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09/01/2020 | FRANCE | N°17/10658

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-3, 09 janvier 2020, 17/10658


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3



ARRÊT AU FOND

DU 09 JANVIER 2020



N° 2020/1









Rôle N° RG 17/10658 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAUZY







[J] [W] [Z] [I] épouse [E]





C/



[I] [E]

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Camille REMUSAT



Me Alix BELLACHE

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 07 Avril 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/02452.





APPELANTE



Madame [J] [W] [Z] [I] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



repré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3

ARRÊT AU FOND

DU 09 JANVIER 2020

N° 2020/1

Rôle N° RG 17/10658 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAUZY

[J] [W] [Z] [I] épouse [E]

C/

[I] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Camille REMUSAT

Me Alix BELLACHE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 07 Avril 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/02452.

APPELANTE

Madame [J] [W] [Z] [I] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Camille REMUSAT de la SELARL CR AVOCAT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [I] [E]

né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Alix BELLACHE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Novembre 2019 en chambre du conseil. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Thierry SIDAINE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Catherine VINDREAU, Président

M. Thierry SIDAINE, Conseiller

Mme Clotilde HETIER-NOEL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2020.

Signé par Madame Catherine VINDREAU, Président et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

[J] [I] et [I] [E] ont contracté mariage le [Date mariage 1] 1988 par devant l'officier de l'état-civil de la commune de [Localité 1], après signature d'un contrat de mariage reçu le 8 septembre 1988, par Maître [E] [L], notaire à [Localité 1].

De cette union sont issus deux enfants

- [S] [V] [G] [A] [E] née le [Date naissance 3] 1994 à [Localité 1]

- [Y] [O] [T] [R] [B] [E] né le [Date naissance 4] 2000 à [Localité 1].

A la suite de la requête en divorce déposée le 21 février 2015 par [I] [E], le juge aux affaires familiales de Marseille, par ordonnance de non-conciliation en date du 17 novembre 2015, a constaté l'acceptation des époux sur le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle- ci, fixé la résidence séparée des époux et décidé au titre des mesures provisoires de :

- attribuer à l'épouse la jouissance du domicile conjugal à titre onéreux ;

- dire que 1'autorité parentale serait exercée conjointement à1'égard de l'enfant mineur [Y] ;

- fixer la résidence de l'enfant au domicile de sa mère avec un droit de visite et d'hébergement pour le père réglementé selon des modalités classiques en la matière ;

- rejeter la demande de 1'épouse formée au titre du devoir de secours ;

- fixer la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation des enfants à la somme de 300 euros par mois, soit 150 euros par enfant avec indexation usuelle en la matière.

Par acte du 26 janvier 2016, [I] [E] a fait assigner son épouse en divorce sur le fondement de l'article 233 du code civil.

Par jugement du 7 avril 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Marseille a :

- Constaté que l'ordonnance de non-conciliation ayant statué sur les modalités de vie séparée des époux est en date du 17 novembre 2015 ;

- Constaté l'acceptationpar les deux époux du principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci ;

- Prononcé, sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil, le divorce des époux ;

- Constaté que l'autorité parentale à l'égard de l'enfant mineur était exercée en commun par les deux parents ;

- Fixé la résidence de l'enfant mineur chez la mère ;

- Dit que le père exercerait librement son droit de visite et d'hébergement, à charge pour lui de prendre ou de faire prendre, ramener ou faire ramener l'enfant par une personne de confiance au domicile de la mère, sans frais pour elle ;

- Dit qu'en cas de difficulté entre les parties, le droit de visite et d'hébergement serait réglementé comme suit :

en période scolaire : une fin de semaine sur deux du vendredi soir au dimanche soir

pendant les périodes de vacances scolaires : la deuxième moitié de toutes les vacances scolaires les années impaires, et la première moitié des mêmes vacances les années paires ;

- Dit que le père prendrait l'enfant le week-end de la fête des pères et la mère le week-end de la fête des mères

- Dit que tout jour férié qui suit ou précède une période d'exercice du droit de visite ou d'hébergement )fins de semaine-vacances( sera automatiquement intégré dans cette période

-Dit que si le bénéficiaire n'est pas venu chercher l'enfant au plus tard une heure après l'heure fixée, pour les fins de semaine, au plus tard dans la première journée pour les périodes de vacances, il sera, sauf accord des parties, considéré comme ayant renoncé à son droit de visite et d'hébergement pour la période concernée ;

- Dit que les dates de congé scolaires à prendre en considération sont celles de l'académie dans le ressort de laquelle l'enfant d'âge scolaire est inscrit ;

- Fixé à la somme de 300 euros la contribution que Monsieur [I] [E] devrait verser tous les mois à Madame [J] [I] pour l'entretien et l'éducation des enfants, soit 150 euros par enfant,et en tant que de besoin l'y a condamné

- Dit que la contribution ci-dessus fixée serait payable à domicile et d'avance le 5 de chaque mois, les mensualités étant immédiatement exigibles sans mise en demeure préalable

- Dit que la contribution serait révisée de plein droit le ler janvier de chaque année en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation des ménages urbains dont le chef de famille est un ouvrier ou un employé )série France entière( ou en fonction de l'indice qui lui sera éventuellement substitué

- Dit que les dépens seraient partagés par moitié entre les Monsieur [I] [E] et Madame [J] [I] ;

- Rappelé que les mesures portant sur l'autorité parentale et sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants sont exécutoires de droit à titre provisoire.

[J] [I] a formé appel total de ce jugement par déclaration au greffe de la cour d'appel de céans en date du 6 juin 2017.

Par conclusions notifiées par RPVA le 4 août 2017, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, [J] [I] demande à la cour de :

- Dire et juger recevable son appel.

-Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé la part contributive du père a l'éducation

et à l'entretien des enfants.

- Confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau :

- Condamner Monsieur [E] à payer à Madame [I] une prestation compensatoire d'un montant de 70.000 € ;

- Homologuer la proposition de liquidation et de partage telle que formulée par Madame

[I] ;

- Condamner Monsieur [E] à lui payer la somme de 1.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [E] aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

Monsieur [E] perçoit un salaire moyen mensuel de 3.120 €.

Madame [I] épouse [E] perçoit un salaire net mensuel de 1.300 €.

Il conviendra de souligner que Madame [I] épouse [E] occupe un poste

à temps partiel (80%) depuis de nombreuses années afin de pouvoir se consacrer à l'éducation

des enfants communs, cette décision ayant été prise d'un commun accord par Monsieur et Madame.

Les revenus des époux sont ainsi inégaux.

Madame [I] épouse [E] s'est vu attribuer la jouissance du domicile conjugal à titre onéreux.

Pour ces raisons, il est constant que la rupture des époux a créé une disparité dans la situation respective des époux de nature à justifier l'octroi d'une prestation compensatoire au bénéfice de Madame [I] épouse [E].

[I] [E] a conclu pour la première fois en cause d'appel le 5 octobre 2017.

Par ordonnance en date du 26 septembre 2019, le Conseiller de la mise en état a déclaré ces conclusions recevables, le dépôt des conclusions un jour après l'expiration du délai de 2 mois imparti à l'intimé pour conclure conformément à l'article 909 du Code de Procédure Civile dans sa version applicable à l'espèce, résultant d'un cas de force majeure lié à l'état de santé du conseil de l'intimé.

Par conclusions notifiées par RPVA le 18 octobre 2019 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions, [I] [E] demande à la cour de :

À titre principal

- Déclarer radicalement irrecevables comme nouvellestoutes les demandes formées en cause d'appel par Madame [J] [I] [E] à l'encontre de Monsieur [I] [E].

- Déclarer encore radicalement irrecevable, pour défaut de qualité à agir, la demande en cause d'appel par Madame [J] [I] [E] de révision à la hausse de la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation des deux enfants communs devenus majeurs.

À titre complémentaire

Par confirmation ' actualisation ' réformation et à toutes fins,

- Fixer à 150 Euros par mois et au bénéfice exclusif de Monsieur [Y] [E], à réviser annuellement selon l'indice retenu par le Tribunal, la contribution de Monsieur [I] [E] à l'entretien à l'éducation de sa Descendance.

- Désigner tel expert judiciaire qu'il plaira avec pour mission d'estimer la valeur tant vénale que locative de la maison individuellecommune située au [Adresse 1] et occupée à titre onéreux depuis le 17 novembre 2015, date du prononcé de l'ordonnance de non-conciliation, par Madame [J] [I] [E].

- Tirer toutes les conséquences du défaut de production ou du défaut de production en temps utile de documents suffisants et probants relatifs aux ressources et charges de Madame [J] [I] [E] et à celles de son propre compagnon.

À titre subsidiaire

- Juger totalement infondée, injustifiée et inéquitable la demande de prestation compensatoire à hauteur de 70 000 Euros formée en cause d'appel par Madame [J] [I] [E] à l'égard de Monsieur [I] [E].

En tout état de cause

- Condamner Madame [J] [I] et présentement Épouse [E] à payer à l'Intimé, Monsieur [I] [E], 3 500 Euros au titre des frais irrépétibles, par combinaison des articles 700 et 749 du Code de procédure civile.

- Condamner enfin Madame [J] [I] et présentement Épouse [E] à régler les entiers dépens de cette instance d'appel, avec faculté de recouvrement direct au bénéfice de Maître Alix BELLACHE, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

[I] [E] expose que sa fille [S] [E] travaillant comme infirmière à la clinique [Établissement 1] de [Localité 1] depuis le début de l'année 2019, il a cessé de verser sa contribution pour son entretien et son éducation.

Il précise qu'il continue de contribuer à hauteur de 150 Euros par mois à l'entretien de son second enfant, [Y], et lui verse mensuellement 100 Euros « d'argent de poche », le tout par virements bancaires.

Il explique qu'il est lourdement endetté et qu'il ne peut faire face à ses obligations et subvenir à ses propres besoins que grâce à la somme d'argent conséquente que lui allouent mensuellement ses propres parents.

Il dit que la demande d'augmentation de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants de [J] [I] est triplement irrecevable voire inexistante ' prétention nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile parce que non soumise aux Premier juges et non reprise dans le dispositif de ses écritures notifiées le 04 août 2017 et dernier Enfant devenu majeur le 13 juillet 2019.

Il soutient que la prétention de [J] [I] d'obtenir l'homologation de sa proposition de racheter sa part sur la base de sa propre estimation arrêtée à 220 000 Euros est irrecevable au sens de l'article 564 du Code de procédure civile parce que non soumises aux Premier jugeset, partant, nouvelle en cause d'appel. Il dit également que cette demande manque de légitimité, de loyauté, de pertinence et de fondement.

Il relève que [J] [I] ne produit ni même ne vise la moindre pièce à l'appui de son assertion relative à l'évaluation du bien immobilier. Il estime que dans la perspective d'une liquidation loyale et juste de la communauté et par application notamment des articles 1467 et suivants du Code civil et 143, 144 et 749 du Code de procédure civile, il convient de désigner un expert judiciaire avec mission d'estimer la valeur tant vénale que locative de la maison.

S'agissant de la demande de prestation compensatoire, [I] [E] relève que le Tribunal n'a, ni été saisi, ni statué sur une demande de prestation compensatoire. La demande de prestation compensatoire formulée en cause d'appel à hauteur de 70 000 Euros par Madame [J] [I] [E] est donc nouvelle et doit être déclarée irrecevable par application notamment de l'article 564 précité du Code de procédure civile.

Il affirme que l'appelante ne pourrait se prévaloir des dispositions des articles 561 et 562 du même Code relatifs à l'effet dévolutif de l'appel.

En effet, l'article 561 du Code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 517 ' 891 du 06 mai 2017 qui s'applique seulement aux appels formés à compter du 1er septembre 2017, énonce que « L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. ».

Or en l'espèce il n'y a eu nulle chose jugée à propos du principe et du quantum d'une prestation compensatoire au bénéfice de l'Épouse puisque cette question n'était pas dans les débats.

De plus, l'article 562 du même Code, par son alinéa premier et toujours dans sa version antérieure applicable à la présente instance, dispose que « L'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. ».

Et même si Madame [J] [I] [E] a formé un appel « total » par acte du 06 juin 2017, elle ne peut critiquer des chefs de jugement inexistants et qui ne s'analysent pas en des omissions de statuer.

Subsidiairement, [I] [E] soutient que la demande de prestation compensatoire est manifestement injustifiée en l'état du montant de ses charges permanentes qui contrebalancent exactement ses propres revenus actuels lesquels vont se réduire à partir d'août 2020, moment de son départ à la retraite.

Le 1er octobre 2019, le magistrat de la mise en état a enjoint les parties à produire diverses pièces financières aux fins d'appréhender leur situation la plus contemporaine en termes de revenus et de charges, et les a informées qu'à défaut de production de ces documents, la cour serait conduite à en tirer toutes conséquences, le cas échéant par une radiation.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 novembre 2019.

MOTIFS

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision entreprise et aux dernières écritures de l'appelant et de l'intimée.

Sur la recevabilité de l'appel :

Rien dans les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité de l'appel par ailleurs non contestée.

Il sera donc déclaré recevable.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il sera en préliminaire constaté que dans ses écritures, l'appelante a circonscrit le débat aux mesures accessoires au divorce, et que l'intimé n'a formé qu'une demande d'expertise. La Cour entrera donc en voie de confirmation des autres mesures de la décision que les parties n'ont pas jugé utile de soumettre à son appréciation

Sur la recevabilité des demandes présentées par [J] [I]

Sur la réformation du montant de la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation des enfants

Aux termes des dispositions de l'article 954 du Code de Procédure Civile dans sa version antérieure au 1er septembre 2017, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées'Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En l'espèce, si [J] [I] forme dans le paragraphe de ses conclusions intitulé « part contributive du père à l'entretien et l'éducation des enfants » une demande à hauteur de 300€/mois pour [Y], et 200€/mois pour [S], qui poursuit encore ses études et vit chez sa mère, soit au total la somme de 600€/mois (!), elle se contente dans le dispositif de ses écritures de demander la réformation de la décision entreprise sur ce point sans préciser plus avant ses prétentions, qui ne sont pas clairement exposées dans les motifs.

Partant, il convient de déclarer [J] [I] irrecevable en cette demande.

Sur la prestation compensatoire

La prestation compensatoire est une mesure accessoire au divorce, qui peut être présentée pour la première fois en appel dès lors que le divorce n'est pas passé en force de chose jugée.

En l'espèce, l'appel général du jugement de divorce, même si dans leurs écritures les parties limitent leur critique de la décision aux mesures accessoires, a eu pour effet de reporter la date à laquelle il deviendra irrévocable, soit à la date d'épuisement des voies de recours.

En conséquence, la demande de prestation compensatoire formée par [J] [I] en cause d'appel, est parfaitement recevable.

Sur la demande d'homologation de la proposition de liquidation et de partage

Cette demande est là encore une mesure accessoire au divorce. Pour les mêmes motifs que ceux retenus pour la prestation compensatoire, [J] [I] sera déclarée recevable en cette demande. 

Sur le bien fondé des demandes présentées par les parties

Sur la demande d'homologation de la proposition de liquidation et de partage

Aux termes de l'article 268 du Code Civil, les époux peuvent, pendant l'instance, soumettre à l'homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce.

En l'espèce, [J] [I] demande l'homologation de sa proposition de racheter la part indivise de [I] [E], calculée en tenant compte du solde d'emprunt restant dû, et de la valeur du bien estimé à 220 000€.

Or [I] [E] n'est pas d'accord sur l'évaluation du bien, et aucune convention n'a été passée entre les parties sur ce point.

Dès lors, [J] [I] sera déboutée de cette demande.

Sur la demande de désignation d'un expert évaluateur foncier

Cette demande est présentée par [I] [E] dans la perspective d'une « liquidation loyale et juste de la communauté » )les époux sont en fait mariés sous le régime de la séparation de biens(.

Les parties présentent deux évaluations de leur bien indivis :

pour [J] [I] : une estimation établie par Century 21 en juin 2017. Le bien est évalué à la vente entre 235 et 250 000€ et à la location entre 1050 et 1100€

pour [I] [E] : une estimation établie par Orpi, en décembre 2016. Le bien est évalué à la vente entre 250 et 260 000€ et à la location entre 1200 et 1300€.

Les deltas sont suffisamment faibles pour qu'ils puissent constituer une base fiable de pourparlers dans le cadre d'un partage amiable. En cas d'échec du partage, il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le Juge aux affaires familiales par voie d'assignation en partage judiciaire des intérêts patrimoniaux, dans les formes prévues aux articles 1359 et suivants du Code de Procédure Civile. Elles pourront demander dans le cadre de cette procédure la désignation d'un notaire, lequel est en mesure d'évaluer lui-même le bien.

Il n'apparaît donc pas utile de désigner un évaluateur foncier.

Sur la prestation compensatoire

Il résulte des articles 270 et suivants du Code Civil que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Pour ce faire, le juge prend en considération un certain nombre d'éléments non limitativement énumérés par l'alinéa 2 de l'article 271 du Code Civil, à savoir notamment :

la durée du mariage

l'âge et l'état de santé des époux

leur qualification et leur situation professionnelle

les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne

le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la 5liquidation du régime matrimonial

leurs droits existants et prévisibles

leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.

La situation des parties se présente comme suit.

[I] [E] est âgé de 58 ans et [J] [I] de 54 ans.

Le mariage a été célébré le 1eroctobre 1988 et à la date de l'introduction de la requête en divorce, les époux vivaient déjà séparément. La vie commune postérieurement au mariage a donc duré plus de 26 ans.

Le couple a eu deux enfants, âgés de 25 et 19 ans. [S] est devenue autonome financièrement aux dires de [I] [E], pour travailler à la clinique [Établissement 1]à [Localité 1] en qualité d'infirmière. Il indique avoir cessé de lui verser une contribution depuis le début de l'année 2019.

Quant à [Y], il est étudiant en licence de gestion, techniques quantitatives et management à l'université [Établissement 2] à [Localité 2]. [I] [E] affirme régler la contribution de 150€ mise à sa charge par le premier juge, à laquelle il rajoute la somme de 100€ d'argent de poche.

Cette contribution ne comble même pas la moitié des besoins de [Y], puisque la seule charge de logement à [Localité 2] est de 586€.

La carrière professionnelle de [J] [I] se caractérise par une exceptionnelle stabilité. Elle travaille effectivement depuis décembre 1987 pour la MSA Provence Azur. Elle indique sans être contredite sur ce point par [I] [E], qu'elle a travaillé pendant de nombreuses années à temps partiel (80%).

Elle occupe à l'heure actuelle un emploi à temps complet. Son revenu annuel s'est élevé en 2018 à la somme de 22 918€ soit mensuellement la somme de 1909€. Le cumul net imposable de septembre 2019 s'est chiffré à la somme de 20 581€, soit mensuellement la somme de 2286€.

Elle occupe l'ancien domicile conjugal à titre onéreux, et règle la moitié des crédits immobiliers grevant ce bien, soit la somme de 668€.

Au titre des dépenses de la vie courante, elle justifie de :

une taxe d'habitation : 426€ et la taxe foncière : 508.50€ )1017€/2( soit une charge mensuelle de 78€ au titre de ces deux taxes.

des cotisations d'assurance : protection juridique : 7.56€, et assurance habitation : 51.30€

un abonnement Bouygues : 19.99€

des frais de ramonage : 7€ et entretien de la chaudière : 13.50€

eaux de [Localité 1] : 28€

un prêt pour l'amélioration de l'habitat : 62.74€

Ses droits futurs à retraite ne sont pas connus.

[I] [E] occupe un emploi de cadre administratif principal à la SNCF. Sa rémunération s'est chiffrée en 2018 à la somme de 43 910€, soit mensuellement la somme de 3659€. Le cumul net imposable de septembre 2019 s'est monté à la somme de 31 590€, soit un revenu mensuel de 3510€.

Il partage sa vie avec une compagne qui perçoit une pension d'invalidité de 1346€.

Le couple assume les charges suivantes :

un loyer : 980€

la taxe d'habitation : 962€ soit une charge mensuelle de 80€

l'assurance habitation : 38.80€

deux assurances automobiles : 88.64€ et 44.01€

les charges de copropriété d'une résidence secondaire en indivision : 31.96€

la taxe foncière : 849€ et la taxe d'habitation : 552€ afférentes à ce bien, soit la somme de 1401€ ou 116.75€/mois au titre de ces deux taxes

l'assurance habitation afférente à ce bien : 11.20€

la ligne fixe installée dans cette résidence secondaire : 15.99€

A titre personnel, [I] [E] fait face aux dépenses suivantes :

la moitié des crédits immobiliers grevant l'ancien domicile conjugal : 668€.

la taxe foncière afférente au domicile conjugal : 508.50€ )1017€/2(soit une charge mensuelle de 42.37€

l'assurance habitation en sa qualité de propriétaire non occupant : 23.40€ : une assurance accidents de la vie : 9.60€

un abonnement téléphonique : 19.99€ et un abonnement Internet : 40.99€

[I] [E] assume plusieurs crédits :

un crédit à la consommation : 284.79€

un crédit renouvelable : 239.97€

un leasing pour la location d'une BMW : 524.45€

[I] [E] indique qu'il rencontre d'importantes difficultés financières du fait de ses charges, et qu'il est aidé financièrement par ses parents. Son père atteste et en justifie qu'il lui a versé au cours des dix premiers mois de l'année 2019, la somme de 10 850€.

Le montant net mensuel de sa retraite s'il la prend à 59 ans, sera de 2390€.

Le patrimoine indivis se compose de l'ancien domicile conjugal qui a été estimé entre 235 et 206 000€. [J] [I] qui occupe ce bien à titre onéreux, devra une indemnité d'occupation à l'indivision, mais pourra faire valoir les dépenses d'amélioration de l'habitat qu'elle a engagées.

L'exposé de ces éléments fait apparaître une disparité évidente créée par la rupture du mariage au détriment de l'épouse, en termes de revenus et aussi de patrimoine, puisque [I] [E] détient en indivision avec sa nouvelle compagne, un autre bien immobilier à Saint Chaffrey (Hautes Alpes) qu'il estime à la somme de 70 000€.

Compte tenu de la longueur significative de la durée de la vie commune, du fait que l'épouse a travaillé à temps partiel pour se consacrer à l'éducation de ses enfants, ce qui aura un impact sur ses droits à retraite, et dans la mesure où les difficultés financières que rencontre [I] [E] sont liées à un endettement disproportionné et une mauvaise gestion de ses ressources, la prestation compensatoire sera fixée à la somme de 35 000€ en capital.

Les dépens

Ils seront mis à la charge de [I] [E], débiteur de la prestation compensatoire

Tenu aux dépens, l'intimé n'est pas recevable en sa demande de frais irrépétibles.

L'équité commande d'allouer à [J] [I] la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant en audience publique, contradictoirement, après débats en chambre du conseil

Reçoit l'appel,

Confirme la décision entreprise,

Y ajoutant

Déboute [J] [I] de sa demande d'homologation de sa proposition de liquidation et de partage

Déboute [I] [E] de sa demande de désignation d'un expert

Condamne [I] [E] à payer à [J] [I] une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 35 000€.

Et statuant par de nouvelles dispositions

Déclare [J] [I] irrecevable en sa demande de réformation de la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation des enfants

Décharge [I] [E] de sa part contributive à l'entretien et l'éducation de sa fille [S]

Déclare [I] [E] irrecevable en sa demande au titre des frais irrépétibles

Condamne [I] [E] à payer à [J] [I] la somme de 1000€ par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Dit que [I] [E] sera tenu aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-3
Numéro d'arrêt : 17/10658
Date de la décision : 09/01/2020

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6C, arrêt n°17/10658 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-09;17.10658 ?
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