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31/01/2020 | FRANCE | N°17/02046

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 31 janvier 2020, 17/02046


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 31 JANVIER 2020



N° 2020/ 49













Rôle N° RG 17/02046 - N° Portalis DBVB-V-B7B-76VQ







[B] [P]





C/



SAS OPTIS

























Copie exécutoire délivrée

le :31/01/2020

à :



Me Florence BOUYAC,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 2

02)





Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON

(Vestiaire 135)























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 09 Janvier 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 15/00963.





APPELA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 31 JANVIER 2020

N° 2020/ 49

Rôle N° RG 17/02046 - N° Portalis DBVB-V-B7B-76VQ

[B] [P]

C/

SAS OPTIS

Copie exécutoire délivrée

le :31/01/2020

à :

Me Florence BOUYAC,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 202)

Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON

(Vestiaire 135)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 09 Janvier 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 15/00963.

APPELANT

Monsieur [B] [P]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 2]

comparant en personne,

assisté Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS qui a plaidé l'affaire et de Me Florence BOUYAC de la SELAS SELAS B & F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Blandine COCHET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

INTIMEE

SAS OPTIS, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Séverine CAUMON, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Solange LEBAILE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine LORENZINI, Présidente de Chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Mme Solange LEBAILE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2020

Signé par Madame Christine LORENZINI, Présidente de Chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant contrat à durée indéterminée, Monsieur [B] [P] a été embauché le 1er juillet 2014, par la Sas Optis, en qualité de vice-président produits. Le 2 juillet 2015, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 15 juillet 2015 et mis à pied à titre conservatoire. Par courrier recommandé en date du 28 juillet 2015, il a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement, Monsieur [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon qui par jugement en date du 9 janvier 2017 :

- a requalifié son licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- a fixé son salaire mensuel à 10000 euros bruts,

- a condamné la Sas Optis à lui payer les sommes suivantes :

* indemnité de préavis : 30000 euros bruts,

* congés payés sur préavis : 3000 euros bruts,

* rappel de salaire sur mise à pied : 2846,31 euros bruts,

* prime sur objectif 2014 : 10000 euros bruts,

* prime sur objectif 2015 : 10000 euros bruts,

* 'article 700" : 2000 euros,

- l'a débouté de ses autres demandes,

- a débouté la Sas Optis de sa demande reconventionnelle,

- a 'fixé les dépens à la charge' de la société Optis.

Le 1er février 2017, soit dans le délai légal, Monsieur [P] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions en date du 17 septembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Monsieur [P] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en annulation du licenciement, formée à titre principal, de même que la demande en réintégration, ainsi que la demande afférente en indemnisation des salaires non versés entre le licenciement et la réintégration, provisoirement arrêtée à 120000 euros et en ce qu'il a rejeté la demande formée à titre subsidiaire au titre de l'indemnité pour licenciement abusif à hauteur de 130000 euros,

- le confirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire son licenciement prononcé par la société Optis en violation de l'article L2281-3 du code du travail,

- en conséquence, annuler ledit licenciement et ordonner sous astreinte, sa réintégration à son poste au sein de la société Optis,

- condamner la société Optis à lui payer une indemnité correspondant au montant des salaires nets qui lui auraient été versés pour la période comprise entre la date de notification du licenciement et son retour effectif à son poste de travail, soit la somme provisoirement arrêtée à 240000 euros au 1er juin 2017,

A titre subsidiaire,

- dire le licenciement abusif,

- condamner la société Optis à lui payer une indemnité pour licenciement abusif à hauteur de 130000 euros,

- condamner sous astreinte, la société Optis à lui remettre une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés,

Statuant sur l'appel incident,

- dire le société Optis infondée en son appel incident sollicitant la réformation du jugement entrepris 'en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une somme de 30000 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 3000 euros bruts à titre de congés payés sur préavis, la somme de 2846,31 euros bruts à titre de rappel de salaires sur mise à pied, la somme de 10000 euros bruts au titre de la prime sur objectifs 2014, la somme de 10000 euros bruts au titre de la prime sur objectifs 2015, la somme de 2000 euros du code de procédure civile',

En tout état de cause,

- débouter la société Optis de toutes ses demandes,

- condamner la société Optis à lui payer la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- la condamner également à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- 'assortir les condamnations prononcées (qui ne le seraient pas de droit) sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile et des intérêts au taux légal',

- condamner la société Optis aux entiers dépens, dont ceux de l'exécution.

Le salarié fait valoir :

- sur la nullité du licenciement, que ce dernier n'est intervenu qu'en réponse au fait qu'il se soit exprimé sur sa rémunération ; que le licenciement est nul pour avoir été prononcé en violation de sa liberté d'expression ;

- à titre subsidiaire, sur l'absence de cause réelle et sérieuse, que le licenciement a été annoncé publiquement avant même le terme de la procédure ; que le terme 'fired' utilisé par l'employeur est dépourvu d'équivoque ; qu'il a répondu par courrier en date du 22 juillet 2015 à l'ensemble des griefs ; que l'employeur n'a produit aucune pièce susceptible d'étayer ses griefs ; que les courriels adverses établissent l'existence de directives ou choix stratégiques 'à géométrie variable' des dirigeants de la société ; que ces comportements ont dégénéré en propos accusatoires à son égard ; que ce que lui reproche l'employeur relèverait tout au plus d'une simple insuffisance ; que, néanmoins, le licenciement pour insuffisance professionnelle ou incompétence, à les supposer établies, échappe au droit disciplinaire ;

- sur le rappel de rémunération variable, que l'article 3.1 du contrat de travail prévoit une rémunération variable que l'employeur n'a pas appliqué ; que cette situation qu'il a déploré a conduit l'employeur à procéder à son licenciement ; que, faute pour l'employeur d'avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables, la rémunération correspondant aux dits objectifs doit lui être payée intégralement ;

- sur l'exécution déloyale du contrat de travail, qu'il résulte de ce qui a été développé précédemment que l'employeur a manqué à l'exigence essentielle de l'article L1222-1 du code du travail ; qu'il a notamment évoqué ces manquements et constaté que les dirigeants de la société le plaçaient dans une 'situation piégeante' dans son courriel du 2 juillet 2015 et qu'il s'est référé aux souffrances morales et aux conséquences pathologiques de ce climat à son détriment.

Par dernières conclusions en date du 31 juillet 2017, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sas Optis demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de Monsieur [P] d'annuler le licenciement, d'ordonner sa réintégration et de la condamner à lui payer une indemnité correspondant au montant des salaires nets qui lui auraient été versés pendant la période comprise entre la date de notification de son licenciement et son retour effectif à son poste de travail sur le fondement de l'article L2281-3 du code du travail,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas considéré que le licenciement de Monsieur [P] devait être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de Monsieur [P] de condamnation à lui payer la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- la recevoir en son appel incident et réformer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [P] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse, en ce qu'il l'a condamné à lui payer la somme de 30000 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 3000 euros bruts au titre des congés payés sur préavis, la somme de 2846,31 euros bruts au titre de rappel de salaires sur mise à pied, la somme de 10000 euros bruts au titre de la prime sur objectifs 2014, la somme de 10000 euros bruts au titre de la prime sur objectifs 2015, la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- dire que le licenciement de Monsieur [P] n'est pas nul,

- dire que son licenciement est valablement fondé sur des fautes graves,

- dire qu'aucun rappel de rémunération variable n'est dû à Monsieur [P],

- dire qu'elle a exécuté de manière parfaitement loyale le contrat de travail,

Par conséquent,

- débouter Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

L'employeur soutient :

- sur la demande en nullité du licenciement, que ce dernier n'est pas intervenu en réponse au fait que Monsieur [P] se serait exprimé au sujet de sa rémunération ; que les interrogations sur la pertinence de son activité sont bien plus anciennes ; que si la lettre de licenciement mentionne la correspondance que Monsieur [P] lui a fait parvenir, cette lettre est invoquée pour démontrer qu'en tenant des propos erronés sur un ton inapproprié, le salarié n'avait manifestement pas pris la mesure de ses fonctions et de ses responsabilités ; que la liberté d'expression d'un salarié n'est pas totale ; qu'au surplus, le salarié sollicite une indemnité très conséquente sans déduire du montant sollicité les revenus perçus d'une autre activité professionnelle ou les allocations de chômage perçues ;

- sur la légitimité du licenciement, que la décision a été régulièrement prise à l'issue des délais légaux et notifiés dans la lettre de licenciement du 28 juillet 2015 sans qu'aucune information n'ait été à ce titre communiquée auparavant à Monsieur [U] ou à Monsieur [V] ni à aucun autre collaborateur concernant la décision finale de licencier ; que le salarié n'a pas été licencié verbalement, antérieurement à la notification de la lettre de licenciement ; qu'il est reproché à Monsieur [P] de ne pas accomplir correctement ses missions professionnelles et de ne pas respecter ses obligations contractuelles et ce, de manière délibérée et répétée ; que les fautes commises ont été préjudiciables à l'innovation, aux activités de recherche et de développement de l'entreprise et pénalisantes pour l'organisation de la production, le marketing et la communication auprès des clients ; que concernant le grief relatif à une communication insuffisante dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle organisation définie par le salarié, ce dernier a cru pouvoir investir les collaborateurs de missions sans tenir compte de leur profil et des individualités et sans communiquer sur le sujet, créant ainsi un climat d'incertitude et de malaise chez ces derniers, à tel point que les délégués du personnel ont demandé une réunion d'urgence aux fins de clarification ; que, s'agissant du grief relatif à l'organisation et à la tenue anormalement tardives des entretiens annuels, le salarié a été relancé à plusieurs reprises ; que le décalage des entretiens annuels et de la communication qui en a été faite a eu des répercussions importantes pour les collaborateurs qui n'ont pas eu en temps voulu confirmations des augmentations accordées, ce qui a entraîné un climat de suspicion et un décalage de trésorerie ; que le salarié ne peut invoquer la surcharge de travail engendrée par l'intérim qu'il a dû assurer sur le poste de directeur développement des produits industriels dans la mesure où il lui revenait de définir le contenu de la mission de ce directeur avant de pouvoir lancer le recrutement, contenu qu'il n'a jamais établi ; que, par ailleurs, les délégués du personnel de deux sites se sont plaints auprès de la direction de ce que d'une part, ils n'avaient pas été destinataires du calendrier de cette campagne d'entretiens et d'autre part de ce que les augmentations accordées en 2014 par anticipation pour 2015, n'avaient pas été confirmées ; que, concernant le grief relatif à l'absence de communication de 'roadmap' des produits telle que formulée par le comité de pilotage, le salarié n'a jamais accompli le travail demandé, tâche qui entrait dans ses attributions de 'Vp Président Product Opération'; que l'absence de 'roadmap' a eu un impact majeur sur l'organisation du travail des collaborateurs qui les a privé de la visibilité souhaitable sur la stratégie de l'entreprise et a limité leur autonomie dans l'appréhension de l'organisation de leurs tâches ; que, concernant le grief relatif à l'absence de transmission des informations urgentes demandées dans le cadre de dossiers importants, s'agissant du projet de développement ' H2020-Platon', malgré le fait que le salarié s'était engagé le 5 mai 2015 à rédiger une synthèse pour formaliser les attentes et les intérêts des clients, il n'a pas effectué le travail se contentant d'indiquer qu'il n'avait pas eu le temps et qu'il avait 'zappé' le sujet ; que, s'agissant de l'instruction du dossier Cir et Cii, le salarié n'a pas malgré plusieurs relances, fait remonter des informations sollicitées par sa hiérarchie ; qu'il en est de même concernant le partenariat stratégique de la société Airbus ; que s'agissant du grief relatif à l'inadéquation du comportement du salarié concernant les visites à l'étranger, Monsieur [P] n'a effectué qu'une seule visite au Japon alors qui lui avait été demandé de s'y rendre régulièrement ; que le salarié n'a établi aucun compte rendu de sa visite au Japon ; que la société a été contrainte d'annuler un voyage aux Etats-Unis, voyage dépourvu de tout caractère professionnel sérieux ; que, s'agissant du grief relatif au ton adopté par le salarié à l'égard de son employeur dans son courriel du 25 juin 2015, le ton comme les termes employés par Monsieur [P] démontrent que ce dernier n'avait pris la mesure ni de ses fonctions ni de ses responsabilités ; que, concernant le grief tenant à l'exécution déloyale du contrat de travail par Monsieur [P], ce dernier d'une part, n'adhérait pas à la politique de l'entreprise et ne la soutenait pas dans le cadre de ses missions ; que d'autre part, le salarié qui était gérant associé unique d'une entreprise ayant pour activité le conseil en système informatique, a contrevenu à son obligation d'exclusivité résultant de l'article 7 de son contrat de travail ; que le licenciement reposant sur des fautes graves, le salarié sera débouté de la demande de salaire durant la mise à pied ainsi que de ses demandes au titre du licenciement ; que subsidiairement, Monsieur [P] qui avait moins de deux ans d'ancienneté, n'apporte pas la preuve d'un quelconque préjudice ;

- sur la demande relative au rappel de rémunération variable, que cette dernière est fonction de l'atteinte des objectifs du groupe et non pas d'objectifs individuels ; que les seuils de déclenchement n'ont pas été atteints ; qu'aucun intéressement lié à la performance collective ou individuelle n'a été versée ;

- sur la demande relative à l'exécution déloyale du contrat de travail, que le salarié n'apporte pas la preuve d'une quelconque exécution déloyale du contrat de travail.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 octobre 2019.

MOTIFS :

Sur le licenciement:

La lettre de licenciement du 28 juillet 2015 est ainsi rédigée :

' Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à votre éventuel licenciement pour faute grave et cet entretien était fixé au 15 juillet 2015.

Vous avez sollicité un report de cet entretien préalable, demande à laquelle nous n'avons pas accédé, vous permettant toutefois de vous exprimer par écrit quant aux griefs qui vous sont reprochés.

Ainsi, par courrier en date du 16 juillet dernier, nous vous avons exposés les motifs pour lesquels nous envisagions votre licenciement pour faute grave, vous permettant de nous faire part de vos remarques et observations préalablement à toute prise de décision.

Par courrier en date du 22 juillet dernier, vous vous êtes expliqué sur chacun des griefs invoqués.

Nous avons attentivement pris connaissance de vos observations. Cependant, elles ne sont pas de nature à modifier notre appréciation de la situation. En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, pour les motifs rappelés ci-après.

Vous n'avez pas communiqué de manière suffisante dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle organisation qui a été définie par vous- même afin d'optimiser l'activité recherche et développement au sein de l'entreprise et dont vous aviez la responsabilité.

Vous avez ainsi créé une véritable confusion et un malaise certain chez les collaborateurs au point que les délégués du personnel ont demandé l'organisation en urgence d'une réunion afin de clarification, laquelle s'est tenue le 12 juin dernier.

Dans le cadre des explications que vous avez fournies,vous tentez d'imputer la responsabilité de cette situation à la mise en place, en parallèle par la direction de l'entreprise, d'organes internes nouveaux.

Cependant, nous insistons sur le fait que ces mises en place ont été indépendantes de la mise en oeuvre du nouveau schéma organisationnel dont vous étiez en charge. Nous soulignons par ailleurs que ce sont les instances représentatives du personnel, elles-mêmes alertées par le personnel en difficulté, qui nous ont fait part du malaise ressenti par un certain nombre de collaborateurs dans le cadre de la mise en oeuvre du nouveau schéma organisationnel.

Il s'avère en effet que vous avez cru pouvoir investir les collaborateurs de missions sans tenir compte de leur profil et des individualités et sans communiquer sur le sujet. Ainsi, un climat d'incertitude et de malaise s'est installé.

Malgré une transmission régulière de l'information par la direction de l'entreprise depuis le début de l'année et des relances de cette dernière,vous avez tardé à organiser et mener à leur terme les entretiens annuels.

Dès le 22 janvier 2015, la campagne d'entretiens annuels a été lancée et une note explicative du process vous a été transmise à cet effet. Vous avez répondu le 30 janvier 2015 en proposant un process et nous sommes ensuite restés sans nouvelles de votre travail pendant plusieurs semaines.

Le 20 mars 2015, nous vous avons relancé afin de connaître l'état d'avancement des entretiens annuels, vous rappelant la nécessité de clôturer la compagne d'entretiens annuels, vous rappelant la nécessité de clôturer la campagne d'entretiens annuels courant avril 2015.

Ce n'est que le 22 mai 2015 que vous avez fait un premier retour sur les entretiens annuels avec des propositions d'évolution salariale qui étaient qui plus est incomplètes et qui n'ont pas pu être mises en place à compter du mois de mai 2015.

Nous avons été contraints de vous relancer à nouveau le 28 mai 2015, et la campagne d'entretiens annuels n'a ainsi été finalisée que le 24 juin 2015.

Il ressort de votre courrier en date du 22 juillet dernier que vous reconnaissez que la campagne a été effectivement finalisé au-delà de l'échéance qui vous avait été fixée et vous tentez de vous dédouaner de vos responsabilités en invoquant le fait qu'il serait habituel dans l'entreprise de ne pas respecter le délai de clôture des entretiens annuels fixé à la fin du mois d'avril.

Cependant, vous conviendrez que les délais pratiqués par vos prédécesseurs importent peu. Il vous a été donné comme directive d'accomplir cette mission avant le 30 avril 2015 et vous n'avez pas, sans motif légitime, respecté l'échéance ainsi fixée.

De même, vous pensez pertinent pour votre défense d'évoquer :

- les problématiques soulevées par certains collaborateurs de l'entreprise dans le cadre des entretiens annuels (évolutions salariales, formalisation d'avenants au contrat de travail) ; ce qui reste sans rapport avec le grief qui vous est reproché.

- notre refus de recruter un directeur développement des produits industriels, ce qui aurait généré pour vous une surcharge de travail. Nous vous rappelons à toutes fins utiles que ce recrutement n'a pas été opéré non pas en raison d'un refus de notre part mais pour la simple raison qu'il vous appartenait au préalable de définir le profil souhaité, le contenu de la mission et de lancer le recrutement correspondant, ce que vous n'avez jamais fait.

De plus, les délégués du personnel des deux sites de l'entreprise, à savoir Optis Illumine à [Localité 5] et Optis Imagine à [Localité 7] ont fait part de leur mécontentement quant au fait que le calendrier de déroulement de la campagne d'entretiens annuels ne leur avait pas été communiqué d'une part et, d'autre part, que les engagements pris par la direction sur la politique salariale (notamment en ce qui concerne les augmentations accordées en 2014 par anticipation pour 2015) n'avaient pas été confirmés.

De manière tout à fait imprécise, vous vous croyez fondé à faire grief à la direction de communiquer des informations contradictoires aux équipes et représentants du personnel, considérant que ce serait là l'explication du mécontentement évoqué et cherchant une fois de plus à échapper à vos responsabilités. Vous n'hésitez qui plus est pas à accuser la direction de l'entreprise de manoeuvres destinées à tenir en échec les demandes des salariés.

Nous tenons simplement à vous préciser que la direction communique aux collaborateurs et représentants du personnel les informations et décisions prises et qu'elle attend, effectivement et de manière pour le moins légitime, que celles-ci soient mises en oeuvre par les managers de l'entreprise, conformément aux directives qui leur sont données. Ainsi, en tant que manager et responsable, nous attendons de vous que vous respectiez les consignes qui vous sont données et accomplissiez les missions confiées. Et il en va de la responsabilité de l'entreprise de prendre les mesures nécessaires en cas de défaillance d'un collaborateur.

De plus, vous avez persisté à ne pas prendre en compte la demande de communication du roadmap des produits telle que formulée par le comité de pilotage.

En effet, fin avril 2015, le comité de pilotage a demandé que lui soit communiqué dans les meilleurs délais le roadmap des différents produits, cette demande vous ayant été adressée par Monsieur [Z] par mail en date du 22 avril 2015.

Cependant, le travail demandé n'étant pas accompli, une relance vous a été adressée par mail en date du 18 mai 2015 et le dossier a dû être réinscrit à l'ordre du jour du comité de pilotage du mois de juillet 2015.

Pour tenter d'échapper à vos responsabilités, vous n'hésitez pas, dans votre courrier en date du 22 juillet 2015, à remettre en cause la conception même qu'a Monsieur [Z] du 'roadmap' et à imputer à la direction de l'entreprise une éternelle insatisfaction (pou r résumer vos termes) quant à la qualité du travail rendu. De telles explications sont toutefois inopérantes et vos allégations parfaitement infondées.

Vous ne transmettez pas les informations urgentes qui vous sont demandées dans le cadre de dossiers importants. Par exemple :

- S'agissant de l'important projet de développement 'H2020-Platon' qui porte notamment sur un financement pouvant atteindre plus de 2 millions d'euros et qui est en phase de soumission à la communauté européenne : Vous aviez accepté le 5 mai 2015 de rédiger une synthèse ayant pour objet de formaliser les attentes et intérêts des clients. Cependant, alors que la livraison du projet était fixée au 20 mai 2015, vous n'avez pas réalisé le travail confié et vous êtes contenté d'indiquer, lors de la réunion d'avancement qui s'est tenue le 19 mai 2015, que vous n'aviez pas eu le temps de faire le travail de synthèse demandé et vous en avez chargé un autre collaborateur.

Vos explications dans votre courrier du 22 juillet 2015 sont une fois de plus pour le moins légères. Vous indiquez notamment que la date cible pour finalisation de cette partie était fin juin 2015 et qu'ainsi vous n'avez ainsi pas fait courir de risques audit projet.

Cependant, en termes d'organisation et de planification internes, il vous a été demandé de livrer votre travail pour le 20 mai 2015 comme tous les autres collaborateurs partie au projet ce que vous ne niez d'ailleurs pas. Aussi, le fait est que vous n'avez une fois de plus pas respecté les consignes et échéances qui vous avaient été données. Nous tenons par ailleurs à vous préciser que Monsieur [Z] n'a jamais 'validé' comme vous le soutenez votre façon de faire puisque, comme les autres collaborateurs sur ce projet, il a été mis devant le fait accompli.

- concernant l'instruction du dossier Cir et Cii :

Nous vous avons demandé, le 23 juin 2015, d'assurer la remontée d'informations qualitatives sur les travaux effectués par les équipes de développement de l'entreprise. Vous avez répondu le 25 juin 2015 en transférant notamment la demande à plusieurs autres collaborateurs.

Cependant, le 30 juin 2015, nous étions toujours sans retour de votre part et nous avons été contraints de vous relancer. Le 2 juillet 2015, en raison de votre silence persistant malgré notre relance, nous avons directement pris en charge la demande et le travail de remontée d'informations qui vous avait été initialement confiée a été clôturé dès le lendemain.

Contrairement à ce que vous soutenez dans votre courrier en date du 22 juillet 2015, les travaux que [X] [Z] avait précédemment demandés et qui avaient été délivrés en leur temps par Monsieur [D] visaient à documenter un autre dossier (Src) indépendant du dossier fiscal Cir.

Le retour final de Monsieur [D] a été reçu le 7 juillet et suite à nos relances.

De plus les réponses attendues et reçues depuis provenaient également d'autres personnes de l'entreprise et sous votre responsabilité, notamment Messieurs [T] pour la partie réalité virtuelle et temps réel et Lemineur pour la partie mesure.

- En ce qui concerne le partenariat stratégique de la société avec la société Airbus :

Le compte rendu du comité de pilotage de projet qui s'est tenu le 11 mars 2015 à [Localité 9] vous a été transmis pour validation et communication dès le 18 mars 2015 étant précisé que celui-ci faisait état d'actions qui devait être menées avant la fin du mois de juin 2015 de le cadre du salon du [Localité 4].

Vous avez laissé en instance le travail qui vous avait été confié. La société Airbus a dû nous relancer et ledit compte rendu ne lui a été transmis que le 12 juin 2015 empêchant tout échange de communication à ce sujet entre les deux sociétés.

Aussi, les personnes en charge du projet au sein de la société Airbus et présents au salon du [Localité 4] ont fait part de leur étonnement car le comité de pilotage n'avait pas été informé d'une partie des process de suivi des développements communs intégrés au compte rendu.

De plus et contrairement à vos affirmations sur la satisfaction de la société Airbus quant à la prestation fournie, notre principal interlocuteur auprès de celle-ci a fait part lors de sa visite sur notre stand au salon du [Localité 4] de leur insatisfaction sur le process mis en place sur le site de [Localité 8] pour les phases de test et l'ont jugé inopérant et générateur de délais, nous contraignant à prendre immédiatement des mesures correctives à ce titre.

En outre, vous avez effectué différentes visites à l'étranger auprès des filiales de la société Optis et de leurs clients, notamment au Japon au mois de mai 2015 comme cela a été demandé à chacun des membres du comité de pilotage.

Cependant,vous n'avez jamais produit le moindre compte rendu de ces visites de nature à permettre d'identifier les actions à mener de telle sorte que ces visites sont finalement restées inefficaces.

Les explications que vous fournissez dans votre courrier daté du 22 juillet 2015 sont totalement floues et insatisfaisantes et nous maintenons que vous n'avez pas établi de compte rendu sur le travail que vous avez réalisé dans le cadre de vos déplacements à l'étranger, les comptes rendus réalisés par Monsieur [D] portant sur son propre travail et non sur le vôtre.

De même, au mois de juin 2015, nous avons été contraints d'annuler un voyage que vous deviez faire aux Etats Unis.

En effet, l'ordre de mission que vous aviez établi faisait état d'une absence totale de visibilité sur l'agenda du voyage et l'organisation de visites au cours de celui-ci. Ce voyage est apparu comme dépourvu de tout caractère professionnel sérieux.

Ainsi, s'agissant de l'annulation de ce voyage aux Etats Unis, vos explications telles qu'elles résultent de votre courrier en date du 22 juillet dernier, sont totalement dépourvues de toute pertinence.

Nous avons effectivement annulé ledit voyage qui n'avait manifestement pas la planification professionnelle requise pour ce type de déplacement.

Par ailleurs, le 25 juin dernier, vous vous êtes permis d'adresser un mail à la direction concernant votre rémunération et indiquant que l'entreprise ne respecterait pas ses engagements à votre égard.

Vous estimez en effet que la société vous est redevable d'une partie du salaire variable alors que les seuils de déclenchement correspondants n'ont pas été atteints. Contrairement à ce que vous soutenez dans votre courrier en date du 22 juillet 2015, ce qui vous est reproché n'est pas de vous être exprimé sur votre rémunération mais la manière de le faire. Nous vous renvoyons à ce sujet aux termes et ton parfaitement inappropriés que vous employez dans votre courriel en date du 25 juin 2015.

Aussi, nous avons bien noté qu'il vous paraissait curieux que la structure de votre rémunération soit différente de celle des managers placés sous votre responsabilité, critiquant le fait que, contrairement à ces derniers, votre part de rémunération variable est basée sur un objectif groupe et non sur un objectif individuel. Cette réflexion montre bien là que vous n'avez manifestement pas pris la mesure de vos fonctions et de vos responsabilités.

De plus, force est de constater que vous n'adhérez manifestement pas à la politique de l'entreprise et ne la soutenez ainsi pas dans l'exercice de vos missions.

- Dans le cadre d'un audit interne réalisé fin juin/ début juillet 2015, il a été remonté à la direction que vous critiquiez:

* la politique salariale de l'entreprise estimant que les salaires étaient trop bas. D'ailleurs, vous ne l'avez pas défendue dans le cadre de la réalisation des entretiens annuels d'évaluation.

* la politique tarifaire, n'hésitant pas à remettre en cause les prix de vente pratiqués de l'entreprise les considérant trop élevés.

- vous avez également des difficultés à intégrer qu'une fois la stratégie de groupe arrêtée par le comité exécutif, il appartient à chaque collaborateur de s'y conformer et de la mettre en oeuvre. Vous n'avez ainsi pas, dans le cadre de la définition des missions de vos collaborateurs à témoigner d'une analyse contraire à la stratégie de groupe arrêtée ou différente de celle-ci.

Ainsi, nous avons dû vous rappeler ce principe concernant la définition du périmètre d'action et d'intervention de vos deux principaux collaborateurs.

Notamment, vous tentez d'attribuer la responsabilité de la définition de la stratégie au responsable du pôle solution- sous votre hiérarchie- alors que nous avons considéré que la mission consistait à la mise en place de la stratégie préalablement définie et arrêtée par le comité exécutif. Cela ressort clairement des itérations sur la mission de Monsieur [J].

Enfin, dans le cadre de l'accomplissement des diligences nous incombant auprès de la caisse de sécurité sociale consécutivement à la transmission de votre arrêt maladie, nous avons été informés que vous étiez immatriculé auprès du Rsi.

Conscient effectivement des délais de changement de situation auprès desdits organismes, nous avons opéré quelques vérifications avant de retenir le moindre grief en la matière à votre encontre.

Nous nous sommes alors aperçus que, à ce jour, l'entreprise [P] Consulting Sarl, qui a pour activité le conseil en système informatique et dont vous êtes le gérant- associé unique, existe et est active.

En réponse, vous nous indiquez que depuis le 1 er juillet 2014, vous n'êtes plus détenteur du capital et depuis fin juillet 2014 vous n'avez accompli aucun travail pour l'entreprise [P] Consulting ni perçu la moindre rémunération.

Cependant, il ressort de l'extrait Kbis à jour et extrait au mois de juillet dernier que vous en êtes le gérant.

Il s'avère ainsi que vous contrevenez une nouvelle fois à vos obligations contractuelles et notamment l'obligation d'exclusivité telle qu'elle résulte de l'article 7 de votre contrat de travail dont les termes sont clairs et non équivoques.

De manière délibérée et répétée, vous n'accomplissez pas correctement vos missions professionnelles et ne respectez ainsi pas vos obligations contractuelles.

Ces griefs sont manifestement préjudiciables à l'innovation, aux activités de recherche et de développement de l'entreprise mais également pénalisants pour l'organisation de la production, le marketing et la communication auprès des clients.

Nous avons bien pris note des observations et explications que vous avez formulées dans votre courrier en date du 22 juillet dernier. Cependant, elles ne sont pas de nature à modifier notre appréciation de la situation.

Vous n'avez en effet de cesse de vous réfugier derrière de prétendues incohérences de la direction ou encore un mauvais management de la part de cette dernière. Vous n'admettez manifestement pas d'être soumis, en votre qualité de salarié de l'entreprise, à des directives et instructions ainsi qu'à une politique générale arrêtée par les organes compétents, politique qu'il vous appartient d'ailleurs normalement de soutenir et de promouvoir auprès des collaborateurs et partenaires de l'entreprise. De même que vous ne parvenez pas à remettre en cause la qualité du travail que vous fournissez par rapport notamment aux attentes légitimes de la direction de l'entreprise.

Le ton que vous employez ainsi que le ton usité sont parfaitement inappropriés, voire déplacés vis-à-vis de la direction de l'entreprise et atteste de votre totale désolidarisation.

Votre comportement ainsi caractérisé est constitutif d'une faute grave et rend impossible votre maintien dans l'entreprise.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave...'

Concernant la demande de nullité du licenciement, il n'est pas démontré que Monsieur [P] ait été licencié en raison du fait qu'il se serait exprimé sur sa rémunération et ce, compte tenu de la multiplicité des griefs invoqués par l'employeur dont certains remontent à une période antérieure au courriel du 25 juin 2015, étant précisé que le simple fait que la lettre de licenciement fasse référence à ce courriel pour tenter de démontrer que le salarié n'a pas pris pleinement conscience de ses responsabilités étant insuffisant à démontrer que le licenciement prononcé l'aurait été en violation de sa liberté d'expression. Le salarié sera par conséquent, débouté de sa demande en nullité du licenciement ainsi que de ses demandes en réintégration et paiement d'une indemnité correspondant au montant des salaires pour la période comprise entre son licenciement et son retour effectif à son poste de travail.

S'agissant du moyen selon lequel le licenciement de Monsieur [P] aurait été prononcé avant de lui être notifié, le courriel dont se prévaut Monsieur [P] est en date du 26 juillet 2015, soit pendant sa période de mise à pied et postérieurement au courrier du salarié en date du 22 juillet 2015 dans lequel ce dernier avait pu faire valoir ses observations sur les griefs invoqués. Par ailleurs, ce message dans lequel Monsieur [M] [V] indique effectivement en anglais que Monsieur [P] a été mis à la porte, la traduction du mot 'fired' étant sans équivoque, afin de lui expliquer qu'il va le réadresser vers quelqu'un d'autre de la société, ne permet pas en soi d'en déduire que le salarié aurait été licencié antérieurement à la notification de la lettre de licenciement.

S'agissant du premier grief de la lettre de licenciement relatif à l'absence de communication du salarié dans la mise en place de la nouvelle organisation, il résulte des éléments produits par l'employeur qu'après validation le 28 septembre 2014 du schéma global de l'organisation présenté par le salarié, la mise en oeuvre de cette organisation n'était toujours pas effective plusieurs mois après, puisque le 27 mars 2015, Monsieur [P] discutait encore avec le management de son plan global et n'a annoncé la finalisation que le 12 juin 2015, créant ainsi un malaise au sein du personnel qui avait connaissance d'une nouvelle organisation mais n'en avait pas eu communication officielle, comme en atteste le compte-rendu de réunion de la Dup/Ce en date du 12 juin 2015. De son coté, le salarié n'établit pas que le retard pris dans la mise en oeuvre du schéma serait la conséquence de facteurs indépendants de sa volonté et notamment de la mise en place en parallèle d'organes internes nouveaux. Ce grief est donc fondé.

S'agissant du retard pris dans les entretiens annuels, l'employeur verse aux débats plusieurs courriels qui établissent que dès le 22 janvier 2015, la campagne de ces entretiens a été lancée avec transmission à Monsieur [P] d'une notice explicative du process, que ce dernier a été relancé à plusieurs reprises, la date butoir du 30 avril 2015 lui ayant été rappelé, et que Monsieur [P] n'a finalement terminé cette campagne que le 24 juin 2015, sans démontrer qu'il aurait été confronté à des problématiques soulevées par certains salariés ou qu'il aurait été habituel de ne pas respecter la date butoir pour ces entretiens. Le salarié n'établit pas non plus, l'existence d'une surcharge de travail induite par le refus de son employeur de procéder au recrutement d'un responsable du pôle développement industriel. Les comptes rendus des réunions des délégués du personnel des sites de [Localité 5] et de [Localité 7] en dates respectivement des 7 mai et 25 juin 2015 démontrent l'absence de communication sur la période de conduite de ces entretiens annuels et sur la rétroactivité de la régularisation des salaires aux salariés concernés par Monsieur [P]. Le grief invoqué est par conséquent fondé.

Concernant l'absence de communication du 'roadmap' des produits, il s'évince des pièces produites par l'employeur que le président directeur général a défini ses attentes précises en matière d'élaboration de ces documents dans ses courriels des 8 et 12 avril 2015 et avait déjà informé le salarié de son impatience quant à la réalisation de cette mission, que le salarié a été relancé à deux reprises et que faute d'avoir accompli le travail demandé par son employeur , le comité de pilotage a dû reporter la réunion au mois de juillet 2015 de sorte que le grief est fondé.

S'agissant de l'absence de transmission des informations urgentes dans le cadre de dossiers importants, et plus particulièrement le projet de développement 'H2020-Platon', il s'évince des pièces produites et notamment des courriels du salarié en date du 19 mai 2015 que ce dernier n'a pas réalisé le travail confié pour la date butoir du 20 mai 2015 et a confié celui-ci au dernier moment à un de ses collaborateurs. Quant au dossier Airbus, il résulte des éléments versés aux débats par l'employeur que Monsieur [P] à qui il avait été demandé de procéder à la validation, amendement et relecture du compte-rendu de réunion du 18 mars 2015, n'a pas répondu immédiatement aux différentes relances pour indiquer deux mois et demi plus tard que le compte-rendu pouvait être transmis en l'état. Ce grief est donc avéré.

Concernant le comportement du salarié pendant les visites à l'étranger, il ressort des éléments produits par l'employeur que Monsieur [P] a pris l'initiative d'annuler un rendez-vous avec un client au mois de mai 2015 alors qu'il se trouvait au Japon afin de pouvoir partir plus tôt pour acheter des souvenirs et faire des visites touristiques et qu'en raison de l'absence de précision donné par le salarié sur les rendez-vous professionnels qu'il prévoyait de faire lors d'un déplacement aux Etats-Unis, l'employeur a été contraint d'annuler ce déplacement. Par conséquent, ce grief est également fondé.

S'agissant du grief sur le ton adopté par le salarié dans son courriel en date du 25 juin 2015, il ne s'évince pas de ce message que le salarié ait adopté des termes inappropriés pour s'adresser à son employeur de sorte que ce grief n'apparaît pas fondé.

Concernant l'exécution déloyale du contrat, la seule production de deux pages de conclusion du rapport 'Toplink' ne permet pas de comprendre les objectifs de ce document ni de connaître le niveau de liberté de ton que le salarié pouvait adopter dans les déclarations qu'il a faites dans ce cadre de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer si les critiques qu'il formule dans le cadre de ce rapport sont acceptables ou non ; en revanche, il ressort de l'extrait Kbis produit par l'employeur que Monsieur [P] était gérant associé unique de la Sarl [P] Consulting qui a pour activité le conseil en système informatique, alors qu'il était salarié de la société Optis et qu'il était astreint aux termes de son contrat de travail, à une obligation d'exclusivité, sans qu'il puisse justifier que cette situation ait été connue et tolérée de son employeur. Ce grief tenant à l'exécution déloyale du contrat de travail est fondé.

Compte tenu du niveau de responsabilité du salarié et de la multiplicité des griefs établis, faits dont la gravité, notamment s'agissant de l'exécution déloyale du contrat de travail, rendait impossible la poursuite dudit contrat, le licenciement pour faute grave est fondé. Le salarié sera par conséquent débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents et de rappel de salaire sur mise à pied, le jugement étant infirmé de ces chefs.

Sur les primes 2014 et 2015 :

L'article 3.1 du contrat de travail liant les parties prévoit que 'Monsieur [B] [P] recevra une prime sur objectifs groupe d'un montant maximum annuel brut de 20000 euros (vingt mille euros), qui sera gérée par avenant au contrat et versée dans le trimestre suivant la clôture de l'année fiscale. Pour l'année 2014, cette partie variable sera calculée prorata temporis. Au début de chaque année fiscale, le calcul de la partie variable sera revu par voie d'avenant au contrat de travail.' En l'absence de production dudit avenant, les objectifs assignés au salarié ne sont pas définis de sorte que Monsieur [P] a droit à l'intégralité de la prime soit à la somme de 10000 euros bruts pour l'année 2014 et à la somme de 10000 euros bruts pour 2015, le jugement étant confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Le salarié qui ne démontre ni l'existence ni l'étendue de son préjudice sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les frais irrépétibles :

En considération de l'équité, il sera alloué à la Sas Optis la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens :

Les entiers dépens seront mis à la charge de Monsieur [P] qui succombe pour partie.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe :

Confirme partiellement le jugement entrepris,

Statuant sur le tout pour plus de compréhension et y ajoutant,

Dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [B] [P] est fondé,

Condamne la Sas Optis à payer à Monsieur [B] [P] la somme de 10000 euros bruts au titre de la prime sur objectifs pour l'année 2014 et la somme de 10000 euros bruts au titre de la prime sur objectifs 2015

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Monsieur [B] [P] payer à la Sas Optis la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur [B] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 17/02046
Date de la décision : 31/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°17/02046 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-31;17.02046 ?
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