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16/01/2020 | FRANCE | N°18/03805

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 16 janvier 2020, 18/03805


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2020

lv

N°2020/ 33













Rôle N° RG 18/03805 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCBMN







[E] [Z]





C/



Syndicat des copropriétaires de l'Immeuble LES NEREIDES DEF





































Copie exécutoire délivrée le :

à :



AS

SOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES



SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/05311.





APPELANT



Monsieur [E] [Z]

demeurant [Adresse 1]



représenté ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2020

lv

N°2020/ 33

Rôle N° RG 18/03805 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCBMN

[E] [Z]

C/

Syndicat des copropriétaires de l'Immeuble LES NEREIDES DEF

Copie exécutoire délivrée le :

à :

ASSOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES

SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/05311.

APPELANT

Monsieur [E] [Z]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Florence BENSA-TROIN de l'ASSOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Louis BENSA, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIME

Syndicat des copropriétaires de l'Immeuble LES NEREIDES DEF Tranche 2, sis [Adresse 2], représenté par son Syndic en exercice, la S.A.R.L. CENTRALE DES BAILLEURS ET DES COPROPRIÉTAIRESCENTRALE DES BAILLEURS ET DES COPROPRIÉTAIRES - CBC GESTION, elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Sophie PONSIGNON-VERSTRAETE de la SELARL VERSTRAETE ET ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Daniel VERSTRAETE, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Novembre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Florence BRENGARD, Président, et Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Florence BRENGARD, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2020..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2020.

Signé par Madame Marie-Florence BRENGARD, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

M. [E] [Z] est propriétaire, depuis 1974, d'un appartement situé au rez-de-chaussée du bâtiment DOTO de la copropriété [Personne géo-morale 1][Adresse 4], située [Personne géo-morale 1].

Au milieu des années 1980, les copropriétaires du 5ème et dernier étage ont été autorisés à réaliser des loggias sur leur terrasse.

Ces réalisations ont entraîné une modification du système d'origine d'écoulement des eaux de la copropriété vers les terrasses du rez-de-chaussée.

Se plaignant de chutes de gouttes d'eau sur sa terrasse longtemps après la pluie, M. [Z] a fait mettre à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires une résolution tendant à la pose de gouttière, qui a toutefois été rejetée le 30 juin 1997 à l'unanimité des présents et représentés, dont M.[Z], projet qui n'a pu être adopté lors de l'assemblée générale du 14 avril 2000 faute de quorum.

Le 23 décembre 2009, M. [Z] a déclaré un dégât des eaux à son assureur, la GMF, suite aux écoulements répétitifs d'eaux pluviales et M. [Z] a assigné en référé le syndicat des copropriétaires par exploit du 09 décembre 2011.

Par ordonnance du 25 mai 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse a rejeté la demande d'expertise judiciaire et a ordonné au syndicat des copropriétaires de réaliser la mise en place d'une gouttière sur la longueur du bloc d'immeubles dans lequel est situé l'appartement de M. [Z], sous astreinte de 150 € par jour de retard qui commencera à courir six mois après la signification ladite ordonnance, laquelle est intervenue le 09 novembre 2012.

Le 19 juin 2012, sur la base des devis présentés par M. [Z], l'assemblée générale des copropriétaires a décidé d'effectuer les travaux de réalisation des gouttières.

Par jugement avant dire droit du 10 janvier 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, saisi par le syndicat des copropriétaires d'une demande de suppression de l'astreinte prononcée par le juge des référés, a ordonné une expertise aux fins de voir si les travaux ordonnés par ce dernier au regard des devis présentés par M. [Z], sont réalisables, dans quelles conditions et à quel coût.

Aux termes de son rapport déposé le 25 juin 2014, l'expert a dit que les travaux ne sont pas réalisables aux motifs que les devis sont incomplets et qu'ils ne prévoient pas d'exutoire pour les descentes d'eaux pluviales, l'expert précisant par ailleurs que trois solutions sont envisageables, dont deux qualifiées d'aléatoires car tributaires de l'autorisation des propriétaires des parcelles voisines et la troisième, particulièrement coûteuse.

Par jugement rendu le 29 septembre 2015, le juge de l'exécution a:

- refusé de statuer sur la prescription de l'action soulevée par le syndicat des copropriétaires en considérant que cela tendait à remettre en cause l'ordonnance de référé dont le syndicat n'avait pas fait appel,

- a débouté M. [Z] de sa demande de liquidation d'astreinte pour la période allant du 07 mai 2013 au 07 novembre 2014,

- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de suppression d'astreinte,

- a condamné le syndicat à réaliser la pause d'une gouttière sur le long du bloc de l'immeuble occupé par M. [Z] suivant la troisième solution de l'expert judiciaire sous astreinte de 150 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit mois suivant la signification du jugement (condamnation prononcée dans les motifs mais non reprise dans le dispositif de la décision).

Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision.

Par acte d'huissier en date du 14 octobre 2016, le syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2][Personne géo-morale 1][Adresse 2], représenté par son syndic en exercice la SARL CENTRALE DES BAILLEURS ET DES COPROPRIETAIRESCENTRALE DES BAILLEURS ET DES COPROPRIETAIRES ( CBC GESTION), a fait assigner M. [E] [Z] devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins, à titre principal, de dire et juger que les demandes de M. [Z] tendant à la réalisation de travaux de poses de gouttières sur l'immeuble de la copropriété sont irrecevables car prescrites et, à titre subsidiaire, de dire et juger que les travaux ordonnés par le juge des référés dans son ordonnance du 25 mai 2012 au vu des devis présentés par M. [Z], sont techniquement irréalisables.

Par jugement contradictoire en date du 09 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Grasse a:

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de M. [Z] tendant à la réalisation de travaux de pose de gouttière sur l'immeuble de la copropriété [Personne géo-morale 1][Adresse 4] et à la réparation des préjudices,

- condamné M. [E] [Z] à payer au [Personne géo-morale 1][Personne géo-morale 2] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration en date du 28 février 2018, M. [E] [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 09 juillet 2019, M. [E] [Z] demande à la cour de:

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 09 janvier 2018 en toutes ses dispositions,

- débouter le [Personne géo-morale 1][Personne géo-morale 2] de toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment de la prescription opposée du fait des sinistres de 2009, des travaux votés en assemblée générale du 19 juin 2012 et de la renonciation à opposer une quelconque prescription,

A titre principal,

- condamner sous astreinte de 150 € par jour de retard le syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2] à réaliser la mise en place d'une gouttière sur la longueur du bloc dans lequel est situé l'appartement de M. [Z] au 5ème étage aux fins de faire cesser les troubles subis par M. [Z], notamment sur la base de l'assemblée générale du 19 juin 2012,

- ordonner sous astreinte de 150 € par jour de retard le syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2] à engager toutes les démarches utiles vis-à-vis de l'association foncière et urbaine libre Les Néréides[Personne géo-morale 3] par une demande de passage en assemblée générale et toute procédure subséquente,

A titre subsidiaire,

- condamner sous astreinte de 150 € par jour de retard le syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2] à réaliser la mise en place d'une gouttière sur la longueur du bloc dans lequel est situé l'appartement de M. [Z] au 5ème étage aux fins de faire cesser les troubles subis par M. [Z], notamment sur la base de l'assemblée générale du 19 juin 2012,

- ordonner sous astreinte de 150 € par jour de retard le syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2] à engager toutes les démarches utiles vis-à-vis de la société Réseau Ferré de France au besoin par engagement d'une procédure,

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner sous astreinte de 150 € par jour de retard le syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2] à réaliser la mise en place d'une gouttière sur la longueur du bloc dans lequel est situé l'appartement de M. [Z] au 5ème étage aux fins de faire cesser les troubles subis par M. [Z], notamment sur la base de l'assemblée générale du 19 juin 2012,

- ordonner sous astreinte de 150 € par jour de retard le syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2] à réaliser les travaux prévus par l'expert [K] par la réalisation d'une gouttière et d'un exutoire par l'intérieur de la copropriété, notamment sur la base de l'assemblée générale du 19 juin 2012,

En tout état de cause,

- condamner le [Personne géo-morale 1][Personne géo-morale 2] à payer à M. [Z] la somme de 5.000 € pour le préjudice de jouissance subi et la somme de 2.440,56 € TTC correspondant au changement des stores et aux factures de nettoyage,

- condamner le [Personne géo-morale 1][Personne géo-morale 2] à indemniser M. [Z] du remplacement de ses stores en 2014 pour la somme de 666 €,

- condamner le [Personne géo-morale 1][Personne géo-morale 2] à payer à M. [Z] la somme de 50.000 € pour le préjudice moral outre 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il s'oppose à toute prescription de son action aux motifs que:

- le sinistre répétitif dégât des eaux, qui se produit lors de chaque pluie, date de 2009 et il ne peut y avoir de prescription pour des faits qui sont contemporains de 2009,

- la demande reconventionnelle qu'il a présentée en première instance au visa des travaux votés lors de l'assemblée générale du 19 juin 2012 et par voie de conclusions du 29 mai 2017, a valablement interrompu le délai de prescription, de sorte qu'il ne saurait y avoir de prescription à la demande fondée sur ladite assemblée générale ( résolution n°25),

- par cette résolution, la copropriété a voté des travaux de pose de gouttière, constituant un engagement de réalisation des travaux et donc une reconnaissance de responsabilité, emportant renonciation par le syndicat des copropriétaires à invoquer la prescription,

- la prescription n'a pas été soulevée dans le cadre de la procédure en référé et n'a pas été relevée lors de l'assemblée de 2012, de sorte qu'elle ne peut plus être opposée,

- l'ordonnance de référé du 25 mai 2012 a ordonné une remise en état et des travaux et la présente instance remet en cause les dispositions de cette décision comme s'il s'agissait d'une voie de recours en ce qui concerne le moyen tiré de la prescription qui n'avait pas été soulevé à l'époque.

Sur le fond, il s'appuie sur les conclusions de l'expert [K] qui a confirmé les écoulements d'eaux pluviales préjudiciables et a déterminé les travaux à réaliser, à savoir la pose de gouttières et le raccordement selon trois solutions.

Il précise que pour sa part, il privilégie la solution 1, les démarches administratives alléguées étant inutiles, dès lors que ni la mairie, ni la copropriété ne s'opposent à la réalisation d'une gouttière en façade et son raccordement au chemin communal.

Il ajoute que la solution 2 est également parfaitement réalisable dans la mesure où la copropriété voisine, qui fait partie du même ensemble immobilier, est redevable d'une servitude de passage, de même que le Réseau Ferré de France, qui au demeurant ne s'oppose pas au passage d'une canalisation d'évacuation.

A titre subsidiaire, il sollicite la solution 3, à savoir la réalisation des travaux de raccordement des gouttières à l'intérieur de la copropriété et qui a été adoptée par le juge de l'exécution.

Le syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2][Personne géo-morale 1][Adresse 2], représenté par son syndic en exercice la SARL CENTRALE DES BAILLEURS ET DES COPROPRIETAIRESCENTRALE DES BAILLEURS ET DES COPROPRIETAIRES ( CBC GESTION), suivant ses conclusions déposées et notifiées par la voie électronique le 04 octobre 2019, demande à la cour de:

- confirmer purement et simplement le jugement dont appel en ce qu'il a jugé irrecevables pour cause de prescription les demandes que M. [Z] a émises tendant à la réalisation de travaux de pose de gouttière sur l'immeuble de la copropriété,

En tout état de cause,

- dire et juger dépourvues de toute autorité de la chose jugée l'ordonnance de référé du 25 mai 2012 et les décisions subséquentes,

Statuant sur le fond, à titre subsidiaire, et pour le cas où les demandes de M. [Z] ne seraient pas prescrites,

- dire et juger que le consentement de la copropriété constaté lors de l'assemblée générale du 19 juin 2012 est nul, au visa des articles 1109 et 1110 du code civil, pour avoir été donné dans l'ignorance totale des conditions de fait et de droit de réalisation des travaux de gouttières, le consentement des copropriétaires étant vicié pour avoir été donné par erreur dans l'ignorance des obligations réellement consenties,

- débouter en conséquence M. [Z] de toutes ses demandes principales et subsidiaires en tant qu'elles sont fondées sur l'assemblée générale du 19 juin 2012 et l'en débouter en l'état des décisions prises par les copropriétaires dans les assemblées subséquentes,

- dire et juger M. [Z] irrecevable, en tout cas mal fondé , en ses demandes pour n'avoir demandé aucune résolution visant à une exécution de travaux à l'assemblée générale des copropriétaires de l'année 2017,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger M. [Z] mal fondé en ses demandes,

En tout état de cause et en l'état des constatations établies par les rapports d'expertise,

- dire et juger que les travaux ordonnés par le juge des référés dan son ordonnance en date du 25 mai 2012 au vu des devis présentés par M. [Z], sont techniquement irréalisables,

En conséquence,

- dire et juger infondée l'action de M. [Z] tendant à la réalisation des travaux de pose de gouttières stricto sensu,

- dire et juger M. [Z] irrecevable, en tout cas mal fondé en ses demandes subsidiaires tendant à injonction sous astreinte d'engager des démarches à l'égard de la copropriété voisine, de RFF et de réaliser une gouttière et un exutoire à l'intérieur de la copropriété,

En tout état de cause,

- annuler l'ordonnance de référé du 25 mai 2012 et les décisions subséquentes au vu de l'article 488 alinéa 1er du code de procédure civile,

- confirmer la décision entreprise du chef de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Z] à régler au syndicat des copropriétaires la somme de 5.000 € +TVA, soit 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il rappelle qu'à ce jour, la seule décision sur laquelle se fonde M. [Z] pour tenter d'obtenir la réalisation des travaux de gouttières est l'ordonnance rendue par le juge des référés le 25 mai 2012, à savoir une décision provisoire par nature et dénuée de l'autorité de la chose jugée, d'autant que ladite décision a été rendue à une époque où les parties étaient dans l'ignorance des données techniques, juridiques et factuelles du litige et surtout des travaux envisageables. Il estime que la solution définitive du contentieux élevé par M. [Z] ne peut résulter d'une procédure provisoire et il est nécessaire qu'il soit statué au fond du litige.

Il soutient que la demande de travaux formée par M. [Z] dans son assignation devant le juge des référés en date du 09 décembre 2011 est prescrite en application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, étant précisé que le point de départ de la prescription décennale se situe à la date de l'apparition dans l'appartement du demandeur des désordres dont il se plaint et qui sont consécutifs aux vices de construction ou défauts d'entretien affectant les parties communes.

Il fait valoir qu'il ressort des pièces produites que dès le début des années 90, M. [Z] se plaignait de l'écoulement des eaux pluviales, étant pleinement conscient de ce que la manière dont s'opérait cet écoulement lui causait problème et ce du fait de la création des loggias au dernier étage de la copropriété au milieu des années 80, que le premier juge a retenu à juste titre que le point de départ du délai devait être fixé en tout cas en 1992/1993 et au plus tard au 14 avril 2000 ( assemblée générale). Il relève que M. [Z] répond à cette fin de non recevoir en occultant tout ce qui s'est passé à compter de 1992/1993, prétendant de manière totalement erronée que les écoulements d'eaux pluviales sont survenus en 2009, date de sa déclaration de sinistre à son assureur.

Il ajoute que:

- la décision du 25 mai 2012 ne peut en aucun cas valoir renonciation à une prescription déjà acquise, d'autant que la procédure de référé et par conséquent, toutes les décisions qui en découlent, ne peuvent avoir en aucun cas autorité de la chose jugée, de sorte que les mesures qu'elles ordonnent peuvent toujours être annulées, réformées ou supprimées par une décision du juge du fond,

- c'est en vain que M. [Z] prétend agir en exécution de l'assemblée générale du 19 juin 2012, laquelle aurait interrompu la prescription, puisque celle-ci était déjà acquise,

- le fait de ne pas avoir soulevé la prescription dans le cadre de la procédure en référé ou lors de l'assemblée générale de 2012 ne saurait valoir renonciation pour la copropriété à s'en prévaloir, s'agissant d'une fin de non recevoir qui peut être invoquée à tout moment et même pour la première fois devant la cour d'appel,

- il ne demande pas à la cour de statuer sur l'ordonnance de référé en la réformant mais il a saisi le tribunal de grande instance de Grasse au fond pour qu'il soit statué sur le fond du litige,

- l'action de M. [Z] n'est pas une action en réparation des dégâts causés par les dernières inondations dues à des fortes pluies, mais une action en modification du système d'évacuation des eaux pluviales des derniers étages, l'ensemble des éléments du dossier démontrant qu'il a eu connaissance que ce système ne lui donnait pas satisfaction, au plus tard en 1992/93 et en 2000, de sorte qu'elle était prescrite au jour de l'assignation en référé.

A titre subsidiaire, sur le fond, il observe que:

- l'impossibilité technique de réaliser les travaux ordonnés par le juge des référés sur la base des devis de M. [Z] est largement établie, et notamment au regard des conclusions de l'expert judiciaire,

- la réalisation des travaux prévus à la solution 1 et réclamée par l'appelant est vouée à l'échec en raison du refus de la copropriété voisine ( LES NEREIDES 1) contre lequel il ne peut rien faire et de l'absence d'autorisation de la mairie,

- la solution 2 impliquant le raccordement par le terrain de la société RFF se heurte au refus de cette dernière, qui n'a jamais répondu aux demandes de la copropriété, ni donné une quelconque autorisation,

- la solution 3 consistant en l'installation d'une pompe de relevage et le passage par les sous-sols de l'immeuble est particulièrement coûteuse et implique la réalisation de travaux extrêmement complexes mettant en danger la structure même de l'immeuble.

Il conclut également au rejet:

- des demandes subsidiaires de M. [Z], totalement infondées en droit comme en fait,

- des demandes de dommages et intérêts, l'appelant étant le principal responsable de la dégradation de ses stores en toiles qu'il utilise de manière contraire à leur destination ( ils sont déployés toute l'année et non pour se protéger du soleil), à l'origine d'une dégradation plus rapide.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 12 novembre 2019.

MOTIFS

Il est constant que par acte d'huissier en date du 09 décembre 2011, M. [Z] a assigné le syndicat des copropriétaires LES NEREIDES DEF Tranche 2[Personne géo-morale 2] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse aux fins de:

- le condamner sous astreinte de 150 € par jour de retard à réaliser la mise en place d'une gouttière au cinquième étage sur toute la longueur du bloc dans lequel est situé l'appartement de M. [Z],

- le condamner à lui payer la somme de 5.000 € à titre de provision pour le préjudice de jouissance subi, ainsi que la somme de 2.440,56 € TTC correspondant au changement de stores et aux factures de nettoyage,

- à titre subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 25 mai 2012, le juge des référés a, pour l'essentiel:

- dit n'y avoir lieu à une mesure d'expertise,

- ordonné au syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2] de réaliser la mise en place d'une gouttière sur la longueur du toit du bloc d'immeubles dans lequel est situé l'appartement de M. [E] [Z] sous astreinte de 150 € par jour de retard qui commencera à courir six mois après la signification de la présente ordonnance,

- rejeté la demande de provision pour le changement de stores,

- condamné le [Personne géo-morale 1] à verser à M. [Z] la somme de provisionnelle de 500 € au titre de son préjudice de jouissance.

Il n'a pas été interjeté appel de cette ordonnance.

Par exploit délivré le 14 octobre 2016, le [Personne géo-morale 1][Personne géo-morale 2] a assigné, au fond, M. [Z] devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de dire et juger:

- à titre principal, que les demandes de ce dernier tendant à la réalisation de travaux de pose de gouttière sur l'immeuble de la copropriété sont irrecevables comme étant prescrites,

- à titre subsidiaire, que M. [Z] mal fondé en ses demandes.

Selon l'article 484 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande de l'une des parties, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires.

Aux termes de l'article 488 alinéa 1er du même code, l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.

La décision rendue en référé a, en effet, vocation à régir une situation provisoire, jusqu'à l'intervention éventuelle du juge du fond, de sorte que son exécution est toujours faites aux risques et périls du créancier.

Les juges, statuant au fond, ne sont donc pas liés par une décision en référé qui n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.

Dès lors, il est toujours loisible à l'une des parties à la procédure de référé, de saisir les juges du fond pour obtenir un jugement définitif. Le tribunal, saisi au principal, n'est tenu ni par les constatations de fait ou de droit du juge des référés, ni par les déductions qu'il a pu en faire.

Le syndicat des copropriétaires est donc fondé, dans le cadre de la présente instance au fond, à soutenir que lorsque M. [Z] a saisi le juge des référés par assignation du 09 décembre 2011 d'une demande de condamnation de la copropriété à réaliser les travaux de pose d'une gouttière, son action était prescrite.

En effet, le syndicat des copropriétaires ne demande pas au juge du fond de statuer sur l'ordonnance de référé en la réformant mais de se prononcer sur le fond du litige, ce qu'il peut parfaitement faire, au regard des principes ci-dessus rappelés.

Il sera par ailleurs rappelé que la prescription est une fin de non recevoir, laquelle peut être invoquée en tout état de cause, en application de l'article 123 du code de procédure civile, de sorte qu'elle peut parfaitement être invoquée ultérieurement, dans le cadre de l'instance au fond, peu importe qu'elle n'ait pas été soulevée devant le juge des référés.

Aux termes de l'article 42 alinéa 1 de al loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable au présent litige, ' sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles née de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans'.

La prescription décennale s'applique à l'action en indemnisation permettant à un copropriétaire d'obtenir réparation du préjudice qu'il subit par suite d'un défaut d'entretien ou de l'exécution de travaux affectant ses parties privatives.

Le délai de prescription de l'action court à compter de la manifestation du dommage, ce point de départ étant décalé à la date à laquelle il a été révélé au copropriétaire si celui-ci établit qu'il n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Il convient de préciser que la responsabilité du syndicat ne peut plus être recherchée par un copropriétaire après l'écoulement d'un délai de dix années à compter de la survenance des faits qui sont la cause génératrice de l'action, et ce, même si les désordres perdurent et se perpétuent dans le temps.

En l'espèce, dans son assignation du 09 décembre 2011, M. [Z] exposait qu'au milieu des années 1980, les copropriétaires du 5ème étage et dernier étage ont été invités et autorisés à réaliser des loggias sur leur terrasse, que ces modifications successives ont entraîné une aggravation de l'écoulement des eaux vers les terrasses du rez-de-chaussée, que pour cette raison en 1992-1993, il était prévu le rallongement des goulottes du 5ème étage et la modification des écoulements d'eau de cet étage notamment par la pose de gouttières mais que les travaux, votés en assemblée générale et autorisés par la mairie, n'avaient pas été exécutés, qu'il a été victime d'un dégât des eaux en 2009 du fait des eaux pluviales en provenance du 5ème étage, le rapport d'expertise de son assureur protection juridique indiquant que la cause résidait dans le fait qu'une partie des balcons du 5ème étage a été couverte par des vérandas privatives sans que personne ne se soit préoccupé du dispositif d'évacuation général des eaux pluviales.

Le syndicat des copropriétaires, pour sa part, verse aux débats:

- le procès-verbal d'assemblée générale du 4 juin 1993 comportant une résolution n° 9 ainsi libellée ' Compte rendu du syndic sur la mise en oeuvre de la 9ème résolution de l'assemblée générale du 27/05/1992 concernant la pose de goulottes- Un exposé des faits est réalisé par M. [V]. Compte tenu de l'avis de l'architecte des bâtiments de France, le dossier devra être revu avec de nouveaux renseignements. M. [Z] précise qu'il s'agit de mettre des goulottes au 5ème étage . Donc le principe est la pose d'un chaîneau au 5ème étage repris de chaque côté de l'immeuble par des gouttières en descente d'eau. Une solution sera mise en oeuvre dans une formule plus simple à étudier',

- le procès-verbal d'assemblée générale du 30 juin 1997, comportant une résolution n° 16 intitulée ' pose de gouttières en façade' mise à l'ordre du jour à la demande de M. [Z], laquelle a toutefois été rejetée à l'unanimité des présents et représentés, dont l'appelant lui-même,

- le procès-verbal d'assemblée générale du 14 avril 2000, aux termes duquel il apparaît que M. [Z] a remis à l'ordre du jour, le sujet débattu trois ans plus tôt, à savoir la résolution n° 8 ' Pose de gouttières au dernier étage des bâtiments DOTO, [Adresse 5] et [Adresse 6] et leurs descentes suivant devis joint. M. [Z] précise qu'il subit la chute de gouttes d'eau longtemps après les pluies et que ces gouttières seraient une bonne solution.' , résolution qui a cependant été rejetée, faute de quorum.

Il apparaît que dans sa déclaration de sinistre du 11 janvier 2010 relatif à plusieurs écoulements d'eau survenus en décembre 2009 provenant de la gargouille du 5ème étage, M. [Z] précise que ' Je confirme que cet écoulement d'eau persiste pendant de nombreuses journées même les jours sans pluie et perdure depuis de nombreuses années (....)' , que le rapport d'expertise du cabinet SARATEC, mandaté par l'assureur de la copropriété suite à cette déclaration de sinistre et daté du 25 novembre 2010, retient que l'appelant se plaint d'écoulements répétitifs d'eaux pluviales provenant des balcons, que problème existe depuis 1992, que deux résolutions d'assemblée générale des copropriétaires datant de 1997 et 2000 ont refusé la mise en place de gouttières en façade et conclut que le sinistre ne présente en conséquence aucun caractère accidentel.

De même, le rapport d'expertise du cabinet CUNNINGHAM 1 LINDSEY , mandaté par l'assureur protection juridique de M. [Z], établi le 20 juillet 2011 relate au titre du fait générateur que ' depuis de nombreuses années, des venues d'eau en provenance du 5ème et dernier étage provoquent des dommages sur les stores de la terrasse de M. [Z] et un trouble de jouissance. M. [Z] n'arrive pas à obtenir du syndicat des copropriétaires la mise en oeuvre des travaux apte à remédier à la cause des désordres ', rappelle que l'assureur de la copropriété a refusé d'intervenir s'agissant d'un sinistre entre le copropriétaire et le syndic datant de 1992, soit antérieur à la prise d'effet du contrat souscrit par la copropriété.

Au regard de ces éléments, les écoulements d'eau existaient dès 1992 et M. [Z] avait une connaissance certaine de l'existence de ces désordres comme étant consécutifs à un vice de construction ou un défaut d'entretien des parties communes et donc des faits lui permettant d'exercer son action à l'encontre du syndicat des copropriétaires, au plus tard le 14 avril 2000, date à laquelle l'assemblée générale a mis au vote la pose des gouttières, à la demande de l'appelant, ce dernier déplorant des écoulements d'eau en provenance du 5ème étage à l'origine des désordres déplorés sur sa terrasse.

Le délai de prescription décennale a donc commencé à courir à compter de cette date et lorsque M. [Z] a assigné en référé le syndicat des copropriétaires par exploit du 09 décembre 2011, il s'est incontestablement écoulé plus de dix ans depuis le moment où il avait une parfaite connaissance des faits à l'origine de son action.

C'est donc en vain que M. [Z] prétend :

- d'une part, qu'il ne peut y avoir de prescription sur des faits datant de 2009, à savoir le sinistre dégât des eaux qu'il a déclaré à son assureur, alors que l'ensemble des pièces du dossier démontre que les écoulements d'eaux étaient bien antérieurs et se produisaient depuis 1992, peu importe que les désordres aient été plus importants en 2009,

- d'autre part, qu'il agit en exécution de l'assemblée générale du 19 juin 2012 qui a voté les travaux, objets de la condamnation du juge des référés, interrompant ainsi la prescription, alors que celle-ci étant déjà acquise, elle ne peut plus être interrompue.

Enfin, M. [Z] ne peut valablement soutenir que le syndicat des copropriétaires a renoncé à soulever la prescription de son action dans la mesure où il ne l'a pas fait dans le cadre de la procédure en référé et que les travaux ordonnés par le juge des référés ont été adoptés par les copropriétaires lors de l'assemblée générale du 19 juin 2012 alors que la renonciation à la prescription acquise, qui suppose la démonstration d'une volonté non équivoque, ne peut s'induire du seul fait qu'elle n'ait pas été invoquée par l'intimé devant le juge des référés, d'autant qu'il objectait déjà que les désordres dont se plaignait M. [Z] était anciens.

Il y a lieu de rappeler que le fait que le syndicat des copropriétaires ait été présent aux opérations d'expertise ou encore que l'assemblée générale ait voté la réalisation de travaux, objets d'une condamnation sous astreinte, ne permet pas davantage d'en conclure que l'intimé aurait renoncé à se prévaloir cette fin de non recevoir, qui peut être proposée en tout état de cause.

C'est donc à juste que le premier juge a retenu qu'à la date de l'introduction de son action devant le juge des référés, M. [Z] était prescrite en ses demandes tendant à la réalisation de travaux de pose de gouttière sur l'immeuble de la copropriété LES NEREIDES DEF Tranche 2[Personne géo-morale 2] et en réparation de ses différents préjudices.

Le jugement sera donc confirmé.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [E] [Z] à payer au syndicat des copropriétaires [Personne géo-morale 2][Personne géo-morale 1]) la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [E] [Z] aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 18/03805
Date de la décision : 16/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°18/03805 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-16;18.03805 ?
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