] a quitté ses activités professionnelles pour travailler aux cotés de Monsieur [M] sans contrepartie financière ; que l'activité de Monsieur [M] n'a cessé de prospérer et qu'il serait aujourd'hui à la tête d'un empire ; que le couple a constitué une SCI propriétaire d'un bien immeuble évalué à 850.000 euros ; que le compte courant de Monsieur [M] est trois fois supérieur à celui de Madame [V] ; que le patrimoine propre de Madame [V] est constitué d'un appartement évalué à 200.000 euros, d'un studio évalué à 180.000 euros, d'une SCI à 60% propriétaire d'un bien immobilier évalué à 132.000 euros et d'une assurance-vie ; que Monsieur [M] détient des droits dans de multiples sociétés domiciliées dans différents pays, représentant a priori des centaines de millions d'euros ; qu'il est propriétaire d'un bien immeuble acquis 586.000 euros ; qu'il dispose d'une multitude de comptes bancaires abondants ; que Madame [V] perçoit 783 euros de retraite.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 22 janvier 2020, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Monsieur [M] demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par Madame [G] [V],

- déclarer recevable et fondé l'appel incident formé par Monsieur [W] [M],

Sur la prestation compensatoire :

- à titre principal, infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Monsieur [W] [M] à payer à Madame [G] [V] la somme de 200.000 euros à titre de prestation compensatoire, en capital,

- rejugeant à nouveau, débouter Madame [G] [V] de sa demande de condamnation de Monsieur [W] [M] au paiement de la somme de cinq millions d'euros (5.000.000€) à titre de prestation compensatoire,

- à titre subsidiaire, fixer les modalités de paiement de la prestation compensatoire telle que fixées par la cour dans la limite de huit années sous forme de versements périodiques,

Sur les autres dispositions du jugement entrepris :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé le divorce des époux [W] [M] et Madame [G] [V] sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil pour altération définitive du lien conjugal,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Madame [G] [V] de sa demande de condamnation de Monsieur [M] au paiement de la somme de 100.000€ à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil,

En tout état de cause :

- condamner Madame [G] [V] à payer à Monsieur [W] [M] la somme de six mille euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [G] [V] aux entiers dépens,

- dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ils pourront être directement recouvrés par Me Cyriel CHELLE, avocat associé de la SCP BEULQUE-CHELLE.

Monsieur [M] fait en effet notamment valoir que :

- l'adultère allégué par Madame [V] n'a pas rendu intolérable le maintien du lien conjugal; que le comportement de Madame [V] est constitutif d'une faute grave ; que la communauté de vie des époux a cessé à compter de 2010 ou, à tout le moins, juillet 2013 ;

- Madame [V] ne justifie pas de l'existence de conséquences d'une particulière gravité qu'elle subirait du fait de la dissolution du mariage ;

- la rupture du mariage n'a créé aucune disparité dans les conditions de vie de l'épouse ; que les époux sont mariés depuis 22 ans pour une durée de vie commune de 12 ans ; que Madame [V] entretient une relation sentimentale depuis 2011 ; que Monsieur [M] est âgé de 69 ans ; qu'il connaît des problèmes de santé récurrents ; que Madame [V] est âgée de 66 ans et ne présente aucun problème de santé particulier ; que le patrimoine de Madame [V] est constitué d'un immeuble, de 60% des parts de la SCI familiale [H] et de 50% des parts de la SCI familiale LE CARBET ; qu'elle ne fournit aucun document permettant de justifier la valeur des biens ; que le patrimoine de Monsieur [M] est constitué de 50% des parts de la SCI LE CARBET, de 100% des parts d'un cabinet d'architecture, de 99,02% des parts de la société GABRIELA PERU SAC, de la société GOLDPLATA RESSOURCES GUYANE EURL, de 100% des titres de la société holding GOLDPLATA MINING INTERNATIONAL, de 10% des titres de la société BREXIA GOLDPLATA PERU ; qu'il a connu une grande réussite professionnelle jusqu'en 2011 ; qu'il a cédé l'ensemble des actions qu'il détenait pour un montant de 9.000.000 d'euros ; que ces sommes ont notamment financé l'achat de l'immeuble affecté à la SCI LE CARBET, des travaux d'amélioration du bien, l'achat d'un bien immobilier pour son fils ; que le surplus a assuré un train de vie plus confortable avant d'être réinvesti ; qu'une chute des cours en 2012 a affecté les sociétés dans lesquelles il a investi ; qu'il n'a à ce jour tiré aucun bénéfice de cette activité ; que Madame [V] a frauduleusement clôturé en 2012 le contrat d'assurance-vie contenant 300.000 euros, pris sur le compte de son époux ; qu'elle a également clôturé deux comptes de Monsieur [M] ; qu'elle l'a engagé dans un rapport de force pour qu'il lui cède ses parts dans la SCI LE CARBET ; qu'elle a en 2013 illicitement pris possession du bien immobilié affecté à la SCI ; que malgré décision de justice, elle demeure dans les lieux ; que l'actif de Monsieur [M] s'élève à 2.201.020 euros, pour 4.584.715 euros de passif ; qu'il ne perçoit actuellement aucun revenu en lien avec ses activités de gérant ; qu'il a perçu entre 2017 et 2018 le remboursement partiel d'un prêt à hauteur de 2.466 euros en moyenne par mois ; qu'il a dû solliciter de l'aide financière et casser son assurance-vie ; que ses revenus ont baissé ; que la situation de Madame [V] est opaque ; que Monsieur [M] ne bénéficie d'aucun droit à retraite ; que les époux étaient déjà installés professionnellement au moment de leur rencontre ; qu'aujourd'hui, la situation de Madame [V] est plus favorable que celle de Monsieur [M]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

EN LA FORME

Le jugement frappé d'appel a été rendu le 9 octobre 2017. Mme [V] en a interjeté appel par déclaration déposée le 19 janvier 2018.

Aucun élément ne permet de critiquer la régularité de l'appel, qui n'est par ailleurs pas contestée. L'appel sera en conséquence déclaré recevable.

Le 30 octobre 2020, le conseil de l'intimé a fait parvenir à la cour une note en délibéré pour produire des pièces supplémentaires en réponse à un argument soulevé lors de l'audience du 8 octobre 2020. Par courrier du 2 novembre 2020 le conseil de l'appelante s'oppose à cette communication et demande à ce que ces éléments soient écartés des débats.

L'audience a eu lieu le 8 octobre 2018, après prononcé de l'ordonnance de clôture. L'article 445 du code de procédure civile interdit la production de notes en délibéré, si ce n'est sur la demande du président d'audience. En l'occurrence, aucune demande de cette nature n'a été formulée par le président d'audience. La note en délibéré et les pièces qui y sont annexées seront écartées des débats.

AU FOND

Il convient de rappeler à titre liminaire, d'une part, qu'en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, et d'autre part, que la cour ne statue que sur les demandes énoncées au dispositif des conclusions.

En l'espèce, les points de désaccord qui opposent les parties concernent la cause du divorce, l'allocation de dommages et intérêts, et la prestation compensatoire.

Sur le prononcé du divorce

L'article 242 du Code civil dispose que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

Selon l'article 246 du même code, si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, comme en l'espèce, le juge examine en premier lieu la demande pour faute. S'il rejette celle-ci le juge statue alors sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Mme [V] fonde son action sur les griefs d'infidélité et d'abandon matériel par l'époux.

1. Sur le grief d'infidélité:

Mme [V] allègue que M. [M] entretient une relation adultère avec une dame Gabriela [I], a minima depuis 2009.

La dénomination de 'Gabriela' pour l'une des sociétés du groupe de M. [M] n'est pas en soi probante.

En revanche, la traduction de courriels échangés entre l'époux et Mme [I], notamment le 15 juillet 2010, où il déclare souhaiter 'exploser en elle et la sentir', la justification de nuits d'hôtel pour deux personnes dans des établissements de luxe entre janvier 2012 et janvier 2013, la production de relevés bancaires établissant le virement de sommes conséquentes par M. [M] à Mme [I] en 2015 et 2017, deux articles de presse de 2011 et de 2016, sont des éléments concordants et convaincants démontrant l'existence d'une relation adultère durable de l'époux. Cet adultère constitue une violation indiscutable de l'obligation de fidélité.

M. [M] ne conteste d'ailleurs pas la réalité de l'adultère.

Sans réclamer pour autant le prononcé du divorce aux torts de l'épouse, il rejette néanmoins le fondement de la demande de divorce présenté par celle-ci, en soutenant qu'elle est elle-même en situation de concubinage durable avec un M. [T] [P] depuis 2010, ayant vécu en semble simultanément à [Localité 13] et à Salon de Provence de 2013 à 2017, et pour vivre ensemble à salon de Provence depuis 2018. Il incombe donc à M. [M] de faire la preuve du concubinage dont il se prévaut en défense.

Les éléments apportés à l'appui de l'allégation de M. [M] ont été examinés en profondeur par la cour dans le cadre de l'arrêt sur déféré du 5 décembre 2019:

- l'attestation de Mme [X], femme de ménage employée par Mme [V] et séparément par M. [P] entre 2008 à 2013 mentionne qu'elle faisait le ménage et repassait les chemises de M. [P]; cet élément n'établit pas en soi un concubinage, mais une présence fréquente,

- les courriels échangés entre Mme [V] et l'ancien homme à tout faire de la résidence de Salon de Provence, M. [K], évoquent également à plusieurs reprises la présence de M. [P], notamment par son prénom, lequel peut même donner des consignes à M. [K]; par ailleurs dans un autre courriel Mme [V] peut écrire le 25 février 2016 'j'espère que si un jour je me marie avec [T] tu mettras ton beau costume'; ceci témoigne de la familiarité des parties entre elles, mais n'est pas en soi la preuve d'un concubinage; il ne peut être fait abstraction du fait que Mme [V] est actuellement en litige personnel avec M. [K], ce qui fragilise toute pièce venant de ce dernier, et notamment ses réponses à la sommation interpellative du 22 mars 2019,

- les courriers arrivés aux noms de Mme [V] et de M. [P] à la même adresse à [Localité 13] s'expliquent, selon l'appelante, par le fait que M. [P] avait un travail l'amenant à voyager régulièrement dans la région, et qu'il pouvait ainsi se faire adresser du courrier chez elle,

- les déclarations de trois voisins de l'immeuble de Salon de Provence répondant sur sommation interpellative que M. [P] réside depuis plusieurs années avec Mme [V] dans le bien démontrent en effet la présence fréquente de ce dernier, sans pour autant que cela constitue une preuve de concubinage; en particulier, il n'est pas mentionné de détails dans des réponses extrêmement brèves, ce qui ne permet pas d'apprécier la réalité exacte de ce que l'attestant a vu; au surplus, Mme [V] soutient qu'elle se trouve en litige avec ses voisins pour des questions d'urbanisme,

- le rapport d'enquête privé (pièce n° 70) produit par M. [M] ne concerne qu'une brève période courant juillet 2018; elle n'établit que le fait que M. [P] est hébergé par Mme [V] pendant environ une semaine, mais pas davantage; il y figure une déclaration du facteur desservant l'immeuble qui aurait indiqué à l'enquêteur qu'il livrait du courrier pour M. [P] à l'adresse de Mme [V]; celle-ci produit cependant une attestation régulière de ce même facteur contestant avoir jamais donné ce genre de renseignement,

- le fait que du courrier ait été adressé pour M. [P] à l'adresse de Mme [V], n'est pas en soi la preuve du concubinage, mais simplement d'une domiciliation conventionnelle de l'intéressé pour ses courriers,

- la même observation peut être faite pour la présence de véhicules propriété de M. [P] stationnés devant ou même dans la résidence de Mme [V], même si, comme le dit l'arrêt du 5 décembre 2019, l'accusation de falsification de la carte grise du véhicule Fiat EP 988 XF pour le faire apparaître au nom de Mme [V] alors que c'est M. [P] qui en est titulaire, est en effet gênante ou troublante.

Cependant, Mme [V] produit des éléments établissant que M. [P] est toujours marié, qu'il se déplace professionnellement pendant la période entre la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe, et qu'il est domicilié en Guyane où il paie des taxes foncières.

Le constat d'huissier de justice réalisé le 1er octobre 2018 à la demande de M. [M], sur autorisation judiciaire, révèle qu'aucune affaire masculine n'a été retrouvée lors de la visite du domicile de Mme [V]. L'absence de toute affaire personnelle à M. [P] dans ce domicile, alors que M. [M] allègue que son épouse se trouve en situation de concubinage avec ce dernier depuis une dizaine d'années, ébranle sérieusement la démonstration qui incombe à l'intimé.

Au total, si les éléments apportés par M. [M] à l'appui de son allégation d'adultère de l'épouse sont nombreux et concordants, ils ne sont cependant pas suffisamment probants, comme l'a jugé la cour le 5 décembre 2019.

Dès lors, M. [M] ne saurait s'exonérer de son infidélité en alléguant l'infidélité réciproque de l'épouse. L'adultère qu'il a commis constitue une violation grave et renouvelée des obligations du mariage rendant intolérable le maintien du lien conjugal.

Les autres éléments de reproche avancés par M. [M], à savoir le fait que l'épouse aurait détourné des fonds postérieurement à la séparation, ou aurait supprimé sa couverture sociale alors qu'il venait d'être hospitalisé sont soit contestés dans leur réalité, soit guère pertinents, compte tenu de la séparation déjà intervenue entre les parties.

2. Sur le grief d'abandon matériel de l'épouse:

Il ressort des éléments concordants produits par les parties que le 20 janvier 2011, M. [M] s'est engagé à verser à Mme [V] une 'prestation compensatoire' mensuelle de 10.000 €, et qu'il s'est tenu à cet engagement jusqu'en 2012. Cette 'prestation compensatoire' doit en fait s'analyser comme une pension alimentaire au titre du devoir de secours.

M. [M] n'a alors pas versé de fonds à Mme [V] jusqu'au prononcé de l'ordonnance de non-conciliation du 19 septembre 2016 fixant au bénéfice de l'épouse une pension alimentaire non négligeable de 2.900 € par mois.

Nonobstant cette décision, M. [M] s'est régulièrement abstenu de verser cette pension alimentaire, ce qui a conduit à sa condamnation en dernier lieu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 16 octobre 2019 de ce chef, à une peine de quatre mois avec sursis et 4.000 € de dommages et intérêts.

Le grief allégué est établi et il constitue également à la charge de M. [M] une violation grave et renouvelée des obligations du mariage, rendant intolérable le maintien du lien conjugal.

3. En conséquence de ce qui précède, il sera fait droit à la demande de prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'époux, tandis que la demande reconventionnelle de ce dernier sera écartée. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens.

Sur les rapports entre époux

Sur les demandes de dommages et intérêts:

1. Mme [V] fait valoir qu'elle a subi un préjudice financier particulièrement important du fait de la dissolution du mariage, en quittant la métropole pour suivre son mari en Guyane, puis en étant selon elle obligée de quitter la Guyane, de rentrer en métropole et de s'endetter à compter de 2013. Elle réclame une indemnisation à hauteur de 50.000 €.

M. [M] s'oppose à toute condamnation de ce chef.

L'article 266 du code civil prévoit la possibilité d'octroyer des dommages et intérêts à l'époux non fautif qui bénéficie d'un divorce prononcé aux torts exclusifs de l'autre, sous réserve de la preuve de conséquences d'une particulière gravité résultant de la dissolution du mariage.

En l'occurrence, le départ pour la Guyane n'est pas le résultat de la dissolution du mariage. En ce qui concerne le retour en métropole, certes à l'issue de la séparation des époux, Mme [V] a continué à travailler, notamment en Guyane, au-delà de la date de 2013, et n'a cessé son activité libérale que le 9 juin 2017. L'allégation d'endettement n'est supportée que par la souscription de deux prêts à la consommation en 2019, d'une durée d'un an chacun, et d'ailleurs sur le point d'être terminés en décembre 2020 et janvier 2021, respectivement. Les conséquences d'une particulière gravité exigées par l'article 266 précité ne sont donc pas établies.

2. Mme [V] demande par ailleurs 50.000 € de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil. Ce texte, par combinaison avec l'article 266 du même code, lui impose d'apporter la preuve d'un préjudice distinct de celui résultant des faits ayant conduit à la dissolution du mariage. A cet égard, Mme [V] soutient qu'elle a été très fragilisée sur un plan psychologique du fait des fautes commises par M. [M].

Celui-ci s'oppose à toute condamnation à ce titre.

L'argumentation de Mme [V] vise à obtenir compensation de troubles psychologiques résultant, selon elle, des atteintes au lien conjugal commises par M. [M]. Il s'agit donc d'un préjudice indirect mais néanmoins imputable exclusivement, selon Mme [V], à ces fautes. Ceci suffirait à disqualifier la demande sur le fondement de l'article 1240 du code civil, puisqu'elle relève de fait de l'article 266 précité.

Mais force est de constater que Mme [V] ne fait guère la preuve du trouble psychologique qu'elle allègue. Elle produit deux certificats médicaux de son médecin traitant des 8 septembre 2014 et 15 avril 2019, dont l'éloignement dans le temps interroge quant à la permanence du préjudice, et surtout quant à son imputabilité. En effet, la rupture a eu lieu dès 2011, date de l'engagement souscrit par M. [M] de payer une pension alimentaire. Ce second certificat mentionne certes un 'état depressif réactionnel sevère' mais ajoute qu'il est imputable 'en grande partie à ses déboires judiciaires', appréciation qui ne relève pas de la compétence d'un médecin, outre que les déboires judiciaires mentionnés sont peut-être autres que le divorce. Il convient de rappeler que Mme [V] indique être en litige actuellement tant avec ses voisins qu'avec son ancien jardinier. Les certificats des 26 avril et 23 septembre 2019 se gardent de fixer une imputabilité aux troubles considérés, le second mentionnant une incapacité de travail de zéro jours, et donc un trouble qui n'est guère important.

Par ailleurs, les autres pièces produites aux débats font plutôt la preuve d'une personnalité extrêmement combative chez l'épouse, qui n'hésite pas à répondre à l'huissier de justice que M. [P] stationne son véhicule à Salon de Provence parce qu'il craint l'insécurité de [Localité 12], à produire un certificat d'immatriculation pour le moins douteux, ou encore qui insulte à plusieurs reprises son mari dans les messages échangés avec M. [K].

Il convient encore de rappeler que les époux ont poursuivi une procédure de séparation de corps en 2000, ce qui tend à démontrer que l'aspect affectif de la relation avait déjà refroidi malgré la durée du concubinage et un mariage relativement récent. La reprise des relations à compter de 2001 est à rapprocher de la nette amélioration de la situation de fortune de M. [M] dans les années qui ont immédiatement suivi.

Si M. [M] n'est pas parvenu à faire la preuve définitive d'un concubinage entre Mme [V] et M. [P], les éléments qu'il a apportés aux débats et rappelés ci-dessus font la preuve de ce que Mme [V] a manifestement pu compter sur une amitié durable et la présence fréquente de M. [P] à ses côtés. Dans ces conditions, elle est peu crédible quand elle assure souffrir de troubles psychologiques liés à la fin de l'union.

3. Les demandes de dommages et intérêts présentées par Mme [V] seront donc rejetées.

Sur la demande de prestation compensatoire:

En vertu des dispositions de l'article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours entre époux. L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective. Cette prestation un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.

En application de ce texte, c'est donc au moment de la dissolution du mariage que doivent être appréciées les conditions d'attribution éventuelle d'une prestation compensatoire. En l'espèce, c'est au jour du présent arrêt que le divorce est devenu définitif puisqu'il y avait discussion sur la cause du divorce lui-même.

L'article 271 du code civil précise que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. À cet effet, le juge prend en considération notamment :

- la durée du mariage ;

- l'âge et l'état de santé des époux ;

- leur qualification et leur situation professionnelle ;

- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

- leurs droits existants et prévisibles ;

- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les choix professionnels de l'époux débiteur.

1. L'épouse est âgée à ce jour de 67 ans et l'époux de 69 ans; il n'y a pas de disparité d'âge.

2. Mme [V] allègue pour tout problème de santé ses troubles psychologiques. Il a été vu plus haut qu'elle n'emporte pas la conviction de la cour à cet égard. Dans sa déclaration sur l'honneur du 29 septembre 2020 elle mentionne une opération prothèse de l'épaule droite et un décollement de rétine, mais n'en parle pas dans ses conclusions et n'en apporte en outre pas la preuve.

Elle se trouve désormais en situation de retraitée et ne risque plus de voir ses gains professionnels affectés par son état de santé. M. [M] ne fait pas la démonstration de problèmes de santé tels qu'ils l'empêchent de vaquer à ses activités professionnelles, comme l'a d'ailleurs déjà jugé la cour dans le cadre de la procédure correctionnelle achevée par l'arrêt du 16 octobre 2019. En particulier, rien ne démontre qu'il ait interrompu ses très fréquents déplacements à travers le monde.

Aucune disparité n'est démontrée en l'espèce.

3. La durée du mariage est de 23 ans, dont 14 ans de vif mariage, la rupture remontant à 2011, soit une durée moyenne.

4. Mme [V] soutient avoir toujours travaillé, le cas échéant en occupant trois emplois simultanément, notamment pour entretenir son mari et le fils de ce dernier. Cependant, elle ne fait pas la preuve de ce qu'elle a sacrifié sa carrière professionnelle pour celui-ci. Elle indique notamment avoir travaillé pour son époux en Guyane et elle a retrouvé une activité d'enquêteur social à [Localité 13].

M. [M] ne conteste pas l'aide financière offerte à une certaine période par son épouse, lorsqu'il connaissait lui-même des revers de fortune. Néanmoins, rien ne démontre que Mme [V] soit allée au delà de ce qui lui incombait dans le cadre de l'union, chacun devant contribuer aux charges du mariage a proportion de ses facultés respectives.

L'appelante ne fait pas davantage la preuve de ce que la prise en charge du fils de M. [M], [R], ait eu un impact sur son déroulé professionnel.

Il s'avère à la lecture de son relevé de carrière, qu'elle dispose d'un nombre de trimestres de cotisation lui permettant de prétendre à une pension de retraite. Au rebours, elle a pu bénéficier juqu'à la rupture des revenus considérables de son époux.

L'appelante ne fait donc pas la preuve de ce que les choix professionnels de l'époux aient été faits à son détriment.

5. La situation respective en matière de pensions de retraite est en faveur de l'épouse. M. [M] semble avoir un temps cotisé, mais il ne produit aucune pièce probante à cet égard. Néanmoins, une telle éventuelle pension de retraite risque d'être très faible,puisque l'époux ne cotise plus depuis de nombreuses années. Mme [V] ne fait donc pas la preuve d'une diminution des droits à retraite qui aurait pu être causée, pour elle, par les choix professionnels de M. [M].

6. Mme [V] est retraitée. Elle justifie par son avis d'imposition disposer en 2018 d'un revenu global de 23.273 €, dont 13.203 € de revenus fonciers. Elle indique dans sa déclaration sur l'honneur que ses revenus fonciers sont en augmentation pour atteindre 2.790 € par mois en raison de l'expiration de crédits immobiliers.

Mme [V] fait état au titre de ses biens immobiliers de la propriété:

- d'un appartement de 52 m² à [Adresse 18], estimé à 200.000 €,

- d'un studio de 32 m² à [Localité 19], estimé à 160.000 €,

- de 60 % des parts d'une SCI [H], propriétaire d'un appartement à [Localité 19] estimé à 120.000 €.

Les parties sont à égalité de droits en ce qui concerne la propriété de la SCI LE CARBET, même s'il semble que chacune ait des prétentions importantes à faire valoir ultérieurement dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Le bien est estimé à 850.000 € par Mme [V].

Mme [V] dispose d'une assurance vie à la suite de l'héritage reçu de sa mère, valorisé à l'époque à 277.430 €.

Au plan de ses charges, Mme [V] indique vivre seule et établit acquitter mensuellement, outre les dépenses de la vie courante:

- 121,36 € au titre de sa mutuelle,

- 287 € au titre de la taxe d'habitation,

- 495 € au titre de l'impôt sur le revenu.

Les frais engagés pour le compte de la SCI ne sont pas des charges imputables à Mme [V] exclusivement, sous réserve de l'appréciation définitive de son titre d'occupation des lieux. Ici encore, il y aura lieu à règlement dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial.

7. La situation patrimoniale de M. [M] est beaucoup plus complexe. Il exerce la profession de dirigeant d'un groupe de sociétés spécialisées dans l'exploration et, pour certaines au moins, dans l'exploitation de mines de métaux précieux, dont de l'or, principalement en Amérique Latine.

La difficulté à établir la réalité de la situation financière de l'intimé, compte tenu de l'importance des prétentions de Mme [V], a conduit le magistrat de la mise en état à donner injonction à M. [M] de produire une liste de pièces précisément énumérées, par ordonnance en date du 11 février 2019, elle-même confirmée sur déféré par arrêt du 5 décembre 2019. La demande de Mme [V] de voir les pièces communiquées sous astreinte a été écartée, l'ordonnance rappelant explicitement 'que toute carence dans la communication des pièces objet de l'injonction permettra de tirer toutes les conséquences utiles quant à la validité de l'offre de preuve de Mme [V], et spécialement en ce qui concerne le montant réclamé pour la prestation compensatoire'.

Mme [V] fait en effet valoir que M. [M] se trouverait à la tête d'un 'empire' valant près de deux cents millions d'euros.

L'intimé pour sa part soutient, dans sa déclaration sur l'honneur du 21 septembre 2020 qu'il n'a pour tout patrimoine que les 50 % de la SCI LE CARBET et 34 000 000 actions de la société AUPLATA estimées à cette date à 7.140.000 €. Il fait état de dettes personnelles à hauteur de 4.559.410 €, dont principalement le solde d'un prêt WOLMAR FINANCE pour 3.682.870 €.

Il convient de vérifier les éléments produits par M. [M] à la suite de l'injonction reçue dans le cadre de la mise en état.

A. Relevés des comptes bancaires suivants sur la période du 1er mai 2015 au 30 avril 2018, et, en cas de clôture d'un compte avant cette dernière date, le justificatif de la clôture et du solde de clôture :

A11. compte courant personnel BCGE (Banque Cantonale de [Localité 15]) libellé en dollars US domicilié à la banque cantonale de [Localité 15] (Suisse) numéroté [XXXXXXXXXX014]:

Les pièces produites ne portent que sur la période du 1er janvier au 6 avril 2017, date de clôture et ne font apparaître aucun mouvement significatif.

A12. compte courant personnel BCGE (Banque Cantonale de [Localité 15]) libellé en dollars US domicilié à la banque cantonale de [Localité 15] (Suisse) numéroté 5014.78.50

Les pièces produites portent sur la période du 25 mars 2014 au 10 avril 2017, date de clôture et ne font apparaître aucun mouvement significatif.

A13. Comptes courants personnels Banque UBS (Union des Banques Suisses), à [Localité 15]:

- n°[XXXXXXXXXX04]: compte fermé le 7 février 2018, solde négligeable,

- n°[XXXXXXXXXX06]: compte fermé le 14 février 2018, solde négligeable,

- n°[XXXXXXXXXX06]: compte fermé le 7 février 2018, solde négligeable,

- n°[XXXXXXXXXX06]: compte fermé le 7 février 2018, solde négligeable,

- n°[XXXXXXXXXX05]: aucune pièce n'est remise par M. [M].

A14: compte personnel Banque State Farm (Illinois - Etats-Unis) n°[XXXXXXXXXX02]:

M. [M] produit différentes pièces correspondant à un compte d'assurance vie dans cet établissement, sous le n° de police LF-0547-9392. Il semble des pièces peu explicites produites, consistant en un avis de paiement, un courrier du 5 mars 2019 et un échange courriels du 6 mars 2019, qu'il lui soit réclamé un paiement au titre d'un prêt pour un montant de 65.863,76 $ US. Rien ne fait apparaître l'existence du compte n°[XXXXXXXXXX02] ni des opérations passées sur ce compte. Subsiste ainsi la question d'une épargne retraite auprès de cet établissement.

A15. compte personnel Scotia BANK au Pérou n°[XXXXXXXXXX09],

M. [M] produit à ce titre des relevés de compte du 22 janvier au 22 juin 2017, et du 20 janvier au 20 mars 2019, faisant apparaître des soldes de 44.082,28 $ US à 81.343,62 $ US. Ces séries ne commencent pas au 1er mars 2015, ne sont pas complètes et ne permettent pas de vérifier l'intégralité des mouvements. On retiendra cependant que M. [M] y dispose d'un solde moyen créditeur de l'ordre de 60.000 $ US.

A16. compte Banco de Bogota à Panama n°[XXXXXXXXXX01], au nom de la société GOLD PLATA MINING INTERNATIONAL CORPORATION

Les relevés produits correspondent uniquement à la situation au 31 décembre des années 2014 à 2018, avec des soldes négligeables. Ils ne reflètent pas l'intégralité des opérations passées sur ce compte puisque les soldes varient d'une année sur l'autre.

B. La convention de prêt contracté auprès de la Banque Wolmar Finance à [Localité 17], ayant donné lieu à la dette alléguée de 3.604.870$ est produite, ainsi que des relevés successifs faisant apparaître en dernier lieu qu'après les remboursements intervenus, le solde de ce prêt est de 2.868.549 $ US, sans qu'un état plus récent ne soit produit.

Les garanties données, en l'occurrence des titres Sunward et Trilogy Metals, ont été appelées par le prêteur, et ont donné lieu aux remboursements de 480.000 $ US le 5 mars 2015, de 893.295 $ US le 21 février 2017 et de 1.446.642 $ US le 5 mai 2017.

C. Les déclarations de résultats ou bilans pour les années 2015 à 2017 des sociétés dont la liste suit :

C31. EWA Architectone (Suisse):

M. [M] produit un bilan arrêté à 2016, traduisant une absence d'activité de cette société.

C32. GOLD PLATA MINING INTERNATIONAL CORPORATION SA

La GOLD PLATA MINING INTERNATIONAL CORPORATION est une société holding de droit panaméen, détenue à 100 % par M. [M]. Il indique que GPMI détient ainsi:

- 100 % de la société LA [G] MINING CORPORATION LTD

- 100 % de la société GPCL,

- 100 % de la société GOLDPLATA RESOURCES GUYANE,

- 100 % de la société GABRIELA PERU SAC,

- 25 % de la société BGPP.

Aucun document comptable spécifique n'est produit.

C33. LA [G] MINING CORPORATION LTD

La société LA [G] MINING CORPORATION LTD dont M. [M] est président, est immatriculée au Panama. Elle contrôle une succursale en Colombie.

Selon la présentation de comptes consolidés au 31 décembre 2017 (pièce n° 153 de l'intimé), cette société serait en sommeil, mais disposerait néanmoins d'actifs à hauteur de 2.727.426 $ US.

C34. GOLD PLATA CORPORATION LTD (Colombie),

Concernant la société GOLD PLATA CORPORATION LTD, détenue à 100 % par GOLD PLATA MINING INTERNATIONAL CORPORATION, le bilan consolidé au 31 décembre 2017 de sa succursale colombienne est présenté, dont il ressortirait qu'elle est inactive mais dispose d'actifs à hauteur de 3.821.421 $ US.

C35. GOLD PLATA RESSOURCES GUYANE

La société GOLD PLATA RESSOURCES GUYANE est présentée comme étant en sommeil par l'intimé. Aucune pièce probante n'est produite à l'appui de cette assertion.

Qui plus est, M. [M] produit un bail pour le compte de cette société, qui paierait ainsi un loyer de 2.200 € par mois.

C36. GABRIELA PERU SAC:

N'est produit en l'espèce qu'un extrait de registre du commerce péruvien en date du 7 novembre 2013, avec la mention 'suspension temporal', qui correspond selon M. [M] à une mise en sommeil. Aucune pièce comptable crédible ne confirme cette absence d'activité.

C37. BREXIA GOLDPLATA PERU:

M. [M] est administrateur de cette société BREXIA GOLDPLATA PERU et précise en détenir 25 % via la société GOLD PLATA MINING INTERNATIONAL CORPORATION.

Selon le bilan consolidé précité, au 31 décembre 2017, les actifs de BREXIA GOLDPLATA PERU sont de 1.335.340 $ US. Au 31 décembre 2018, elle a dégagé un bénéfice net de 1.258.271 $ US pour un chiffre d'affaires de 23.088.135 $ US.

On relève encore que figurent dans l'état de situation financière une créance en faveur de M. [M] de 1.451.785 $ US, tant en qualité d'actionnaire direct, que via GOLD PLATA MINING INTERNATIONAL CORPORATION.

L'intimé indique que dans le cadre des opérations de prise de participation en 2020 de BREXIA GOLDPLATA PERU par la société AUPLATA, il a réalisé la vente d'actions à hauteur de 1.750.000 €, et qu'il détient encore 34.000.000 d'actions AUPLATA, dont il estime la valeur à 7.140.000 € sur la base de 0,21 € l'action.

Mme [V] indique que M. [M] détenait 411.780.824 actions de la société AUPLATA au terme de cette opération financière survenue le 19 novembre 2018. Mais il semble qu'elle applique le cours de l'action à la date du 14 août 2019, alors que l'explication de M. [M] repose sur une conversion pratiquée par AUPLATA pour en réduire le nombre, antérieurement à cette date de valorisation.

D. Société SILDERMA

M. [M] produit l'acte matérialisant le prêt de 330.000 euros consenti à la société SILDERMA, son tableau d'amortissement, et les justificatifs de certains remboursements du capital et des intérêts échus.

Il expose que cette société rencontre des difficultés et qu'il a consenti à des paiements échelonnés et fractionnés. Il déclare avoir touché 3.483 € à ce titre en 2019.

E. Achat d'un appartement à [Adresse 23]

M. [M] produit des échanges concernant un appartement de 4 pièces acheté 486.000 € à [Localité 27], ainsi qu'un compromis de vente, tout en indiquant dans ses écritures qu'il s'agit d'un appartement à [Localité 22]. Des précédentes écritures déposées en incident, il semblait s'agir d'un prêt de 400.000 euros consenti par M. [M] à son fils Monsieur [R] [M], en vue de l'acquisition d'un appartement à [Localité 22]. Mais ne sont pas produits le tableau d'amortissement de ce prêt, ni les justificatifs des remboursements du capital et des intérêts échus, visés par l'injonction du conseiller de la mise en état. Qui plus est, le compromis de vente présenté, en date du 13 octobre 2011, ne comporte pas d'indication de l'identité de l'acquéreur bénéficiaire.

Il en résulte cependant une interrogation sérieuse sur la prétendue absence de toute propriété immobilière que déclare l'intimé.

F. Au total, l'injonction de produire résultant des décisions des 11 février et 5 décembre 2019 n'a été observée que de manière très partielle par M. [M]. En particulier:

- l'intégralité des relevés de comptes bancaires ne sont pas produits, ce qui interdit de vérifier les mouvements intervenus sur la durée, voire entre eux; en particulier, on ne saurait se satisfaire d'un relevé annuel de l'état du compte au 31 décembre de l'année considérée, comme pour le compte compte Banco de Bogota,

- s'agissant des comptes courants personnels Banque UBS, force est de constater qu'ils sont tous clos simultanément en cours d'instance de divorce, début février 2017, sans pour autant que soient versés des relevés permettant d'en vérifier le fonctionnement depuis le 1er mai 2015 comme le précisait l'ordonnance; le soupçon existe donc d'une clôture pour éviter d'avoir à rendre des comptes à ce sujet,

- M. [M] ne produit aucune pièce concernant le compte UBS n°[XXXXXXXXXX05] ni pour le compte personnel Banque State Farm (Illinois - Etats-Unis) n°[XXXXXXXXXX02]; l'existence de ces comptes bancaires n'est pourtant pas contestée,

- les relevés pour le compte personnel Scotia BANK ne sont pas complets, et font apparaître un solde constant de l'ordre de 60.000 $ US,

- la situation actuelle du prêt WOLMAR FINANCE est inconnue au-delà du 5 mai 2017, soit depuis plus de trois ans. M. [M] ne justifie donc pas de la dette alléguée à ce titre, qui serait de 3.682.870 € au 21 septembre 2020, soit presque un doublement de la créance en à peine plus de trois ans; une telle augmentation est peu crédible compte tenu du taux d'intérêt pratiqué; il en résulte que la créance elle-même est sujette à caution, du moins dans son solde actuel,

- les pièces comptables pour les années 2015 à 2017 des sociétés de M. [M] sont largement insuffisantes; n'est de fait produit qu'un compte consolidé de trois d'entre elles au 31 décembre 2017; rien n'est justifié de l'opération de vente de titres BGPP à la société AUPLATA, et la cour est censée se satisfaire à ce titre des déclarations de l'intimé,

- les pièces concernant l'appartement de [Localité 27] laissent entendre que M. [M] a acquis ainsi un appartement dans cette commune en 2011, mais il soutient ne disposer d'aucun bien immobilier. En revanche, aucun élément convaincant n'est produit concernant un autre appartement qui serait situé à [Localité 22].

G. Autres éléments produits par M. [M]

M. [M] produit un extrait patrimonial de son portefeuille (compte 240-134959-01) arrêté au 31 décembre 2016 et au 31 décembre 2017. Au 31 décembre 2016, il présente un solde de 5.023 $ US seulement, mais le compte fait apparaître des mouvements considérables entre le 22 février 2016 et le 30 décembre 2016, soit des virements au crédit pour 709.956,94 $US et des retraits pour 800.003,42 €. En d'autres termes, si le solde est faible, le compte voit des mouvements de fonds attestant d'importantes disponibilités. L'arrêté au 31 décembre 2017 ne mentionne qu'un solde au 30 décembre 2017 de 192 €, sans que l'on sache si l'année 2017 a connu des mouvements similaires.

L'intimé produit l'acte de constitution de la société de droit panaméen GOLD PLATA MINERAL INVESTMENTS CORPORATION en date du 16 janvier 2019. Cette nouvelle société n'est pas à confondre avec la société holding GOLD PLATA MINING INTERNATONAL CORPORATION. La proximité des dénominations interroge. Par ailleurs, aucun document comptable n'est donné pour vérifier l'activité de cette nouvelle société.

M. [M] verse aux débats sa déclaration de revenus 2018 auprès des autorités fiscales suisses, car il se déclare en tant que résident suisse. Il y mentionne un patrimoine total de 3.915.000 € pour des dettes de 5.282.300 €. Il sera rappelé ici que dans sa déclaration sur l'honneur du 21 septembre 2020, l'intimé indique détenir 50 % de la SCI LE CARBET, dont l'unique bien est évalué par lui à 1.250.000 € outre 7.140.000 € au titre de ses actions AUPLATA; il fait état de dettes à hauteur de 4.559.410 €. Ces fluctuations déclaratives dans le patrimoine comme dans les dettes sont sujettes à caution. L'inventaire du patrimoine au 31 décembre 2018 (pièce n° 149), qui n'est appuyé d'aucune pièce comptable justificative, est de ce fait également à voir d'un oeil critique.

Force est également de constater que la cour reste à jeun d'indications précises et récentes sur la plupart des sociétés de son groupe, comme par exemple des droits de l'intimé sur la mine de Titiribi en Colombie. Or, Mme [V] soutient que les ressources de ce gisement se chiffrent à des millions d'euros, tandis que l'organigramme produit par M. [M] précise que 100 millions $ US ont été levés pour cette exploitation.

Enfin, si M. [M] déclare ne percevoir aucune rémunération de ses sociétés, il résulte des pièces versées aux débats qu'il a un haut niveau de vie, accumulant les déplacements professionnels de par le monde, et manipulant des fonds considérables sur les quelques comptes dont la juridiction a pu voir les relevés. Il ne justifie en rien d'une domiciliation précise, se contentant de confirmer qu'il alterne entre la Suisse, la France et l'Amérique Latine, dont la Guyane. Il ne donne aucune indication sur ses charges.

Mme [V] produit notamment des relevés de comptes courant BNP de l'intimé pour la période du 15 juillet au 15 octobre 2018, des relevés de la BCGE, l'existence d'une carte Visa Platinum, un statut privilégié à vie au titre du programme de fidélité d'Air France. Ces éléments sont parcellaires, ce qui ne peut être reproché à l'appelante. Ils sont néanmoins concordants en ce qu'ils infirment la présentation par M. [M] de ses difficultés financières, qui le conduiraient à se reposer sur des prêts familiaux ou la transmission par des proches de 'miles' de transport aérien.

En conclusion, M. [M] se garde bien de donner une image fidèle et transparente de ses activités, telle qu'il en serait résulté par la production des relevés des comptes bancaires qu'il utilise actuellement.

Comme rappelé ci-dessus, la preuve étant rapportée d'une situation financière d'envergure, le risque de ne pas avoir déféré aux injonctions précises du magistrat de la mise en état doit peser sur M. [M]. Des éléments produits, on peut estimer que M. [M] dispose au minimum au moment du divorce d'un patrimoine d'environ 15 millions d'euros, compte tenu notamment des actifs des sociétés autres que BREXIA, sans compter ses autres ressources. Ses dettes ne sont pas établies pour une somme supérieure à environ 3 millions d'euros.

En définitive, une disparité manifeste et importante existe au détriment de Mme [V] tant en ce qui concerne les revenus que la situation patrimoniale.

Pour autant, il doit être néanmoins rappelé que le mécanisme de la prestation compensatoire n'a pas pour objet de corriger les effets de l'adoption par les époux du régime de séparation de biens, ni pour finalité d'égaliser les situations de fortune.

Au bénéfice de ces observations, le montant de la prestation compensatoire allouée à Mme [V] sera donc fixé à la somme de 2.500.000 € en capital.

Le jugement frappé d'appel sera donc infirmé en ce sens.

L'absence de transparence de l'intimé conduit à écarter sa demande de fractionnement du paiement de cette prestation compensatoire. La cour n'est en effet pas convaincue de l'impossibilité dans laquelle il serait de s'acquitter de cette créance, ne serait-ce que du fait des actions AUPLATA dont il reconnaît lui-même la valeur.

Il sera également fait droit à la demande formée par Mme [V] concernant l'éventualité de pénalités fiscales au cas où M. [M] ne s'acquitterait pas dans l'année du montant de la prestation compensatoire.

Sur les demandes accessoires

M. [M], qui succombe, supportera la charge des dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [V] l'intégralité des sommes engagées pour l'instance d'appel et non comprises dans les dépens; il sera fait droit à sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile selon les modalités indiquées au dispositif ci-dessous.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, après débats non publics,

Déclare l'appel recevable,

Ecarte des débats la note en délibéré transmise à la cour par le conseil de M. [W] [M], ainsi que toutes les pièces y annexées,

Infirme la décision entreprise, et statuant à nouveau,

Prononce, sur le fondement de l'article 242 du code civil, aux torts exclusifs de M. [W] [M], le divorce des époux:

[W] [M], né le [Date naissance 8] 1951 à [Localité 28] (Honduras)

et

[G] [Z] [V], née le [Date naissance 7] 1953 à [Localité 24] (75)

mariés le [Date mariage 11] 1997 à [Localité 26],

Ordonne la publicité prévue par l'article 1082 du code de procédure civile par transcription en marge de l'acte de mariage et des actes d'état civil des parties, et la transcription du dispositif du présent arrêt sur les registres de l'état-civil déposés au service central de l'état civil du ministère des affaires étrangères établi à [Localité 21],

Rappelle qu'à la suite du divorce, chacun des époux perd l'usage du nom de son conjoint,

Ordonne la liquidation et le partage des interêts patrimoniaux des parties,

Rappelle que, sur le fondement de l'article 265 du code civil, le présent divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par l'un des époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l'union,

Déboute Mme [G] [V] de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts,

Condamne M. [W] [M] à verser à Mme [G] [V] une prestation compensatoire de deux millions cinq cent mille euros (2.500.000 €), en capital, sans fractionnement,

Dit que dans l'hypothèse où M. [W] [M]ne s'acquitte pas du paiement de ce capital dans un délai supérieur à une année à compter du jour où le présent arrêt à intervenir sera devenu définitif, il supportera alors seul la charge de la fiscalité rendue alors exigible et réglera, à titre de prestation compensatoire complémentaire, les impôts dus par Mme [G] [V] au titre de l'article 80 quater du code général des impôts, sur la justification préalable par celle-ci de leur paiement,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, sauf ce qui sera dit ci-dessous,

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [M] aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne M. [W] [M] à payer à Mme [G] [V] la somme de quinze mille euros (15.000 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que Me Cyriel CHELLE, avocat, pourra exercer à l'encontre de la partie condamnée aux dépens le droit prévu par l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 18/01164
Date de la décision : 24/11/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6B, arrêt n°18/01164 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-24;18.01164 ?
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