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24/01/2020 | FRANCE | N°17/09863

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 24 janvier 2020, 17/09863


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 24 JANVIER 2020



N° 2020/53













Rôle N° RG 17/09863 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BASV2





[I] [B] [O]





C/



SA CLINIQUE [3]































Copie exécutoire délivrée

le : 24 janvier 2020

à :

Me Cedric HEULIN



Me Luc ALEMANY


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 09 Mai 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 15/01746.







APPELANTE



Madame [I] [B] [O], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Cedric HEULIN de la SELARL SELARL ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 24 JANVIER 2020

N° 2020/53

Rôle N° RG 17/09863 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BASV2

[I] [B] [O]

C/

SA CLINIQUE [3]

Copie exécutoire délivrée

le : 24 janvier 2020

à :

Me Cedric HEULIN

Me Luc ALEMANY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 09 Mai 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 15/01746.

APPELANTE

Madame [I] [B] [O], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cedric HEULIN de la SELARL SELARL GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA CLINIQUE DES TROIS CYPRES agissant poursuites et diligences de ses représentaux légaux domiciliés en cette qualité audit siège, sis [Adresse 2]

représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant par Me Stéphane LEPLAIDEUR, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Adeline GAUTHIER, avocat au barreau de TOULOUSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Corinne HERMEREL, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Corinne HERMEREL, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2020..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2020.

Signé par Madame Corinne HERMEREL, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits et procédure

Madame [I] [B] épouse [O] a été embauchée par la Clinique des Trois Cyprès en qualité d'agent de service hospitalier le 1er juillet 2003.

Par acte en date du 17 juin 2015, avec d'autres salariés, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille pour des demandes de rappel d'heures supplémentaires ainsi que d'autres réclamations salariales.

Par jugement en date du 9 mai 2017, cette juridiction a condamné la Clinique des Trois Cyprès à lui verser les sommes suivantes :

-745 euros de dommages et intérêts au titre du non paiement des indemnités d'habillage et de déshabillage,

- 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et a débouté la salariée de toutes ses autres demandes et l'employeur de sa demande reconventionnelle, condamnant ce dernier aux dépens.

Par acte en date du 23 mai 2017, Madame [I] [B] épouse [O] a interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions notifiées le 28 octobre 2019 par Madame [I] [B] épouse [O],

Vu les conclusions notifiées le 21 novembre 2019 par la Clinique des Trois Cyprès,

Vu l'ordonnance de clôture intervenue le 5 décembre 2019.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières écritures, Madame [I] [B] épouse [O] conclut à l'infirmation de la décision déférée, sauf en ce qui concerne les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, et, réformant le jugement sur le quantum des indemnités allouées pour les opérations d'habillage et déshabillage, demande à la cour de condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 3 012,28 euros brut de rappel d'heures supplémentaires outre 301,22 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 487,93 euros net à titre de contrepartie pour les opérations d'habillage et déshabillage,

outre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens. Elle demande également de débouter la Clinique des Trois Cyprès de son appel incident.

.

Elle expose qu'elle travaillait sur des cycles de travail de 4 semaines ou 12 semaines et devait réaliser des journées de travail de 12 heures.

Elle précise que cette clinique relève de la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif du 18 avril 2002, que par ailleurs un accord de branche était signé par les partenaires sociaux le 27 janvier 2000, complété par un accord d'entreprise signé le 21 mars 2000 et que ce dernier accord était dénoncé par la direction de la clinique le 16 janvier 2008, un accord de substitution étant signé le 7 mai 2015 (soit 7 ans après la dénonciation) avec l'organisation de nouveaux plannings applicables en mai et juin 2015.

Elle ajoute qu'entre le 16 avril 2009 (terme de la période de 15 mois de survie de l'accord dénoncé) et le 30 mai 2015 (date de la mise en application du nouvel accord), aucun dispositif n'était mis en place pour permettre à l'employeur de déroger aux règles légales ou conventionnelles issues de l'accord de branche, et relatives à l'aménagement du temps de travail, au paiement des heures supplémentaires et à la rémunération des temps d'habillage.

Elle formule des demandes effectuées dans la limite de la prescription quinquennale en application des dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013.

Sur le fond elle fait valoir qu'à défaut d'accord de substitution, l'employeur se devait de respecter les règles légales et conventionnelles susvisées et ne pouvait prendre de décisions unilatérales concernant ces thèmes.

Elle conclut que :

- la clinique ne peut se prévaloir du régime dérogatoire prévu à l'article L. 3122-3 du code du travail concernant les entreprises fonctionnant en continu, alors que par ailleurs elle continuait à appliquer l'accord d'entreprise qu'elle avait elle-même dénoncé,

- elle ne peut évoquer l'application de l'article D. 3122-7-1 du code du travail (décret du 4 novembre 2008) pour une organisation par périodes de travail, car cette application nécessite une consultation préalable du comité d'entreprise ainsi qu'une consultation annuelle de ce dernier, ce qui n'a jamais été réalisé, et que seul l'échec d'une négociation engagée de bonne foi peut autoriser l'employeur a aménager le temps de travailsur une période supéreiure à la semaine et au plus sur 4 semaines;

- elle ne peut se référer à l'accord d'entreprise dénoncé,

- elle ne peut évoquer l'accord de branche du 27 janvier 2000, les cycles ne se répétant pas à l'identique alors que cette répétition conditionne la mise en place d'un décompte des heures de travail par cycle de travail; en outre le comité d'entreprise n'a pas été consulté sur la modulation du temps de travail.

Elle soutient que le régime de droit commun du temps de travail doit trouver application entre avril 2009 et mai 2015 justifiant les demandes suivantes :

- pour les heures supplémentaires, un décompte par semaine civile( du lundi 0 heure au dimanche 24 heures) avec majoration à partir de la 39ème heure réalisée (à 25 % de la 35ème à la 43ème heure, à 50 % au delà de la 43ème heure) et pas de contrepartie en repos compensateur sans accord exprès du salarié, soit les sommes de 3 012,28 euros brut de rappel d'heures supplémentaires outre 301,22 euros au titre des congés payés y afférents,

- pour le temps d'habillage,cette salariée devant être présente à son poste en tenue de travail, le règlement intérieur imposant à la fois le port de cette tenue de travail et un habillage et déshabillage réalisés sur le lieu de travail, et l'entretien des tenues de travail étant effectué par l'employeur, une somme correspondant à 20 minutes de travail effectif par jour, soit la somme de 1487,93 euros, dont elle réclame paiement.

Dans ses dernières écritures la Clinique des Trois Cyprès conclut :

- à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes relatives aux heures supplémentaires,

- à l'infirmation de celui-ci en ce qu'il lui a octroyé des dommages et intérêts au titre du non paiement des indemnités d'habillage et déshabillage,

- au débouté de toutes les réclamations de la salariée,

- à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- à sa condamnation aux dépens.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires, elle soutient qu'elle fait partie des entreprises bénéficiant d'une dérogation permanente de droit au repos dominical en qualité d'établissement relevant du secteur des soins de santé en application des articles L. 3132-12 et R. 3132-5 du code du travail (listant les établissements admis à donner le repos hebdomadaire par roulement).

Elle précise que le rythme de travail des agents de service hospitaliers au sein de la clinique est organisé sur la base d'un horaire moyen de 35 heures, calculé sur une période de 2 semaines et non sur une période de 12 semaines comme indiqué par la salariée. Des jours de repos étaient octroyés dans le cadre du cycle pour s'assurer de la réalisation d'un horaire de 35 heures en moyenne sur deux semaines consécutives.

Elle ajoute que la dénonciation de l'accord d'entreprise en janvier 2008 n'a pas remis en question la régularité des cycles de plusieurs semaines, puisqu'il s'agit bien d'une entreprise fonctionnant en continu, avec des cycles de travail intégrant des jours de repos, cette organisation par cycles relevant d'une décision unilatérale de l'employeur à défaut d'accord d'entreprise, qu'il s'agisse de cycles sur une semaine, 4 semaines ou comme en l'espèce de cycles sur 2 semaines.

Elle soutient que cette organisation n'avait pas à être soumise au comité d'entreprise.

Elle expose qu'en cas de cycle, conformément à l'article L.3122-5 du code du travail, le décompte des heures supplémentaires s'effectue non pas sur la base de la semaine civile mais par référence à la moyenne hebdomadaire des heures effectuées sur la totalité du cycle.

Sur la demande au titre des opérations d'habillage/déshabillage, elle précise que l'accord d'entreprise du 21 mars 2000 prévoyait que, pour le personnel tenu au port d'une tenue de travail, le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage sur le lieu de travail devait être considéré comme du temps de travail effectif, et qu'il était rémunéré comme tel, que les horaires de travail mentionnés incluaient ces temps d'habillage et de déshabillage, que les salariés badgeaient avant d'avoir revêtu leur tenue de travail et après l'avoir ôté, ce qui démontre que ces opérations étaient bien intégrées dans le temps de travail, peu important que le nouvel accord du 7 mai 2015 ait instauré un système de contrepartie en repos. Elle conclut donc au rejet de toute demande à ce titre, les salariées ayant été remplies de leurs droits.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer au jugement déféré et aux écritures des parties susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient en premier lieu d'observer que le jugement a été improprement qualifié 'en dernier ressort' alors que l'appel était recevable, en application des dispositions des articles R. 1462-1 et

D. 1462-3 du code du travail et au regard du quantum des demandes formulées.

Sur les demandes au titre de la durée du travail

Le 21 mars 2000, la clinique des Trois Cyprès a conclu un accord collectif d'entreprise relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail concernant tout le personnel de la clinique. Cet accord a été conclu dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction du temps de travail et de l'accord de branche du 27 janvier 2000 relatif à la réduction du temps de travail. Les agents de service hospitaliers ne sont pas expressément visés par l'accord du 21 mars 2000.

Au mois de janvier 2008, la Clinique des Trois Cyprès a dénoncé l'accord du 21 mars 2000 qui restait donc en vigueur pendant 15 mois, soit jusqu'au 15 avril 2009, en application des articles

L.2261-9 et L. 2261-10 du code du travail.

Au delà du 15 avril 2009, l'organisation du temps de travail a perduré.

Il résulte des plannings produits pour les années 2010 à 2015 que l'organisation du travail des agents de service hospitaliers de la clinique était fixée selon un cycle de deux semaines. Ainsi, l'agent de service hospitalier Madame [I] [B] [O] travaillait comme suit

semaine 1: lundi-jeudi-vendredi de 8h00 à 19h30, dont une pause de 1h30,

semaine 2: mardi- mercredi- samedi-dimanche de 8h00 à 19h30, dont 1h30 de pause,

avec un horaire moyen de 35 heures calculé sur cette période deux semaines et une amplitude horaire de 10 heures par jour.

Les plannings de l'appelante dans la période litigieuse démontre un rythme de travail identique, répété à chaque cycle de deux semaines.

La salariée appelante invoque à tort des cycles de 12 semaines et une amplitude horaire de 12 heures, alors qu'il est constant que ce rythme de travail concerne seulement les aides soignantes et les infirmières et non les agents de service hospitaliers comme Madame [B] épouse [O].

L'argumentaire soutenu sur l'organisation du temps de travail est par conséquent vicié par ces données erronées.

La salariée soutient également qu'à partir de la fin de validité de l'accord d'entreprise, l'employeur aurait dû appliquer le droit commun.

Or, la clinique des 3 Cyprès est un établissement de soins qui, comme tel, fonctionne en continu pour accueillir, prendre en charge et délivrer les soins aux patients, à tout moment, sept jours sur sept.

L'article L.3122-3 du code du travail, issu de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, dispose que 'par dérogation aux dispositions de l'article L.3122-2 , dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l'organisation du temps de travail peut être organisée sur plusieurs semaines par décision de l'employeur'.

Il en résulte que l'employeur n'était pas contraint , au delà de la fin de validité de l'accord d'entreprise, de se référer au droit commun pour réaménager le temps de travail.

En tant qu'établissement de santé, la clinique des Trois Cyprès bénéficie également de la possibilité de déroger, ainsi que le prévoient les articles L.3132-12 du code du travail et R.3132-5 du code du travail, au droit au repos dominical, l'employeur pouvant donner le repos hebdomadaire par roulement.

L'accord de branche conclu le 27 janvier 2000 stipule qu'eu égard aux besoins du service et à l'organisation du temps de travail du personnel, la durée hebdomadaire du travail pourra être organisée sous forme de cycle de travail dès lors que sa répartition à l'intérieur du cycle se répète à l'identique d'un cycle à l'autre. Sous réserve que soit respectée pour chacune des semaines du cycle la durée maximale hebdomadaire de travail ( 48 heures) il peut être effectué au cours de l'une ou l'autre des semaines du cycle des heures de travail en nombre inégal.

En conséquence, l'organisation du travail par cycles de deux semaines pour les agents de service hospitaliers, conforme aux stipulations de l'accord de branche sus-cité, prévue dans certains contrats de travail des salariés et rappelée lors de chaque communication de planning de travail, pouvait perdurer au delà de la dénonciation de l'accord d'entreprise, sans qu'il y ait lieu pour l'employeur de prononcer de manière formelle une quelconque décision unilatérale, aucune modification n'étant intervenue dans le rythme de travail des salariées concernées entre la période précédant la dénonciation et la période postérieure à celle-ci.

Au surplus, la distribution régulière des plannings de travail sur deux semaines, à chacun des salariés, formalise de manière suffisante la décision de l'employeur de maintenir le système préexistant d'organisation du travail par cycles, et ce tant que la négociation n'aboutirait pas à un nouvel accord.

Il est par ailleurs attesté de ce que des négociations ont effectivement été entamées dès 2008 et donc avant la fin du délai de survie de l'accord d'entreprise, afin de trouver un accord de substitution sur l'aménagement du temps de travail. Il résulte ainsi des fiches de présence produites que 34 réunions ont été organisées avec les représentants syndicaux entre le mois de juin 2008 et le mois d'octobre 2014, pour négocier sur les 35 heures au regard de la loi du 20 août 2008.

La cour observe enfin que c'est l'employeur qui a dénoncé l'accord et qu'il n'est fait état de la part des salariés et notamment de Madame [I] [B] épouse [O] d'aucune critique de cette organisation qui s'est pérennisée de la date de leur embauche jusqu'en 2015.

Dans un tel contexte et en application de l'article L.3122-3 du code du travail, le défaut de consulation du comité d'entreprise et du CHSCT, qui n'étaient pas obligatoires, ne saurait remettre en cause la validité de l'organisation sur un cycle de deux semaines décidée par l'employeur.

Le décompte des heures supplémentaires a été effectué par référence à la moyenne hebdomadaire de 35 heures des heures effectuées sur l'ensemble de la quinzaine , soit sur le cycle de travail,et non sur la semaine civile, conformément aux stipulations de l'accord de branche du 27 janvier 2000.

Il n'est pas démontré par la salariée que des heures supplémentaires seraient encore dues par l'employeur, alors même que le paiement d'heures supplémentaires apparaît sur ses bulletins de salaire .

Le jugement sera confirmé en ce que Madame [I] [B] épouse [O], agent de service hospitalier a été déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

Sur la demande au titre des opérations d'habillage et de déshabillage

Les obligations d'un employeur en matière de temps d'habillage de déshabillage sont définies par la loi et précisées par accords collectifs.

Aux termes de l'article L. 3121-3 du code du travail, en ses dispositions applicables avant la loi 2016-1088 du 8 août 2016 :

'Le temps nécessaire aux opérations d'habillage de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages, des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.'

Aux termes du même article modifié par la loi 2016-1088 du 8 août 2016 :

'Le temps nécessaire aux opérations d'habillage de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage le déshabillage doive être réalisé dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soient sous forme de repos soient sous forme financière'.

L'accord de branche du 27 janvier 2000 relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du secteur de l'hospitalisation privée et du secteur social et médico-social à caractère commercial prévoit que 'le temps d'habillage et de déshabillage des personnels dont le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail devra donner lieu à une contrepartie forme financière ou de repos. Cette contrepartie sera déterminée par l'accord d'entreprise ou le contrat de travail.'

L'accord d'entreprise du 27 mars 2000 prévoyait en son article 2.1.3 que 'pour le personnel qui est tenu au port d'une tenue de travail, le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage de travail sera considéré comme du temps de travail effectif et ce, à compter de la date de mise en oeuvre du présent accord'.

Madame [I] [B] épouse [O] expose que cet accord ayant été dénoncé en avril 2008 sans accord de substitution jusqu'en mai 2015, l'indemnisation du temps d'habillage et de déshabillage est devenu, pour les salariés embauchés avant la date de dénonciation de l'accord, un avantage individuel acquis dont ils sont fondés à se prévaloir.

Elle soutient ne pas avoir été indemnisée, ni avoir bénéficié d'une contrepartie en repos pour le temps passé aux opérations d'habillage et déshabillage et que ce n'est qu'en application de l'accord collectif d'entreprise du 7 mai 2015 qu'une contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage a été mise en place.

La Clinique réplique que nonobstant la dénonciation de l'accord d'entreprise du 21 mars 2000, le décompte du temps de travail effectif, lequel inclut le temps d'habillage et de déshabillage, n'a pas été modifié.

En l'espèce, il est constant et non discuté qu'au sein de la clinique les salariés doivent porter une tenue de travail ainsi que le prévoit notamment le règlement intérieur (version du 22 décembre 2006), que les opérations d'habillage et de déshabillage s'effectuent au sein de vestiaires de la clinique et que, par ailleurs, le décompte du temps de travail s'effectue au moyen d'un système dit de 'badgeage'.

Si les bulletins de salaire de Mme [B] versés aux débats permettent de constater qu'à compter du mois de mai 2015 le temps d'habillage a fait l'objet d'une mention expresse de contrepartie horaire conformément aux dispositions de l'accord d'entreprise du 7 mai 2015, ses plannings horaires produits ne révèlent pas de différence entre ceux antérieurs au mois de mai 2015 et celui de ce mois, ce dont il en résulte que le décompte du temps de travail rémunéré n'a pas été modifié à compter de ce mois. Ce constat sur les pièces dont se prévaut Mme [B] est conforté par les diverses attestations claires, objectives et dépourvues de toute ambiguïté d'ex-salariés de la Clinique des Trois Cyprès aux termes desquelles les personnels effectuaient l'exécution du 'badgeage' préalablement à l'habillage et postérieurement au déshabillage, de sorte que ces opérations étaient incluses dans le décompte du temps de travail. En outre, aucun élément ne permet de retenir que la dénonciation en 2008 de l'accord du 27 mars 2000 aurait entraîné la modification des opérations matérielles du décompte du temps de travail, ce que d'ailleurs ne soutient, ni n'établit la salariée. Ainsi, saisi par Mme [V], déléguée syndicale, l'inspecteur du travail écrivait le 6 juillet 2012 à la Clinique en indiquant que 'bien que caduc, l'accord du 21 mars 2000 dénoncé continue d'être appliqué en ce qui concerne les modalités d'organisation du travail'.

La cour constate par ailleurs qu'aucun des accords sur la négociation annuelle obligatoire ne comporte le moindre élément relatif au temps d'habillage ou de déshabillage, seul l'accord NAO en date du 2 février 2015 prévoit que sur les dispositions relatives à l'organisation du temps de travail et les conditions de travail 'les parties... conviennent que les mesures... en vigueur demeurent inchangées'.

Enfin, le fait de revêtir la tenue professionnelle durant les horaires de travail décomptés ne permet pas plus d'en déduire une discontinuité dans le service des soins ainsi que la salariée le prétend sans autre démonstration au-delà de cette seule allégation.

Il résulte de ces éléments que si pour le personnel de la Clinique des Trois Cyprès le port de la tenue de travail est obligatoire au sein de l'établissement et que l'habillage et le déshabillage se font sur le lieu de travail, ces opérations ont été décomptées dans le planning horaire rémunéré ; en conséquence, Madame [I] [B] épouse [O] est mal fondée à solliciter une contrepartie financière pour un temps déjà inclus dans son salaire. Le jugement ayant alloué une somme à ce titre sera infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser la clinique des Trois Cyprès supporter la charge de ses frais irrépétibles au titre desquels la salariée sera condamnée à lui verser 200 euros.

Les dépens seront supportés par la salariée qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel,

Infirme le jugement en ce que des dommages et intérêts ont été alloués à Madame [I] [B] épouse [O] au titre de l'indemnité d'habillage et de déshabillage et en ce que la Clinique des Trois Cyprès a été condamnée à verser une somme au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens de l'instance,

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Madame [I] [B] épouse [O] de sa demande au titre des opérations d'habillage et de déshabillage,

Condamne Madame [I] [B] épouse [O] à verser à la Clinique des Trois Cyprès la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [I] [B] épouse [O] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 17/09863
Date de la décision : 24/01/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-24;17.09863 ?
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