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23/01/2020 | FRANCE | N°17/12154

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 23 janvier 2020, 17/12154


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 23 JANVIER 2020



N° 2020/ 18













N° RG 17/12154 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAY6G







Société AXA CORPORATE

Société GENERALI IARD

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY

Société WATKINS SYNDICATE 457





C/



SA CMA CGM





















Copie exécutoire délivrée

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à : Me Chloé MONTAGNIER



Me Joseph MAGNAN













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 19 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F03491.





APPELANTES



Société AXA CORPORATE, dont le siège social est s...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 23 JANVIER 2020

N° 2020/ 18

N° RG 17/12154 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAY6G

Société AXA CORPORATE

Société GENERALI IARD

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY

Société WATKINS SYNDICATE 457

C/

SA CMA CGM

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Chloé MONTAGNIER

Me Joseph MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 19 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F03491.

APPELANTES

Société AXA CORPORATE, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Chloé MONTAGNIER de la SELARL BERNIE- MONTAGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Société GENERALI IARD, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Chloé MONTAGNIER de la SELARL BERNIE- MONTAGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY, dont le siège social est sis [Adresse 8]

représentée par Me Chloé MONTAGNIER de la SELARL BERNIE- MONTAGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Société WATKINS SYNDICATE 457, dont le siège social est sis [Adresse 7]/GRANDE BRETAGNE

représentée par Me Chloé MONTAGNIER de la SELARL BERNIE- MONTAGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

SA CMA CGM immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le numéro 562 024 422, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Fabien D'HAUSSY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Décembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Janvier 2020,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société CMA CGM a chargé suivant connaissement sans réserve émis le 12 février 2014 à [Localité 5] (SÉNÉGAL) un conteneur contenant 1350 cartons de poissons congelés à destination de [Localité 4] (ANGOLA), le chargeur étant la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE et le destinataire la société CASA TITI DE JOANATITI.

Le conteneur a été transbordé puis déchargé sur le port de [Localité 6] (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO) le 7 mars 2014. Rembarqué le 26 mars 2014, il a été débarqué à sa destination finale au port de [Localité 4] le 29 mars 2014. Il a été livré dans les entrepôts de la société CASA TITI le 2 avril 2014, où la marchandise a été dépotée. Le destinataire constatant des dommages, une expertise amiable a été diligentée par le cabinet CESAM le 7 avril 2014.

Par actes en date du 1er décembre 2015, les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES, GENERALI IARD, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et la société WATKINS SYNDICATE 457, assureurs du vendeur de la marchandise, ont fait assigner la société CMA CGM devant le tribunal de commerce de MARSEILLE afin de faire déclarer celle ci responsable de l'avarie subie par la marchandise et obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 94 170 USD 39 au titre de dommages intérêts, outre 7 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant jugement en date du 19 mai 2017, le tribunal a déclaré irrecevable l'action des assureurs, ceux ci ne justifiant pas d'une subrogation dans les droits de et les a condamnés à verser à la société CMA CGM la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 4 novembre 2019 et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 2 décembre 2019.

A l'appui de leur appel, par conclusions déposées au greffe le 28 août 2019, les sociétés AXA COPRORATE SOLUTIONS ASSURANCE, GENERALI IARD, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et WATKINS SYNDICATE 457 concluent à la confirmation de la décision en ce qu'elle a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription en raison de report de prescriptions consentis par la société CMA CGM par l'intermédiaire du courtier, le groupe EYSSAUTIER. Sur l'irrecevabilité pour défaut d'établissement d'une subrogation, ils invoquent la subrogation légale prévue par l'article L 172-29 du code des assurances en rappelant avoir versé l'indemnité de 94 170 USD 39 à leur assurée, la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE, nom commercial de la société AGENCE NETTER. Cette indemnité a été ensuite versée à la société CASA TITI sous forme d'avoir. Ils invoquent par ailleurs la jurisprudence pour soutenir qu'en toute hypothèse, la subrogation légale serait établie même sans justifier du versement de l'indemnité au destinataire.

Les assureurs rappellent que la marchandise a été débarquée le 29 mars 2014 et livrée chez le destinataire le 2 avril et affirment que la CMA CGM n'apporte pas la preuve que le sinistre ne serait pas intervenu durant le transport maritime.

Ils invoquent en outre la subrogation conventionnelle au motif que la société CASA TITI a par acte en date du 28 août 2014 cédé l'intégralité de ses droits aux assureurs concomitamment au règlement de la somme de 94 170 USD 39 par la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE.

Enfin, les assureurs demandent à la cour de déclarer leur action recevable, à défaut de subrogation légale ou conventionnelle, sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Sur le fond, les assureurs invoquent la présomption de responsabilité du transporteur en présence d'un connaissement net de réserves, et ce alors que des réserves ont été émises dès le lendemain de la livraison, et donc dans le délai de trois jours à compter de l'ouverture du conteneur plombé. Selon eux, la convocation aux opérations d'expertise vaudrait réserves. La lettre datée du 27 mai 2014 devrait être écartée des débats, n'étant pas traduite, et s'analyserait comme une simple réclamation chiffrée, et non comme valant réserve. Le report de la réunion d'expertise, pour lequel toutes les parties ont donné leur accord, serait enfin sans incidence.

Subsidiairement, les assureurs affirment que la rupture dans la chaîne du froid est établie à la lecture du rapport d'expertise et que le relevé de température versé par la CMA CGM est dépourvu de force probante. Ils affirment que la faute du propriétaire de la marchandise n'est pas rapportée et que le quantum des dommages résulte du rapport d'expertise amiable et des factures y étant annexées.

Les sociétés AXA COPRORATE SOLUTIONS ASSURANCE, GENERALI IARD, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et WATKINS SYNDICATE 457 concluent en conséquence à l'infirmation de la décision et demandent à la cour de dire et juger la société CMA CGM responsable de l'avarie subie par les marchandises chargées dans le conteneur n° GESU 9106852 et de condamner en conséquence celle ci à leur verser la somme de 94 170 USD 39, ou sa contre-valeur au jour de la décision, outre 7 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CMA CGM, par conclusions déposées le 10 novembre 2017, soulèvent la prescription en rappelant que le connaissement a été émis le 12 février 2014 tandis que l'assignation a été, elle, délivrée le 1er décembre 2015. Elle indique que si des reports de prescription ont été par elle accordés, c'était au bénéfice du groupe EYSSAUTIER, courtier, et non des assureurs à la cause. Elle soutient que le groupe EYSSAUTIER aurait du lister les assureurs concernés, et fait observer que la première mention de ces assureurs, au demeurant non nommés, date du 4 juin 2015, date à laquelle l'action était déjà prescrite. En outre, les assureurs n'étant pas identifiés dans le connaissement, ils n'auraient aucun rapport contractuel avec la société CMA CGM et n'auraient pas qualité pour invoquer le report de prescription.

A titre subsidiaire, la société CMA CGM invoque l'absence de toute subrogation légale ou conventionnelle. Elle indique notamment que le vendeur de la marchandise est la société GROUPE AGENCE NETTER tandis que l'assuré de la police est la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE et fait observer qu'en toute hypothèse la société CASA TITI ne figure pas en qualité d'assuré. L'acte de subrogation en date du 28 août 2014 ne serait pas étayé par la preuve d'un paiement, et il n'y aurait sur ce point aucune pièce probante versée. Selon la société CMA CGM, les assureurs ne démontreraient pas que les dommages sont liés au transport maritime, l'expertise ayant eu lieu cinq jours après la livraison. De même, la subrogation contractuelle ne pourrait être retenue en l'absence de preuve de la concomitance entre le règlement de l'indemnité, non établie, et l'acte de subrogation signé le 28 août 2014. La société CMA CGM conclut dès lors à la confirmation de la décision ayant jugé irrecevable l'action des assureurs.

Plus subsidiairement encore, la société CMA CGM conteste toute responsabilité dans la survenance des avaries affectant la marchandise. Elle invoque la présomption de livraison conforme en l'absence de toute lettre de réserves dans les trois jours de la livraison, observation

étant faite selon elle que la convocation à l'expertise ne saurait être analysée comme constituant lettre de réserve. La seule lettre versée aux débats serait constituée par un envoi daté du 27 mai 2014. Par ailleurs, les premières constatations de désordres seraient intervenues le 7 avril 2014, soit 5 jours après la livraison du conteneur. Les constatations de l'expert seraient de surcroît non seulement tardives, mais encore dénuées de force probante dès lors que la marchandise avait déjà été dépotée en l'absence du transporteur et n'était pas même identifiée. La société CMA CGM verse le rapport d'expertise de son propre expert pour affirmer en particulier que la marchandise était déjà dépotée du conteneur et fait observer que le DATA LOGGER atteste du bon fonctionnement du conteneur jusqu'à la livraison.

Enfin, la société CMA CGM invoque les différentes fautes imputables selon elle au propriétaire de la marchandise, tout particulièrement l'absence de réserves dans les trois jours, le dépotage de la marchandise sans même en aviser le transporteur, et l'empotage dans un autre conteneur. Ces fautes constitueraient une cause exonératoire à l'égard du transporteur. Elles contestent en outre le quantum même des dommages au vu des pièces produites.

Au terme de ses conclusions, la société CMA CGM demande à la cour de :

Sur la prescription,

Constater l'absence de production des reports de prescription

Constater que les compagnies d'assurance demanderesses n'ont pas été rendues destinataires des reports accordés,

En conséquence déclarer les compagnies d'assurances prescrites en toutes leurs demandes, fins et écritures.

lnfirmer le jugement dont appel sur ce point

Sur la recevabilité,

Vu la facture produite,

Vu l'article 37 du code de procédure civile ,

Vu l'acte de subrogation,

Constater l'absence de preuve de paiement de l'indemnité d'assurance entre CASA TITI et les assureurs

Constater que la société CASA TITI aurait été indemnisée bien que non assurée

Dire et juger que les assureurs sont dans l'incapacité de se prévaloir d'une subrogation légale ou conventionnelle,

Dire et juger que les assureurs sont irrecevables en leur action,

En conséquence déclarer irrecevables les compagnies d'assurances en leur action

Confirmer le jugement dont appel sur ce point

Sur le fond

Vu la convention de Bruxelles de 1924 amendée,

Vu le code des transports,

Vu le décret d'application du 37 décembre 7966,

Vu l'absence de réserves,

Vu la tardiveté des opérations d'expertise,

Vu l'absence de l'expert aux opérations de dépotage du conteneur,

Vu le dépotage opéré unilatéralement,

Constater qu'aucune lettre de réserve valable n'a été émise dans les 3 jours,

Constater que les intérêts marchandises ne rapportent pas la preuve que la marchandise expertisée était celle empotée dans le conteneur

Constater que les opérations d'empotage sont intervenues après dépotage/réempotage de la marchandise dans un autre conteneur

Constater qu'en l'état de la tardiveté de l'expertise, les intérêts marchandises ne sont pas en mesure de démontrer l'importance et la réalité des dommages allégués à la livraison,

Constater que l'imputabilité des dommages au transport maritime n'est pas rapportée,

Dire et juger que CMA CCM est en droit de se prévaloir de la présomption de livraison conforme,

Dire et juger que les compagnies d'assurances ne sont pas en mesure de renverser la présomption de livraison conforme,

Vu l'article 4.2 i) de la convention de Bruxelles de 1924 amendée

Constater que le propriétaire de la marchandise a commis un grand nombre de manquements depuis l'arrivée/la livraison de la marchandise

Exonérer CMA CGM de toute responsabilité au titre des dommages allégués

En conséquence, débouter les compagnies d'assurance en toutes leurs demandes, fins et écritures,

Sur le quantum,

Vu la facture 73279,

Vu le rapport d'expertise,

Vu le décret du 31 décembre 1966,

Vu l'absence de certificat de destruction,

Vu les constatations tardives,

Vu les manquements du destinataire à la livraison,

Dire et juger que la preuve de l'importance et de la réalité du préjudice à la livraison n'est pas rapportée

Dire et juger que toute aggravation des dommages allégués est imputable au destinataire,

Rejeter la demande d'indemnisation des compagnies d'assurance comme infondée,

Confirmer la condamnation des compagnies d'assurances à payer à CMA CGM la somme de 8.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance

Y ajoutant

Condamner au titre de la procédure d'appel les compagnies d'assurances à payer à CMA CGM la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la société civile professionnelle Magnan.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les assureurs versent aux débats un premier courriel émanant de la société CMA CGM daté du 20 mars 2015 et adressé au groupe EYSSAUTIER dans lequel la société CMA CGM accorde expressément à ce groupe ' un report de prescription jusqu'au 7 juillet 2015" pour étudier la réponse à apporter à la réclamation concernant la marchandise objet du présent litige ; ce report de prescription est accordé au groupe EYSSAUTIER en sa qualité de courtier des assureurs de la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE, et il importe peu que ces assureurs ne soient pas identifiés, l'intention de la société CMA CGM étant dénuée de toute ambiguïté ainsi que sa connaissance du rôle du groupe EYSSAUTIER dans l'examen de la réclamation ; ce premier report de prescription a été accordé le 20 mars 2015, soit alors que l'action n'était pas prescrite, rappel étant fait que la date de déchargement par le transporteur peut être fixée au 29 mars 2014 et la date de livraison et de constatation du sinistre au 7 avril 2014 ;

un second report de prescription a été accordé tout aussi expressément par la société CMA CGM le 26 juin 2015, puis un troisième par courriel en date du 9 septembre 2015 accordant au représentant des assurances un report jusqu'au 7 janvier 2016 ; l'action des assureurs ayant été introduite le 1er décembre 2015, soit avant l'échéance fixée par la société CMA CGM elle-même, il convient de confirmer le jugement ayant écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action, l'article 3 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 prévoyant la possibilité d'une prorogation conventionnelle du délai d'un an.

Sur la subrogation et la qualité à agir des assureurs

Les assureurs ont versé aux débats, pour justifier de leur qualité à agir, une quittance subrogative signée le 28 août 2014 par la société CASA TITI DE JOANATITI pour un montant de 94 170 USD au profit des assureurs AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES et autres au titre des dommages subis par le conteneur litigieux.

Il ne peut être contesté que les assureurs au présent litige ne sont pas l'assureur de la société CASA TITI DE JOANATITI, mais l'assureur de la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE suivant contrat versé aux débats en date du 1er janvier 2011, société apparaissant au présent litige en qualité de chargeur ; ces assureurs établissent cependant par la production d'un avis d'opération avoir viré la somme de 94 170 USD 39 à cet assuré le 28 août 2014, le libellé GROUPE EYSSAUTIER correspondant au nom du courtier ne permettant pas de douter de la réalité du versement, de l'identité des assureurs représentés par ce courtier, ni de la cause de ce versement correspondant exactement au dispache établi le même jour par le représentant des assureurs ; il apparaît en conséquence que par ce versement à leur assuré, les dits assureurs ont été subrogés dans les droits de la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE en application de l'article L 172-29 du code des assurances ; la quittance subrogative a certes été signée le même jour par la société CASA TITI DE JOANATITI, celle ci ayant été réglée par la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE sous forme d'avoir ainsi que l'établit un courrier versé aux débats, et non par la société assurée elle-même ; cette circonstance ne prive cependant pas de force probante d'une part l'ordre de virement, d'autre part le dispache établi au profit de la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE ; il y a lieu dès lors de constater que les assureurs établissent l'existence du paiement par eux de l'indemnité due au titre de la police souscrite le 1er janvier 2011 à leur assuré, la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE, et donc leur qualité à agir telle que prévue par l'article L 172-29 du code des assurances.

sur la responsabilité de la société CMA CGM

Il n'est pas contesté que le connaissement signé par la société CMA CGM le 12 février 2014 ne mentionne aucune réserve sur la marchandise transportée ; en application de l'article 3-4 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924, la marchandise doit en conséquence être présumée avoir été livrée en bon état.

En cas de pertes ou de dommages non apparents, il appartient au destinataire d'adresser, conformément à l'article 3-6 de la convention de Bruxelles, un avis écrit dans les trois jours de la délivrance ; à défaut, la présomption de livraison en l'état conforme au connaissement bénéficie au transporteur.

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise rédigé par le CESAM à la demande du courtier EYSSAUTIER PARIS que la marchandise a été livrée à la société CASA TITI le 2 avril 2014 et que les désordres auraient été constatés le même jour après dépotage ; il résulte de ce même rapport que les représentants de la CMA CGM ont été convoqués à une expertise amiable par courriel adressé par l'expert le 3 avril 2014, soit le lendemain de la découverte des dommages ; cette convocation ne peut être assimilée à l'avis écrit visé par l'article 3-6 de la convention, les dommages n'étant nullement décrits ni identifiés ; c'est dès lors à bon droit que la société CMA CGM invoque en l'absence d'avis écrit la présomption de l'article 3-4 de la convention de BRUXELLES.

Le même rapport d'expertise établit l'existence incontestable des dommages subis par la marchandise le 7 avril 2019, celle ci étant décrite ' en état général de putréfaction' ; l'expert indique que la cause du sinistre est imputable à une rupture de la chaîne du froid ; il précise que cette rupture est intervenue alors que les marchandises 'étaient sous la garde de la compagnie maritime DELMAS', c'est à dire de la société CMA CGM ; cette affirmation concernant le moment où est intervenue la rupture de la chaîne du froid ne repose cependant sur aucune constatation factuelle ou démonstration de l'expert, dès lors que les relevés des températures du conteneur communiqués ne révèlent aucune anomalie ; or, ainsi qu'il vient d'être rappelé, en raison de la présomption de livraison conforme prévue par l'article 3-4 de la convention de Bruxelles, il appartient au chargeur ou à ses assureurs subrogés d'établir que le dommage est intervenu durant la période du transport maritime ; force est de constater qu'au moment de l'examen de la marchandise par l'expert maritime, celle ci avait été dépotée depuis cinq jours et ne se trouvait plus dans le conteneur litigieux ; sauf à inverser la charge de la preuve, il apparaît dès lors que même en l'absence de l'intégralité des relevés de température du conteneur, les assureurs n'apportent aucun élément permettant d'affirmer que la rupture de la chaîne du froid est intervenue avant la livraison de la marchandise et son dépotage ; ils n'apparaissent dès lors pas fondés à invoquer une responsabilité du transporteur ; il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE S.A et autres assureurs, mais, statuant sur le fond, de débouter les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes.

Les assureurs succombant à la procédure, ils devront verser à la société CMA CGM une somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

- INFIRME le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 19 mai 2017, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action,

Statuant à nouveau,

- DÉCLARE recevables l'action formée par les sociétés AXA COPRORATE SOLUTIONS ASSURANCE, GENERALI IARD, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et WATKINS SYNDICATE 457 en qualité d'assureurs subrogés dans les droits de la société FRANCO AFRICAINE DE NÉGOCE.

- DÉBOUTE les sociétés AXA COPRORATE SOLUTIONS ASSURANCE, GENERALI IARD, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et WATKINS SYNDICATE 457 de l'intégralité de leurs demandes.

- CONDAMNE les sociétés AXA COPRORATE SOLUTIONS ASSURANCE, GENERALI IARD, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et WATKINS SYNDICATE 457 à verser à la société CMA CGM la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- MET les dépens à la charge des les sociétés AXA COPRORATE SOLUTIONS ASSURANCE, GENERALI IARD, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY et WATKINS SYNDICATE 457, dont distraction au profit des avocats à la cause.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 17/12154
Date de la décision : 23/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°17/12154 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-23;17.12154 ?
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