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24/01/2020 | FRANCE | N°17/09898

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 24 janvier 2020, 17/09898


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 24 JANVIER 2020



N° 2020/72













Rôle N° RG 17/09898 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BASX7





[E] [J]





C/



SA CLINIQUE DES [3]





























Copie exécutoire délivrée

le : 24 janvier 2020

à :

Me Cedric HEULIN



Me Luc ALEMANY




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 09 Mai 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 15/02807.







APPELANTE



Madame [E] [J], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Cedric HEULIN de la SELARL SELARL GOLDMA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 24 JANVIER 2020

N° 2020/72

Rôle N° RG 17/09898 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BASX7

[E] [J]

C/

SA CLINIQUE DES [3]

Copie exécutoire délivrée

le : 24 janvier 2020

à :

Me Cedric HEULIN

Me Luc ALEMANY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 09 Mai 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 15/02807.

APPELANTE

Madame [E] [J], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cedric HEULIN de la SELARL SELARL GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA CLINIQUE DES [3] agissant poursuites et diligences de ses représentaux légaux domiciliés en cette qualité audit siège, sis [Adresse 2]

représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant par Me Stéphane LEPLAIDEUR, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Adeline GAUTHIER, avocat au barreau de TOULOUSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Corinne HERMEREL, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Corinne HERMEREL, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2020..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2020.

Signé par Madame Corinne HERMEREL, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Mme [J] a été embauchée par la Clinique des [3] en qualité d'aide-soignante qualifiée le 1er novembre 2001.

Par acte en date du 29 octobre 2015, avec d'autres salariés, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille pour des demandes de rappel d'heures supplémentaires ainsi que d'autres réclamations salariales.

Par jugement en date du 9 mai 2017, cette juridiction a condamné la Clinique des [3] à lui verser les sommes suivantes :

- 1 246 euros de dommages et intérêts au titre du non paiement des indemnités d'habillage et de déshabillage,

- 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et a débouté la salariée de toutes ses autres demandes et l'employeur de sa demande reconventionnelle, condamnant ce dernier aux dépens.

Par acte en date du 23 mai 2017, Mme [J] a interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions notifiées le 28 novembre 2019 par Mme [J],

Vu les conclusions notifiées le 22 novembre 2019 par la Clinique des [3],

Vu l'ordonnance de clôture intervenue le 5 décembre 2019.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Mme [J] conclut à l'infirmation de la décision déférée, sauf en ce qui concerne les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, et réformant le jugement sur le quantum des indemnités allouées pour les opérations d'habillage et déshabillage, demande à la cour de condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 24 750,01 euros brut de rappel d'heures supplémentaires outre les congés payés afférents,

- 17 223,85 euros net au titre de l'indemnisation du préjudice subi par l'absence de contrepartie obligatoire en repos,

- 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale quotidienne de travail,

- 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

- 3 035,47 euros net à titre de contrepartie pour les opérations d'habillage et déshabillage,

outre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens. Elle demande également de débouter la Clinique des [3] de son appel incident.

Elle expose qu'elle travaillait sur des cycles de travail de 12 semaines et devait réaliser durant ces cycles 42 journées de travail de 12 heures.

Elle précise que cette clinique relève de la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif du 18 avril 2002, que par ailleurs un accord de branche était signé par les partenaires sociaux le 27 janvier 2000, complété par un accord d'entreprise signé le 21 mars 2000 et que ce dernier accord était dénoncé par la direction de la clinique le 16 janvier 2008, et un accord de substitution étant signé le 7 mai 2015 (soit 7 ans après la dénonciation) avec l'organisation de nouveaux plannings applicables en mai et juin 2015.

Elle ajoute qu'entre le 16 avril 2009 (terme de la période de 15 mois de survie de l'accord dénoncé) et le 30 mai 2015 (date de la mise en application du nouvel accord), aucun dispositif n'était mis en place pour permettre à l'employeur de déroger aux règles légales ou conventionnelles issues de l'accord de branche, et relatives à l'aménagement du temps de travail, au paiement des heures supplémentaires et à la rémunération des temps d'habillage.

Elle formule des demandes effectuées dans la limite de la prescription quinquennale en application des dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013.

Sur le fond elle soutient qu'à défaut d'accord de substitution, l'employeur se devait de respecter les règles légales et conventionnelles susvisées et ne pouvait prendre de décisions unilatérales concernant ces thèmes.

Elle conclut que :

- la clinique ne peut se prévaloir du régime dérogatoire prévu à l'article L. 3122-3 du code du travail concernant les entreprises fonctionnant en continu, alors que par ailleurs elle continuait à appliquer l'accord d'entreprise qu'elle avait elle-même dénoncé,

- elle ne peut évoquer l'application de l'article D. 3122-7-1 du code du travail (décret du 4 novembre 2008) pour une organisation par périodes de travail, car cette application nécessite une consultation préalable du comité d'entreprise ainsi qu'une consultation annuelle de ce dernier, ce qui n'a jamais été réalisé, et que seul l'échec d'une négociation engagée de bonne foi peut autoriser l'employeur a aménager le temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus sur 4 semaines,

- elle ne peut se référer à l'accord d'entreprise dénoncé,

- elle ne peut évoquer l'accord de branche du 27 janvier 2000, les cycles ne se répétant pas à l'identique alors que cette répétition conditionne la mise en place d'un décompte des heures de travail par cycle de travail; en outre le comité d'entreprise n'a pas été consulté sur la modulation du temps de travail.

Elle soutient que le régime de droit commun du temps de travail doit trouver application entre avril 2009 et mai 2015 justifiant les demandes suivantes :

- pour les heures supplémentaires, un décompte par semaine civile avec majoration à partir de la 39ème heure réalisée (à 25 % de la 40 à la 43ème heures, à 50 % de la 44 à la 48ème heure) et pas de contrepartie en repos compensateur sans accord exprès du salarié,

- pour le dépassement du nombre d'heures supplémentaires relativement au contingent annuel réservé à celles-ci, l'octroi de dommages et intérêts par rapport au préjudice qu'elle subit,

- pour les dépassements des durées quotidienne et hebdomadaire, l'octroi de dommages et intérêts en réparation des dépassements résultant des plannings produits, et en application des règles légales en la matière,

- pour le temps d'habillage, cette salariée devant être présente à son poste en tenue de travail, le règlement intérieur imposant à la fois le port de cette tenue de travail et un habillage et déshabillage réalisés sur le lieu de travail, et l'entretien des tenues de travail étant effectué par l'employeur, une somme correspondant à 20 minutes de travail effectif par jour, dont elle réclame paiement.

Dans ses dernières écritures la Clinique des [3] conclut :

- à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes relatives aux heures supplémentaires, repos et dépassement des durées maximales de travail,

- à l'infirmation de celui-ci en ce qu'il lui a octroyé des dommages et intérêts au titre du non paiement des indemnités d'habillage et déshabillage,

- au débouté de toutes les réclamations de la salariée,

- à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre les dépens.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires, elle soutient qu'elle est une entreprise fonctionnant en continu, qu'elle fait par ailleurs partie des entreprises bénéficiant d'une dérogation permanente de droit au repos dominical en qualité d'établissement relevant du secteur des soins de santé en application des articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du code du travail (listant les établissements admis à donner le repos hebdomadaire par roulement).

Elle précise que le rythme de travail des aides-soignants qualifiés au sein de la clinique est organisé sur la base de 35 vacations réparties sur 12 semaines, les salariées bénéficiant de 7 jours de repos supplémentaires à l'intérieur de chaque cycle, ce qui leur permet de travailler 35 heures par semaine en moyenne, et non 42 heures, telles qu'elles le revendiquent.

Elle ajoute que la dénonciation de l'accord d'entreprise en janvier 2008 n'a pas remis en question la régularité des cycles de 12 semaines, qu'il s'agit bien d'une entreprise fonctionnant en continu, avec des cycles de travail intégrant des jours de repos, cette organisation par cycles relevant d'une décision unilatérale de l'employeur à défaut d'accord d'entreprise, qu'il s'agisse de cycles sur une semaine, 4 semaines ou comme en l'espèce des cycles sur 12 semaines.

Elle soutient que cette organisation n'avait pas à être soumise au comité d'entreprise.

Elle expose qu'en cas de recours au cycle, conformément à l'article L. 3122-5 du code du travail, le décompte des heures supplémentaires s'effectue non pas sur la base de la semaine civile mais par référence à la moyenne hebdomadaire des heures effectuées sur la totalité du cycle.

Elle conteste enfin, et à titre subsidiaire, les montants sollicités par la salariée.

Sur les demandes au titre des durées quotidienne et hebdomadaire de travail, elle conteste toute démonstration d'un quelconque préjudice.

Sur la demande au titre des opérations d'habillage/déshabillage, elle précise que l'accord d'entreprise du 21 mars 2000 prévoyait que, pour le personnel tenu au port d'une tenue de travail, le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage sur le lieu de travail devait être considéré comme du temps de travail effectif, et qu'il était rémunéré comme tel, que les horaires de travail mentionnés incluaient ces temps d'habillage et de déshabillage, que les salariés badgeaient avant d'avoir revêtu leur tenue de travail et après l'avoir ôté, ce qui démontre que ces opérations étaient bien intégrées dans le temps de travail, peu important que le nouvel accord du 7 mai 2015 ait instauré un système de contrepartie en repos. Elle conclut donc au rejet de toute demande à ce titre, les salariées ayant été remplies de leurs droits.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux écritures des parties susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient en premier lieu d'observer que le jugement a été improprement qualifié 'en dernier ressort' alors que l'appel est recevable, en application des dispositions des articles R. 1462-1 et D. 1462-3 du code du travail et au regard du quantum des demandes formulées.

Sur les demandes au titre des heures supplémentaires

En vertu de l'article L. 3122-2, un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année.

L'article L. 3122-3 du code du travail, issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, permet de déroger aux règles ci-dessus et dispose que 'par dérogation aux dispositions de l'article L. 3122-2, dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l'organisation du temps de travail peut être organisée sur plusieurs semaines par décision de l'employeur'.

Avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, l'article 212-7-1 ancien du code du travail autorisait que la durée du travail de l'entreprise puisse être organisée par cycles de travail, dès lors que sa répartition à l'intérieur d'un cycle se répète à l'identique d'un cycle à l'autre et sa durée était laissée à l'appréciation de l'employeur sous réserve qu'elle n'excède pas huit semaines.

En l'espèce, la clinique des [3], établissement de soins, travaille en continu pour accueillir des personnes 24h sur 24h, ce qui autorisait le recours à une organisation de travail cyclique conformément aux dispositions de l'article L. 3122-3 du code du travail précité, dont les termes n'ont pas été modifiés par la loi du 20 mai 2008, de sorte que le cycle n'était pas soumis à la limitation à quatre semaines telle que prévue par l'article D. 3122-7-1.

En tant qu'établissement de santé, la Clinique des [3] bénéficie également de la possibilité de déroger, ainsi que le prévoient les articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du code du travail, au droit au repos dominical, l'employeur pouvant donner le repos hebdomadaire par roulement.

Avant que l'employeur ne dénonce l'accord d'entreprise du 21 mars 2000, resté en vigueur jusqu'en avril 2009, le planning de travail des infirmières était fixé sur une période de 12 semaines, avec une amplitude horaire maximale quotidienne de 12 heures, étant observé que les salariées bénéficiaient de 7 jours de repos supplémentaires à poser à l'intérieur de chaque cycle, et non dans l'année, ce qui permettait de s'assurer d'une moyenne hebdomadaire de travail de 35 heures dans le cycle.

Le décompte des heures supplémentaires s'effectuait non pas sur la base de la semaine civile mais par référence à la moyenne hebdomadaire des heures effectuées sur la totalité du cycle.

Dès lors, le cycle mis en place sur 12 semaines par décision unilatérale de l'employeur à compter du mois d'avril 2009, conforme en tous points à l'aménagement du temps de travail ci-dessus décrit, est régulier et opposable au salarié, sans qu'il y ait lieu pour l'employeur de prononcer de manière formelle une quelconque décision, ni de recueillir expressément l'accord du salarié sur cette organisation, alors qu'aucune modification n'est intervenue dans l'exécution de son contrat de travail comme dans sa rémunération, seul le fondement juridique de l'organisation ayant changé.

Enfin, la distribution des plannings de travail à chacun des salariés a formalisé de manière suffisante la décision unilatérale de l'employeur de maintenir le système préexistant d'organisation du travail par cycles, au delà du délai de validité de l'accord dénoncé, et ce tant que la négociation n'aboutirait pas à un nouvel accord.

La salariée avait au surplus nécessairement donné son accord à cette organisation puisque telle était l'organisation de son travail au jour de son embauche, laquelle est intervenue postérieurement à la signature de l'accord d'entreprise du 21 mars 2000, et que c'est l'employeur et non la salariée qui a dénoncé les termes de cet accord.

Il est par ailleurs attesté de ce que des négociations ont effectivement été entamées dès la fin du délai de survie de l'accord d'entreprise, afin de trouver un accord de substitution sur l'aménagement du temps de travail. Il résulte ainsi des fiches de présence produites que 34 réunions ont été organisées avec les représentants syndicaux jusqu'au mois d'octobre 2014, pour négocier sur ce thème.

Enfin, si aux termes de l'article L. 2242-3 du code du travail, les négociations annuelles obligatoires interdisent à l'employeur, tant que la négociation est en cours, d'arrêter des décisions unilatérales dans les matières traitées, il résulte des procès verbaux d'accord sur la NAO, d'une part, que la décision unilatérale de l'employeur date d'une période antérieure à la NAO de 2009 et, d'autre part, qu'au cours de ces négociations annuelles, il n'a pas été question pour les représentants des salariés de remettre en cause les plannings de travail par cycles mis en place.

La consultation du comité d'entreprise et du CHSCT sur des modalités de travail qui existent depuis toujours n'est pas prévue par le texte dérogatoire et le défaut de consultation de ces organes ne saurait remettre en cause la validité de l'organisation résultant de la décision unilatérale de l'employeur, étant par ailleurs observé qu'aucun organe de représentation du personnel ne s'est opposé à l'application pérenne, au delà d'avril 2009, de l'organisation du travail sur des cycles de 12 semaines, lesquels supposent des semaines 'hautes', des semaines 'basses' et des repos compensateurs pris dès lors que des heures supplémentaires sont accomplies au delà de la durée hebdomadaire moyenne légale et le règlement des heures supplémentaires effectuées en sus.

Au-delà du régime dérogatoire prévu par l'article L. 3122-3 du code du travail, revendiqué à juste raison par l'employeur, il demeure que l'accord de branche du 27 janvier 2000 était également en vigueur au mois d'avril 2009.

C'est en procédant par affirmation que la salariée soutient, alors que les parties sont toutes deux d'accord pour retenir que le personnel soignant travaillait selon des cycles de 12 semaines, que ces cycles ne se répétaient pas à l'identique.

La salariée prétend ainsi, sans l'expliciter nullement, que les cycles qu'elle était amenée à effectuer ne se répétaient pas à l'identique d'un cycle à l'autre et soutient que les plannings qu'elle communique illustrent cette affirmation.

Or, la lecture de ces plannings, présentés sous la forme de tableaux mensuels, annotés de sigles inconnus, ne permet à la cour ni de repérer la date du début du cycle de 12 semaines, ni par conséquent d'effectuer une comparaison utile entre plusieurs cycles successifs, ce d'autant que conformément à l'accord de branche du 27 janvier 2000, la période de semaine haute du personnel soignant ne dépassant pas 48 heures hebdomadaires, des heures de travail en nombre inégal pouvaient être accomplies.

La salariée demanderesse, pourtant en possession de ses plannings, échoue à mettre en évidence sur ces pièces cette prétendue irrégularité des cycles, alors que selon sa pièce n° 10 produite 'Réponses aux questions des délégués du personnel. Réunion du 16 décembre 2010', il est précisé :

'La direction rappelle l'organisation de travail s'appliquant au personnel soignant (IDE et ASDE)

Le travail est organisé en journée de 12h00 selon le rythme suivant :

Semaine 1 : Lundi, Jeudi et Vendredi

Semaine 2 : Mardi, Mercredi, Samedi et Dimanche

Semaine 3 : Lundi, Jeudi et Vendredi

Semaine...

Semaine 12 : Mardi, Mercredi, Samedi et Dimanche...',

mettant ainsi en évidence le rappel d'une organisation par cycle régulier dont les délégués du personnel avaient connaissance.

Il ressort de cette analyse que l'organisation du travail au sein de la Clinique des [3] rentrait bien dans le cadre des dispositions de l'accord de branche du 27 janvier 2000, dans lequel s'était inscrit précédemment l'accord d'entreprise du 21 mars 2000 dénoncé en janvier 2008.

En appliquant par décision unilatérale le dispositif antérieurement mis en place depuis mars 2000, l'employeur a fait usage du régime dérogatoire prévu à l'article L. 3122-3 du code du travail issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, tout en s'inscrivant dans les dispositions de l'accord de branche de janvier 2000, que cette loi n'a pas invalidé.

Aux termes de cet accord , il peut être effectué au cours de l'une ou l'autre des semaines du cycle des heures de travail en nombre inégal. Le décompte des heures supplémentaires du personnel soignant était réalisé par référence à la moyenne hebdomadaire des heures effectuées sur l'ensemble de la période de 12 semaines et non sur la semaine civile.

La cour observe enfin que les bulletins de salaire portent la mention d'heures supplémentaires et que la salariée ne démontre pas, par la production de ses plannings et de ses bulletins de paye entre lesquels elle n'effectue aucun rapprochement, qu'elle aurait effectué des heures supplémentaires non payées.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce que la salariée a été déboutée de sa demande au titre des heures supplémentaires.

Sur les demandes d'indemnisation

Sur l'indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos, la salariée se réfère à ses mêmes tableaux relatifs aux heures supplémentaires pour justifier de sa demande, faisant valoir qu'elle a effectué un contingent annuel d'heures supplémentaires supérieur à celui prévu par l'accord de branche du 27 janvier 2000.

L'employeur, reprenant la motivation du jugement entrepris, soutient que le personnel soignant en respectant son cycle de travail effectuait une moyenne de 35 heures par semaine, que par conséquent il n'y a pas d'heures supplémentaires à indemniser au titre de ce cycle de 12 semaines et pas de contrepartie en repos à octroyer, ajoutant que la preuve d'un quelconque préjudice n'est pas établi.

L'accomplissement d'heures supplémentaires n'ayant pas été démontré, la demande de la salariée au titre des contreparties obligatoires en repos, subséquente de la demande précédente, ne peut prospérer.

Sur l'indemnisation relative au non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail et de la durée quotidienne de travail, la salariée expose qu'à défaut d'accord d'entreprise ses journées de travail ne pouvaient dépasser 10 heures alors que les cycles tels qu'organisés visaient des journées de 12 heures. Elle ajoute que la durée maximale par semaine ne pouvait dépasser 48 heures alors qu'elle effectuait régulièrement des semaines de 60 heures.

L'employeur réplique que ces dépassements correspondaient à l'accord d'entreprise qu'il a seul dénoncé, que cette organisation a toujours satisfait le personnel soignant et qu'aucun préjudice n'est démontré.

Ces dépassements, non contestés par l'employeur, correspondaient à l'organisation par cycles mise en place par l'accord d'entreprise du 21 mars 2000, uniquement dénoncé par ce dernier, accord et organisation qui n'ont jamais fait l'objet de contestation de la part du personnel soignant, notamment de la salariée appelante, qui sollicite une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts sans apporter la moindre précision sur le volume des dépassements invoqués et sans démontrer l'existence d'un quelconque préjudice du fait de cette organisation qui prévoyait que les semaines 'hautes' étaient compensées par des semaines 'basses' qui se succédaient en alternance. Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris et de rejeter toute demande d'indemnisation de ces chefs.

Sur la demande au titre des opérations d'habillage et de déshabillage

Les obligations d'un employeur en matière de temps d'habillage de déshabillage sont définies par la loi et précisées par accords collectifs.

Aux termes de l'article L. 3121-3 du code du travail, en ses dispositions applicables avant la loi 2016-1088 du 8 août 2016 :

'Le temps nécessaire aux opérations d'habillage de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages, des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.'

Aux termes du même article modifié par la loi 2016-1088 du 8 août 2016 :

'Le temps nécessaire aux opérations d'habillage de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage le déshabillage doive être réalisé dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soient sous forme de repos soient sous forme financière'.

L'accord de branche du 27 janvier 2000 relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du secteur de l'hospitalisation privée et du secteur social et médico-social à caractère commercial prévoit que 'le temps d'habillage et de déshabillage des personnels dont le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail devra donner lieu à une contrepartie forme financière ou de repos. Cette contrepartie sera déterminée par l'accord d'entreprise ou le contrat de travail.'

L'accord d'entreprise du 27 mars 2000 prévoyait en son article 2.1.3 que 'pour le personnel qui est tenu au port d'une tenue de travail, le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage de travail sera considéré comme du temps de travail effectif et ce, à compter de la date de mise en oeuvre du présent accord'.

Mme [J] expose que cet accord ayant été dénoncé en avril 2008 sans accord de substitution jusqu'en mai 2015, l'indemnisation du temps d'habillage et de déshabillage est devenu, pour les salariés embauchés avant la date de dénonciation de l'accord, un avantage individuel acquis dont ils sont fondés à se prévaloir.

Elle soutient ne pas avoir été indemnisée, ni avoir bénéficié d'une contrepartie en repos pour le temps passé aux opérations d'habillage et déshabillage et que ce n'est qu'en application de l'accord

collectif d'entreprise du 7 mai 2015 qu'une contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage a été mise en place.

La Clinique réplique que nonobstant la dénonciation de l'accord d'entreprise du 21 mars 2000, le décompte du temps de travail effectif, lequel inclut le temps d'habillage et de déshabillage, n'a pas été modifié.

En l'espèce, il est constant et non discuté qu'au sein de la clinique les salariés doivent porter une tenue de travail ainsi que le prévoit notamment le règlement intérieur (version du 22 décembre 2006), que les opérations d'habillage et de déshabillage s'effectuent au sein de vestiaires de la clinique et que, par ailleurs, le décompte du temps de travail s'effectue au moyen d'un système dit de 'badgeage'.

Si à compter du mois de mai 2015 le temps d'habillage a fait l'objet d'une mention expresse sur les bulletins de salaire de contrepartie horaire conformément aux dispositions de l'accord d'entreprise du 7 mai 2015, aucun élément ne permet de relever une quelconque modification du temps de travail à compter de ce mois, la salariée s'abstenant de produire ses plannings horaires correspondants. Ce constat sur les pièces dont se prévaut Mme [J] est conforté par les diverses attestations claires, objectives et dépourvues de toute ambiguïté d'ex-salariés de la Clinique des [3] aux termes desquelles les personnels effectuaient l'exécution du 'badgeage' préalablement à l'habillage et postérieurement au déshabillage, de sorte que ces opérations étaient incluses dans le décompte du temps de travail. En outre, aucun élément ne permet de retenir que la dénonciation en 2008 de l'accord du 27 mars 2000 aurait entraîné la modification des opérations matérielles du décompte du temps de travail, ce que d'ailleurs ne soutient, ni n'établit la salariée. Ainsi, saisi par Mme [S], déléguée syndicale, l'inspecteur du travail écrivait le 6 juillet 2012 à la Clinique en indiquant que 'bien que caduc, l'accord du 21 mars 2000 dénoncé continue d'être appliqué en ce qui concerne les modalités d'organisation du travail'.

La cour constate par ailleurs qu'aucun des accords sur la négociation annuelle obligatoire ne comporte le moindre élément relatif au temps d'habillage ou de déshabillage, seul l'accord NAO en date du 2 février 2015 prévoit que sur les dispositions relatives à l'organisation du temps de travail et les conditions de travail 'les parties... conviennent que les mesures... en vigueur demeurent inchangées'.

Enfin, le fait de revêtir la tenue professionnelle durant les horaires de travail décomptés ne permet pas plus d'en déduire une discontinuité dans le service des soins ainsi que la salariée le prétend sans autre démonstration au-delà de cette seule allégation.

Il résulte de ces éléments que si pour le personnel de la Clinique des [3] le port de la tenue de travail est obligatoire au sein de l'établissement et que l'habillage et le déshabillage se font sur le lieu de travail, ces opérations ont été décomptées dans le planning horaire rémunéré ; en conséquence, Mme [J] est mal fondée à solliciter une contrepartie financière pour un temps déjà inclus dans son salaire. Le jugement ayant alloué une somme à ce titre sera infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser la clinique des [3] supporter la charge de ses frais irrépétibles au titre desquels la salariée sera condamnée à lui verser 200 euros.

Les dépens seront supportés par la salariée qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel,

Infirme le jugement en ce que des dommages et intérêts ont été alloués à Mme [E] [J] au titre de l'indemnité d'habillage et de déshabillage et en ce que la Clinique des [3] a été condamnée à verser une somme au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens de l'instance,

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Déboute Mme [E] [J] de sa demande au titre des opérations d'habillage et de déshabillage,

Condamne Mme [E] [J] à verser à la Clinique des [3] la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [E] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 17/09898
Date de la décision : 24/01/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-24;17.09898 ?
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