La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/10/2020 | FRANCE | N°18/16828

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 09 octobre 2020, 18/16828


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 09 OCTOBRE 2020



N°2020/













Rôle N° RG 18/16828 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDHOQ







[O] [N] [C]





C/



SA XPO TANK CLEANING SUD FRANCE

Société XL INSURANCE



Etablissement Public CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

































Copie exécutoir

e délivrée

le :

à : Me Soraya SLIMANI

Me Sébastien BADIE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 26 Septembre 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21603894.





APP...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 09 OCTOBRE 2020

N°2020/

Rôle N° RG 18/16828 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDHOQ

[O] [N] [C]

C/

SA XPO TANK CLEANING SUD FRANCE

Société XL INSURANCE

Etablissement Public CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Soraya SLIMANI

Me Sébastien BADIE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 26 Septembre 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21603894.

APPELANT

Monsieur [O] [N] [C], demeurant [Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Soraya SLIMANI de la SELARL CABINET SLIMANI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SA XPO TANK CLEANING SUD FRANCE, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Valérie PONCIN-AUGAGNEUR, avocat au barreau de LYON

Société XL INSURANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Valérie PONCIN-AUGAGNEUR, avocat au barreau de LYON

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

Etablissement Public CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

elle-même représentée par Mme [E] [Y] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Septembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Monsieur Emmanuel POINAS, Conseiller

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Laura BAYOL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2020

Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Madame Laura BAYOL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [C], agent de service de la société SONECOVI SUD, devenue la société XPO TANK CLEANING SUD FRANCE, a été victime d'un accident le 19 avril 2013, lors de la mise en place du système de lavage, suite à l'inhalation de vapeurs de résines.

L'accident vasculaire cérébral ischémique protubérantiel droit avec hémiplégie gauche et sysarthrie a été constaté par un certificat médical initial le jour même.

Si la CPCAM des Bouches-du-Rhône a, dans un premier temps, refusé la prise en charge suite à l'enquête administrative, elle a, après expertise technique, reconnu le caractère professionnel de l'accident, par décision du 14 novembre 2013.

Par décision du 26 novembre 2015, la consolidation a été fixée au 4 décembre 2015 avec un taux d'IPP de 55% et une rente annuelle de 7.457,17 euros a été attribuée à M. [C], par décision du 6 janvier 2016.

Suite à l'établissement d'un procès-verbal de non-conciliation, M. [C] a saisi le tribunal des affaires de Sécurité Sociale des Bouches-du-Rhône d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, relevée et garantie par sa compagnie d'assurance, la société XL INSURANCE.

Par jugement du 26 septembre 2018, le tribunal a :

- déclaré recevable en la forme le recours de M. [C], mais mal fondé ;

- rejeté la demande de la SAS XPO TANK CLEANING SUD FRANCE, les circonstances et le caractère professionnel de l'accident du 19 avril 2013 étant parfaitement établis par les éléments versés aux débats ;

- rappelé que la reconnaissance par la CPCAM des Bouches-du-Rhône, du caractère professionnel de l'accident suite à un refus de prise en charge initialement le 8 août 2013 est inopposable à l'employeur ;

- débouté M. [C] de son action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la SAS XPO TANK CLEANING SUD FRANCE, et de toutes ses autres demandes de ce chef ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens ;

Par acte du 23 octobre 2018, M. [C] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, (04/08/2020), M. [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 23 octobre 2018 en ce qu'il a jugé que la demande de la Société

XPO TANK CLEANING SUD FRANCE devait être rejetée en raison des circonstances et du

caractère professionnel de l'accident du 19 avril 2013 parfaitement établis par les éléments versés aux débats,

En conséquence,

- réformer partiellement ledit jugement,

- dire et juger que la Société XPO TANK CLEANING SUD FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, s'est rendue responsable d'une faute inexcusable à l'encontre de Monsieur [O] [N] [C] à l'origine directe de sa maladie professionnelle,

- dire et juger que le document communiqué par la Société XPO TANK CLEANING SUD FRANCE en pièce n°22 n'est pas un document unique d'évaluation des risques produit ou qu'il est incomplet,

- dire et juger que la reconnaissance par la CPAM des Bouches du Rhône du caractère professionnel de l'accident dont a été victime [O] [N] [C] le 14 novembre 2013 est opposable à la Société XPO TANK CLEANING SUD FRANCE,

- dire et juger que l'obligation de réparation de l'employeur n'est pas sérieusement contestable,

- condamner ce faisant et solidairement, la Société XPO TANK CLEANING SUD FRANCE, prise en la personne de son représentant légal et son assureur, la Société XL INSURANCE, à lui payer la somme de 10 000 euros de provision, à valoir sur son entier préjudice.

- dire et juger qu'il bénéficiera d'une majoration de la rente qui lui a été notifiée par courrier du 06.01.2016 avec prise d'effet au 05.12.2015,

- fixer la majoration de rente ainsi allouée à son taux le plus élevé,

Aux fins de quantifier les préjudices,

- ordonner avant dire droit une expertise médicale confiée à un expert spécialisé en neurologie avec mission pour laquelle il convient de renvoyer aux conclusions:

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

M. [C] soutient qu'il est établi un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée et les activités exercées, ces conditions de travail mettant en danger sa santé, lequel danger ne pouvait être ignoré de l'employeur.

Au visa de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence, il estime caractérisée la faute de l'employeur, aux motifs que :

- l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, notant l'absence de respect des mesures de prévention au sens de l'article R.4412-1 et suivants du code du travail, notamment la mise à disposition d'équipements de protection individuelle, l'absence d'obligation de porter le masque de protection continuellement et encore l'absence de contrôle de l'atmosphère.

- l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger, au sens de l'article L.230-2 du code du travail (absence d'instructions du personnel, de précautions à observer, de mesures à prendre en cas d'accident, mais encore l'absence de salle de repos équipée d'éléments de protection et de confinement en cas de contamination par des produits nocifs ni de sas de dépollution.

M. [C] conclut à la caractérisation de la faute inexcusable, l'employeur ayant manqué à son obligation de sécurité de résultat, rappelant l'absence de réserves et de contestation du caractère professionnel de l'accident et donc l'acquiescement par l'employeur de ce que les conditions de travail étaient à l'origine de l'accident subi par lui.

Concernant les pièces produites en cause d'appel, il soutient la mauvaise foi de son ancien employeur :

Sur le mémento

- Sur l'obligation de formation : il précise être illettré, contestant donc le caractère adapté des formations et soutenant l'absence de formation portant sur la compréhension de la langue française.

- Sur le document unique d'évaluation des risques : il reproche au feuillet produit de ne pas être décliné par poste, d'être difficile à identifier, mal libellé et laborieux à lire ; il constate l'absence de dispositions spécifiques, malgré l'utilisation de produits chimiques, en matière d'événements climatiques, rappelant avoir inhalé la substance par jour de fort mistral ; il remarque l'absence de consignes claires et précises, le caractère du DUER.

Concernant le mémento spécifique à l'usage du laveur : il soutient l'absence de preuve de sa remise, l'absence d'audit annuel, l'absence de connaissance du métier, l'absence passeport dit de formation ; il estime qu'il résulte de ce mémento la connaissance du risque, notamment de suffocation et pour autant l'insuffisance des pistes de lavage aérées et l'absence d'extracteur de vapeurs ; il reproche l'absence de traçabilité du produit transporté, l'absence de recommandations pour le laveur en pause ; il constate que la possibilité de fumer est accordée durant les pauses qualifiées d'instants privilégiés par l'employeur, lequel reproche pourtant à son salarié de fumer.

Se basant sur le rapport d'expertise qu'il précise ne pas être contradictoire, il souligne la mise en évidence de l'exposition à une substance chimique nocive pour la santé, l'absence de respect des recommandations relatives aux premiers secours, la mauvaise évaluation des risques, l'absence d'aménagement particulier en cas de contamination par dispersion ou de dispositions en cas d'événements climatiques.

Il reproche à son employeur de ne pas avoir pris au sérieux son malaise, de ne pas avoir sollicité la consultation d'un médecin, qualifiant un manquement grave ayant contribué à l'aggravation de son état de santé, dont la prise en charge était urgente, rappelant par ailleurs les lésions neurologiques irréversibles.

Il considère que le dommage n'est pas imprévisible et conclut à la caractérisation de la faute inexcusable.

Sur le fondement de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, il demande à bénéficier de la majoration à son taux le plus élevé.

Au visa de l'article L.452-3 du même code, il demande réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, des préjudices esthétique et d'agrément, du préjudice professionnel en terme d'évolution de carrière et sollicite à cette fin une expertise.

La société XPO TANK CLEANING SUD FRANCE et son assureur, la société XL INSURANCE, reprenant oralement leurs conclusions déposées à l'audience, ont sollicité de la cour la confirmation en totalité du jugement déféré et fera droit aux demandes suivantes :

- dire et juger que les causes de l'AVC de M. [C] sont indéterminées ;

- dire et juger que le salarié ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre ses conditions de travail et son AVC ;

- dire et juger qu'elle ne pouvait avoir conscience d'un quelconque risque auquel pouvait être exposé M. [C] lors de sa pause à l'extérieur des locaux de l'entreprise ;

- dire et juger qu'elle rapporte la preuve d'avoir pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité de son entreprise ;

- débouter purement et simplement M. [C] de l'ensemble de ces réclamations ;

A titre subsidiaire, elle a demandé à la cour de :

- dire et juger que la mission de l'expert ne peut porter que sur les chefs de préjudice non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, l'expert devant décrire les antécédents de M. [C], décrire si un état antérieur a pu avoir une incidence directe sur les lésions ou séquelles et rapporter la preuve de l'inhalation d'un produit toxique, tel que le styrène entrainant l'accident survenu le 19 mars 2013 ;

- débouter purement et simplement M. [C] de sa demande de provision ;

- le condamner à payer à la société XPO TANK CLEANING SUD FRANCE et à son assureur XL, solidairement, la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

L'employeur et son assureur ont soutenu que M. [C] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'un lien de causalité entre l'accident et ses conditions de travail, de son exposition à un risque, de la conscience du risque par son employeur, de l'absence de mesures prises par l'employeur pour assurer sa sécurité.

Concernant l'indétermination des causes de l'accident :

Ils ont précisé qu'aucun élément médical produit par M. [C] ne permet d'établir le lien de causalité entre l'accident et les conditions de travail, que les conclusions d'expertise du 30 octobre 2013 ne sont pas médicalement motivées et ne donnent aucun élément permettant de relier le malaise allégué et les conditions de travail. Ils ont rapporté que M. [C], fumeur, souffrait déjà d'une pathologie hypertensive avant l'AVC et rappelé que le tabagisme favorise et même est à l'origine d'AVC. Ils ont également exposé que M. [C] était en pause lors du malaise. Ils ont conclu que l'odeur de stryrène émanant d'un camion dont la citerne ne contenant pas ce produit et stationnant à une quarantaine de mètres, ne pouvait être à l'origine de l'AVC et donc que les conditions de travail n'ont joué aucun rôle dans l'AVC survenu.

L'employeur a soutenu ne pouvoir avoir conscience du risque d'exposition à un AVC, ayant d'ailleurs remarqué qu'aucun manquement n'avait été relevé par les services de l'inspection du travail et que la plainte de M. [C] avait été classé sans suite.

Concernant l'absence d'exposition à un risque :

L'employeur a soutenu que son salarié n'était exposé à aucun risque au moment où il a ressenti son premier malaise, soit durant une pause et sur un lieu en plein air éloigné de la citerne, laquelle se situe dans un bâtiment.

Concernant l'absence de toxicité du produit :

L'employeur a contredit les dires de son salarié, à l'appui de la lettre de voiture et de la fiche de données sécurité, soutenant que le produit précédemment transporté par la citerne était du isoexter, non toxique, et non du styrène.

Il a souligné que M. [C] a terminé sa journée jusqu'à 16h et que l'AVC ne s'est déclenché qu'à 20h.

Concernant l'absence de conscience d'un danger par l'employeur :

L'employeur a soutenu que : M. [C] avait subi une visite médicale le 15 novembre 2012, sans que soit porté à sa connaissance un risque d'AVC ; il a fait l'objet de formations régulières à la sécurité ; les équipements de protection individuelle nécessaires étaient mis à sa disposition ; les installations étaient en parfait état et ne présentaient aucune anomalie.

La CPCAM des Bouches-du-Rhône,reprenant oralement ses conclusions (18/07/2020) déposées à l'audience, a demandé à la cour de prendre acte qu'elle s'en rapporte quant à la reconnaissance de la faute inexcusable et à la majoration de la rente. Si la faute inexcusable est reconnue, elle sollicite la condamnation de la société XPO TANK CLEANING SUD France à lui rembourser la totalité des sommes dont elle sera tenue d'assurer par avance le paiement et de déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la compagnie d'assurance XL INSURANCE.

Elle soutient que l'action récursoire contre l'employeur du remboursement des sommes avancées au profit du salarié trouve son fondement dans l'indépendance des rapports des procédures à l'égard de l'assuré et de l'employeur et en déduit l'indépendance du contentieux de la faute inexcusable de celui de la reconnaissance du caractère professionnel du sinistre.

S'appuyant sur la jurisprudence, elle considère que l'inopposabilité à la société de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ne fait pas obstacle à l'action récursoire de la caisse à l'encontre de la société.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Ces critères sont cumulatifs. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié : il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes ont concouru au dommage. Mais une relation de causalité entre les manquements susceptibles d'être imputés à l'employeur et la survenance de l'accident doit exister à défaut de laquelle la faute inexcusable ne peut être retenue. La faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.

Il appartient au salarié de prouver que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ' conscience du danger et absence de mise en place des mesures nécessaires pour l'en préserver ' sont réunis. Lorsque le salarié ne peut rapporter cette preuve ou même lorsque les circonstances de l'accident demeurent inconnues, la faute inexcusable ne peut être retenue.

En l'espèce M. [C] reproche à son employeur de ne pas avoir pris les précautions nécessaires sachant qu'il allait se trouver exposé à l'inhalation de produits toxiques.

La déclaration d'accident du travail mentionne que « Lors de la mise en place du système de lavage, Monsieur [C] qui se trouvait à l'extérieur des pistes de lavage a inhalé des vapeurs de résine. Il s'est senti mal mais après un moment à l'air frais a repris son travail jusqu'à 16 h 00. Vers 20 h 00 il s'est senti à nouveau mal ».

En effet, M. [C] a été hospitalisé dans la soirée du 19 avril 2013 et le certificat médical initial fait état d'un AVC ischémique protubérantiel droit avec hémiplégie gauche et dysarthrie.

M. [C] attribue cet accident vasculaire cérébral à l'inhalation d'un produit, le styrène, présent dans la cuve que devait nettoyer un de ses collègues de travail alors qu'il se trouvait en pause cigarette à une cinquantaine de mètres de l'engin.

Cet accident n'a pas été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la Caisse primaire d'assurance maladie dans un premier temps en raison de l'absence de lien de causalité entre l'inhalation d'un produit et l'AVC. Ce n'est que sur recours de l'assuré et au terme d'une expertise technique du 30 octobre 2013 que le caractère professionnel de l'accident sera reconnu.

La reconnaissance du caractère professionnel de cet accident demeure donc inopposable à la société XPO TANK CLEARING SUD FRANCE.

Sur l'exposition du salarié au risque et à la connaissance que pouvait en avoir l'employeur, il est produit au débat la lettre de voiture concernant le véhicule d'où se sont échappées les émanations toxiques confirmant que le produit transporté était du Isoexter 4442, résine de polyuréthanne qui n'est pas classé comme produit toxique. Dès lors, la citerne n'était pas censée contenir un produit solvant de type styrène. Ce n'est qu'à la lecture du rapport d'expertise de la société VeriTech, menée à l'initiative de l'employeur après l'accident, qu'il est apparu, selon les déclarations de M. [J], le salarié chargé de procéder aux opérations de lavage de la citerne litigieuse, que « certains conducteurs pouvaient mettre des solvants, après vidange du produit, lors du transport et dans l'attente du lavage, afin que le solvant empêche l'encrassement de l'intérieur de la remorque-citerne». M. [J] a ainsi détecté une odeur caractéristique du styrène.

Pour autant, aucun élément produit au débat ne permet d'affirmer que l'employeur était informé d'une telle pratique et qu'il ait eu connaissance de la présence de styrène dans la cuve. A supposer exactes les déclarations de M. [J], et eu égard à l'expérience de ce dernier, il semblerait que la dose de styrène présente ce jour-là était anormalement élevée dans la mesure où aucun antécédent de cette nature ne s'était produit.

Lors des opérations d'expertise, le conducteur du camion citerne a contesté avoir versé ce type de solvant dans la citerne. La certitude que la citerne contenait du styrène n'est donc pas établie étant observé que les opérations de lavage se sont poursuivies et qu'aucune trace de styrène n'a été relevée.

Dès lors l'employeur ne pouvait avoir connaissance du danger auquel était exposé M. [C] qui, de surcroît, n'était pas préposé au lavage de ladite citerne mais se trouvait en pause-cigarette à une cinquantaine de mètres de l'aire de lavage, les émanations ayant été propagées par l'effet du vent.

Sur les mesures prises immédiatement par l'employeur après le premier malaise de M. [C], et en l'absence de toute information relative à la présence d'un quelconque solvant à l'intérieur de la cuve, le rapport d'expertise de la société VeriTech rapporte «qu'au niveau des premiers secours en cas d'inhalation, il n'y a pas de recommandations spéciales, si ce n'est de donner de l'air frais et de garder au chaud la personne exposée...». C'est effectivement la conduite qui a été adoptée et que reproche M. [C] à son employeur. Il n'est pas discuté que M. [C] a pu reprendre son activité normalement par la suite jusqu'à la manifestation des effets de cet accident dans la soirée alors que le salarié avait regagné son domicile.

Le rapport d'expertise précise que «La nature du produit ne devait donc pas entraîner de mesures de précaution particulières de la part du laveur lors de l'ouverture des dômes».

Sur les mesures de prévention, l'employeur produit aux débats : les audits de lavage pour les opérateurs en station (2001 et 2012 pour M. [C] en particulier), les attestations de formation notamment d'une durée de sept heures le 9 juin 2012 sur le réglement APLICA et formation sur les risques QSE en février 2011, le recensement des EPI à la disposition de M. [C], l'attestation de remise de matériel de sécurité...

Le rapport d'expertise VeriTech confirme les formations régulières dispensées aux laveurs et analyse la pertinence du guide interne du laveur.

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

L'équité n'impose pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce.

M. [C] supportera les dépens de l'instance, étant précisé que l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dont l'article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce,

- Condamne l'appelant aux éventuels dépens de l'instance.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 18/16828
Date de la décision : 09/10/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°18/16828 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-09;18.16828 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award