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17/01/2020 | FRANCE | N°16/10005

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 17 janvier 2020, 16/10005


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 4-8





ARRÊT AU FOND


DU 17 JANVIER 2020





N°2020/48




















Rôle N° RG 16/10005 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6WHY











Société CENTRE HOSPITALIER UNIVERVITAIRE DE NICE








C/





CPAM DES ALPES MARITIMES





MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE



>






























Copie exécutoire délivrée


le :


à :





Me Omar YAHIA,


avocat au barreau de PARIS








Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

















Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Soci...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2020

N°2020/48

Rôle N° RG 16/10005 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6WHY

Société CENTRE HOSPITALIER UNIVERVITAIRE DE NICE

C/

CPAM DES ALPES MARITIMES

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Omar YAHIA,

avocat au barreau de PARIS

Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES MARITIMES en date du 18 Avril 2016,enregistré au répertoire général sous le n° 21200925.

APPELANTE

Société CENTRE HOSPITALIER UNIVERVITAIRE DE NICE, demeurant [...]

représentée par Me Omar YAHIA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

CPAM DES ALPES MARITIMES, demeurant [...]

représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Camille NACINOVIC, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE INTERVENANTE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [...]

non comparante, non représentée

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2019 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Nathalie ARNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2020.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2020

Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Madame Nathalie ARNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits - Procédure - Moyens et Prétentions des parties :

Certains établissements de santé (tels que le Centre hospitalier de Nice) disposent d'une pharmacie à usage intérieur et peuvent être autorisés, par les agences régionales de santé à délivrer des médicaments à des patients non hospitalisés (patients ambulatoires).

Au mois de juin 2009, dans le cadre d'un programme national de contrôle de facturation des médicaments rétrocédés, le CHU de Nice a fait l'objet d'un premier contrôle de facturation pour la période du 1er janvier au 30 juin 2008.

Ce premier contrôle effectué sur un échantillon de bénéficiaires et une sélection de grands consommants ( ceux dont les montants de remboursement sont les plus élevés) a abouti à une notification d'indu d'un montant de 48.241,89 euros par courrier recommandé du 19 novembre 2010 de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes maritimes, avec en annexe un tableau des facturations contestées.

Cet indu a été adressé au visa des articles L.133-44 et R.133-9-1 du code de la sécurité sociale.

Ce montant était contesté par le Centre qui réglait toutefois 10.408 euros qu'il reconnaissait devoir.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mai 2011, la CPAM l'a mis en demeure de régler la somme de 37.833,89 euros restante, assortie d'une majoration de 10%, soit un montant total de 41.617,27 euros.

Par décision en date du 16 avril 2012 notifiée le 11 mai 2012, la CRA a rejeté le recours du CHU pour non respect des dispositions réglementaires de facturation des médicaments rétrocédés.

Saisissant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes maritimes, le CHU a soutenu l'irrégularité de la procédure de recouvrement et l'insuffisance d'information préalable de la nature et de l'étendue du contrôle.

Par jugement rendu le 18 avril 2016, notifié le 17 mai 2016, le tribunal a :

- débouté le CHU de la totalité de ses demandes,

- condamné le CHU au paiement de la somme de 41.617,27 euros,

- condamné le CHU au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration au greffe du 26 mai 2016, reçue le 9 juillet 2016, le CHU a interjeté appel de cette décision.

Par courrier du 16 janvier 2017, le conseil de l'appelant a sollicité le renvoi en audience collégiale de cette affaire.

Par conclusions déposées et développées à l'audience du 21 novembre 2019, le Centre Hospitalier régional et Universitaire de Nice (ci après le Centre) a sollicité :

- l'infirmation du jugement dans toutes ses dispositions ;

A titre principal :

- l'annulation de la notification de payer du 19 novembre 2010, la mise en demeure du 30 mai 2011 et la décision de la commission de recours amiable du 11 mai 2012 en ce qu'elles résultent d'une procédure de contrôle illégale ;

- ordonner à la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes de restituer au Centre Hospitalier régional et Universitaire de Nice la somme de 10.408 euros ;

A titre subsidiaire :

- l'annulation de la mise en demeure du 30 mai 2011 pour absence de motif et de la décision de la commission de recours amiable du 11 mai 2012 ;

- ordonner à la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes de restituer au Centre Hospitalier régional et Universitaire de Nice la somme de 41.617,27 euros ;

Plus subsidiairement :

- annuler l'indu de 41.617,27 euros

En tout état de cause,

- la condamnation de la CPAM des Alpes maritimes au paiement de la somme de 5.000,00 euros HT par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Au soutien de ses prétentions, le Centre Hospitalier régional et Universitaire de Nice invoque :

- l'irrégularité de la procédure de contrôle pour violation des dispositions de l'article L.315-1 III Bis du code de sécurité sociale en ce qu'il n'a pas été informé de la période sur laquelle portait le contrôle et du mode opératoire retenu ( échantillonnage), de l'article L315-1 ( divulgation de données personnelles par d'autres personnes que les praticiens-conseils ou les personnes placées sous leur autorité) ;

- l'irrégularité du rapport de contrôle pour défaut de base légale en ce qu'il recourt à la méthode de l'échantillonnage qui a été autorisée par la loi du 24 décembre 2009 entrée en vigueur qu'en 2010 donc après le contrôle ;

- le rapport de contrôle, communiqué 6 mois plus tard, ne comporte aucune identification de ceux qui y ont procédé, sa nullité est encourue ;

- la nullité de la mise en demeure pour ne pas contenir les motifs conduisant à rejeter les observations du centre ;

- la nullité de la mise en demeure pour violation de l'article R.133-9-1 du code de sécurité sociale, en l'absence de mention des dates des versements indus étant rappelé que la mise en demeure n'est pas un acte de procédure soumis à l'article 114 du code de procédure civile ;

- l'indu n'est pas fondé tant par la méthode de l'échantillon aléatoire que pour les grands consommants ;

- une facturation supérieure à celle prescrite du fait du conditionnement des médicaments

qui lui est imposé par le fabricant et qu'il n'est pas possible de reconditionner ;

- la majorité de l'indu concerne en outre la problématique de la vente d'un médicament (REVLIMID) dont le prix de cession a diminué de 35% par arrêté du 15 mai 2008, le CHU ayant été dans l'obligation de maintenir l'ancien prix pour ne pas vendre à perte jusqu'au 1er juillet 2008.

Par conclusions déposées à l'audience et reprises oralement, la CPAM a sollicité :

- la confirmation du jugement attaqué ;

- la condamnation du CHU de Nice à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la CPAM invoque :

- le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire au contraire des affirmations de l'appelant, la notification de l'indu a été faite à l'appelant qui a pu répondre en adressant ses observations ; elle distingue le respect du contradictoire lors des opérations de contrôle et celui applicable lors de la décision prise à l'issue du contrôle ; elle ajoute que la garantie du respect des droits de la défense visé à l'article L.3l5-1 ne concerne que les seuls contrôles déclenchés dans le cadre de son alinéa IV qui limite cette garantie aux contrôles de l'activité des seuls professionnels de santé (conventionnés) dispensant des soins. Elle précise encore que la procédure de contrôle médical contestée a été menée contradictoirement par la caisse, pour la simple raison qu'elle exige la coopération de l'établissement de sorte que le CHU a été parfaitement et nécessairement informé de l'objet du contrôle ;

- il ne peut être soutenu une «divulgation de données de santé à caractère personnel non anonymisées» par la CPAM, le tableau recensant l'ensemble des anomalies joint à la notification d'indu du 19 novembre 2010 ne fait aucunement référence aux données personnelles des assurés, et ne précise ni la pathologie, ni le traitement suivi, en outre le texte invoqué ( L.161-29 CSS) n'est pas applicable en matière d'indu ; enfin l'utilisation d'un tableau, à la lecture duquel il est renvoyé, est une technique de motivation suffisante pour permettre à l'établissement d'être entièrement informé de l'étendue et de la cause des versements indus dont le remboursement est demandé ;

- l'échantillonnage n'est pas une méthode illégale, l'article L.l62-l-14-2 du code de la sécurité sociale invoqué par le CHU semble n'est applicable qu'à la procédure de pénalité financière, et ce procédé est admis par la jurisprudence depuis 2001 ;

- la procédure dont s'agit ne s'inscrit pas dans le cadre formel de la T2A mais dans celui d'un simple contrôle des modalités de facturation de médicaments par le CHU sur le fondement de l'article L315-1 - III et art. R3l5-1 et R315-1-2 débouchant sur la notification d'un indu sur le fondement de l'article L.133-4 et exclusif du formalisme revendiqué par l'appelant ;

- la mise en demeure n'est pas nulle et il est possible de procéder par renvoi à un document extrinsèque, tel que la notification d'indu dès lors que ces documents contiennent les éléments suffisants pour permettre au CHU de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ;

Au fond, elle fait valoir que :

- les anomalies de facturation tenaient pour l'essentiel :

- à la facturation à la CPAM de médicaments délivrés aux patients sans prescriptions, ou à des renouvellements non prescrits ou au-delà du nombre de renouvellements prescrits, ou à partir de prescriptions non valides par péremption ;

- à la facturation de médicaments en quantités supérieures aux prescriptions ou en nombre injustifié,

- au chevauchement de délivrance et facturation pour un montant de 293,00 euros, dû à la délivrance d'une nouvelle ordonnance sans attendre la fin de la précédente ;

- aux facturations à des prix différents en fonction des sites géographiques (404,00 euros) : le prix de cession étant fixé par arrêté, l'établissement n'est pas autorisé à rétrocéder un médicament à un tarif différent en fonction du site géographique,

- pour les 30 grands consommants, il a été relevé 25 anomalies de facturation tenant à la facturation d'un médicament, le REVLIMID, à un prix supérieur au tarif de cession réglementaire. Elle rappelle le caractère d'ordre public de l'article L.162-16-5 du code de la sécurité sociale, qui fixe le prix de cession au public au prix de vente publié par le CEPS, majoré de la TVA et de la marge de rétrocession fixée par arrêté.

Le chef de la mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale, régulièrement convoqué, ne comparait pas, ni personne pour lui.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur l'irrégularité de la procédure de contrôle

- Sur la légalité de la procédure suivie :

Le Centre invoque les dispositions de l'article L.315-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable qui, en son III.bis, précisait «Le service du contrôle médical procède auprès des établissements de santé visés à l'article L. 162-22-6, des pharmaciens et des distributeurs de produits ou prestations, dans le respect des règles déontologiques, aux contrôles nécessaires en matière de délivrance et de facturation de médicaments, produits ou prestations donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie ou à prise en charge par l'Etat en application des articles L. 251-2 ou L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles.» et les dispositions de ce même code qui, en son article R.315-1, prévoyait que «Lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse de l'activité d'un établissement de santé en application du III de l'article L. 315-1, les résultats de cette analyse sont communiqués au directeur de l'établissement concerné ainsi qu'au directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation instituée à l'article L. 710-17 du code de la santé publique.»

Il conclut à la violation de ces dispositions en ce que le Service Médical, dans son courrier du 19 mars 2009, n'a pas informé le représentant légal de l'établissement de la période de facturation sur laquelle le contrôle allait porter ni de la méthodologie adoptée. Or, à ce stade du processus de contrôle, le Service Médical n'était tenu à aucune obligation particulière. La suite des opérations démontre que le personnel du Centre a été parfaitement informé de la période sur laquelle portait le contrôle pour produire précisément les justificatifs afférents à ladite période.

Le Centre reproche également au Service Médical d'avoir demandé au directeur d'établissement de lui communiquer «les coordonnées des personnes habilitées à recevoir» la demande de mise à disposition des pièces justificatives (prescriptions et pièces de facturation) conformément au protocole d'accord national de télétransmission des factures s'appuyant sur les dispositions de l'article L.6143-7 du code de la santé publique au terme duquel le directeur de l'établissement «représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile».

Or, d'une part rien ne s'opposait à ce que le directeur d'établissement qui «exerce son autorité sur l'ensemble du personnel» désigne les personnes particulièrement habilitées à répondre aux demandes émanant du Service Médical dans le cadre du contrôle programmé et d'autre part, le Directeur pouvait parfaitement, s'il l'entendait, présenter les pièces sollicitées par le Service Médical, prérogative dont il n'a pas entendu faire usage.

Quant à la méthode utilisée pour le contrôle, si elle a donné lieu dans un premier temps à une extrapolation à partir d'échantillons, la notification d'indu du 19 novembre 2010 portait sur la somme de 48.241,89 euros justifiée par le tableau des anomalies joint à ce courrier.

Le Centre critique les mentions contenues dans un courrier adressé par le directeur régional du service médical au directeur de la Caisse primaire d'assurance maladie en septembre 2009 faisant état d'une rencontre avec les pharmaciens hospitaliers le 28 juillet 2009 dont il dénie l'existence.

Or, le Centre indique dans ses écritures que le contrôle a eu lieu dans les locaux du service du contrôle médical en sorte que nier l'existence d'une rencontre avec les pharmaciens hospitaliers en juillet 2009, soit pendant la période du contrôle, relève de la contradiction.

La méthode utilisée par la Caisse primaire d'assurance maladie exposée pour la première fois dans un courrier du 28 janvier 2010, soit bien avant la notification d'indu ( 19 novembre 2010) était invoquée à l'appui d'une proposition de transaction à laquelle le Centre n'a pas donné suite. Aussi les développements du Centre sur ce point sont inopérants. Cette méthode d'extrapolation n'a finalement pas été retenue.

Au demeurant le Centre argue des dispositions de l'article L.315-1 du code de la sécurité sociale au soutien de l'irrégularité des opérations de contrôle alors que cet article ne contient aucune prescription impérative portant sur la méthodologie à adopter lors d'un contrôle et que seul le IV de cet article relatif aux contrôle de l'activité des professionnels de santé dispensant des soins fait référence au « respect des droits de la défense» ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Le Centre ajoute que ce n'est que le 14 juin 2010 qu'il a été mis en mesure de produire ses propres chiffres et que c'est sur la base de ces chiffres du 14 juin 2010 que l'établissement a été enfin en mesure de déterminer qu'il était effectivement redevable de la somme de 10.408 euros envers la CPAM des Alpes Maritimes, ces constatations n'apportent rien à la discussion dès lors que l'indu n'était notifié que le 19 novembre 2010 soit après que la Caisse a pris en considération les chiffres avancés par le Centre.

Quoiqu'il en soit le Centre ne peut se plaindre d'une absence de procédure contradictoire dès lors qu'il a été invité à s'expliquer dès janvier 2010 sur les écarts constatés et que des échanges ont eu lieu entre les pharmaciens hospitaliers et le service médical pendant toute la durée du contrôle.

Ainsi, est-ce en vain que le Centre conclut à l'annulation de la procédure de contrôle dès lors que son service pharmaceutique a produit toute pièce utile aux opérations de contrôle ce qui signifie qu'il était parfaitement informé de la période sur laquelle portait ce contrôle, que son service a été étroitement associé aux opérations en cours lesquelles se déroulaient au sein du Service Médical, qu'aucune disposition n'impose à la Caisse de notifier la date de fin de contrôle, que la procédure sur échantillonnage n'a finalement pas été retenue pour fonder l'indu notifié le 19 novembre 2010, qu'il n'est pas démontré en quoi un contrôle autre que sur site ferait obstacle à toute discussion contradictoire.

Enfin, la circonstance que la Caisse ait procédé par la suite à un contrôle exhaustif suite au refus opposé par le Centre de signer une transaction n'est d'aucun emport sur le présent contrôle.

- Sur l'annulation de la notification de payer et de la mise en demeure par suite d'une divulgation de données à caractère personnel à des tiers non autorisés :

Outre que la divulgation de telles données, à la supposer avérée, n'entache en rien la régularité de la procédure, il ne résulte d'aucune pièce produite la réalité du grief allégué. En effet, le tableau récapitulatif joint à la notification d'indu se borne à indiquer la facturation faite à chaque patient sans révéler aucune indication couverte par le secret médical. Ne figure en effet aucune donnée tenant à une maladie, pathologie ou diagnostic ni même la désignation du médicament délivré ( la référence «ANO 19 ECHANT» ne paraissant pas devoir correspondre à un médicament). Du reste, le Centre reproduit in extenso ce tableau dans ses écritures admettant lui-même l'inanité de son argumentation.

Sur l'irrégularité de la procédure de recouvrement

- Sur la nullité de la mise en demeure pour violation de l'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale :

L'article L.133-4 dans sa rédaction alors applicable prévoyait que En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification. Elle comporte une majoration de 10 % du montant des sommes réclamées non réglées à la date de son envoi ; ces majorations peuvent faire l'objet d'une remise.

Le Centre soutient qu'après avoir rejeté ses observations par courrier du 22 février 2011, ce n'est que plusieurs mois après que la Caisse lui a fait parvenir une mise en demeure datée du 30 mai 2011 et reçue le 6 juin 2011.

Or l'obligation d'adresser la mise en demeure dans le délai d'un mois n'est sanctionnée par aucune disposition. Au demeurant, la notification d'indu peut être contestée sans attendre la délivrance d'une mise en demeure.

L'article R.133-9-1 dans sa rédaction alors applicable disposait que «En cas de désaccord avec les observations de l'intéressé et en l'absence de paiement dans le délai imparti, le directeur de l'organisme lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception la mise en demeure prévue à l'article L. 133-4. Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées, le montant de la majoration de 10 % afférente aux sommes encore dues ainsi que le délai de saisine de la commission de recours amiable prévue à l'article R. 142-1.»

La mise en demeure notifiée le 30 mai 2011 faisait expressément référence au courrier du 24 novembre 2010 notifiant l'indu qui indiquait la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et suite auquel le Centre a effectué un paiement de 10.048 euros reconnaissant le bien fondé de l'indu à concurrence de cette somme ce qui signifie qu'il disposait de toutes les informations pour apprécier la légitimité de la demande de paiement. En effet, cette notification d'indu comportait un tableau en annexe listant pour chaque patient les écarts tarifaires constatés, les codes, les dates et le motif de l'indu ( le Centre reprochant même à la Caisse d'avoir fourni des informations confidentielles portant sur les assurés).

- Sur la nullité de la mise en demeure par suite de l'absence de réponse à observations :

Le Centre excipe de la nullité de la mise en demeure au motif que celle-ci ne comporte pas le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées. La mise en demeure mentionnait «Vous avez formulé des observations par courrier le 2/12/2010. Après examen par l'échelon Régional du Service Médical, je vous informe que les arguments présentés ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions du Service Médical. En conséquence, les constats opérés et notifiés se trouvent confirmés et le règlement

de la somme demandée, maintenu.»

Si la Cour de cassation a pu estimer dans un premier temps que ce genre de réponse constituait une motivation suffisante ( Civ. 2ème 16 décembre 2011, no 10- 27.841) elle est revenue sur sa doctrine pour considérer qu'une réponse libellée ainsi « les observations présentées le 19 avril

2007 n'apportent pas d'éléments nouveaux susceptibles de modifier la notification qui vous a été

adressée » ne parvenait pas à établir que la caisse avait répondu aux observations de l'établissement de santé ( Civ. 2ème 17 septembre 2015, no 14-23.275 et 12 octobre 2017 n°16.21.761 cassant la présente cour).

En l'espèce, le directeur du Centre avait mentionné dans son courrier du 2 décembre 2010 qu'il avait communiqué au Service Médical le 14 juin 2010 un tableau récapitulatif et deux annexes relevant les indus qu'il admettait et ceux qu'il contestait, il communiquait à nouveau en pièce jointe à son courrier ses argumentaires et justificatifs sur lesquels la Caisse ne s'est pas prononcée sauf dans les termes sus rappelés qui ne sauraient s'assimiler à des motifs.

Il convient pour ce motif d'annuler la mise en demeure contestée et de débouter la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes de l'ensemble de ses demandes.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de condamner la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes à payer au Centre Hospitalier régional et Universitaire de Nice la somme de 2.000,00 euros à ce titre.

La Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes supportera les dépens de l'instance, étant précisé que l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dont l'article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

PAR CES MOTIFS,

Publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

- Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,

- Annule la mise en demeure notifiée le 30 mai 2011, reçue le 6 juin 2011et la procédure de recouvrement subséquente,

- Ordonne à la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes de rembourser au Centre Hospitalier régional et Universitaire de Nice les sommes versées en considération de cet indu annulé ( 41.617,27 euros )

- Déboute la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes à payer au Centre Hospitalier régional et Universitaire de Nice la somme de 2.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes aux éventuels dépens de l'instance

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 16/10005
Date de la décision : 17/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°16/10005 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-17;16.10005 ?
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