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18/09/2020 | FRANCE | N°17/17622

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 18 septembre 2020, 17/17622


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 18 SEPTEMBRE 2020



N° 2020/275













Rôle N° RG 17/17622 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBH6Y







SAS ONET SERVICES





C/



[T] [H]



Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHO NE























Copie exécutoire délivrée

le : 18 septembre 2020 à :

Me Jean-Cl

aude PERIE

Me Roger VIGNAUD



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 25 Août 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F15/00021.





APPELANTE



SAS ONET SERVICES Prise en...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 18 SEPTEMBRE 2020

N° 2020/275

Rôle N° RG 17/17622 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBH6Y

SAS ONET SERVICES

C/

[T] [H]

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHO NE

Copie exécutoire délivrée

le : 18 septembre 2020 à :

Me Jean-Claude PERIE

Me Roger VIGNAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 25 Août 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F15/00021.

APPELANTE

SAS ONET SERVICES Prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège, sis [Adresse 3]

Représentée par Me Jean-Claude PERIE de la SELARL PIOS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [T] [H], demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, les parties ont été informées que la procédure se déroulerait sans audience et ne s'y sont pas opposées dans le délai de 15 jours.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2020.

COMPOSITION DE LA COUR

Madame Corinne HERMEREL, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2020,

Signé par Madame Marina ALBERTI, Conseiller, pour le Président empêché et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et procédure

Monsieur [T] [H] a été embauché par la société ONET SERVICES le 8 novembre 2001 selon contrat à durée indéterminée à temps partiel, puis selon avenant en date du 1er novembre 2008, selon contrat à durée indéterminée à temps plein et exerce les fonctions d'agent qualifié de propreté , niveau 2 ( AQS 2B) sur différents sites ( ESSO [Localité 4], Mazargues, Sabliers ) avec une clause de mobilité sur le secteur géographique de l'établissement de ONET SERVICES [Localité 6].

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté.

Il a saisi le 29 décembre 2014 le conseil de prud'hommes de Martigues de demandes en paiement de primes de 13ème mois et d'une demande de dommages et intérêts. D'autres salariés ont initié des procédures identiques à la présente.

Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône est intervenu à la procédure.

Selon jugement de départage en date du 25 août 2017, le conseil de prud'hommes de Martigues a :

- rejeté la prescription soulevée,

- condamné la société ONET SERVICES, en application du principe de l'égalité de traitement, à verser au salarié les sommes de :

7 945,97 euros au titre de la prime de 13ème mois,

4 043,74 euros à titre de prime de vacances,

9 672,15 euros à titre de rappel de prime de transport,

500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré recevable l'intervention du Syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône,

- condamné la société ONET SERVICES à verser au Syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 250 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession qu'il représente et la somme de 50 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toute autre demande,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté la société ONET SERVICE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société ONET SERVICES aux dépens.

Par déclaration du 28 septembre 2017, la SAS ONET SERVICES a interjeté appel de la décision.

Vu les conclusions de la SAS ONET SERVICES notifiées le 8 janvier 2020,

Vu les conclusions de Monsieur [T] [H] et du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône notifiées le 20 décembre 2019,

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure intervenue le 9 janvier 2020.

Vu la fixation de l'affaire à l'audience du 3 avril 2020, audience qui n'a pu être tenue en raison de la déclaration d'état d'urgence sanitaire issue de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19,

Vu l'information donnée aux partie le 11 mai 2020 du recours à l'article 7 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 et l'absence d'opposition des parties dans le délai de 15 jours,

Vu l'avis notifié aux parties par RPVA de la date de mise à disposition au greffe du présent arrêt.

Prétentions et moyens des parties

La société ONET SERVICES conclut à l'infirmation du jugement :

*en ce qu'elle a été condamnée à verser au salarié :

- un rappel de prime de 13ème mois,

- un rappel de prime de vacances,

- un rappel de prime de transport,

- 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

*en ce que le syndicat CGT a été déclaré recevable à agir ;

*en ce qu'elle a été condamnée à verser au syndicat 250 euros de dommages et intérêts et 50 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle sollicite la confirmation du jugement en ce que le salarié a été débouté de ses autres demandes et réclame la condamnation de ce dernier à lui verser 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle soutient que les salariés auxquels l'intimé se compare ne sont pas placés dans une situation identique et n'effectue pas un même travail ou un travail de valeur égale ; que même dans l'hypothèse où le principe d'égalité aurait vocation à s'appliquer, l'existence de causes objectives justifient les différenciations.

Sur la gratification de fin d'année égale à un mois de salaire qu'elle conteste être un 13ème mois, elle soutient qu'elle n'a pas méconnu le principe de l'égalité de traitement puisque cette gratification a été accordée à des salariés de catégories professionnelles différentes (secrétaires administratives, agents de maîtrise, directeurs d'agence) de celles de l'intimé (agent qualifié de service) et que cette différence de traitement repose sur des raisons objectives dès lors que l'avantage consenti est destiné à prendre en compte les spécificités de la catégorie professionnelle considérée (conditions d'exercice des fonctions, évolution de carrière, modalités de rémunération) et du travail fourni.

Elle relève que l'intimé se comparait aussi en première instance à deux salariés Mesdames [Z] et [N], affectées sur le site de l'institut Paoli Calmette, alors que ces dernières bénéficiaient d'une prime de 13e mois résultant du maintien des avantages qu'elles avaient antérieurement acquis auprès d'un précédent employeur, en application des dispositions de la convention collective.

En ce qui concerne la revendication de la prime de fin d'année d'un montant de 1 470 euros perçue par les salariés de l'entreprise ONET exerçant leurs fonctions sur le site du CEA de Cadarache, l'employeur fait valoir que cette prime a été fixée par un accord conclu dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire le 27 octobre 2010, accord conventionnel signé par l'employeur avec les représentants des syndicats représentatifs (CGT et FO), qui emporte une présomption de justification des différences de traitement entre les salariés ONET de l'établissement du CEA de Cadarache et les autres salariés de l'entreprise ONET. L'appelante considère que le salarié intimé ne renverse pas cette présomption de légitimité et ne démontre pas que ces différences de traitement sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

La société objecte également que quand bien même cette gratification résulterait, à l'origine, d'un engagement unilatéral de l'employeur, cet avantage étant repris dans un accord collectif changerait de nature juridique. En tout état de cause la société rappelle que le site de Cadarache présente des caractéristiques et des contraintes particulières qui justifient la différence avec des salariés d'autres établissements, ces particularités constituant des raisons pertinentes, réelles et objectives de différenciation.

À propos de la prime de panier, dont le salarié a été débouté par le premier juge, la société ONET fait valoir que le site de Cadarache se trouve isolé et éloigné du domicile des salariés, ce qui rend impossible la prise de repas chez soi, et ce alors même qu'il existe un restaurant sur le site, qui suppose une dépense de l'ordre de 8 à 10 € par repas.

La société expose que c'est le motif pour lequel une prime de panier a été décidée dans le cadre de la négociation annuelle pour compenser les sujétions particulières du site. Ici encore, selon elle, l'accord d'établissement emporte une présomption de légitimité de la différence de traitement entre salariés d'établissements distincts.

Elle critique toute comparaison avec Madame [Y], très ancienne employée, avec Madame [I] [M] embauchée en contrat à durée déterminée dans un autre établissement à [Localité 5], et avec Monsieur [A] [G] affecté en premier lieu sur le site de Cadarache et ensuite à compter du 1 janvier 2013 sur un autre site à [Localité 7], avec maintien des avantages acquis antérieurement.

Elle conclut principalement à l'intégration de cet avantage, au même titre que la prime de fin d'année, dans l'accord collectif du 27 octobre 2010.

Concernant la prime de transport alloué aux salariés de l'agence de Cadarache qui bénéficient d'une indemnité forfaitaire de trajet par jour travaillé à raison de l'éloignement du site, elle fait valoir que cet avantage résulte également de l'accord d'établissement du 27 octobre 2010 et considère que le salarié ne démontre pas que la différence de traitement présumée légitime serait étrangère à toute considération professionnelle. Elle écarte la comparaison faite par le salarié avec les situations de Madame [M] et de Monsieur [G], comme indiqué à propos de la prime de panier.

Sur la prime de vacances la société critique la comparaison faite par le salarié avec le responsable d'exploitation [W] [D], qui bénéficie, ainsi que les cadres seulement, de cette prime de vacances. Elle considère que la prime de vacances participe de la rémunération annuelle versée au même titre que le salaire de base, à l'instar de la prime de 13e mois et que la différence de catégories professionnelles entre celle de l'intimé et celle de Monsieur [D] justifie la disparité dans l'octroi de cette prime de vacances. Enfin, la société critique la pertinence de la comparaison faite avec Madame [Y] au motif que cette référence est ancienne et totalement isolée.

La société ONET demande enfin de déclarer irrecevable l'intervention du syndicat CGT, aux motifs qu'il n'aurait pas déposé ses statuts en préfecture et que son intervention s'inscrit dans la défense d'un intérêt catégoriel et non de l'intérêt collectif de la profession. En tout état de cause, elle conclut au débouté des demandes du syndicat.

Monsieur [T] [H] et le Syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône demandent à la cour :

- la confirmation du jugement déféré à l'exception du rejet de la demande de rappel de la prime de panier, et de recevoir l'appel incident concernant cette prime de panier.

- et si la réclamation au titre de la prime de 13ème mois était rejetée, de faire droit à la demande de rappel de prime de fin d'année de 1 470 euros par an, en comparaison avec les salariés dépendant de Cadarache et de l'agence de [Localité 7].

Il sollicite le paiement des sommes suivantes :

- 11 742,64 euros au titre de la prime de fin d'année,

- 13 999,82 euros au titre de la prime de panier,

- 11 444,75 euros au titre de la prime de trajet,

- 2 482,63 euros au titre de la prime de vacances (soit 20% du salaire de base)

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [T] [H] réclame le paiement des primes accordées aux salariés d'ONET qui travaillent sur le site du CEA de Cadarache et de [Localité 7]. Il fait valoir qu'il exerce le même travail et appartient à la même catégorie professionnelle et a la même classification que celle des salariés auxquels elle se compare.

Il soutient que les primes revendiquées n'ont pas pour origine l'accord de négociation annuelle du 27 octobre 2010 puisqu'elles ont été versées à Madame [Y], dont il produit les bulletins de salaire, qui travaillait sur le site du CEA de Cadarache de 1989 à 1997; que selon les attestations de Monsieur [V] et de Monsieur [S], délégué syndical CGT signataire dudit accord, ces primes préexistaient depuis longtemps au dit accord.

Il considère que cet accord n'est pas un accord collectif et que si tel était le cas, il incomberait à l'employeur de justifier les raisons objectives qui l'ont conduit à réserver aux seuls salariés du périmètre de l'accord les avantages mis en place par les organisation syndicales.

Il estime que les salariés, qui, comme lui, sont entrés dans l'entreprise ONET antérieurement au 27 octobre 2010 doivent pouvoir bénéficier eux aussi des primes qui étaient déjà accordées aux salariés travaillant sur le site de Cadarache, l'inégalité de traitement préexistant à l'accord NAO.

Il relève que la prime de fin d'année de 1 470 euros est attribuée à des salariés travaillant sur le CEA de Cadarache , qu'ils soient en zone dite 'chaude' ou non, et qu'il appartient à la même catégorie professionnelle et exerce un travail égal ou de valeur égale à celui des 21 salariés d'ONET qu'elle désigne nommément.

Selon lui, la prime de panier doit lui être attribuée dès lors qu'en présence de deux lieux de restauration sur le site de Cadarache, l'employeur ne peut avancer comme raison objective la nécessité de se restaurer ailleurs que sur le site. Au surplus, deux salariées, Mesdames [P] et [E] perçoivent cette prime alors qu'elles habitent à [Localité 7], soit à proximité du CEA où elles travaillent. Enfin une salariée d'ONET, Madame [M], la touchait également alors qu'elle était affectée sur l'agence de [Localité 5].

Le salarié invoque également, à propos de la prime de trajet, qu'elle est versée au personnel du site de Cadarache et de l'agence de [Localité 7] alors même que le personnel d'ONET peut emprunter sans frais le bus mis à disposition des salariés du CEA pour se rendre sur le lieu de travail et que les salariés perçoivent cette prime sans considération de la proximité ou de l'éloignement de leur domicile par rapport au lieu de travail.

Concernant la prime de vacances, perçue notamment par Monsieur [W] [D] agent de maîtrise, à concurrence de 20% de son salaire de base, l'intimé argue de ce qu'elle ne compense pas une sujétion particulière au site de Cadarache et qu'elle est un supplément de salaire dont les employés bénéficient quelle que soit leur catégorie professionnelle.

Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône conclut à la recevabilité de son intervention et demande la condamnation de la société ONET SERVICES à lui verser la somme de 200 euros par salarié en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, outre 50 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils demandent à la cour de dire que l'intégralité des sommes allouées produira intérêts de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation et sollicite la condamnation de la société ONET SERVICES aux dépens ainsi qu'au remboursement du timbre fiscal.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il convient de se référer aux écritures des parties, susvisées et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'intervention du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône

L'article L. 2131-1 du code du travail dispose : 'Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts.'.

L'article L. 2131-3 du code du travail dispose : 'Les fondateurs de tout syndicat professionnel déposent les statuts et les noms de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de l'administration ou de la direction. Ce dépôt est renouvelé en cas de changement de la direction ou des statuts.'.

L'article L. 2132-3 du code du travail dispose : 'Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.'.

L'article L. 2121-1 du code du travail dispose : 'La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ; 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations.'.

Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône justifie de l'adoption de ses statuts lors d'une assemblée générale tenue le 25 janvier 2017 à [Localité 6] et du dépôt de ces statuts à la mairie de [Localité 6] en date du 31 mars 2017.Il a donc la capacité d'ester en justice.

Les syndicats répondant aux conditions visées par les articles L. 2131-1 et L. 2131-3 du code du travail peuvent donc agir en justice pour défendre les intérêts de la profession qu'ils représentent. Comme l'a motivé le premier juge, en sollicitant l'extension à son profit d'avantages dont bénéficient certains de ses collègues, sur le fondement du principe d'égalité de traitement, la salariée soulève une question qui dépasse son intérêt personnel et entre dans le cadre de l'intérêt collectif de la profession, la solution du litige pouvant avoir des conséquences sur l'ensemble des personnels de ces entreprises de propreté. Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône est donc recevable à intervenir dans le cadre de la présente procédure.

Sur l'égalité de traitement

Le principe 'à travail égal, salaire égal' impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique, effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

La notion de travail de valeur égale s'entend, selon l'article L. 3221-4 du code du travail relatif à l'égalité hommes femmes, 'des travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse'.

Il appartient au salarié qui s'estime victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait, loyalement obtenus, laissant supposer son existence. Il doit ainsi mettre en évidence une différence de traitement en se comparant à des salariés qui sont placés dans une situation de travail identique à la sienne. Il incombera alors à l'employeur de justifier de la différence de traitement par des raisons objectives et pertinentes.

En cas de litige, les juges doivent se livrer à une analyse comparée des missions, des tâches et des responsabilités des salariés, quand bien même ils appartiendraient à une même catégorie professionnelle.

La différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenue ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement.

Sont présumées justifiées , de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle, les différences de traitement entre catégories professionnelles, opérés par voie de convention ou d'accords collectifs

entre salariés appartenant à la même entreprise mise à des établissements distincts, opérés par voie d'accords d'établissement ou d'entreprise.

Sur la prime de 13ème mois

Une gratification de fin d'année égale à un mois de salaire bénéficiait aux secrétaires administratives, agents de maîtrise et directeurs d'agence de l'agence ONET au sein de l'institut Paoli-Calmettes. En comparant sa situation d'agent de service, au regard de sa rémunération, à la situation de salariés exerçant des fonctions totalement différentes des siennes, Monsieur [T] [H] ne se compare pas à des salariés se trouvant dans des situations de travail égal ou de valeur égale à la sienne et ne soumet pas à la cour d'éléments caractérisant l'inégalité de traitement qu'elle invoque.

Monsieur [T] [H] s'est également comparé, pour revendiquer le bénéfice de la prime de 13 ème mois, à deux salariées de la même entreprise, Mesdames [Z] et [N], qui percevaient antérieurement cette prime au sein de l'entreprise SAMSIC, avantage qu'elles avaient conservé au sein d'ONET en application des dispositions de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, dans le cadre d'une reprise de marché de l'entreprise SAMSIC par la société ONET à compter du 1er février 2006 et du transfert de leur contrat de travail qui en a découlé.

Or, la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle et qui résulte de l'obligation à laquelle est tenue ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement.

C'est ainsi à juste raison que la société ONET sollicite l'infirmation de la décision sur l'octroi de la prime du treizième mois, disposition qui n'est pas discutée par le salarié, ce dernièr se limitant à solliciter, en cas de rejet de la prime de 13ème mois, une prime de fin d'année.

Sur la prime de fin d'année, de panier et de trajet

Ces primes revendiquées par le salarié sont expressément visées dans l'accord de négociation annuelle obligatoire (NAO) du 27 octobre 2010, dont le caractère collectif est discuté par l'intimé.

Il ressort par ailleurs des attestations de Messieurs [S] et [V] , ainsi que des bulletins de salaire d'une ancienne salariée d'ONET, Madame [Y], que des primes de fin d'année, de panier et de trajet ont été versées antérieurement à l'accord NAO du 27 octobre 2010.

La cour observe que n'est versé au débat aucun élément précis tendant à établir l'origine de l'attribution de ces primes de fin d'année, de panier et de trajet avant le 27 octobre 2010 au bénéfice des salariés travaillant sur le site de Cadarache.

En tout état de cause, pour que sa revendication soit examinée utilement, Monsieur [T] [H] doit mettre en évidence une différence de traitement en soumettant à la cour des éléments de comparaison avec des salariés placés dans une situation de travail identique à la sienne.

Or, Monsieur [T] [H], qui précise qu'il ne se compare pas à Madame [Y], dont le contrat de travail s'est achevé en 1997, soit avant sa propre embauche en 2001, ne se compare à personne d'autre en particulier, de sorte que, faute d'élément de comparaison, il ne peut efficacement invoquer une quelconque inégalité de traitement qu'il aurait subi dans la période antérieure au 27 octobre 2010. Les attestations produites sont à cet égard inopérantes.

S'agissant de la nature et de la portée de la négociation annuelle obligatoire du 27 octobre 2010, il est versé aux débats un document à l'en-tête de la société ONET SERVICES, daté du 27 octobre 2010, intitulé 'ACCORDS ET NEGOCIATIONS ANNUELLES' et signé à Cadarache par des représentants d'organisations syndicales (CGT / FO).

Ce document mentionne expressément les dispositions suivantes au bénéfice des seuls salariés de l'entreprise affectés sur le site du CEA de Cadarache :

- revalorisation des primes : (1,50 % d'augmentation à compter du 1er novembre 2010)

prime de trajet : montant actuel = 5,78 euros par jour travaillé ; montant revalorisé = 5,87 euros par jour travaillé,

prime de site : montant actuel = 2,020 euros par jour travaillé ; montant revalorisé = 2,050 euros par jour travaillé,

- pas d'augmentation pour la prime de panier (2 fois le MG) ;

- négociation de l'échéancier de la prime de fin d'année :

870 euros en 2010 (+ 100 euros par rapport à 2009),

970 euros en 2011,

1 070 euros en 2012,

1 170 euros en 2013,

1 270 euros en 2014,

1 370 euros en 2015,

- augmentation des salaires : une augmentation des salaires de 1,50 % aura lieu en janvier 2011.

Ce document du 27 octobre 2010 a été signé dans le cadre de la négociation annuelle imposée par les articles L. 2241-1 et L. 2241-2 du code du travail alors applicables. Il n'est pas contesté que, nonobstant l'absence de signature d'un représentant de l'employeur, les dispositions de l'accord précité ont été appliquées par la société ONET SERVICES à tous les salariés de l'entreprise affectés sur le site de Cadarache. Dès lors, l'absence de signature de l'employeur, qui est nécessairement le partenaire de l'accord qu'il a mis en oeuvre, n'est pas de nature à priver l'accord de sa portée.

Constitue un accord collectif en matière d'égalité de traitement tout accord conclu après négociation avec les délégués syndicaux appartenant à des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou l'établissement. Tel est le cas en l'espèce puisque les délégués syndicaux CGT et FO qui ont signé l'accord collectif du 27 octobre 2010 appartenaient alors à des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et sur le site de Cadarache.

Il en résulte qu'à compter du 27 octobre 2010, les montants des primes de trajet, de panier et de fin d'année, maintenues ou revalorisées, ont été fixés par cet accord collectif assimilable à un accord d'établissement.

Le périmètre de l'accord NAO précité vise tous les salariés de la société ONET SERVICES qui interviennent sur le site de Cadarache, comprenant notamment les chantiers secteurs ou bâtiments du CEA, de Sodexo, ITER, Technicatome, RJH, RES TA, EDF, ERDF, RTE, CRNA et DGAC, et ce, sans distinction de chantier d'affectation ou de nomenclature.

L'accord d'établissement crée une présomption de légitimité de la différence de traitement instaurée entre les salariés de la même entreprise mais affectés dans des établissements distincts, tels les salariés ONET de l'établissement de Cadarache et l'intimé qui travaille dans plusieurs autres sites situés dans le secteur de [Localité 6].

Il appartient à l'intimé, qui conteste ces différences de traitement, de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle, ce que ne fait pas Monsieur [T] [H] à propos des salariés d'ONET qui se trouvent dans le périmètre de l'accord et qui touchent en conséquence la prime de fin d'année, de panier et de trajet.

Si la prime de fin d'année ne peut être expliquée par la dangerosité du site, certains salariés travaillant en zone 'froide' et d'autres en zone 'chaude', il demeure que le site de Cadarache impose à tous ceux qui y travaillent des sujetions particulières en termes de protection, de sûreté et de sécurité, liées à la sensibilité de ce site, qu'il y ait ou non une exposition aux rayons ionisants.

Pour mettre en évidence une inégalité de traitement avec des salariés d'ONET qui ne se trouvent pas dans le périmètre de l'accord, Monsieur [T] [H] se compare à Madame [M], qui a perçu en 2017 une prime de panier alors qu'elle travaillait sur une agence de [Localité 5].

Cependant, il résulte des pièces produites que le contrat de travail de Madame [M] au sein de la société ONET SERVICES était à durée déterminée, cantonné sur une seule semaine en juillet 2017, avec un temps partiel à effectuer de 8 H à 15 H sur quatre jours, sur un chantier TS 04 situé à [Localité 5]. L'origine de sa prime est contractuelle et les conditions de son emploi, mises en évidence par l'employeur, en particulier son amplitude horaire de travail et le trajet de 45 kilomètres à effectuer entre le lieu de travail à [Localité 5] et son domicile, constituent les raisons objectives et pertinentes justifiant l'inégalité de traitement entre Monsieur [T] [H] et Madame [M].

S'agissant de la prime de trajet, visée par l'accord NAO suscité, Monsieur [T] [H] compare sa situation avec celle de Monsieur [G]. Or, il résulte des documents produits que Monsieur [G] a été engagé par la société ONET agence de CADARACHE pour exercer son travail sur le chantier d'EDF, le contrat prévoyant par ailleurs une clause mobilité sur tout autre chantier du ressort de l'établissement de [Localité 7]. Monsieur [G] a donc perçu la prime de trajet revendiquée par Monsieur [T] [H] parce qu'il était engagé par la société ONET sur un des sites listés dans le périmètre de l'accord NAO susvisés.La différence de traitement entre les deux salariés était donc présumée justifiée. Le transfert de Monsieur [G] le 1er janvier 2013, au sein de l'établissement ONET SERVICES [Localité 7] pour exercer son travail sur le chantier d'ERDF, qui au surplus rentre également dans le périmètre de l'accord NAO n'a pas pu avoir d'incidence sur la perception de cette prime maintenue à son profit. Il résulte de cette analyse que la comparaison faite par Monsieur [T] [H] avec ce salarié est inopérante.

Enfin, il apparaît que le CEA de Cadarache est un site isolé géographiquement, et cet éloignement, sans considération de la domiciliation des salariés, et peu important que le CEA de Cadarache ait mis à la disposition de tous un, voire deux restaurants collectifs ainsi que des

transports en commun, constitue une raison objective pour que la société ONET octroie une prime de trajet et une prime de panier aux salariés affectés sur ce site.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande du salarié tendant au paiement d'un rappel de prime de 13ème mois et d'un rappel de prime de trajet et il sera confirmé, avec substitution de motifs, en ce que le salarié a été débouté de sa demande de rappel de primes de panier.

Sur la prime de vacances

En application du principe d'égalité de traitement, la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence.

En l'espèce, la nature de l'avantage revendiqué est une prime de vacances dont l'objet est une somme d'argent qui, comme son nom l'indique, et en l'absence de définition proposée par l'employeur, est censée augmenter le budget 'loisirs' du salarié qui en bénéficie. Cet avantage, versé en mai selon le bulletin de salaire de Monsieur [D], est donc lié à la prise de congés, qui constitue un droit dont bénéficient tous les salariés de l'entreprise, indépendamment du poste occupé et du travail fourni.

Il ressort de l'attestation de Monsieur [D], agent de maîtrise, que cette prime lui a été attribuée pendant sa période d'emploi soit de janvier 2013 au 27 mars 2015 et que son attribution ne dépendait ni des qualifications ou classifications des salariés, ni des spécificités particulières des emplois considérés. Elle est corroborée par la production de sa fiche de paye dont il résulte que la prime de vacances qu'il percevait était égale à 20% de son salaire de base.

La société ONET ne conteste pas avoir versé une telle prime à d'autres salariés que Monsieur [D], tels certains cadres et agents de maîtrise de l'entreprise.

L'existence d'une inégalité de traitement a ainsi été établie et la différence instaurée entre les salariés de la même entreprise n'étant pas justifiée par des raisons objectives et pertinentes, Monsieur [T] [H] est en droit de solliciter le bénéfice de cette prime de vacances depuis les 5 années précédant la saisine du conseil de prud'hommes et la société ONET sera condamnée à lui verser à ce titre la somme réclamée de 2482,63 euros. Le jugement sera infirmé sur le quantum alloué.

Sur la demande de dommages et intérêts du syndicat

Au regard de la violation de l'égalité de traitement quant à l'attribution d'une prime de vacances et au regard des circonstances de l'espèce, le société ONET sera condamnée à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône une somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société ONET supportera la charge des entiers dépens de la procédure . Le jugement sera confirmé sur ce point.

Les considérations d'équité justifient la confirmation du jugement déféré quant aux condamnations de la société ONET à l'égard du salarié et du syndicat CGT au titre des frais irrépétibles de première instance.

En cause d'appel, la société sera condamnée à verser au salarié la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Les considérations d'équité ne conduisent pas à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit du syndicat en cause d'appel

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe, par arrêt contradictoire , en matière prud'homale

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société ONET SERVICES à verser à Monsieur [T] [H] un rappel de la prime de 13ème mois et un rappel de prime de trajet ( ou prime de transport),

Infirme le jugement sur le quantum des sommes allouées à Monsieur [T] [H] au titre du rappel de prime de vacances et sur le quantum des sommes allouées au syndicat CGT à titre de dommages et intérêts,

Confirme le jugement pour le surplus

Statuant de nouveau sur les points infirmés

Déboute Monsieur [T] [H] de sa demande de rappel de prime de 13ème mois et de sa demande de rappel de prime de trajet,

Condamne la société ONET SERVICES à verser la somme de 2482,63 euros à Monsieur [T] [H] au titre du rappel de prime de vacances,

Dit que cette somme porte intérêt à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Martigues,

Condamne la société ONET SERVICES à verser la somme de 50 euros au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône, à titre de dommages et intérêts,

Dit que cette somme porte intérêt à compter du présent arrêt.

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [T] [H] de sa demande de rappel de prime de fin d'année,

Condamne la société ONET SERVICES à verser la somme de 500 euros à Monsieur [T] [H] au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

Déboute le syndicat CGT des Bouches-du-Rhône de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la société ONET SERVICES à supporter les entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIERLE CONSEILLER

Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 17/17622
Date de la décision : 18/09/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-18;17.17622 ?
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