La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/05/2020 | FRANCE | N°17/11285

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 14 mai 2020, 17/11285


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3



ARRÊT AU FOND

DU 14 MAI 2020



N° 2020/75







N° RG 17/11285 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAWQ2







SAS NEXIMMO 68

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS -MAF-



C/



[D] [L]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alexandre ZAGO



Me Joseph MAGNAN



Me Laure COULET









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 01 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 13/08010.





APPELANTES



SAS NEXIMMO 68, venant aux droits de la SNC FREJUS [Localité 9], demeurant [Adresse 6]

représentée ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT AU FOND

DU 14 MAI 2020

N° 2020/75

N° RG 17/11285 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAWQ2

SAS NEXIMMO 68

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS -MAF-

C/

[D] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alexandre ZAGO

Me Joseph MAGNAN

Me Laure COULET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 01 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 13/08010.

APPELANTES

SAS NEXIMMO 68, venant aux droits de la SNC FREJUS [Localité 9], demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Alexandre ZAGO de la SELAS SELAS LLC ET ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Marie-Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Micheline DREVET DE TRETAIGNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant pour avocat plaidant Me Marc FLINIAUX, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [D] [L], demeurant [Adresse 2]

représenté et plaidant par Me Laure COULET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Mars 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Brigitte FREMONT, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente (rapporteur)

Mme Béatrice MARS, Conseiller

Mme Florence TANGUY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2020. A cette date, le prononcé de la décision a été prorogé à ce jour suite aux mesures gouvernementales prévues par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 relative à l'état d'urgence sanitaire. 

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2020,

Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SCI Bel Air représentée par M. [V] [O] a obtenu, avec le concours de M. [D] [L] architecte, un permis de construire n°8306106FC301 délivré le 25 mai 2007 en vue d'une opération de promotion immobilière à Fréjus.

Par acte authentique du 24 juin 2009, M.[V] [O] a vendu à la SNC Fréjus [Localité 9], constituée par la société Georges V Côte d'Azur, du groupe Nexity, les 8 434/10 000émes indivis d'un tènement immobilier sis à [Localité 7], composé des parcelles cadastrées section BD numéros [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5]. Cette vente a été consentie moyennant le prix de 2 790 000 euros hors taxes, payée en numéraire à hauteur de 2 040 000 euros, le solde étant converti en obligation pour l'acquéreur d'édifier, pour le compte du vendeur, un local correspondant aux l616/10 000èmes indivis du terrain dont ce dernier restait propriétaire. L'acte de vente stipulait que cette construction devait être livrée au vendeur, au plus tard, à la fin du quatrième trimestre 2011.

Par acte sous seing privé du 11 juillet 2008, la SNC Fréjus [Localité 9] a conclu avec l'architecte [D] [L], assuré par la Mutuelle des Architectes Français, un contrat de maîtrise d'oeuvre de conception portant sur la réalisation de 46 logements avec commerces, locaux professionnels et stationnements en sous-sol. Les travaux de gros oeuvre étaient confiés à la société SN Vigna PACA.

La réalisation des travaux a été retardée par plusieurs procédures concernant la S.C.I. Bel Air, la S.C.I. Solfimmobilier et M.[V] [O] lui-même.

En premier lieu, le permis de construire obtenu par M.[V] [O], ès qualités de gérant de la

S.C.I. Bel Air, avec le concours de M. [D] [L], a été annulé par jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 novembre 2009, à la demande de plusieurs voisins, parmi lesquels M.[U] [S], qui a également contesté le permis obtenu le 14 octobre 2010 par la SNC Fréjus [Localité 9]. Par la suite, la société Georges V Côte d'Azur a conclu avec celui-ci un protocole d'accord transactionnel, aux termes duquel elle s'est engagée à lui verser une indemnité de 60 000 euros, tandis que la société SN Vigna PACA devait lui verser la somme de 50 000 euros, M. [U] [S] renonçant en contrepartie au recours qu'il avait exercé à l'encontre du permis de construire délivré le 14 octobre 2010.

En deuxième lieu, la S.C.I. Solfimmobilier a engagé une procédure à l'encontre du projet de construction de la société Fréjus [Localité 9], qu'elle a abandonnée dans le cadre d'un deuxième protocole d'accord transactionnel prévoyant le versement de la somme de 210 000 euros.

En troisième lieu, M.[V] [O] a assigné la société Fréjus [Localité 9] en résolution de la

vente. La SNC Fréjus [Localité 9] a appelé en cause M. [D] [L] et son assureur, la compagnie MAF, par acte d'huissier du 3 juillet 2013. Toutefois, dans le cadre d'une troisième transaction, M.[V] [O] s'est désisté de ses demandes, en contrepartie du versement de la somme de 125 000 euros. L'appel en garantie de M.[D] [L], demeuré pendant, a donné lieu à la présente procédure.

Parallèlement, la SNC Fréjus [Localité 9], qui soutenait que l'architecte M.[D] [L] avait

commis une faute, à l'origine des diverses procédures intentées à son encontre, qui ont différé la réalisation du chantier, l'a assigné, par acte d'huissier du 30 septembre 2013, en référé-expertise. Par ordonnance du 20 novembre 2013, le juge des référés a fait droit à cette demande, et a commis Mme [B] [Z] en qualité d'expert pour vérifier si M.[D] [L] avait rempli sa mission conformément aux normes en vigueur et aux règles de sa profession.

L'expert a rendu son rapport le 18 mai 2015.

La SNC Fréjus [Localité 9] a sollicité devant le tribunal de grande instance de Draguignan la condamnation de M.[D] [L] et de la MAF à lui verser la somme de 445 000 euros, en indemnisation des sommes versées en vertu des trois protocoles d'accord sus-évoqués.

Par jugement en date du 1er juin 2017 le tribunal de grande instance de Draguignan a :

CONDAMNE [D] [L] et la Mutuelle des Architectes Français, in solidum, à verser à la société Fréjus [Localité 9] la somme de 100 000 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à titre de dommages et intérêts, sous réserve, pour la Mutuelle des Architectes Français, de sa franchise contractuelle,

CONDAMNE la société Fréjus [Localité 9] à verser à [D] [L] la somme de 63 562,60 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2017, en paiement du solde de ses honoraires,

REJETE le surplus des demandes des parties,

REJETE la demande tendant au bénéfice de l'exécution provisoire,

CONDAMNE [D] [L] et la Mutuelle des Architectes Français, in solidum, aux dépens, et accordé le droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du code de procédure civile à Maître Michel lzard, et à la SCP Robert - Fain-Robert, qui en ont fait la demande,

REJETE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La SNC Frejus [Localité 9] a relevé appel de cette décision le 14 juin 2017 et la MAF le 13 juillet 2017.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 14 décembre 2017.

Dans ses dernières conclusions en date du 10 février 2020 la SAS Neximmo 68 venant aux droits de la SNC Frejus [Localité 9] demande à la cour de :

CONDAMNER solidairement Monsieur [D] [L] et la MUTUELLE DES ARCHITECTES à verser à la SNC FREJUS [Localité 9] la somme de 445.000 € au titre de sa responsabilité professionnelle, en due indemnisation des trois protocoles d'accords conclus par la SNC FREJUS [Localité 9] avec les époux [S], la SCI SOLFIMMO et M. [O],

DEBOUTER Monsieur [D] [L] de l'ensemble de ses demandes en paiement de factures en ce qu'il ne justifie pas qu'elles sont dues,

DEBOUTER Monsieur [D] [L] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,

CONDAMNER Monsieur [D] [L] à payer à la SNC FREJUS [Localité 9] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Monsieur [D] [L] aux entiers dépens qui seront distraits au profit de la SELAS LLC ET ASSOCIES, par application des articles 696 et 699 du Code de Procédure Civile,

DIRE ET JUGER qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, et en cas d'exécution forcée, le montant des sommes retenues par l'huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 (portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96-1080 sur le tarif des huissiers) sera supporté par tout succombant, en sus des frais irrépétibles et des dépens.

Elle met en avant les fautes de l'architecte : violation des règles de l'urbanisme, manquement du devoir de conseil, tardiveté du dépôt du permis de construire rectificatif n'ayant pas évité l'annulation du premier permis, non-respect du débord de toit.

Dans ses dernières conclusions en date du 12 février 2018 la MAF demande à la cour de :

DIRE l'appel de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS autant recevable que bien fondé.

- DEBOUTER la SNC FREJUS [Localité 9] de son appel incident.

Par voie de conséquence.

- INFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en ce qu'il a retenu la faute de Monsieur [L].

- DEBOUTER la SNC FREJUS [Localité 9] de l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS en l'absence d'une faute démontrée à l'encontre de Monsieur [L].

Subsidiairement.

-CONFIRMER le jugement en ce qu`il a rejeté les prétentions de la SNC FREJUS [Localité 9] au titre du protocole signé avec Monsieur [S] et du protocole signé avec Monsieur [O].

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS au titre du protocole signé avec la Société SOLFIMMOBILIER dès lors que l'indemnisation de 100 000 € n'est pas justifiée et DEBOUTER la SNC FREJUS [Localité 9] de cette demande.

A défaut.

- DIRE et JUGER que le préjudice au titre du non respect des servitudes de l'immeuble SOLFIMMOBILIER ne saurait excéder la somme globale de 87 336.95 €.

En tout état de cause.

- DIRE et JUGER que la garantie de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS se fera dans les limites et conditions de la police qui contient une franchise ainsi qu'un plafond de garantie au titre des dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels opposables aux tiers lésés.

- CONDAMNER la SNC FREJUS [Localité 9] à 4 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

- LA CONDAMNER aux dépens que la SCP MAGNAN pourra recouvrer directement conformément à l'article 699 du CPC.

Elle conclut que la preuve de la faute de l'architecte n'est pas établie, qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les accords transactionnels et la faute reprochée et que ces accords transactionnels ne lui sont pas opposables.

Elle ajoute que l'architecte ne peut être tenu responsable de l'annulation du permis de construire par le Tribunal de Toulon car l'illégalité d'un acte administratif engage celui qui l'a délivré et non l'architecte dont la faute n'est pas démontrée.

Dans ses dernières conclusions en date du 25 septembre 2019 M. [D] [L] demande à la cour de :

Prononcer le rabat de l'Ordonnance de clôture du 25 septembre 2019, au 16 octobre 2019,

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SNC FREJUS [Localité 9] à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 63.562,60 €, outre intérêts au taux légal,

Réformer pour le surplus,

En conséquence,

Dire que les intérêts dus courront à compter du 21 août 2014, date de son émission, eu égard à l'absence de communication par l'appe1ante du montant du coût global des travaux,

Condamner la SNC FREJUS [Localité 9] à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 144.000 €, outre intérêt légal à compter de son émission,

Condamner la SNC FREJUS [Localité 9] à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 9.537,38 € de frais bancaires,

Condamner la SNC FREJUS [Localité 9] à payer à Monsieur [D] [L] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Condamner la SNC FREJUS [Localité 9] à régler à Monsieur [L], les sommes qui lui sont dues avec intérêt au taux légal, ces derniers courant à compter de l'émission des factures de Monsieur [D] [L].

Il fait valoir qu'il n'était pas présent à la procédure qui a opposé la SNC Fréjus [Localité 9] à M. [U] [S] et qu'il n'a pas eu connaissance des transactions passées avec les divers plaignants.

Il rappelle qu'il avait l'avis favorable de l'architecte des Bâtiments de France lors du dépôt du permis de construire à la Mairie.

Il soutient qu'aucune faute ne peut lui être reprochée liée au retard dans la réalisation des travaux et la livraison.

La procédure a été clôturée le 12 février 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de l'architecte

Il a été signé le 11 juillet 2008 entre la SNC Fréjus [Localité 9] et M. [D] [L] un contrat de maîtrise d'oeuvre de conception pour la réalisation d'un programme immobilier de 46 logements avec commerces, locaux professionnels et stationnements en sous-sol pour un montant prévisionnel de travaux de 4 550 000 € HT. Sa mission était la conception architecturale de l'ouvrage dans le respect de la réglementation technique en vigueur et le contrôle du respect de la contribution architecturale lors de l'établissement des plans d'exécution constituant le dossier marché.

La rupture des relations contractuelles est intervenue le 23 avril 2013.

Les appartements ont été livrés entre février et juin 2014.

1. L'annulation du premier permis de construire délivré le 25 mai 2007

Les deux recours qui ont donné lieu à l'annulation du premier permis de construire n°8306106FC301 prononcée par le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 novembre 2009, étaient fondés sur le non-respect du PLU, à savoir : la construction envisagée qui contrevient à l'article UA7 qui prévoit que les façades latérales des constructions doivent être mitoyennes sur les limites séparatives latérales de façon à créer un ordre urbain continu ; la hauteur envisagée de 15 mètres de l'immeuble qui porte atteinte à l'aspect général de l'îlot Mangin Auzélit en violation de l'article UA10 ; le projet qui porte également atteinte au caractère

et à l'intérêt des lieux avoisinants puisqu'il se situe dans un quartier ancien méconnaissant l'article UA11 ; le nombre d'aires de stationnement qui est insuffisant, certaines de ces places étant inutilisables ou ne respectant pas les normes d'accessibilité des personnes handicapées contrevenant ainsi à l'article ÙA12 ; la marge de recul de 15 mètres de la [Localité 8] qui doit être traitée en espace verts et chemins piétons et a été utilisée irrégulièrement pour la réalisation de places de stationnement en violation de l'article UA13 ; les constructions souterraines qui ne respectent pas les marges de recul en méconnaissance de l'article UA6.

Ce permis a été annulé pour avoir été pris en violation des prescriptions des articles UA12 et UA13 du plan local d'urbanisme (implantation irrégulière de 4 places de stationnement).

L'expert a mis en exergue la responsabilité de l'architecte dans l'annulation de ce permis.

Il est effectivement établi par les pièces versées aux débats que, même si le contrat de maîtrise d'oeuvre est postérieur à l'obtention du permis de construire, les plans annexés audit permis ont été dressés par M. [L].

Il rentrait dans la mission de l'architecte d'établir les plans et de recueillir auprès des services administratifs et techniques toutes les informations nécessaires pour l'autorisation de construire à obtenir.

En ne respectant pas les articles UA12 et UA13 du plan local d'urbanisme, du fait du mauvais positionnement des places de stationnement, M. [L] a commis une faute et il ne peut s'exonérer de sa responsabilité en soutenant qu'il avait obtenu l'accord de la Mairie de Fréjus et de l'architecte des Bâtiments de France.

L'expert a évalué à 11 mois le retard causé par l'annulation de ce permis.

2. Le recours sur le second permis de construire du 14 octobre 2010

Un second permis de construire n°08306110F0036 a été délivré le 14 octobre 2010 qui a fait l'objet d'un recours de M. [U] [S] fondé sur le non-respect des prescriptions des articles UA 11, UA 13 et UA12 du plan local d'urbanisme, relatifs à l'aspect de la construction à l'insertion dans le site, au traitement de la marge de recul et à la réalisation d'aires de stationnement.

Ce recours s'est soldé par une transaction, M. [S] ayant reçu la somme de 110 000€.

Selon l'expert, ce recours introduit tardivement sans respecter les délais prescrits, avait peu de chance d'être déclaré recevable. Le bien-fondé même du recours n'est pas établi, de sorte que la faute de l'architecte liée à ce recours n'est pas démontrée.

3. Le recours de la SCI Solfimmobilier

En février 2012, la SCI Solfimmobilier, propriétaire d'un local commercial construit en limite de propriété, côté Est du chantier, s'est opposée aux opérations de construction du fait du non-respect de servitudes légales de débord de toit, d'écoulement des eaux du toit sur la propriété contiguë, et de présence de jours permettant l'éclairage du hangar.

Le contrat de maîtrise d'oeuvre prévoyait l'obligation pour l'architecte d'examiner les servitudes légales et particulièrement, d'effectuer une enquête sur les droits des tiers, d'examiner également les immeubles voisins et apprécier les contraintes de toute sorte que ces immeubles peuvent entraîner sur la réalisation du programme. En ne respectant pas cette obligation, M. [L] a manqué à son devoir de conseil et engagé sa responsabilité.

La SCI Solfimmobilier a conclu avec la société Fréjus [Localité 9] une transaction, aux termes de laquelle elle s'est trouvée bénéficiaire d'un local commercial et d'un parking d'une valeur totale de 210 000€. Le démarrage des travaux interrompus en février 2012 a repris en mai 2012 et l'expert a imputé à cette difficulté un retard supplémentaire de 3 mois dans la démarrage du chantier.

4. La procédure diligentée par M. [O] devant le tribunal de grande instance de Draguignan

[O] a assigné la société Fréjus [Localité 9], par acte d'huissier du 27 février 2012, en indemnisation du préjudice subi du fait de non-respect par le promoteur de son obligation de construction de locaux pour son compte, qu'il entendait louer.

L'expert indique dans son rapport que la faute de M. [D] [L] qui a conduit à l'annulation du premier permis, a entraîné un retard dans la construction de onze mois, du 10 novembre 2009 au 14 octobre 2010 ; que dans l'acte de vente, l'injonction administrative de suspension ou de cessation des travaux constituait une cause légitime de suspension du délai de livraison, et que, dans l'hypothèse d'une telle injonction, le retard admis serait égal au double du temps effectivement écoulé ; que la société Fréjus [Localité 9] pouvait opposer la stipulation susdite à la demande de M. [V] [O] ; qu'en outre, l'existence d'une procédure en annulation du permis de construire était connue des parties lors de la vente du 24 juin 2009 mais que la société Fréjus [Localité 9] s'est néanmoins engagée à livrer l'immeuble à la fin de l'année 2011.

C'est donc à juste titre que le premier juge en a déduit que la SCI avait donc accepté le risque d'une annulation de son permis de construire et que le préjudice subi du fait de la troisième transaction, par laquelle M. [O] a été indemnisé à hauteur de 125 000€, n'est pas imputable à M. [D] [L].

Sur le préjudice subi

M. [L] n'ayant pas été partie aux transactions, ces dernières ne lui sont pas opposables ; néanmoins le lien direct entre les fautes commises par l'architecte dans le non-respect du PLU et des servitudes légales et l'existence d'un préjudice subi par la société Fréjus [Localité 9], constitué par le retard pris pour débuter les travaux et le dédommagement accordé à SCI Solfimmobilier est avéré et a été justement réparé en première instance par l'allocation de la somme de 100 000 euros.

Sur les demandes reconventionnelles de M. [L]

M. [L] sollicite le paiement de deux factures impayées :

- facture 14-844/A : 63 562,60€

- facture 14-754/A : 144 000€

La société Neximmo 68 conteste la légitimité de la facture F14-844/A du 21 août 2014 au motif qu'elle a été émise postérieurement à la rupture des relations contractuelles. Il s'agit d'une facture récapitulative des diligences effectuées calculées sur la base du coût réel des travaux. Faute pour le constructeur d'avoir justifié du montant total des travaux réalisés, il convient de retenir la somme de 7 020 161,20€ TTC, telle qu'évaluée dans le rapport d'expertise par Madame [Z].

L'architecte est bien fondé à réclamer le paiement de ses honoraires pour le travail qu'il a réalisé et il lui sera alloué la somme de 63 562,50€ au titre du solde de ses honoraires, avec intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2017, date de ses conclusions valant mise en demeure.

S'agissant de la facture F14-754/A datée du 3 mai 2013 d'un montant de 144 000 euros, elle porte sur la remise de douze séries de plans coupes et façades, dont M. [L] sollicite paiement en se fondant sur l'article 8 du contrat et en arguant qu'il lui a été demandé à de nombreuses reprises de modifier les plans.

L'article 8 du contrat de maîtrise d'oeuvre prévoit que « Si des modifications fondamentales sont apportées aux données de base du programme par décision du Maître de l'Ouvrage pour des raisons indépendantes du Maître d'Oeuvre de Conception, celui-ci s'engage à rectifier ses plans et études en conséquence. Dans ce cas, les études précédemment effectuées qui deviendraient inutilisables seront évaluées contradictoirement au pourcentage d'avancement et suivant les bases de répartition fixées au Maître d'Oeuvre de Conception. Il est entendu que toute modification mineure ou amélioration que le Maître d'oeuvre déciderait d'apporter au programme, ne saurait donner lieu à une rémunération complémentaire au profit du Maître d'Oeuvre de Conception ».

Si effectivement les plans ont été modifiés à 12 ou 13 reprises, M. [L] ne démontre pas qu'ont été apportées des modifications fondamentales, rendant les précédentes études inutilisables, alors même qu'il n'est pas inhabituel que, s'agissant d'un projet immobilier de grande envergure, des modifications mineures aient pu être demandées au fur et à mesure de l'évolution du chantier par le maître d'ouvrage, comme en justifient les courriels échangés entre

les parties mentionnant des mises au point, des corrections, des modifications ou des rectifications.

Les plans modifiés indice M portant sur la toiture en février 2013 font suite à la faute commise par M. [L] qui n'a pas respecté les mitoyens, la toiture empiétant sur le fonds de la copropriété 'Les Canaries'. M. [L] ne peut donc reprocher au maître d'ouvrage cette dernière modification des plans qu'il a dû réaliser pour respecter la conformité du bâtiment.

En outre la facture dont s'agit n'a pas fait l'objet d'une notification préalable au maître d'ouvrage, demandant un complément de rémunération pour la réalisation de plans relatifs à des modifications fondamentales. La demande en paiement de ce chef sera donc rejetée.

M. [L] fait état de frais bancaires qu'il a dû régler en 2017 et 2018 à hauteur de 9 537,38€ dont il réclame le remboursement à la SNC Fréjus [Localité 9] à titre de dommages et intérêts. 

En considération des fautes avérées de M. [L] qui ont contribué à la situation financière obérée dont il fait état, il ne sera pas fait droit à sa demande en dommages et intérêts.

Sur la garantie de la Mutuelle des Architectes Français

La société MAF doit sa garantie à son assuré, dont la responsabilité professionnelle a été retenue. Elle sera donc condamnée in solidum avec M. [D] [L] à payer à la société Neximmo 68 venant aux droits de la SNC Fréjus [Localité 9] la somme de 100 000 euros, sous déduction de la franchise contractuelle.

Sur les autres demandes

Il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [D] [L].

Les dépens seront pris en charge par la société Neximmo 68 venant aux droits de la SNC Fréjus [Localité 9] et par la société MAF.

Rien ne permet à la cour de déroger aux dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 devenu l'article R.444-55 du code de commerce relatif aux frais d'huissier mettant à la charge du créancier une partie des frais de recouvrement ou d'encaissement. Cette demande formée par la société Neximmo 68 sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Condamne in solidum la société Neximmo 68 venant aux droits de la SNC Fréjus [Localité 9] et la société MAF à payer à M. [D] [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne in solidum la société Neximmo 68 venant aux droits de la SNC Fréjus [Localité 9] et la société MAF aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-3
Numéro d'arrêt : 17/11285
Date de la décision : 14/05/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3A, arrêt n°17/11285 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-14;17.11285 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award