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11/09/2020 | FRANCE | N°19/07157

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 11 septembre 2020, 19/07157


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 11 SEPTEMBRE 2020



N°2020/













Rôle N° RG 19/07157 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGK2







Organisme CAISSE LOCALE DELEGUEE SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS COTE D'AZUR





C/



[V] [R]











































Copie exéc

utoire délivrée

le :

à : Me Clémence AUBRUN

Monsieur [V] [R]





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 05 Avril 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 18/801.





APPELANTE



Organisme CAISSE LOCALE DELEGUEE SECURITE SOCIALE DES TR...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 11 SEPTEMBRE 2020

N°2020/

Rôle N° RG 19/07157 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGK2

Organisme CAISSE LOCALE DELEGUEE SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS COTE D'AZUR

C/

[V] [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Clémence AUBRUN

Monsieur [V] [R]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 05 Avril 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 18/801.

APPELANTE

Organisme CAISSE LOCALE DELEGUEE SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Clémence AUBRUN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laurianne MALDENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [V] [R], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de M. [Z] [M] (Président du syndicat TALESS) en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Laura BAYOL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2020

Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [W] [R], affilié à la sécurité sociale des indépendants depuis le 1er septembre 2015, en qualité d'artisan pour une activité de terrassement, a reçu une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 septembre 2017, portant sur ses cotisations du 3ème trimestre 2017 pour un montant de 2.532 euros et 136 euros de majorations de retard, soit la somme de 2.668 euros.

Il a reçu le 20 décembre suivant, une seconde mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, portant sur ses cotisations du 4ème trimestre 2017 pour un montant de 2.564 euros et 138 euros de majorations de retard, soit la somme de 2.702 euros.

N'ayant pas régularisé sa situation, une contrainte en date du 12 avril 2018 lui a été signifiée le 27 avril 2018 par la Caisse du Régime social des indépendants (RSI) de Côte d'Azur pour un montant de 5.370 euros.

Le 4 mai 2018, le cotisant a régulièrement formé opposition auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes-Maritimes.

Par jugement du 5 avril 2019, le tribunal de grande instance de Nice ayant repris l'instance, a annulé la contrainte, au motif que l'apposition d'une signature scannée ne permet pas de s'assurer que la personne désignée comme signataire est effectivement celui qui appose la signature et approuve l'acte.

Par déclaration au greffe reçue le 26 avril 2019, la caisse du Régime Social des Indépendants Côte d'Azur a interjeté appel.

Par conclusions déposées à l'audience du 18 juin 2020, qu'elle reprend oralement, la caisse demande:

-l'infirmation du jugement du tribunal de grande instance rendu le 5 avril 2019,

-le rejet des prétentions nouvelles de M. [V] [R],

-la confirmation de l'affiliation de M. [R] aux organismes de sécurité sociale des travailleurs indépendants,

-la validation de la contrainte émise le 12 avril 2019 et signifiée le 27 avril 2018, pour un montant total de 5.370 euros,

-la condamnation de M. [R] au frais de signification,

-le rejet des autres demandes de M. [R].

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

-qu'elle a bien qualité à agir à la place de la Caisse du RSI Côte d'Azur, conformément aux dispositions de la loi n°2017-1386 du 30 décembre 2017 ayant acté la suppression du RSI et la poursuite du recouvrement des cotisations par l'Urssaf à compter du 1er janvier 2018,

-l'intervention de la caisse déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants en apportant son concours à l'Urssaf est prévue jusqu'au 31 décembre 2019, sans pour autant qu'elle assure le recouvrement des créances en son nom propre,

-la jurisprudence de la CJUE pose le principe selon lequel le système de sécurité sociale, fondé sur la solidarité nationale et poursuivant un objectif d'intérêt général, n'est pas soumis aux règles de la libre concurrence européennes,

-le code de la sécurité sociale prévoit pour celui qui incite les assurés à refuser de s'affilier à un organisme de sécurité sociale, comme sanction une peine de six mois de prison et/ou 15.000 euros d'amende,

-l'obligation d'affiliation au régime de sécurité sociale est conforme aux règles communautaires,

-le monopole de la sécurité sociale n'a pas été remis en cause par la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes,

-les Urssaf faisant partie du régime obligatoire de la sécurité sociale française, n'ont pas l'obligation de faire signer un contrat aux cotisants,

-l'Urssaf n'est pas soumise au code de la consommation, et le litige opposant un particulier à un organisme de sécurité sociale comme elle constitue un litige relatif à l'application de la législation sociale, qui relève de la juridiction du contentieux de sécurité sociale,

-le cotisant doit prouver un grief, c'est-à-dire démontrer en quoi la signature telle qu'elle apparaît sur la contrainte lui a causé un préjudice, pour faire annuler la contrainte de ce chef,

-contrairement à ce qu'indique le jugement, il ne s'agit pas d'une signature scannée, mais d'une copie de la contrainte, l'original étant chez l'huissier,

-la contrainte comporte bien le nom de la personne qui l'a délivrée, en l'occurrence, M. [H] [N], directeur de l'Urssaf,

- le bien fondé des sommes dues n'a jamais été contesté par M. [R],

-le dernier versement de M. [R] a été effectué le 5 novembre 2014.

En défense, M. [R] reprend oralement les conclusions déposées à l'audience et demande à titre principal :

-la confirmation du jugement entrepris,

-le débouté de l'Urssaf

-l'annulation de la contrainte,

à titre subsidiaire, il sollicite de :

- enjoindre à l'URSSAF de justifier avoir accompli les démarches prévues à l'article L. 411-1 du code de la mutualité,

- enjoindre à l'URSSAF de justifier de son immatriculation auprès du conseil supérieur de la mutualité,

- enjoindre à l'URSSAF de justifier de son siège social,

- enjoindre à l'URSSAF de justifier de son agrément conformément à la loi française, et donc de justifier de l'adoption des formes suivantes : en ce qui concerne la République française : société anonyme, société d'assurance mutuelle, institution de prévoyance régie par le code de la sécurité sociale, institution de prévoyance régie par le code rural ou mutuelles régies par le code de la mutualité,

- enjoindre l'URSSAF de fournir le règlement établi par le conseil d'administration de la caisse nationale du régime social des indépendants approuvé par arrêté du minitre chargé de la sécurité sociale,

- enjoindre l'URSSAF de justifier de sa forme juridique,

- enjoindre l'URSSAF de justifier de son équilibre financier,

- enjoindre l'URSSAF de justifier avoir accompli les démarches d'immatriculation de société, conformément à l'article R. 123-53 du code du commerce,

à défaut,

- déclarer l'URSSAF irrecevable à agir faute de démonstration de sa capacité juridique et de sa qualité à agir pour prétendre affilier le requérant et recouvrer une quelconque créance,

- déclarer le tribunal des affaires de sécurité sociale incompétent au profit du tribunal de grande instance pour connaître du contentieux du droit de la consommation,

-condamner l'Urssaf à lui verser 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner l'Urssaf à lui verser 3.500 euros de dommages-intérêts.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

-les Urssaf sont des mutuelles, conformément aux dispositions de l'article 12 de l'ordonnance de 1945,

-faute de justifier de leur inscription sur le registre national des mutuelles pour les caisses initiales et faute pour l'Urssaf Côte d'Azur de justifier de sa demande d'immatriculation auprès du conseil supérieur de la mutualité, ni les caisses, ni l'Urssaf ne disposent d'un droit d'agir,

-la validité de l'acte comportant une signature scannée est affectée,

-le syndicat Taless a bien le droit de représenter ses adhérents en justice,

-la contrainte n'est pas motivée puisqu'il n'apparait ni l'assiette de base du calcul, ni le taux appliqué, ni le point de départ des majorations ou des intérêts, ni la qualité de travailleur indépendant ou d'employeur de l'assuré,

-alors que les cotisations doivent être appelées annuellement, les cotisations de l'année 2017 ont été appelées par deux procédures contentieuses distinctes sur les 3 et 4ème trimestres 2017,

- les calculs de l'Urssaf sont faux,

-aucune affiliation ne peut être effectuée sans contrat,

-les régimes français qui ne regroupent pas l'ensemble de la population française en un régime unique, mais qui regroupent les travailleurs en régimes distincts selon l'activité, ne sont pas des régimes légaux de sécurité sociale, mais des régimes professionnels, et sont soumis aux directives européennes 92/49 et 92/96CEE,

-pour imposer une affiliation obligatoire au titre de la solidarité nationale, l'équilibre financier de la sécurité sociale doit être garanti. Or, selon lui, le recouvrement confié à l'Urssaf va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 11 septembre 2020.

Par note en délibéré du jour même de l'audience, Maître Aubrun, avocat conseil de l'Urssaf, demande en urgence d'écarter des débats le jeu d'écriture intitulé 'CONCLUSION RESPONSIVE D'APPEL' remis à la Cour à l'audience avec de nouvelles pièces par M. [M], président du syndicat TALESS assistant M. [V] [R], au motif qu'ils ont été communiqués par mail du 18 juin 2020 à 3h55, de sorte qu'elle n'a pas pu en prendre connaissance avant l'audience tenue 5 heures plus tard.

Par courriel du 19 juin 2020, M. [M], président du syndicat TALESS représentant M. [V] [R], s'oppose à ce que ce dernier jeu de conclusions et les pièces soient écartés des débats dans la mesure où les notes en délibéré non autorisées par la juridiction sont interdites et dans la mesure où lui même n'a reçu les dernières conclusions de la caisse que le 16 juin à 18h59.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le respect du principe de la contradiction

En vertu de l'article 16 du Code de procédure civile: 'le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire'.

En l'espèce, à l'audience, M. [M], président du syndicat TALESS représentant M. [V] [R], a déposé un jeu de conclusions et des pièces, sans préciser qu'il s'agissait d'un jeu de conclusions différent des conclusions d'appel reçues au greffe de la cour d'appel le 30 décembre 2019 pour l'audience du 11 mars 2020, et de pièces supplémentaires par rapport à celles déjà communiquées à la Cour par courrier reçu le 30 décembre 2019.

Il ressort en effet, de la copie du mail adressé par M. [M], président du syndicat TALESS représentant M. [V] [R], à Maître [O], avocat de l'Urssaf, que les 'conclusions responsives d'appel' et les pièces supplémentaires déposées à l'audience, ont été adressées à la partie adverse à 3h55, dans la nuit précédent l'audience du 18 juin 2020, tenue à 9h.

Les conclusions déposées à l'audience différent des précédentes en ce qu'il y est ajouté :

- le moyen selon lequel le décret du 4 mars 2020 relatif à la liquidation de la Caisse déléguée pour la sécurité sociale des indépendants prévoyant que c'est la CARSAT qui en a la charge jusq'au 1er janvier 2021, l'Urssaf n'a pas qualité pour poursuivre la procédure actuellement pendante devant la Cour,

- le moyen selon lequel les contraintes ne sont pas suffisamment motivées, faute de préciser la qualité d'employeur ou de travailleur indépendant de l'assuré, le taux applicable, et l'assiette des cotisations,

- le moyen selon lequel alors que les cotisations doivent être appelées annuellement, les cotisations de l'année 2017 ont été appelées par deux procédures contentieuses distinctes sur les 3 et 4ème trimestres 2017,

- le moyen selon lequel le taux de majoration visé à l'article R.243-18 du Code de la sécurité sociale ne s'applique pas aux cotisations dues par les travailleurs indépendants mais seulement aux cotisations dues par les employeurs pour leurs salariés,

- le moyen selon lequel en vertu de l'article 1344-1 du code civil, la mise en demeure fait courir les intérêts moratoires et l'Urssaf ne saurait se prévaloir d'un régime dérogatoire en vertu de l'article D.642-1 du Code de la sécurité sociale, pour faire partir les intérêts moratoires à compter du 1er janvier 2017 pour les cotisations 2015, 2016, 2017 et du 1er janvier 2016 pour la régularisation 2016, sous peine de comptabiliser deux fois les mêmes sommes d'abord sous la dénomination de majorations, puis sous celle d'intérêts moratoires.

De même, des pièces supplémentaires ont été communiquées à la Cour à l'audience sans que la partie adverse n'ai pu en prendre connaissance. Il s'agit de :

- la copie d'un accusé de réception de la déclaration sociale des indépendants de M. [R] pour les années 2014, 2016, 2017

- trois copies de la déclaration sociale des indépendants pour les revenus 2015

- un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 18 juin 2015

- la copie d'une contrainte établie au nom de M. [K] [E] le 14 octobre 2015,

- la copie d'une contrainte établie au nom de M. [C] [S] EIRL.

En communiquant des conclusions et pièces cinq heures avant le début de l'audience et sans en avertir ni la partie adverse ni la Cour au moment de l'audience, le conseil de M. [V] [R] n'a pas mis l'Urssaf en mesure de débattre contradictoirement. Il convient donc de les écarter des débats pour défaut de respect du principe de la contradiction.

Le défaut d'autorisation de produire une note en délibéré ne saurait être valablement opposé à Maître [O], informant la Cour de l'irrespect d'un des principes directeurs du procès, dés qu'elle en a eu connaissance, dans la mesure où M. [M] a pu lui-même s'expliquer contradictoirement sur son contenu.

En outre, la communication des dernières conclusions de l'Urssaf à la partie adverse le 16 juin à 18h59, soit l'avant-veille de l'audience, ne saurait justifier la communication de nouvelles conclusions et pièces de la part de M. [V] [R] quelques heures avant l'audience commençant à 9 heures et sans qu'il en avise la Cour, ni qu'il vérifie leur bonne réception par la partie adverse.

Sur la qualité et la capacité à agir de l'Urssaf

L'article 1er de l'ordonnance n°2005-1528 du 8 décembre 2005 portant création du Régime Social des Indépendants a introduit un article L. 611-3 au code de la sécurité sociale disposant que « Le régime social des indépendants comprend une caisse nationale et des caisses de base. Ces organismes de sécurité sociale dotés de la personnalité morale et de l'autonomie financière sont des organismes de droit privé chargés d'une mission de service public au profit des personnes mentionnées à l'article L. 611-1.»

Ainsi, tant la forme juridique que la personnalité morale des organismes chargés de gérer le régime social des indépendants ont été légalement précisées.

La loi de finances de la sécurité sociale pour 2018, a acté la disparition des caisses de Régime Social des Indépendants et confié aux Urssaf la mission de recouvrer les cotisations et contributions sociales.

Les Urssaf sont constituées et fonctionnent conformément aux articles L.216- 2 et suivants et leurs modalités d'organisation administrative et financière sont fixées par les articles D 213-1 à D 213-7.

Ainsi, les Urssaf, instituées par l'article L 213-1 du code de la sécurité sociale, tiennent de ce texte de nature législative leur capacité juridique et leur qualité pour agir dans l'exécution des missions qui leur sont confiées par la loi.

Or, l'article L.213-1 du code de la sécurité sociale précise que les Urssaf fonctionnent conformément aux prescriptions de l'article L.216-1 du même code, dont la version ne renvoie plus au code de la mutualité depuis l'ordonnance n°2005-804 du 18 juillet 2005.

L'appelant n'est donc pas fondé à soutenir que l'Urssaf, agissant pour le compte de la sécurité sociale des indépendants, relèverait du code de la mutualité.

Dès lors, tous les développements de l'intimé tenant à l'application des dispositions du code de la mutualité sont, en l'espèce, inopérants.

Pour ces mêmes raisons, l'Urssaf n'a pas à produire les documents utiles à établir sa capacité juridique.

Sur la compétence de la juridiction de la sécurité sociale

Les Directives européennes n° 92/49/CEE et n° 92/96/CEE du 18 juin 1992 et du 10 novembre 1992, adoptées sur le fondement des articles 85 et 86 du Traité CE (devenus les articles 101 et 102 TFUE), transposées par la loi n° 94-678 du 8 août 1994, ne sont pas applicables aux régimes légaux de sécurité sociale fondés sur le principe de solidarité nationale dans le cadre d'une affiliation obligatoire des intéressés et de leurs ayants droit énoncée à l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale, ces régimes n'exerçant pas une activité économique.

Il s'en suit qu'en vertu de l'ancien article L.142-1 du Code de la sécurité sociale et de l'article L.211-16 du Code de l'organisation judiciaire créé par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale, remplacé par le pôle social du tribunal de grande instance depuis le 1er janvier 2019, est spécialement compétent pour connaître des oppositions à contraintes établies par l'ancienne caisse du Régime Social des Indépendants.

L'exception d'incompétence doit donc être rejetée.

Sur la validité de la contrainte

En vertu des articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, rendus applicables au recouvrement des cotisations par le régime social des indépendants par les anciens articles L. 133-6-4, I, et L. 612-12 du même code, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

En l'espèce, la contrainte établie par l'Urssaf à l'encontre de M. [V] [R] est suffisamment motivée dés lors qu'elle vise la nature, le montant des cotisations réclamées et les périodes auxquelles elles se rattachent en ces termes :

- pour les cotisations du 3ème trimestre 2017 : 2.532 euros de cotisations, 136 euros de majorations en faisant référence à la mise en demeure n° 0063170911 du 8 septembre 2017

- pour les cotisations du 4ème trimestre 2017 : 2.564 euros de cotisations, 138 euros de majorations en faisant référence à la mise en demeure n° 0063348400 du 19 décembre 2017

- le détail des mises en demeure portant les mêmes numéros susvisés, permettant de connaître précisément le montant pour chaque nature de cotisations différentes (régularisation maladie-maternité, provisionnelle maladie-maternité, provisionnelle indemnités journalières, régularisation indemnités journalières, retraite de base provisionnelle, retraite de base régularisation, etc.) et cela pour chaque période concernée.

Par ailleurs, en vertu de l'article R.133-4 du Code de la sécurité sociale avant son abrogation, les contraintes sont décernées en vue du recouvrement des cotisations et des majorations de retard par le directeur ou son délégataire.

En l'espèce,contrairement à ce qui est indiqué par M. [V] [R], la contrainte litigieuse porte de façon tout à fait lisible la signature de M. [H] [N].

En outre, la copie de la contrainte produite par M. [V] [R] ne permet pas de vérifier si la signature est scannée ou manuellement apposée. Quoi qu'il en soit, l'apposition sur la contrainte d'une image numérisée d'une signature manuscrite ne permet pas, à elle seule, de retenir que son signataire est dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte.

Or, il n'est pas discuté par M. [V] [R] que M. [H] [N] est directeur de l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur.

En conséquence, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la contrainte de ce chef et le jugement sera infirmé.

Sur la contestation des montants réclamés par l'Urssaf

Comme devant les premiers juges, M. [V] [R] ne démontre par aucun élément objectif que les revenus retenus et le taux appliqué pour calculer des montants réclamés, repris en détail dans les conclusions de l'Urssaf sont erronés.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, il convient de valider la contrainte établie le 12 avril 2018 à l'encontre de M. [V] [R] et de le condamner à payer à l'Urssaf les sommes de 2.668 euros au titre des cotisations et majorations de retard pour le 3ème trimestre 2017 et de 2.564 euros au titre des cotisations et majorations de retard pour le 4ème trimestre 2017.

Sur les frais et dépens

M. [V] [R], succombant, supportera les dépens de l'instance, étant précisé que l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dont l'article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

L'équité commande de condamner M. [V] [R] au paiement de la somme de 500 euros à l'Urssaf au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

- déclare irrecevables les conclusions et les pièces supplémentaires déposées à l'audience du 18 juin 2020 par M. [M], président du syndicat TALESS représentant M. [V] [R], suivantes,

- rejette l'exception d'incompétence soulevée par M. [V] [R],

- déboute M. [V] [R] de l'ensemble de ses prétentions,

- infirme le jugement rendu le 5 avril 2019 par le Tribunal de grande instance de Nice, sous le n° RG 18 00801 en toutes ses dispositions,

- Valide la contrainte établie par l'Urssaf le 12 avril 2018 et signifiée le 27 avril suivant,

- Condamne M. [V] [R] à payer à l'Urssaf les sommes de de 2.668 euros dont 2.532 euros de cotisations et 136 euros de majorations de retard pour le 3ème trimestre 2017 et de 2.564 euros, dont 2.564 euros de cotisations et 138 euros de majorations de retard pour le 4ème trimestre 2017,

- condamne M. [V] [R] au paiement des dépens de l'instance, et des frais de signification de la contrainte.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 19/07157
Date de la décision : 11/09/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°19/07157 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-11;19.07157 ?
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