COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 02 JUILLET 2020
N° 2020/
GB/FP-D
Rôle N° RG 18/02289 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB5P7
[M] [B] [Y]
C/
[J] [V]
S.A.R.L. ALIZE EVENEMENT 06
Copie exécutoire délivrée
le :
02 JUILLET 2020
à :
Me Florence MASSA, avocat au barreau de GRASSE
Me Karine LE DANVIC, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 15 Janvier 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00339.
APPELANTE
Madame [M] [B] [Y], demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Florence MASSA, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [J] [V] liquidateur amiable de la SARL ALIZE EVENEMENT 06, demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Karine LE DANVIC, avocat au barreau de NICE
S.A.R.L. ALIZE EVENEMENT 06 en liquidation amiable prise en la personne de Monsieur [J] [V] en sa qualité de liquidateur amiable, demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Karine LE DANVIC, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, les parties ont été informées que la procédure se déroulerait sans audience et ne s'y sont pas opposées dans le délai de 15 jours.
COMPOSITION DE LA COUR
Madame Marie-Noëlle ABBA, Président de chambre
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
qui en ont délibéré.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2020,
Signé par Madame Marie-Noëlle ABBA, Président de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
PROCÉDURE
Par déclaration électronique réceptionnée le 9 février 2018, Mme [M] [B]-[Y] a interjeté appel du jugement rendu le 15 janvier 2018 par le conseil de prud'hommes de Nice la déboutant de ses demandes formées à l'encontre de la SARL Alizé Evénement, représentée par son liquidateur amiable pris en la personne de M. [J] [V].
Par arrêt du 27 février 2020, cette cour a soumis à la contradiction des parties la question de l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement.
Par conclusions notifiées et remises au greffe de la cour le 27 avril 2020, Mme [B]-[Y] conclut à la nullité de son licenciement et poursuit la condamnation de la société Alizée Evénement à lui verser les sommes suivantes :
10 520,62 euros, ainsi que 1 052,05 euros au titre des congés payés afférents, en paiement du salaire durant une période de protection,
3 506,84 euros pour préavis, ainsi que 350,68 euros au titre des congés payés afférents,
10 520,52 euros en réparation de son licenciement nul,
3 000 euros pour ses frais irrépétibles.
La salariée réclame la délivrance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir, d'un bulletin de salaire récapitulatif et de ses documents de rupture rectifiés.
Par conclusions notifiées et remises au greffe le 11 mai 2020, la société Alizé Evénement conclut au rejet de toutes les demandes et à l'allocation d'une indemnité de 3 000 euros pour ses frais non répétibles, faisant valoir :
- que la responsabilité de M. [J] [V], personne physique, ne peut être recherchée devant le juge social puisque l'intéressé n'a pas la qualité d'employeur de Mme [B]-[Y], de sorte que l'appel n'est pas recevable.
- subsidiairement, sur le fond, qu'un congé pathologique prénatal n'ouvre pas droit pour la salariée à la protection de l'article L. 1225-4 du code du travail ; par ailleurs, que la salariée ayant omis de préciser à son employeur la date du début de son congé de maternité, son licenciement pour un motif étranger à son état de grossesse était possible.
La procédure sans audience et sans opposition des conseils des parties, selon l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant notamment adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 27 avril 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
Mme [B]-[Y] recherche, en première instance comme en appel, la responsabilité de la société Alizé Evénement, son employeur.
Le jugement du conseil de prud'hommes comporte une inexactitude, M. [J] [V] y étant mentionné en sa qualité de liquidateur amiable de la société Alizé Evénement, ce qui est correct, mais également en son nom personnel, ce qui est incorrect, l'intéressé n'ayant pas été attrait à l'instance.
Mais l'important est que le premier juge a adopté des motifs qui n'intéressent que les parties au contrat de travail, à savoir Mme [B]-[Y], d'une part, et, d'autre part, la SARL Alizé Evénement.
L'acte d'appel vise correctement M. [V] 'Es qualité de mandataire liquidateur de la SARL ALIZEE EVENEMENT', de sorte que ni M. [V], personne physique contre lequel nulle condamnation n'a jamais été réclamée, ni la société Alizée Evénement, qui n'ignore pas que son ancienne salariée recherche sa responsabilité, n'ont pu se méprendre sur la portée de cet acte.
L'appel interjeté le 9 février 2018 par Mme [B] [Y] à l'encontre du jugement rendu le 15 janvier 2018 par le conseil de prud'hommes de Nice est donc reçu, Mme [B]-[Y] ayant la qualité d'appelante et la SARL Alizée Evénement, légalement représentée par M. [V] ès qualités de liquidateur amiable de cette personne morale, ayant la qualité d'intimée.
Sur le fond
Mme [B] [Y] a été au service de la société Alizé Evénement, en qualité d'assistante commerciale, du 8 septembre 2014 au 9 juin 2016, date de la lettre prononçant son licenciement pour un motif économique et une impossibilité de reclassement.
Pour réclamer la nullité de son licenciement, Mme [B] [Y] indique avoir été en état de grossesse au jour de la rupture de son contrat de travail, de sorte que la protection absolue édictée par l'article L. 1225-4 du code du travail interdisait cette rupture avant l'expiration de sa période de protection.
Pour s'opposer, la société Alizé Evénement fait valoir que le motif du licenciement était à sa dissolution, prononcée le 2 novembre 2016 à la suite de la cessation totale de son activité, et que ce motif, étranger à l'état de grossesse de sa salariée, était valable.
Mais il résulte des pièces du dossier que Mme [B] [Y] adressait à son employeur par LRAR du 28 juillet 2016 un courrier auquel était annexé son arrêt de travail à compter du 26 du mois, le praticien ayant coché sur le document idoine la case 'en rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse' ; que, de surcroît, dans sa lettre de transmission, cette salariée prenait le soin de faite mention de son état de grossesse, de sorte que son employeur en était informé avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour motif économique notifiée le 12 août 2016.
Le début de la grossesse de la salariée se situe au 5 janvier 2016, certificat médical à l'appui, la date de l'accouchement étant prévue le 4 octobre 2016, ledit certificat prévoyant l'arrêt de travail pré-natal à la date du 9 août 2016 et l'arrêt de travail post-natal jusqu'au 8 février 2017 (pièce 5 dossier salariée).
Selon l'article L. 1225-21 du code du travail, lorsqu'un état pathologique est attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse, ainsi qu'en l'espèce, le congé maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux mois avant la date présumée de l'accouchement.
Le constat d'un état pathologique résultant de la grossesse a été posé le 26 juillet 2016 (voir supra), de sorte qu'entre cette date du 26 juillet 2016 et la date présumée du début de son arrêt de travail pour maternité, le 9 août 2016, la salariée était prématurément en arrêt de travail pour maternité, bénéficiant ainsi d'une protection absolue contre le licenciement.
En conséquence, la cour, infirmant le jugement, dira nul son licenciement par application de l'article L. 1225-4 du même code, sans autre développement tenant à l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement.
.../...
Sur la réparation due à Mme [B] [Y], l'article L. 1225-71 du même code dispose que lorsque le licenciement est nul, l'employeur est tenu de verser à la salariée le montant du salaire qu'elle aurait perçu pendant la période couverte par la nullité, sans y retrancher les indemnités journalières éventuellement payées à l'intéressée par la sécurité sociale.
En l'espèce, le licenciement a été notifié le 12 août 2016 tandis que Mme [B] [Y] était enceinte de son troisième enfant, bénéficiant à ce titre d'un congé de maternité de 26 semaine au total : 8 semaines avant l'accouchement et 18 semaines après.
Ayant été licenciée au 2ème jour de son 'congé de maternité hors période de congé pathologique', Mme [B] [Y] a le droit de solliciter un rappel de salaire sur une période de vingt-six semaines , soit six mois selon sa prétention ; sur la base non contestée d'un salaire mensuel brut de 1 753,42 euros, son employeur reste lui devoir un rappel de salaire au titre de sa période de protection d'un montant de 10 520,52 euros (1 753,42 € x 6).
Cette période de protection étant assimilée à une période de travail effectif, la salariée est en droit de percevoir une indemnité compensatrice de congés payés calculée sur la période couverte par la nullité, soit, au cas d'espèce, la somme de 1 052,05 euros.
Son licenciement étant nul, Mme [B] [Y] a droit à l'indemnité conventionnelle compensatrice de préavis représentant deux mois pour les techniciens (art. 1er en vigueur au 1er septembre 1994 de la convention nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels du 5 janvier 1994), soit, au cas d'espèce, la somme de 3 506,84 euros, outre 350,68 euros au titre des congés payés afférents.
Selon l'article L. 1225-71 précité, la salariée licenciée au mépris des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte est en droit de réclamer à son employeur des dommages-intérêts, en sus de l'indemnité de licenciement, lesquels ne peuvent être inférieurs à six mois de salaire.
Sur la base d'un salaire mensuel brut de 1 753,42 euros, Mme [B] [Y] recevra la somme de 10 520,52 euros qu'elle réclame à ce titre.
.../...
La société Alizé Evénement remettra à son ancienne salariée un unique bulletin de salaire mentionnant le paiement des créances salariales.
Les documents de fin de contrat délivrés par l'employeur, hormis le reçu pour solde de tout compte, n'ont pas à être modifiés par l'effet du présent arrêt.
Ces délivrances ne seront pas assorties d'une astreinte.
.../...
La société intimée supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe.
Reçoit l'appel.
Infirme le jugement.
Statuant à nouveau, dit nul le licenciement et condamne la société Alizé Evénement à verser à Mme [B] [Y] les sommes suivantes :
10 520,52 euros, ainsi que 1 052,05 euros au titre des congés payés afférents, en rappels de salaire,
3 506,84 euros pour préavis, ainsi que 350,68 euros au titre des congés payés afférents,
10 520,52 euros en réparation du licenciement.
Rappelle que les sommes allouées sont exprimées pour leur montant brut.
Condamne la société Alizé Evénement à délivrer à Mme [B] [Y] un bulletin de salaire et un reçu pour solde de tout compte mentionnant le règlement des créances salariales.
Rejette les demandes plus amples ou contraires.
Condamne la société Alizé Evénement aux entiers dépens.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Alizé Evénement à verser à Mme [B] [Y] une indemnité de 3 000 euros.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT