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16/01/2020 | FRANCE | N°18/18564

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 16 janvier 2020, 18/18564


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2020

hg

N°2020/ 28













N° RG 18/18564 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMNE







[Y] [E]

[I] [E]





C/



SCI SCI DU PRAMAOU



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Serge CONSALVI



SCP ALPES PROVENCE AVOCATS

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS en date du 10 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00171.



APPELANTS



Monsieur [Y] [E], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Serge CONSALVI, avocat au barreau de TOULON


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2020

hg

N°2020/ 28

N° RG 18/18564 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMNE

[Y] [E]

[I] [E]

C/

SCI SCI DU PRAMAOU

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Serge CONSALVI

SCP ALPES PROVENCE AVOCATS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS en date du 10 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00171.

APPELANTS

Monsieur [Y] [E], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Serge CONSALVI, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [I] [E], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Serge CONSALVI, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SCI DU PRAMAOU, sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

représentée par Me Sophie BERGEOT de la SCP ALPES PROVENCE AVOCATS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Florence BRENGARD, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2020

Signé par Madame Marie-Florence BRENGARD, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SCI du Pramaou est propriétaire de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 1], sur la commune de la [Localité 1].

[Y] et [I] [E] sont propriétaires des parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] jouxtant celle de la SCI.

Par arrêt du 30 janvier 2012, la cour d'appel d'Aix en Provence ayant confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Digne les Bains du 21 avril 2010, au visa de l'article 684 du code civil, il a notamment été :

- constaté que les parcelles A [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] appartenant alors à [J] [H] étaient enclavées,

- accordé une servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 1] section A en commune d'[Localité 1] appartenant à la SCI du Pramaou pour les désenclaver, suivant le tracé matérialisé sur le plan annexe 12 de l'expertise réalisée par Monsieur [D] ;

[J] [H] a été condamné à payer la somme de 31 880 € à la SCI du Pramaou au titre de l'indemnité légale de désenclavement.

Se plaignant du démarrage des travaux de la rampe d'accès en dépit de l'absence de paiement intégral de l'indemnité allouée, la SCI du Pramaou a fait assigner [Y] et [I] [E], par actes d'huissier des 23 décembre 2016 et 24 janvier 2017 devant le tribunal de grande instance de Digne les Bains aux fins de :

- leur faire interdiction de poursuivre leurs travaux d'installation d'une rampe d'accès sur sa propriété tant que l'indemnité n'aura pas été intégralement réglée, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard ;

- leur faire interdiction, sous astreinte de 500 € par jour d'infraction d'installer sur sa propriété un enrobé chauffé ;

- les condamner sous astreinte à retirer les canalisations qu'ils ont installées sur sa propriété , sous astreinte de 500 € par jour de retard ;

- les condamner aux dépens et à lui payer 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 10 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a statué en ces termes:

«Dit que la pose d'un enrobé chauffé et l'installation de canalisations en sous-sol contreviennent aux modalités d'exercice de la servitude de passage sur la parcelle A [Cadastre 2], accordée au fonds dominant A [Cadastre 1] de Monsieur [Y] [E] et Monsieur [I] [E] ;

Condamne Monsieur [Y] [E] et Monsieur [I] [E] à procéder au retrait de ces ouvrages dans un délai de quatre mois suivant la signification de la présente décision, passé lequel ils seront redevables d'une astreinte de 250 euros par jour de retard durant une période de six mois ;

Condamne Monsieur [Y] [E] et Monsieur [I] [E] à payer à la SCI du Pramaoula somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes des parties ;

Condamne Monsieur [Y] [E] et Monsieur [I] [E] aux dépens de l'instance.»

[Y] et [I] [E] ont fait appel de ce jugement par déclaration du 26 novembre 2018.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 24 juin 2019 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [Y] et [I] [E] demandent à la cour de :

- les recevoir en leur appel ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'exercice du passage pour cause d'enclave n'est pas subordonné au paiement de l'indemnité due au propriétaire du fonds servant ;

- débouter la SCI du Pramaou de toutes demandes, fins et conclusions contraires ;

- réformer le jugement et statuant à nouveau :

- dire et juger que la pose d'un enrobé chauffé et l'installation de canalisations en sous-sol ne contreviennent pas aux modalités d'exercice de la servitude de passage légale sur la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 1] bénéficiant au fonds des appelants ;

- débouter en conséquence la SCI du Pramaou de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la SCI du Pramaou à leur payer 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI du Pramaou aux entiers dépens, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile pour ceux d'appel.

Pour eux :

- l'enrobé chauffant est utile en l'espèce eu égard à la forte pente (18%) et à l'altitude de

1 800 mètres des deux fonds,

- le désenclavement permet d'utiliser le sous-sol pour enfouir les canalisations utiles à un usage normal du fonds,

- le droit de réaliser l'accès n'est pas subordonné au paiement intégral de l'indemnité allouée pour le désenclavement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 16 avril 2019, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, la SCI du Pramaou entend voir :

- enjoindre aux consorts [E] de démolir leurs travaux d'installation d'une rampe d'accès sur sa propriété cadastrée A [Cadastre 1], commune de la [Localité 1] et leur faire (interdiction) de pénétrer sur sa propriété, et ce tant que l'indemnité n'aura pas été intégralement réglée et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard,

- condamner sous astreinte de 500 € par jour les consorts [E] à retirer l'enrobé chauffant qu'ils ont installé sur sa propriété,

- les condamner sous astreinte à retirer les canalisations qu'ils ont installées sur sa propriété, sous astreinte de 500 € par jour de retard,

- les condamner aux dépens et à lui payer 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour elle :

- le droit de réaliser l'accès n'est pas subordonné au paiement intégral de l'indemnité allouée pour le désenclavement,

- la pose d'un enrobé chauffant n'a jamais été prévue lorsque la servitude de passage a été accordée, et constitue une aggravation de la servitude, en provoquant des plaques de verglas sur son fonds en partie basse de la rampe, à l'endroit où se situe un escalier menant à la terrasse du bar de la SCI du Pramaou ;

- les droits accordés se limitaient au passage de véhicules et ne prévoyaient pas l'installation de canalisations ;

- au cours de l'instance initiée par [J] [H], il avait assigné en sollicitant le droit de passage pour véhicules et toutes canalisations puis y avait renoncé ;

- l'indemnité allouée en tient compte ;

- un tel droit limiterait sa possibilité de construire sur le fonds servant.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de démolition de la rampe d'accès et l'interdiction de pénétrer sur la propriété de la SCI du Pramaou:

Cette demande de la SCI du Pramaou est motivée par le défaut de paiement intégral de l'indemnité allouée pour le désenclavement, sur la base d'un décompte des intérêts dus, mais dès lors qu'elle dispose d'un titre lui permettant d'obtenir la totalité de l'indemnité qui lui a été allouée, elle ne peut valablement prétendre à la démolition de l'accès consenti aux propriétaires du fonds dominant, et qui consacre leur droit réel de désenclavement, pas plus qu'elle ne peut obtenir qu'il leur soit fait interdiction de pénétrer sur sa propriété.

Le premier juge a rejeté ces demandes par des motifs pertinents que l'argumentation développée en appel sans élément nouveau ne permet pas de contrer.

Le jugement ayant rejeté ces demandes sera donc confirmé.

Sur la pose d'un enrobé chauffé :

En application des articles 697 et 702 du code civil, « celui auquel est due une servitude a droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver » et «ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire, ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier ».

Il est soutenu que la mise en place d'un enrobé chauffant n'a pas été prévue lorsque la servitude de passage a été accordée, et qu'elle constitue une aggravation de la servitude, en provoquant des plaques de verglas sur le fonds servant, en partie basse de la rampe, à l'endroit où se situe un escalier menant à la terrasse du bar de la SCI du Pramaou.

S'il est exact que cette installation n'a pas été prévue, elle peut être considérée comme nécessaire pour la réalisation d'un accès en altitude (1 800 m) et très pentu (18%).

Il n'est pas démontré qu'elle provoquera des plaques de verglas sur le fonds servant, en partie basse de la rampe, à l'endroit où se situe un escalier menant à la terrasse du bar de la SCI du Pramaou, alors qu'a été aménagé en bas de pente un caniveau de récupération des eaux de fonte, dans les conditions décrites par [Q] [C], pour le bureau Véritas, et précisant que « le procédé est tout à fait adapté et nécessaire pour régler les dangers de circulation dus à une voirie enneigée ou verglacée... sans préjudice pour le voisinage et le fonds servant ».

Il sera donc considéré que [Y] et [I] [E] n'ont pas outrepassé leur droit de réaliser les ouvrages nécessaires pour user et conserver la servitude de passage dont ils bénéficient.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné [Y] et [I] [E] à retirer cet ouvrage.

Sur l'installation de canalisations en sous-sol :

Il n'est pas contesté que le fonds cadastré section A n°[Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] est enclavé, y compris en tréfonds, et qu'il est constructible, ce qui implique, pour sa desserte complète le passage de canalisations en tréfonds de l'assiette de la servitude de passage, alors même d'une part que cela n'a pas été précisé dans la décision de désenclavement et d'autre part que [J] [H], alors propriétaire du fonds enclavé l'ai expressément demandé dans son assignation sans l'avoir ensuite soutenu dans ses conclusions.

Il n'est pas établi que le passage de canalisations aggraverait la condition du fonds servant, dès lors qu'elles se situent sur l'assiette de la servitude de passage, qui nécessairement ne pourra être construite, sans que cela change la situation.

Dans ces conditions, la demande de la SCI du Pramaou tendant au retrait des canalisations doit être rejetée et le jugement infirmé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

La SCI du Pramaou succombant à l'instance sera condamnée aux dépens, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile pour ceux d'appel, et à payer 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à [Y] et [I] [E].

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de démolition de la rampe d'accès et d'interdiction de pénétrer sur la propriété de la SCI du Pramaou ;

Statuant à nouveau pour le surplus,

Rejette la demande de la SCI du Pramaou tendant à voir condamner sous astreinte [Y] et [I] [E] à retirer l'enrobé chauffant et les canalisations installés sur sa propriété,

Condamne la SCI du Pramaou aux dépens, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile pour ceux d'appel, et à payer 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à [Y] et [I] [E].

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 18/18564
Date de la décision : 16/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°18/18564 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-16;18.18564 ?
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