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31/01/2020 | FRANCE | N°18/07464

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 31 janvier 2020, 18/07464


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 31 JANVIER 2020



N°2020/123















Rôle N° RG 18/07464 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCLWS





[U] [I]





C/



CPCAM DES [Localité 1]

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE



CPCAM DES [

Localité 1]







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES-DU-RHONE en date du 27 Mars 2018, enregistré au répertoire général sous le n° 21603585.





APPELANTE



Madame [U] [I], demeurant [Adresse 1]



comparante en personne, assistée de Me Cedric...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 31 JANVIER 2020

N°2020/123

Rôle N° RG 18/07464 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCLWS

[U] [I]

C/

CPCAM DES [Localité 1]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

CPCAM DES [Localité 1]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES-DU-RHONE en date du 27 Mars 2018, enregistré au répertoire général sous le n° 21603585.

APPELANTE

Madame [U] [I], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CPCAM DES [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par Mme [L] [Q] (Inspectrice du contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2019 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Nathalie ARNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2020

Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Madame Nathalie ARNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 3 juin 2015, suite à un entretien houleux avec sa responsable hiérarchique, Mme [I] a quitté l'entreprise, après un passage en larmes à l'infirmerie.

Le lendemain, elle a été en arrêt maladie jusqu'au 1er octobre 2015 et n'a plus donné de nouvelles à son employeur.

Elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse en date du 30 juillet 2015.

La notification de licenciement a précisé des propos critiques et virulents de la salariée et son emportement violent, après un entretien avec sa responsable, Mme [M].

Le 2 octobre 2015, l'ancien employeur de Mme [I], la société SARTORIUS STEDIM, a signé une déclaration d'accident du travail concernant cette dernière, à la suite de la connaissance par elle de certificats médicaux rectificatifs en accident du travail.

Le certificat médical initial rectificatif a indiqué un syndrome anxio-dépressif sévère par possible harcèlement moral au travail.

Par courrier du 7 octobre 2015, l'employeur a émis des réserves expresses sur le caractère professionnel de l'accident allégué.

La caisse primaire centrale d'assurance maladie (CPCAM) des [Localité 1] a instruit, après enquête, cette déclaration d'accident du travail.

Par courrier du 17 décembre 2015, elle a notifié à Mme [I], un refus de prise en charge de l'accident du travail.

Le 31 mars 2016, après saisine infructueuse de la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme, Mme [I] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des [Localité 1] en contestation de la décision implicite de rejet.

Le 8 novembre 2016, la CRA a confirmé le rejet du recours de la salariée au motif que le fait générateur d'un trouble psychosocial doit être anormal et qu'il ne ressort pas des éléments du dossier que le fait générateur revête un caractère anormal.

Par jugement du 27 mars 2018, notifié le 4 avril 2018, le tribunal a :

-déclaré le recours de Mme [I] recevable mais mal fondé,

-confirmé la décision de la CRA du 8 novembre 2016 et de la CPCAM des [Localité 1] du 17 décembre 2015 de refus de prise en charge de l'accident du travail déclaré comme survenu le 3 juin 2015,

-dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens en application de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.

Par déclaration au greffe reçue le 27 avril 2018, Mme [I], par la voix de son conseil, a régulièrement interjeté appel de la décision, en ce qu'elle a rejeté sa demande de reconnaissance de la prise en charge à titre professionnel, de l'accident survenu le 3 juin 2015.

Par courrier du 5 septembre 2018, l'appelante a sollicité la fixation de cette affaire en formation collégiale.

Par conclusions reçues le 6 juin 2019, la CPCAM des [Localité 1] a sollicité :

-la confirmation du jugement du 27 mars 2018 en toutes ses dispositions,

-la condamnation de Mme [I] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle a fait valoir :

-le refus de la salariée de réaliser le planning de la ligne incombant à sa collègue de travail en congés,

-l'emportement de cette dernière qui a été agressive verbalement à l'égard de sa responsable hiérarchique,

-l'absence d'agression verbale de la responsable hiérarchique,

-l'absence de fait anormal le 3 juin 2015,

-pendant trois mois, les arrêts de travail ont été délivrés en 'maladie', sans jamais faire état d'un choc psychologique constaté le 3 juin 2015.

Par conclusions reçues au greffe le 9 décembre 2019, l'appelante, Mme [I] a sollicité :

-que son appel soit dit fondé,

-la réformation du jugement dans toutes ses dispositions,

-que l'accident soit pris en charge dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels en application de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale,

-qu'il soit dit qu'elle a été victime d'un choc émotionnel soudain, survenu de façon consécutive à l'entretien du 3 juin 2015, ayant entraîné des troubles anxio-dépressifs devant être qualifié d'accident du travail,

-qu'il soit dit qu'elle a été victime d'un accident du travail le 3 juin 2015,

-que la CPCAM soit condamnée au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

-l'entretien est l'élément déclencheur des troubles anxio-dépressifs subis par elle, dans le prolongement du comportement de harcèlement mis en oeuvre par sa responsable hiérarchique depuis plusieurs mois,

-les nombreuses heures supplémentaires et les remplacements réguliers effectués en l'absence de collègues, 39 à 41 heures par semaine au lieu de 37,

-la surcharge de travail imposée, le surmenage, la désorganisation du service,

-les burn-out d'autres collègues, Mme [N] et Mme [C], sous la responsabilité de Mme [M],

-l'entretien lui indiquant qu'elle devait assurer en plus de sa charge de travail, le remplacement d'une collègue en arrêt maladie, a entraîné une crise d'angoisse constatée par plusieurs témoins (femme de ménage, infirmière, deux collègues de travail),

-l'inscription de cet incident au registre des accident du travail bénins par l'infirmière après son passage à l'infirmerie,

-l'enquête de la CPCAM a été faite à charge, puisqu'aucun des témoins de l'incident n'a été entendu; seules la responsable hiérarchique, Mme [M] et la responsable Ressources humaines, Mme [X] ont été entendues,

-la violence et la soudaineté des propos négatifs tenus par Mme [M], agressive verbalement, est à l'origine de la crise d'angoisse survenue le 3 juin 2015,

-il serait équitable de faire application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1], reprenant ses conclusions déposées à l'audience, a sollicité la confirmation du jugement et la condamnation de Mme [I] au paiement de la somme de 2.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Selon l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. L'accident du travail se définit comme un événement soudain survenu au temps et au lieu du travail.

Peu importe le caractère anormal ou non de l'événement à l'origine de l'accident du travail dès que la lésion psychologique survient en temps et au lieu de travail sauf à démontrer l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.

En l'espèce, Mme [I], après un entretien qui s'est déroulé avec sa supérieure hiérarchique le 3 juin 2015, s'est trouvée en état de choc, objectivé par des pleurs convulsifs, attesté par Mme [R] ( courriel pièce n° 7), par Mme [W] (courriel pièce n° 4 et attestation pièce n°6), infirmière qui a reçu Mme [I] et lui a conseillé de rentrer chez elle. Cet incident a été consigné dans le registre «d'accidents bénins» en vue d'une prise en charge au titre des accidents du travail.

Mme [I] a consulté dès le lendemain son médecin traitant ( qui confirme ne pas recevoir le mercredi) qui a diagnostiqué le 4 juin 2015 un syndrome anxiodépressif, lui prescrivait un arrêt de travail et la dirigeait vers un spécialiste psychiatre qui la traitait pour une «anxiété massive...la symptomatologie a été brutale», les arrêts de travail ayant été prolongés sans discontinuité.

Il en résulte que l'accident survenu le 3 juin 2015 doit être pris en charge au titre de la législation relative aux accidents du travail.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la Caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] à payer à Mme [U] la somme de 1.500,00 euros à ce titre.

La Caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] supportera les dépens de l'instance, étant précisé que l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dont l'article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

PAR CES MOTIFS,

- Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,

- Dit que l'accident survenu le 3 juin 2015 doit être pris en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] dans le cadre de la législation applicable en matière d'accident du travail et renvoie Mme [I] devant cet organisme pour la liquidation de ses droits,

- Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] à payer à Mme [I] la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] aux éventuels dépens de l'instance.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 18/07464
Date de la décision : 31/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°18/07464 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-31;18.07464 ?
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