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19/12/2019 | FRANCE | N°19/05571

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 19 décembre 2019, 19/05571


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 19 DECEMBRE 2019

LV

N°2019/ 752













Rôle N° RG 19/05571 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BECH4







[P] [N]

[K] [Z] épouse [N]





C/



SA RTE





































Copie exécutoire délivrée le :

à :





Me Eric MARTINS-MES

TRE



SELARL ABEILLE & ASSOCIES





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge de la mise en état de Toulon en date du 09 Octobre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/00538.





APPELANTS



Monsieur [P] [N]

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Eric MARTINS-MESTRE, avocat au barreau de TOULON, plai...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 19 DECEMBRE 2019

LV

N°2019/ 752

Rôle N° RG 19/05571 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BECH4

[P] [N]

[K] [Z] épouse [N]

C/

SA RTE

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Eric MARTINS-MESTRE

SELARL ABEILLE & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de Toulon en date du 09 Octobre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/00538.

APPELANTS

Monsieur [P] [N]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Eric MARTINS-MESTRE, avocat au barreau de TOULON, plaidant

Madame [K] [Z] épouse [N]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Eric MARTINS-MESTRE, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTIMEE

SA RTE, sis [Adresse 1]

(conclusions déclarées irrecevables le 30.08.19)

représentée par Me Sylvain PONTIER de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Novembre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, et Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Florence BRENGARD, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2019.

Signé par Madame Marie-Florence BRENGARD, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 30 décembre 2016, M. [P] [N] et Mme [K] [Z] épouse [N] ont fait assigner la société RESEAU TRANSPORT ELECTRICITE ( RTE) devant le tribunal de grande instance de Toulon en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 109.514,12 € à parfaire, au visa des articles 1392 et 1384 alinéa 1 du code civil, en indemnisation du préjudice causé par les travaux de création d'une installation de 225.000 volts au poste électrique d'Hyères, à proximité du lotissement l'Oratoire.

La société RTE a saisi le juge de la mise en état le 14 février 2018 d'une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

Par ordonnance contradictoire en date du 09 octobre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulon a:

- dit que le tribunal de grande instance est incompétent pour juger le litige,

- dit que le tribunal administratif de Toulon est compétent,

- renvoyé les parties à mieux de pourvoir,

- condamné les époux [N] à payer à la société RTE une somme de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 06 avril 2019, M. et Mme [N] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 16 octobre 2019, M. et Mme [N] demandent à la cour de:

- dire et juger l'appel intenté par M. [P] [N] et Mme [K] [N] recevable et bien fondé,

- réformer purement et simplement l'ordonnance entreprise prononcée par le juge de la mise en état près le tribunal de grande instance de Toulon le 09 octobre 2018 et, par voie de conséquence, statuant à nouveau, dire et juger que la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur le présent litige,

- débouter la société RTE de toutes ses demandes, fins et conclusions d'intimée, déjà déclarées irrecevables par la juridiction de ce siège comme ayant été notifiées hors délai,

- condamner la société RTE à verser à M. et Mme [N] une somme de 2.200 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils rappellent que si les actions en réparation de dommages de travaux publics subis par des tiers sont du ressort de la compétence de la juridiction administrative, il existe un certain nombre d'exceptions à ce principe et plus particulièrement s'agissant des actions en réparation de dommages de travaux publics procédant des installations d'énergie électrique, conformément à l'article L 332-7 du code de l'énergie, que le tribunal des conflits a estimé que les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître des dommages qui les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées au profit des concessionnaires de distribution d'énergie, tels que la dépréciation de l'immeuble, les troubles de jouissance et d'exploitation ou encore la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l'entretien.

Ils reprochent au premier juge d'avoir fait une lecture incomplète de l'article L 323-4 du code de l'énergie qui pourtant s'applique également à l'installation de supports et ancrages pour conducteur aérien d'électricité à l'extérieur des murs ou façades, ce qui est exactement le cas en l'espèce, l'installation passant précisément à l'extérieur des murs ou façades ( donnant sur la voie publique) de leur propriété.

Ils ajoutent que la compétence juridictionnelle est d'autant plus judiciaire que la société RTE est une personne morale de droit privé ( SA) et non de droit public.

Les conclusions de la SA RTE ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 30 août 2019.

Le 28 octobre 2019, le conseil de la société RTE a fait parvenir un courrier rappelant qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou, qui sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation de la décision entreprise, est réputée s'en approprier les motifs. Il a ainsi précisé que sa cliente, bien que ses conclusions aient été déclarées irrecevables, sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée à la cour dont elle est réputée s'en approprier les motifs.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 29 octobre 2019.

MOTIFS

L'article L 323-7 du code de l'énergie dispose que:

' La déclaration d'utilité publique investit le concessionnaire, pour l'exécution des travaux déclarés d'utilité publique, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l'administration en matière de travaux publics. Le concessionnaire demeure, dans le même temps, soumis à toutes les obligations qui dérivent, pour l'administration, de ces lois et règlements.

La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit :

1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu'on y puisse accéder par l'extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu'au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11. Ces décrets doivent limiter l'exercice de ce droit au cas de courants électriques tels que la présence de ces conducteurs d'électricité à proximité des bâtiments ne soient pas de nature à présenter, nonobstant les précautions prises conformément aux décrets des dangers graves pour les personnes ou les bâtiments ;

2° De faire passer les conducteurs d'électricité au-dessus des propriétés privées, sous les mêmes conditions et réserves que celles spécifiques au 1° ci-dessus ;

3° D'établir à demeure des canalisations souterraines, ou des supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes ;

4° De couper les arbres et branches d'arbres qui, se trouvant à proximité des conducteurs aériens d'électricité, gênent leur pose ou pourraient, par leur mouvement ou leur chute, occasionner des courts-circuits ou des avaries aux ouvrages.'

En vertu de l'article L 327-7 du même code, ' Lorsque l'institution des servitudes prévues à l'article L 323-4 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. L'indemnité qui peut être due à raison des servitudes est fixée, à défaut d'accord amiable, à défaut d'accord amiable, par le juge judiciaire'.

Il en résulte que si les conséquences des dommages causés par les travaux de construction, de réparation ou d'entretien des ouvrages de distribution d'énergie électrique sont de la compétence des juridictions administratives; en revanche les juridictions judiciaires sont seule compétentes pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées par la loi au profit des concessionnaires de distribution d'énergie, tels que la dépréciation de l'immeuble, les troubles de jouissance et d'exploitation ou encore la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l'entretien.

En l'espèce, il est constant que les consorts [N] ont saisi le tribunal de grande instance de Toulon d'une demande d'indemnisation, sur le fondement des articles 1382 et 1384 alinéa 1er du code civil, du préjudice causé par la création d'une installation 225.000 volts au posté électrique, conséquence de la servitude instituée par la loi au profit du concessionnaire RTE.

Le premier juge, qui a constaté que l'installation électrique à l'origine du dommage qu'ils invoquent, n'est ni située sur leur propriété, ni au-dessus de celle-ci , mais située sur une propriété à proximité de la leur, de sorte que le dommage subi ne résultait pas d'une servitude instituée par la loi, a fait une lecture erronée des dispositions de l'article L 323-4 du code de l'énergie.

En effet, en vertu de cet article, l'établissement de supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité ' à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique,' est bien une servitude instituée par la loi au profit des concessionnaires de distribution d'énergie, entraînant en conséquence l'application des dispositions de l'article L 323-7 du code de l'énergie.

En l'occurrence, l'examen des pièces produites par les appelants démontrent que l'installation querellée passe précisément à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique de leur propriété.

Les dommages déplorés par les consorts [N] étant la conséquence certaine, directe et immédiate d'une servitude prévue à l'article L 323-4 du code de l'énergie, le juge judiciaire est seul compétent pour en connaître.

L'ordonnance du juge de la mise en état entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulon déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que le tribunal de grande instance de Toulon est compétent pour connaître du présent litige,

Rejette, en conséquence, l'exception d'incompétence soulevée par la société RTE au profit de la juridiction administrative,

Condamne la société RTE à verser à M. [P] [N] et Mme [K] [Z] épouse [N] la somme de 1.200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société RTE aux dépens de première instance et de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/05571
Date de la décision : 19/12/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°19/05571 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-19;19.05571 ?
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