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10/03/2020 | FRANCE | N°19/19010

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 op, 10 mars 2020, 19/19010


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 OP



ORDONNANCE SUR CONTESTATION

D'HONORAIRES D'AVOCATS

DU 10 MARS 2020



N°2020 / 090















Rôle N° RG 19/19010





N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJNL





[N] [H]

[E] [H]





C/



la SCP [M]



































Copie exécutoire délivrée





le :





à :



- Me Antoine ROSSI-LEFEVRE



- Me Paul GUEDJ



Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel:



Décision fixant les honoraires de Me [X] [M] rendue le

18 Novembre 2019 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de GRASSE.





DEMANDEURS



Monsieur [N] [H], demeurant [Adresse 2]



représenté par ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 OP

ORDONNANCE SUR CONTESTATION

D'HONORAIRES D'AVOCATS

DU 10 MARS 2020

N°2020 / 090

Rôle N° RG 19/19010

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJNL

[N] [H]

[E] [H]

C/

la SCP [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Antoine ROSSI-LEFEVRE

- Me Paul GUEDJ

Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel:

Décision fixant les honoraires de Me [X] [M] rendue le

18 Novembre 2019 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de GRASSE.

DEMANDEURS

Monsieur [N] [H], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Antoine ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [E] [H] née [I], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Antoine ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE

DEFENDEUR

La SCP [M] en la personne de

Maître [X] [M], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 12 Février 2020 en audience publique devant

Madame Catherine LEROI, Conseiller,

délégué par ordonnance du Premier Président .

Greffier lors des débats : Mme Christiane GAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2020.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2020

Signée par Madame Catherine LEROI, Conseiller et Mme Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par décision en date du 18 novembre 2019, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Grasse a constaté qu'un accord est intervenu entre la SCP [M] d'une part, M. [N] [H] et Mme [E] [H] d'autre part, sur le principe du règlement d'un honoraire complémentaire de résultat, a fixé à la somme de 150398,04 € HT soit 180477,65 € TTC le montant de l'honoraire complémentaire de résultat dû à la SCP [M] et a dit en conséquence que les époux [H], tenus solidairement à son égard en application des dispositions de l'article 2002 du code civil, doivent payer à la SCP [M] la somme de 180477,65 € TTC, a dit que les honoraires et débours restant dus seront augmentés des pénalités de retard d'un montant égal à trois fois le taux de l'intérêt légal, à compter du mois après la date de la facture.

Par courrier recommandé expédié le 9 décembre 2019 et réceptionné au greffe le 11 décembre 2019, M. [N] [H] et Mme [E] [H] née [I] ont relevé appel de cette décision.

A l'audience du 12 février 2020, les époux [H], se référant expressément à leurs conclusions déposées au greffe le 4 février 2020, sollicitent l'infirmation de la décision et demandent à la juridiction d'appel de dire qu'ils ne sont redevables d'aucun honoraire de résultat et de condamner Me [M] à leur payer la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCP [M] sollicite l'allocation de ses écritures déposées au greffe le 6 février 2020 et visées par le greffier tendant à la confirmation de la décision déférée ; elle demande à la juridiction d'appel de condamner solidairement les époux [H] à lui payer la somme de 180477,65 € TTC outre les pénalités de retard d'un montant égal à trois fois le taux de l'intérêt légal, à compter du mois après la date de la facture, soit à compter du 9 février 2019, ainsi que la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeter les demandes des époux [H] et les condamner solidairement aux entiers dépens.

Il sera référé aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent recours sera déclaré recevable comme satisfaisant aux conditions prévues par l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Courant novembre 2004, M. [N] [H] et Mme [E] [H] née [I] ont confié à la SCP [M] la défense de leurs intérêts, dans le cadre d'une instance judiciaire en cours, les opposant à la SNC VICTORIA promoteur, et à divers constructeurs ayant entrepris des travaux de construction d'un immeuble de plusieurs étages en contrebas de leur propriété, susceptibles d'avoir occasionné certains désordres dans leur immeuble, et entraînant une privation de vue.

Après dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 21 avril 2008, le tribunal de grande instance de Nice, par jugement en date du 4 novembre 2013 rectifié par décision en date du 1er septembre 2014, a condamné in solidum le syndicat des copropriétaires LE VICTORIA, la compagnie AXA FRANCE IARD , la SARL ATELIER D'ARCHITECTURE ET D'URBANISME ORSELLI et son assureur la MAF , la SA ALBERTI et son assureur la SMABTP à payer aux époux [H] les sommes de 1675154, 80 € TTC pour les travaux de reprise dont il conviendra de déduire la somme de 415000€ correspondant au montant de la provision déjà allouée avec actualisation sur l'indice BT01 depuis le dépôt du rapport d'expertise le 21 avril 2008 jusqu'au prononcé du jugement le 4 novembre 2013 et sur le taux légal au delà, 42000 € au titre des préjudices annexes, 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens partagés à raison de 20 % pour la SNC VICTORIA et AXA FRANCE IARD, 40 % pour la SARL ATELIER D'ARCHITECTURE ET D'URBANISME ORSELLI et son assureur la MAF et 40 % pour la société ALBERTI et son assureur la SMABTP, a dit que la somme de 1717154,80 € sera indexée sur l'indice BT01 le dépôt du rapport d'expertise le 21 avril 2008 jusqu'au prononcé du jugement le 4 novembre 2013 et sur le taux légal au-delà.

Les époux [H] se sont acquittés d'honoraires de diligences d'un montant de 51136,55€ TTC. La SCP [M] a édité le 9 janvier 2019 une facture n° 96024053 portant sur le solde des honoraires complémentaires d'un montant de 195 398,44€ HT soit 234 478,13 € TTC correspondant à 10 % de la somme de 1 953 984,40 € recouvrée incluant les sommes allouées en principal, intérêts, actualisation, dommages-intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens, laquelle fait l'objet du présent litige.

I Sur la recevabilité de l'action en paiement des honoraires :

Selon l'article L218-2 du Code de la consommation correspondant à l'ancien article L137-2 « l'action des professionnels, pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».

Cette prescription s'applique à l'action en recouvrement de ses honoraires par l'avocat à l'encontre d'un client, personne physique n'agissant pas dans un cadre professionnel. Le délai de prescription commence à courir, non pas à compter de la date de la diligence dont il est sollicité le paiement, mais à compter de la fin de la mission de l'avocat.

En l'occurrence, il ressort des pièces versées aux débats qu'après prononcé du jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 4 novembre 2013 lequel ne met pas fin automatiquement à la mission de l'avocat, la SCP [M] a poursuivi sa mission, procédant, entre juin 2015 et novembre 2017, au recouvrement de la somme totale de 218395,76 € au profit des époux [H]. En effet, par courrier en date du 2 novembre 2017, elle faisait parvenir à ses clients un dernier règlement de 22640,49 € dont elle indiquait qu'il clôturait le dossier.

Il est par ailleurs établi que la SCP [M] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats d'une demande de fixation de ses honoraires le 20 mars 2019.

L'action de la SCP [M] en recouvrement de ses honoraires sera en conséquence déclarée recevable et non prescrite comme ayant été intentée dans les deux années de la fin de sa mission.

II Sur le bien-fondé de l'honoraire de résultat sollicité :

L'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 y compris dans sa rédaction résultant de la loi du 6 août 2015, n'exige pas la rédaction d'une convention d'honoraires à peine de déchéance du droit aux honoraires de l'avocat. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence bien établie de la cour de cassation, un honoraire de résultat est dû à l'avocat dès lors qu'il est établi que le client en a accepté le principe, y compris verbalement.

En l'occurrence, la SCP [M] soutient que, lors d'une réunion s'étant tenue le 29 novembre 2013, en présence de Me [V] [P] avocate, les époux [H] ont accepté le principe du paiement d'un honoraire de résultat au profit de leur conseil, au regard du résultat obtenu.

Elle produit à cette fin une attestation établie le 11 février 2019 par Me [P], devenue avocate honoraire, indiquant que les époux [H] ont manifesté, lors d'un entretien s'étant déroulé au sein du cabinet, leur accord sur le principe d'un honoraire exceptionnel pour un montant restant à déterminer par les parties.

Elle ajoute que, faisant suite au courrier en date du 2 juin 2015 par lequel Me [M], se référant à la conversation du 29 novembre 2013 sur le solde des honoraires à verser à la fin du dossier, invitait ses clients à prendre rendez-vous afin de clôturer leurs rapports financiers, M. [H] a répondu dès le lendemain pour convenir d'une date et n'a émis aucune contestation, que suite à un nouveau courrier en date du 29 juin 2015 de Me [M] indiquant qu'il avait appelé M. [H] par téléphone afin d 'éclaircir la situation et qu'il lui faisait confiance s'agissant de la fixation du solde de ses frais et honoraires à la clôture du dossier, M. [H] a indiqué, par retour de mail « être en phase » avec l'entretien téléphonique, puis par courriel en date du 23 novembre 2017, qu'il reprendrait contact avec le cabinet à son retour ou au pire en début d'année, ce qu'il n'a pas fait.

Parallèlement, dans le courrier en date du 1er décembre 2018 adressé par les époux [H] à leur conseil, ces derniers expliquent que, lors du rendez-vous en date du 29 novembre 2013 portant sur l'opportunité de faire appel du jugement rendu, Me [M] a sollicité le paiement d'un honoraire complémentaire de résultat que Me [P] a proposé de chiffrer à 10%, qu'ils ont eu le sentiment d'être tombés dans un traquenard et qu'ils ont du jouer sur une certaine ambiguïté face à cette demande injustifiée pour inciter leur avocat à poursuivre son travail jusqu'au terme du recouvrement auprès des parties adverses.

L'accord du client sur le principe de l'honoraire de résultat, s'il peut n'être que tacite, doit toutefois être certain ou à tout le moins, résulter d'actes dont il est raisonnable de déduire une telle acceptation. 

En l'occurrence, l'engagement des époux [H] de prendre rendez-vous, conformément aux demandes de leur conseil, afin de clôturer leurs rapports financiers, ou de fixer le solde de ses frais et honoraires à la clôture du dossier après juin 2015, ne suffisent pas à démontrer leur acceptation d'un honoraire de résultat.

En outre, les époux [H] justifient avoir déposé plainte le 24 janvier 2020 pour fausse attestation à l'encontre de Mme [V] [P] et contestent formellement avoir accepté le principe d'un tel honoraire. En l'état de cette contestation de la seule pièce permettant de retenir l'existence d'un accord sur le principe d'un honoraire de résultat, il apparaît que celle-ci n'est pas démontrée.

Il convient dès lors d'infirmer la décision déférée et de dire que les époux [H] ne sont redevables d'aucun honoraire de résultat envers la SCP [M] .

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie devra supporter les dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS, statuant publiquement, contradictoirement en matière de contestation d'honoraires d'avocat,

DECLARONS recevable le recours formé par M. [N] [H] et Mme [E] [H] née [I] à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Grasse en date du 18 novembre 2019  ;

INFIRMONS cette décision et statuant à nouveau,

DISONS que M. [N] [H] et Mme [E] [H] née [I] ne sont redevables d'aucun honoraire de résultat envers la SCP [M] ;

DEBOUTONS la SCP [M] de l'ensemble de ses demandes;

DISONS n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DISONS que chaque partie conservera la charge des dépens par elle avancés.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 op
Numéro d'arrêt : 19/19010
Date de la décision : 10/03/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 20, arrêt n°19/19010 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-10;19.19010 ?
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