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19/11/2020 | FRANCE | N°17/22882

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 19 novembre 2020, 17/22882


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 19 NOVEMBRE 2020



N°2020/191













N° RG 17/22882 -

N° Portalis DBVB-V-B7B-BBV7X







SA ORANGE





C/



SARL GUGLIELMI ET FILS

SA BOUYGUES TELECOM



SCP TADDEI-FERRARI-FUNEL

[W] [O]

























Copie exécutoire délivrée le :

à : Me Emilie FARRUGIA





Me Pierre CHAMI



Me Francois-Xavier GOMBERT









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 29 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F00461.





APPELANTE



SA ORANGE, venant aux droits de la SA FRANCE TELECOM, dont le sièg...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 19 NOVEMBRE 2020

N°2020/191

N° RG 17/22882 -

N° Portalis DBVB-V-B7B-BBV7X

SA ORANGE

C/

SARL GUGLIELMI ET FILS

SA BOUYGUES TELECOM

SCP TADDEI-FERRARI-FUNEL

[W] [O]

Copie exécutoire délivrée le :

à : Me Emilie FARRUGIA

Me Pierre CHAMI

Me Francois-Xavier GOMBERT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 29 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F00461.

APPELANTE

SA ORANGE, venant aux droits de la SA FRANCE TELECOM, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Emilie FARRUGIA, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

SARL GUGLIELMI ET FILS, dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Me Pierre CHAMI, avocat au barreau de NICE, plaidant

SA BOUYGUES TELECOM, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Francois-Xavier GOMBERT, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me François DUPUY, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Pierre-Oliver BONNE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

PARTIE INTERVENANTE

SCP TADDEI-FERRARI-FUNEL dont le siège social est sis [Adresse 3] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL GUGLIELMI et fils, désigné à cette fin par jugement du Tribunal de Commerce de NICE du 25 juillet 2017

représentée par Me Pierre CHAMI, avocat au barreau de NICE, plaidant

Maître [W] [O] demeurant [Adresse 2] ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL GUGLIELMI et FILS désigné en cette qualité par jugement du Tribunal de Commerce en date du 25 juillet 2017

représenté par Me Pierre CHAMI, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2020 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pierre CALLOCH, Président, et Madame Marie-Christine BERQUET, Conseiller, chargés du rapport et Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, empêché.

Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller empêché

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseiller

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2020..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2020.

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société GUGLIELMI & FILS (ci après société GUGLIELMI), exerçant l'activité principale de vente, d'accord et de location de piano, a décidé courant novembre 2015 de résilier son abonnement téléphonique et internet souscrit auprès d'ORANGE afin de s'abonner pour les mêmes services auprès de la société BOUYGUES TELECOM. Les services commerciaux de la société ORANGE lui ont assuré alors que son numéro de téléphone serait transféré et permettrait l'usage de la ligne mise à disposition du nouvel opérateur.

La société GUGLIELMI a constaté le 14 novembre 2015 que sa ligne téléphonique avait été coupée. Elle a fait constater cette coupure par huissier le 8 décembre 2015 après plusieurs échanges avec la société ORANGE.

La société BOUYGUES ayant fait part à la société GUGLIELMI de son incapacité à obtenir de la société ORANGE les éléments permettant d'activer la ligne, la société GUGLIELMI a souscrit le 25 janvier 2016 un nouveau contrat auprès de la société ORANGE afin de retrouver l'usage de la ligne avec son numéro initial

Par acte en date du 26 mai 2016, la société GUGLIELMI a fait assigner la société ORANGE devant le tribunal de commerce de NICE afin d'obtenir sur le fondement de la responsabilité contractuelle sa condamnation au paiement d'une somme de 20 000 € de dommages intérêts, outre 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. La société ORANGE a fait assigner la société BOUYGUES TELECOM en intervention forcée.

Suivant jugement en date du 29 septembre 2017, le tribunal a ordonné la jonction des deux instances et a condamné la société ORANGE à verser à la société GUGLIELMI la somme de 20 000 € de dommages intérêts, outre 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ORANGE a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 22 décembre 2017.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 27 janvier 2020 et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 22 février 2020.

A l'appui de son appel, par conclusions déposées au greffe le 30 mars 2018, la société ORANGE soutient que la coupure de la ligne est imputable à la société BOUYGUES TELECOM, celle ci n'ayant pas effectué correctement les opérations de dégroupage, opérations dans lesquelles l'opérateur originel n'interviendrait pas. Elle soutient en outre que la société GUGLIELMI n'est plus en relation contractuelle avec elle, et qu'en conséquences sa responsabilité ne peut être recherchée. Seule la responsabilité contractuelle de la société BOUYGUES TELECOM, tenue à l'égard de son client à une obligation de résultat, aurait dû être recherchée. En outre la seule pièce versée aux débats pour invoquer la responsabilité de l'appelante émanerait de la société BOUYGUES TELECOM et serait en conséquence privée de force probante. Subsidiairement, la société ORANGE affirme que les pièces produites ne démontrent nullement l'existence d'un préjudice, notamment commercial, subi par la société GUGLIELMI. La société ORANGE conclut en conséquence à l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour de dire et juger qu'aucune faute ne lui est imputable, qu'aucun préjudice en relation avec la faute alléguée n'est établi, de débouter la société GUGLIELMI de l'intégralité de ses demandes, de condamner la société BOUYGUES TELECOM a relever garantie de toute condamnation et de condamner la société GUGLIELMI à lui verser la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GUGLIELMI, par conclusions déposées le 16 mai 2018, soutient que la société ORANGE était contractuellement tenue d'autoriser la portabilité du numéro de téléphone, et qu'elle a à plusieurs reprises manifesté son refus de remplir cette obligation. Elle se réfère au compte rendu édité par la société BOUYGUES le 21 janvier 2016 pour prouver la réalité de ce refus et soutient que la responsabilité de la société BOUYGUES lors des opérations de dégroupage n'est nullement avérée. Sur le préjudice, elle rappelle que ses clients ont été dans l'impossibilité de la joindre durant 50 jours et elle produit différentes attestations sur ce point. Elle conclut en conséquence à la confirmation de la décision et sollicite l'octroi d'une somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BOUYGUES TELECOM, par conclusions déposées au greffe le 21 janvier 2020, conclut à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a retenu l'absence de faute pouvant lui être imputée. Elle indique avoir fourni à ORANGE toutes les informations nécessaires au portage de la ligne, informations qui se sont révélées techniquement insuffisantes. Elle relève qu'aucune faute contractuelle ne peut lui être reprochée et indique notamment que la société ORANGE n'a pas qualité à se prévaloir des obligations contractuelles, et qu'existe dans ses conditions générales une clause excluant sa responsabilité en cas d'incident de portage. Selon elle, il appartenait à la société ORANGE de fournir à la société GUGLIELMI le numéro de tête de ligne permettant le transfert et l'appelante ne fournirait en conséquence aucun fondement à son action en garantie. La société BOUYGUES TELECOM relève par appel incident l'absence de justification du préjudice allégué et invoque l'existence de l'article 8 des conditions générales de service prévoyant une limitation de sa responsabilité qui aurait pour effet de réduire à la somme de 89 € 97 le montant des dommages intérêts exigibles par la société GUGLIELMI. Au terme de ses écritures, la société BOUYGUES TELECOM demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 29 septembre 2017 en ce qu'il a estimé que ni la responsabilité délictuelle ni la responsabilité contractuelle de la société BOUYGUES TELECOM ne pouvait être engagée,

REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 29 septembre 2017 en ce qu'il a estimé que le préjudice invoqué par la société GUGLIELMI & FILS pour un montant de 20.000 euros était constitué,

Si la Cour réformait le jugement dont il est relevé appel en estimant que la responsabilité de la société BOUYGUES TELECOM peut être engagée alors il lui est demandé de bien vouloir :

CONSTATER DIRE et JUGER qu'il n'est pas démontré que la société BOUYGUES TELECOM aurait commis un manquement à ses obligations contractuelles susceptible d'engager sa responsabilité,

CONSTATER DIRE et JUGER qu'il n'est pas démontré que la société BOUYGUES TELECOM aurait commis une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle,

CONSTATER DIRE ET JUGER que la société GUGLIELMI & FILS ne rapporte pas la preuve tant de l'existence que du quantum des préjudices dont elle sollicite réparation,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

CONSTATER, DIRE et JUGER que la société GUGLIELMI & FILS a accepté les conditions générales de service de la société BOUYGUES TELECOM,

CONSTATER, DIRE et JUGER que la société BOUYGUES TELECOM n'a pas commis de faute lourde ou de dol,

En conséquence,

DÉBOUTER la société ORANGE de sa demande consistant à être relevée et garantie par la société BOUYGUES TELECOM de toutes condamnations ;

DIRE ET JUGER que les dispositions des conditions générales de service prévoyant une clause limitative de réparation au bénéfice de la société BOUYGUES TELECOM sont opposables à la société GUGLIELMI & FILS,

DIRE ET JUGER que l'indemnisation qui pourrait être octroyée à la société GUGLIELMI & FILS par la société BOUYGUES TELECOM serait réalisée dans les conditions prévues dans les conditions générales de service et ne pourrait donc dépasser la somme de 89,97 € TTC.

DÉBOUTER les sociétés ORANGE et GUGLIELMI & FILS de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conséquences en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société BOUYGUES TELECOM,

EN TOUTE HYPOTHÈSE,

CONDAMNER tout succombant à verser la somme de 5.000 € à la société BOUYGUES TELECOM sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 15 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique dispose que toute personne morale exerçant dans le secteur de la télécommunication est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux ci ; ce même article ajoute que, toutefois, cette personne peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution est imputable, soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

L'article L 44 I du code des postes et des communications dispose, lui, que les offres en matière de contrat de téléphonie ' doivent permettre à l'abonné qui le demande de changer d'opérateur tout en conservant son numéro. La demande de conservation du numéro, adressée par l'abonné à l'opérateur auprès duquel il souscrit un nouveau contrat, est transmise par ce dernier à l'opérateur de l'abonné. Le délai de portage est d'un jour ouvrable, sous réserve de la disponibilité de l'accès, sauf demande expresse de l'abonné. Sans préjudice des dispositions contractuelles relatives aux durées minimales d'engagement, le portage effectif du numéro entraîne de manière concomitante la résiliation du contrat qui lie cet opérateur à l'abonné.» ; l'alinéa 6 du même texte prévoyant que tout retard ou abus dans la prestation de conservation du numéro donne lieu à indemnisation de l'abonné.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société GUGLIELMI ET FILS a souscrit initialement un contrat de téléphonie avec la société ORANGE ; début novembre 2015, elle a décidé de résilier ce contrat afin de souscrire un nouveau contrat avec la société BOUYGUES TELECOM tout en bénéficiant du maintien de son numéro de téléphone fixe ; en application de l'article 14 de la loi du 21 juin 2004 rappelé plus haut, il appartenait à la société ORANGE de permettre à son client de bénéficier de la conservation de son numéro et de la continuité du service avant même la résiliation effective du contrat.

Il résulte du document intitulé ' tracage Mercure' et du procès verbal d'huissier versé aux débats que la ligne ORANGE a été coupée le 13 novembre 2015 et n'a été rétablie par la même société ORANGE que le 20 janvier 2016 ; cette coupure ne peut être imputée qu'à la seule société ORANGE, contractuellement tenue d'assurer la continuité du service téléphonique ou son rétablissement dans le délai maximal de un jour prévu par l'article L 44- I d) du Code des postes et des télécommunications ; cette société soutient que le défaut de transfert de la ligne au profit de la société BOUYGUES TELECOM serait imputable à cette dernière ; cette assertion est démentie par le compte rendu de la société BOUYGUES en date du 21 janvier 2016, et en toute hypothèse n'est étayée par aucun document ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité de la société ORANGE, celle ci n'apportant pas la preuve de l'imputabilité de la coupure de la ligne à un intervenant extérieur, et a écarté celle de la société BOUYGUES TELECOM.

La société GUGLIELMI produit plusieurs attestations émanant de clients établissant que ceux ci n'ont pu contacter leur fournisseur habituel durant la période de coupure de la ligne fixe ; il en a résulté nécessairement un préjudice économique et commercial ; eu égard à la durée de cette coupure, et à la période concernée, la somme de 20 000 € de dommages intérêts estimée par les premiers juges pour réparer ce préjudice apparaît satisfactoire.

La société FRANCE TELECOM succombant en son appel, elle devra verser à la société GUGLIELMI seule la somme de 2 000 €.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

- CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de NICE en date du 29 septembre 2017 dans l'intégralité de ses dispositions,

Ajoutant à la décision confirmée,

- CONDAMNE la société ORANGE à verser à la société GUGLIELMI & FILS la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- MET l'intégralité des dépens à la charge de la société ORANGE, dont distraction au profit des avocats à la cause en ayant fait la demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 17/22882
Date de la décision : 19/11/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°17/22882 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-19;17.22882 ?
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