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28/02/2020 | FRANCE | N°18/19986

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 28 février 2020, 18/19986


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 28 FEVRIER 2020



N° 2020/ 84













Rôle N° RG 18/19986 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQEN







SARL AMBULANCES EUROPE





C/



[B] [F]





















Copie exécutoire délivrée

le : 28/02/2020

à :



Me Pascale PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE




r>Me Elric HAWADIER de la SELARL CABINET HAWADIER- RUGGIRELLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de FREJUS en date du 22 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00412.





APPE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 28 FEVRIER 2020

N° 2020/ 84

Rôle N° RG 18/19986 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQEN

SARL AMBULANCES EUROPE

C/

[B] [F]

Copie exécutoire délivrée

le : 28/02/2020

à :

Me Pascale PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Elric HAWADIER de la SELARL CABINET HAWADIER- RUGGIRELLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de FREJUS en date du 22 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00412.

APPELANTE

SARL AMBULANCES EUROPE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Elric HAWADIER de la SELARL CABINET HAWADIER-RUGGIRELLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Céline GRASSET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Monsieur [B] [F]

né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pascale PENARROYA-LATIL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et par Me Michel IZARD, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Décembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, M.Thierry CABALE, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine LORENZINI, Présidente de Chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Mme Solange LEBAILE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Février 2020.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Février 2020,

Signé par Madame Christine LORENZINI, Présidente de Chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 27 décembre 2017, Monsieur [B] [F], qui exposait avoir occupé au sein de la Sarl Ambulances Europe le poste de chauffeur ambulancier à compter du 1er mars 2010 selon une succession de contrats à durée déterminée de remplacement suivie d'un contrat à durée indéterminée du 1er janvier 2011 qui a été rompu par démission le 29 décembre 2015, a saisi, notamment aux fins de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus, puis, par jugement du 22 novembre 2018 assorti de l'exécution provisoire, le juge départiteur :

- a déclaré le salarié recevable en sa demande,

- l'a débouté de sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

- a constaté la prescription de la demande en paiement des rappels de salaire et indemnités antérieurs au 27 décembre 2014,

- a condamné la Sarl Ambulance Europe à verser au salarié les sommes suivantes:

276,77 euros au titre des rappels de salaire,

27,67 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur rappels de salaire,

10.394 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

- a ordonné sans astreinte à l'employeur de remettre au salarié un bulletin de salaire mentionnant les rappels de salaire et l'indemnité de congés payés sur rappels de salaire,

- a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi dans le versement des indemnités journalières,

- a débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle,

- a condamné la Sarl Ambulances Europe à verser à Monsieur [F] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le 18 décembre 2018, dans le délai légal, la Sarl Ambulances Europe a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 05 septembre 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sarl Ambulances Europe demande à la cour :

Vu l'article 58 du code de procédure civile,

Vu les articles l. 1242-2 et suivants, l. 3245-1 et l. 8223-1 du code du travail dans leur rédaction

applicable au litige,

Vu l'accord cadre du 4 mai 2000 et son avenant du 16 janvier 2008,

Vu les arrêts rendus le 24 novembre 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

* d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré le salarié recevable en ses demandes,

- l'a condamnée à verser à Monsieur [B] [F] les sommes suivantes:

276.77 euros à titre des rappels de salaire,

27.67 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur rappels de salaire,

10.394,00 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

- lui a ordonné de remettre au salarié un bulletin de salaire mentionnant les rappels de salaire et l'indemnité de congés payés sur rappels de salaire,

- l'a déboutée de sa demande reconventionnelle de condamnation du salarié à lui payer la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de l'instance par application des dispositions de l'article 699 du même code,

- l'a condamnée à verser au salarié la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens,

* de le confirmer pour le surplus,

et, statuant à nouveau,

- de dire et juger les demandes du salarié irrecevables,

en toute hypothèse,

- de lui donner acte de ce qu'elle a spontanément remis à Monsieur [F] un bulletin de paie rectificatif au mois d'avril 2018, faisant apparaître toutes les heures supplémentaires réalisées de même que leur taux de majoration (125 %), calculées conformément à l'accord-cadre du 4 mai 2000, après déduction des «primes» de disponibilité et de centre 15 critiquées, conformément à la méthodologie appliquée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence par ses arrêts du 24 novembre 2017,

- de débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner le salarié à lui restituer les sommes suivantes :

237,01 euros nets à titre des rappels de salaire et indemnité de congés payés afférents,

10.394 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner le salarié à lui payer la somme de 3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de l'instance par application des dispositions de l'article 699 du même code.

La société fait valoir :

- que les demandes du salarié sont irrecevables en application de l'article 58 du code de procédure civile faute de justification d'une tentative de règlement amiable du différend, le litige ayant été porté directement devant le bureau de jugement du fait d'une demande de requalification manifestement prescrite et infondée alors qu'il n'y avait pas d'urgence à saisir la juridiction prud'homale près de deux ans après la rupture du contrat de travail,

- que l'action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est prescrite en application des dispositions alors en vigueur de l'article L 1471-1 du code du travail pour avoir été engagée plus de deux ans après la signature le 20 décembre 2010 et la fin le 31 décembre 2010 du dernier contrat à durée déterminée,

- que les contrats à durée déterminée successivement conclus respectent les conditions de forme, de délai et de fond prévues par les articles L 1242-2 et suivants du code du travail dans leur version applicable au litige dès lors que chacun d'eux identifie le salarié remplacé et vise un cas d'absence non exclu du dispositif,

- que toute demande au titre de rappels de salaires et accessoires antérieure au 27 décembre 2014 est prescrite en application de l'article L 3245-1 du code du travail,

- que conformément à deux arrêts rendus par la présente cour pour deux autres salariés le 24 novembre 2017 qui a estimé ne pas devoir retenir leurs calculs de rappels de salaire en fonction de rémunérations d'astreintes et de permanences par des primes allouées par l'employeur sous les intitulés primes de disponibilité, de repas ou 'Centre 15" instituées par la convention collective ou des usages en vigueur dans l'entreprise, elle a recalculé le montant des rémunérations auxquelles le salarié aurait pu prétendre sur les trois années précédant la saisine en raison de l'application de l'accord-cadre du 4 mai 2000 instaurant, compte tenu des sujétions spécifiques et difficilement prévisibles liées à l'activité, un régime d'heures d'équivalence au niveau de la branche, ce dont elle a pu déduire qu'aucune heure supplémentaire ne reste due au salarié qui de son côté applique des méthodes de calcul erronées en cumulant à tort des avantages résultant des conventions et usages en vigueur dans l'entreprise au moment de l'entrée en vigueur de l'accord-cadre et les avantages résultant d'une application des seules stipulations favorables de cet accord en ne retenant qu'un nombre d'heures d'équivalence théorique de douze heures quand celui-ci peut varier de dix à douze heures, sans application des coefficients de pondération, soit 90% en dehors des permanences et 75% au cours des services de permanence,

- que son intention de dissimuler du temps de travail effectif soumis à déclarations ne peut résulter d'une difficulté d'interprétation et d'application d'un régime d'heures d'équivalence complexe à mettre en oeuvre dont le salarié ne s'était jamais prévalu avant la saisine de la juridiction prud'homale, alors d'une part que si elle n'a pas mentionné sur les bulletins de paie des heures supplémentaires, elle a toujours expliqué que les primes intitulées primes de disponibilité qu'elle allouait constituaient des éléments de salaire à caractère obligatoire assujettis à cotisations patronales et salariales au même titre que les salaires, alors d'autre part qu'elle a émis, dès qu'elle a été informée des demandes du salarié, un bulletin de paie faisant apparaître surabondamment toutes les heures supplémentaires réalisées au cours de la période non-prescrite, selon l'accord-cadre, avec le taux de majoration applicable n'excédant jamais celui de 125%, après déduction des primes de disponibilité et de centre 15 déjà payées,

- que la demande en réparation d'un préjudice subi dans le versement des indemnités journalières n'est justifiée ni dans son principe ni dans son quantum.

Par dernières conclusions du 05 juin 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Monsieur [F] demande à la cour de:

* dire et juger l'appel formé par l'employeur recevable mais mal fondé,

en conséquence :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré son action et ses demandes recevables,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sas Ambulances Europe à lui verser la somme de 10.394 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à cette même société de lui remettre un bulletin de salaire mentionnant les rappels de salaire et l'indemnité de congés payés sur rappels de salaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sas Ambulances Europe sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné cette société aux entiers dépens,

* dire et juger son appel incident recevable et bien fondé,

en conséquence:

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et d'indemnité y afférente,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la prescription de la demande en paiement des rappels de salaire et indemnités antérieurs au 27 décembre 2014 et limité les rappels alloués à 276,77 euros outre congés payés,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi dans le versement des indemnités journalières,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à 1.500 euros le montant alloué en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et, statuant à nouveau :

- condamner la Sas Ambulances Europe à lui payer la somme de 1.732,35 euros à titre d'indemnité de requalification de ses contrats de travail a durée déterminée en contrat a durée

indéterminée,

- condamner la même société à lui payer la somme de 1.415,86 euros bruts à titre de rappels de salaires, heures supplémentaires, majorations et primes diverses, pour la période non prescrite, outre la somme de 141,58 euros bruts au titre de d'indemnité compensatrice de congés correspondante selon la règle du dixième,

- condamner l'employeur à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte subie dans le versement des indemnités journalières,

* en tout état de cause:

- condamner l'employeur à lui payer la somme 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sas Ambulances Europe aux entiers dépens de première instance et d'appel en

application de l'article 696 du code de procédure civile,

- dire que ces dépens seront distraits au profit de la SCP LATIL-PENARROYA-LATIL conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le salarié fait valoir:

- que l'irrecevabilité soulevée doit être rejetée en ce que les prescriptions de l'article 58 du code de procédure civile sur l'indication dans la requête des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, ne sont pas prescrites à peine de nullité ni d'irrecevabilité de la demande,

- que la requalification et l'indemnité subséquente réclamées doivent être accordées dès lors que les vingt contrats à durée déterminée sur une période ininterrompue de dix mois ont eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise puisqu'il a occupé la même fonction de chauffeur ambulancier, par nature non temporaire, en remplacement de salariés pouvant être absents en raison de congés payés et avoir des attributions, qualifications et rémunérations distinctes des siennes,

- qu'en application de l'article L 3245-1 du code du travail, compte tenu d'une rupture intervenue le 29 décembre 2015, ses demandes en contestation de l'exécution du contrat de travail et en paiement de salaire formées respectivement moins de deux et trois ans après cette rupture, ne sont pas prescrites,

- qu'il résulte des deux arrêts de la cour du 24 novembre 2017 que l'employeur ne pouvait remplacer le paiement des heures supplémentaires par des primes de disponibilité et dites 'centre 15" et que l'accord-cadre devait servir de base de calculs des droits des salariés, et qu'en conséquence il a été insuffisamment rempli de ses droits et peut réclamer un rappel de salaire de 1415,86 euros bruts, a minima, pour les années 2013, 2014 et 2015 suivant les tableaux qu'il fournit, outre les congés payés afférents,

- que ses fiches de paie ne comportent pas la totalité des heures travaillées puisque des heures supplémentaires, celles au-delà des 17,33 heures mensuelles contractuellement fixées, étaient réglées au moyen de primes de l'aveu même de l'employeur qui a mis en place une pratique généralisée et systématique en l'érigeant en politique sociale en contravention avec la loi; que l'élément intentionnel de l'employeur de dissimuler du travail est caractérisé nonobstant l'établissement d'un bulletin de paie dit rectificatif qui est en contradiction avec le tableau qu'il produit par ailleurs et qui n'ayant été émis qu'au mois d'avril 2018, soit plusieurs mois après la saisine de la juridiction prud'homale, s'analyse en un repentir actif sans effet sur sa responsabilité pénale, l'infraction étant consommée,

- que les fiches de paie et les documents de fins de contrat étant mensongers, le jugement doit être confirmé en sa disposition qui prononce la remise de bulletins et documents rectifiés,

- que ses revenus de remplacement, indemnités journalières et allocation de retour à l'emploi, ont été calculés à partir de fiches de paie et documents sociaux faux produisant un résultat inférieur à la réalité, ce dont découle l'existence de son préjudice.

MOTIFS :

Sur l'irrecevabilité des demandes:

Il résulte, ensemble, dans leurs versions applicables au litige, des articles R 1452-2 du code du travail et 58 du code de procédure civile, qu'aucune nullité ni irrecevabilité ne peut découler de l'absence de mentions, dans la requête qui saisit la juridiction prud'homale, sur les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Le moyen d'irrecevabilité soutenu par l'employeur sera donc rejeté.

Sur la requalification :

Aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. L'article L 1471-1 du code du travail s'est appliqué immédiatement aux prescriptions en cours à la date de promulgation de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, soit le 14 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée antérieure, cinq ans en l'espèce. Or, le délai de prescription de l'action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au motif que ces contrats ont eu pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, devant courir à compter de la date du terme du dernier contrat, soit, en l'espèce, à compter du 31 décembre 2010, il y a lieu d'en déduire que l'action en requalification est prescrite dès lors que la saisine de la juridiction prud'homale est intervenue plus de cinq ans après cette date, soit le 27 décembre 2017.

Le salarié sera donc débouté de sa demande de paiement d'une indemnité de requalification.

Sur les rappels de salaire:

En application de l'article L 3245-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le délai de prescription des salaires de trois ans devant courir à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, soit, pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise, soit en l'espèce le dernier jour du mois, tout rappel de salaire antérieur au 1er décembre 2014 est prescrit.

Au moyen d'un tableau détaillant précisément les horaires accomplis les jours travaillés semaine civile par semaine civile au cours de l'année 2015, seule période non prescrite concernée par la demande, le salarié étaye à suffisance sa demande de rappel de salaire en application des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail.

L'employeur réplique en indiquant que le salarié décompte du travail effectif sans prendre en considération le temps d'équivalence tel qu'il doit s'appliquer en vertu de l'accord-cadre du 4 mai 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire, produisant son propre décompte pour intégrer les temps d'équivalence correspondant aux services de permanence et en dehors de ceux-ci, ce dont il se déduirait l'absence de tout reliquat de salaire. Or, le temps de travail effectif après application des temps d'équivalence tels qu'ils sont prévus par l'accord-cadre pour les personnels ambulanciers roulants, doit être décompté sur la base du cumul hebdomadaire des amplitudes journalières d'activité affectées du coefficient de minoration correspondant, sans qu'il n'y ait lieu, pour calculer la durée de travail hebdomadaire, de distinguer, au sein de cette amplitude, les heures accomplies dans le cadre de la durée légale et celles effectuées au-delà, qui se voient toutes appliquer le coefficient de minoration. Ainsi prises en compte, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à majoration de salaire égale à 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires, et à 50 % pour les heures suivantes.

Au vu des éléments apportés de part et d'autre, dont l'ensemble des sommes versées par l'employeur au cours de l'année 2015 correspondant à du temps de travail effectif, y compris sous les intitulés 'prime centre 15" et ' prime de disponibilité' que le salarié intègre en tant que tel dans son décompte, aucun rappel de salaire n'est dû en application de l'accord-cadre susvisé au titre d'un temps de travail effectif accompli au cours de l'année 2015, dimanches et jours fériés inclus.

Le salarié sera donc débouté de sa demande en paiement d'un rappel de salaire qu'il limitait pour l'année 2015, suivant le tableau auquel il fait expressément référence, à la somme de 276,77 euros bruts.

Sur le travail dissimulé:

Le comportement ostensible et habituel de l'employeur, fut-il fautif, qui a consisté à se dispenser d'une gestion rigoureuse de la paie qu'une application conforme de l'accord-cadre exigeait tout particulièrement, en imaginant pouvoir payer sous forme de primes aux intitulés explicites ' de disponibilité' et 'centre 15", toutefois, en l'espèce, entièrement déclarées et en dehors de tout bénéfice identifié notamment en terme de gain de cotisations ou contributions sociales, ce qui en définitive devait être détaillé sur les bulletins de paie sous forme de nombres d'heures de travail et majorations pour heures supplémentaires en appliquant des temps d'équivalence, ne suffit pas à caractériser une réelle intention de dissimuler de l'emploi en application de l'article L 8221-5 du code du travail.

Le jugement entrepris sera donc également infirmé en ce qu'il condamne l'employeur au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 8223-1 du code du travail.

Sur la remise d'un bulletin de salaire mentionnant les rappels de salaire et les congés payés afférents:

Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point dès lors qu'il n'est pas fait droit à la demande en paiement de tels rappels et congés payés afférents. Le salarié sera donc débouté de sa demande de remise d'un tel bulletin de paie.

Sur les dommages et intérêts au titre de la perte d'indemnités journalières et d'allocations d'aide au retour à l'emploi:

Il ne résulte pas des éléments produits que le paiement d'un temps de travail sous forme de primes sousmises à cotisations, sans perte de salaire avérée, aurait privé le salarié de l'ouverture de droits en matière de revenus de remplacement, compléments de salaire, prestations de sécurité sociale ou d'assurance chômage, ou de versements de cette nature en raison de calculs de droits sur une mauvaise assiette. Le salarié, qui ne justifie ni de l'existence ni de l'étendue de son préjudice, sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.

Sur les frais irrépétibles:

En équité, il y n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens:

Les entiers dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'employeur qui est à l'origine pour une large part de la situation contentieuse. Ces dépens seront distraits au profit de la SCP LATIL-PENARROYA-LATIL conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Réforme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Rejette le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société Ambulances Europe.

Dit prescrite la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Dit prescrit tout rappel de salaire antérieur au 1er décembre 2014.

Déboute Monsieur [B] [F] du surplus de ses demandes.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Ambulances Europe aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SCP LATIL-PENARROYA-LATIL conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 18/19986
Date de la décision : 28/02/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°18/19986 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-28;18.19986 ?
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