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28/11/2019 | FRANCE | N°18/00052

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 28 novembre 2019, 18/00052


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 28 NOVEMBRE 2019

lv

N°2019/690













Rôle N° RG 18/00052 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BBXBR







[B] [F]

[N] [W] EPOUSE [S]





C/



[V] [R]

[Q] [R]





























Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Raoudah M'HAMDI



Me Céline

GILLET





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de Grasse en date du 30 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 1116000622.





APPELANTES



Madame [B] [F]

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Raoudah M'HAMDI, avocat au barreau de MARSEILLE



Madame [N] [W] épouse [S]
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 28 NOVEMBRE 2019

lv

N°2019/690

Rôle N° RG 18/00052 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BBXBR

[B] [F]

[N] [W] EPOUSE [S]

C/

[V] [R]

[Q] [R]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Raoudah M'HAMDI

Me Céline GILLET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de Grasse en date du 30 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 1116000622.

APPELANTES

Madame [B] [F]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Raoudah M'HAMDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [N] [W] épouse [S]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Raoudah M'HAMDI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [V] [R]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Céline GILLET, avocat au barreau de GRASSE

Madame [Q] [R]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Céline GILLET, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, et Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Florence BRENGARD, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2019.

Signé par Madame Marie-Florence BRENGARD, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI sont propriétaires indivises d'une maison sur un terrain cadastré H [Cadastre 1] dans un ensemble immobilier sis [Adresse 1], pour l'avoir acquise de M. et Mme [D] [U].

M. [X] avait fait assigner les époux [U] ainsi que les époux [D] aux fins d'extension d'une servitude de passage au détriment de l'un ou l'autre des défendeurs pour joindre son héritage sis [Adresse 3].

Par un premier jugement avant dire droit en date du 22 février 2007, M. [H] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.

A l'issue du dépôt du rapport définitif de ce dernier, les parties se sont rapprochées et ont signé un protocole d'accord en date du 16 mars 2010 aux termes duquel il était notamment prévu que Mesdames [F] et [W][W] SLODKOWSKI consentaient à l'extension du droit de servitude de passage en débordement de leur partie privative sur une largeur à compléter sur le chemin existant menant de l'Impasse des Ribiers à la propriété [X] à charge pour le bénéficiaire de la servitude, M. [X], de financer les travaux d'agencement précisément décrits, ledit protocole devant par ailleurs faire l'objet d'une réitération par acte authentique.

Cette réitération n'a pas eu lieu mais le protocole transactionnel conclu entre les parties a fait l'objet d'une homologation par le tribunal de grande instance de Grasse le 06 décembre 2010.

M. et Mme [D] ont vendu leur propriété cadastrée section H n° [Cadastre 2] à la SCI ROUDIL en 2014, laquelle était alors représentée par M. [V] [R] et ce, en présence de Mme [Q] [R].

Ce terrain ainsi que la parcelle de Mme [F] et [W] cadastrée section H [Cadastre 1] étaient au moment de cette vente en indivision et il a été procédé, à la demande de la SCI ROUDIL à un partage et à la scission de la copropriété au terme d'un acte reçu par Me [N], notaire, le 24 mars 2014 entre:

- M. et Mme [D] ( auteurs de la SCI ROUDIL),

- Mme [F] et Mme [W]

M. [X] n'a finalement pas fait réaliser les travaux lui permettant d'élargir sa servitude.

Reprochant aux époux [R] d'avoir sans autorisation, au cours du mois d'août 2014, entrepris sur leur propriété qui ont consisté en la réduction de leur parking afin que soit appliqué le tracé de la nouvelle servitude mais avec pour conséquence de rendre l'entrée de la maison inaccessible en fauteuil roulant et le parking impraticable, Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI les ont fait assigner devant le tribunal d' instance de Grasse aux fins notamment de:

- constater que les consorts [R] ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité,

- constater que la construction irrégulièrement édifiée cause un trouble anormal de voisinage,

- condamner les consorts [R] à leur payer la somme de 4.572 € à titre de dommages et intérêts permettant de financer le coût de la démolition et de la remise en état, outre 3.000 € en réparation du préjudice moral subi.

Par jugement contradictoire en date du 30 mai 2017, le tribunal d'instance de Grasse a:

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation présentée par M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R],

- rejeté les demandes présentées par Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI à l'encontre de M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R],

- rejeté la demande reconventionnelle présentée par M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R] à l'encontre de Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI ,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI aux dépens.

Par déclaration en date du 03 janvier 2018, Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 23 septembre 2019, Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI demandent à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation présentée par M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R],

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle présentée par M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R] à l'encontre de Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [F] et Mme [W] de leur demande de constater que les consorts [R] avaient commis une faute de nature à engager leur responsabilité,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [F] et Mme [W] de leur demande de constater que la construction irrégulièrement édifiée causait un trouble anormal de voisinage ,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [F] et Mme [W] de leur demande de condamnation des consorts [R] à leur payer la somme de 4.752 € à titre de dommages et intérêts permettant de financer le coût de la démolition et de la remise en état,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [F] et Mme [W] de leur demande de condamnation des consorts [R] à leur payer la somme de 3.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [F] et Mme [W] de leur demande de condamnation des consorts [R] à leur payer la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que les consorts [R] ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité,

- dire et juger la construction irrégulièrement édifiée cause un trouble anormal de voisinage ,

- condamner les consorts [R] à leur payer la somme de 5.982 € à titre de dommages et intérêts correspondant au coût des travaux tels qu'ils étaient prévus par l'accord transactionnel,

A titre subsidiaire, si la cour écartait l'application du protocole, il conviendra de condamner les intimés à la somme de 4.989 € TTC permettant de financer le coût de la démolition et de la remise en état,

A titre infiniment subsidiaire, il conviendra de constater que les intimés produisent un devis établi le 06 décembre 2015 d'un montant de 2.200 € pour une surface de 24 m2 et les condamner au paiement de cette somme,

- condamner les consorts [R] à payer à Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- condamner les consorts [R] à payer à Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux dépens.

Elles concluent à la parfaite recevabilité de leurs demandes aux motifs que:

- les pièces ont été communiquées en temps utile, dans le respect du contradictoire et elles ont notifiée un nouveau bordereau à la partie adverse,

- M. [R] a toujours reconnu être l'auteur des travaux litigieux, comme l'a relevé le premier juge.

Sur le fond, elles soutiennent que les travaux effectués par les consorts [R] ne sont pas conformes au protocole d'accord litigieux, qu'ils sont d'ailleurs intervenus alors qu'elles s'étaient absentées pour quelques jours, que M. [R] n'a pas daigné les informer, ni leur soumettre un descriptif détaillé des aménagements envisagés, d'autant que de tels travaux ont consisté en la réduction de leur parking, afin que soit appliqué le tracé de la nouvelle servitude, en supprimant la partie existante au-delà de cette limite et bétonnant la bordure verticale dudit parking.

Elles font valoir qu'avant lesdits travaux, la dalle du parking était plus large d'une cinquantaine de centimètres et formait une pente plus douce pour faciliter l'accès en fauteuil roulant et au stationnement, de tels aménagements ayant été effectués au mépris des conditions prévues dans l'accord transactionnel, de sorte que la faute quasi délictuelle de M. [R] est établie.

Elles considèrent que la construction ainsi édifiée par les intimés sur leur propriété leur occasionne un trouble anormal de voisinage, puisqu'elles démontrent que leur parking est désormais impraticable et rendent en outre difficile l'accès piéton pour une personne à mobilité réduite, puisqu'il est désormais impossible de se rendre à leur domicile en fauteuil roulant. Elles relèvent qu'elles justifient que Mme [W] est invalide à 80 % rendant nécessaire la visite régulière d'un kinésithérapeute, d'un médecin et d'une auxiliaire de vie.

Elles estiment que lors que les intimés sont à l'origine de la construction irrégulièrement édifiée sur la propriété d'autrui, elles sont fondées à réclamer la réparation de leurs préjudices résultant de ce trouble anormal de voisinage.

M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R], suivant leurs dernières conclusions signifiées le 18 septembre 2019, demandent à la cour de:

- débouter Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI de l'intégralité de leurs demandes,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 30 mai 2017,

- condamner Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI à verser à Mme [Q] [O] épouse [R] la somme de 3.000 € pour procédure abusive à son encontre,

- condamner Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI in solidum à verser aux époux [R] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Ils estiment que les appelantes ne sont pas recevables en leur demande dès lors que:

- le bordereau de pièces annexé aux conclusions d'appel n'est pas régulier,

- non seulement, celles-ci ne démontrent pas que M. et Mme [R] auraient réalisé seuls les travaux reprochés mais surtout ils ne sont pas propriétaires de la maison voisine de Mmes [F] et [W]:

* c'est la SCI ROUDIL qui a été la seule propriétaire de la maison sise [Adresse 1] qu'elle a acquise par acte notarié du 10 juin 2014 jusqu'à ce qu'elle la revende le 1er avril 2016,

* Mme [R] est totalement étrangère à ce litige, comme n'ayant jamais effectué le moindre travaux, ni a fortiori commis aucun acte ou aucune faute de nature à engager à sa responsabilité et comme n'ayant jamais été propriétaire de la villa voisine,

* si M. [R] a reconnu en parfaite bonne foi avoir réalisé l'élargissement prévu dans l'acte de partage d'indivision constituant la servitude de passage, il n'est pas davantage propriétaire de la maison et ne l'a jamais été.

Ils soulignent que:

- en signant l'acte de partage d'indivision, Mmes [F] et [W] ont accepté l'élargissement de la servitude,

- elles demandent la démolition alors que rien n'a été construit puisqu'en réalité, leur plate-forme a été rabotée de 20 cm pour élargir la servitude de passage comme prévu à l'acte de partage-indivision,

- elles demandent la construction d'une véritable plate-forme qui empièterait sur la servitude dans des conditions inacceptables pour l'ensemble des riverains qui seraient gênés pour leur passage, ce qui est contraire au partage d'indivision conventionnelle.

Ils soutiennent que M. [R] a élargi la servitude sans même aller jusqu'à la limite fixée par l'expert et, ce, à l'avantage des appelantes, qu'en aucun il n'a empiété sur leur propriété, que le constat d'huissier dressé le 11 avril 2016 et dont elles se prévalent met en évidence que:

- l'élargissement réalisé est légèrement inférieur à ce qui était prévu au protocole, puisqu'il apparaît que la plate-forme de Mmes [F] et [W] empiète encore de 14 cm sur la servitude de passage,

- le stationnement d'un véhicule était déjà impossible avant les travaux,

- la hauteur du trottoir n'a pas été touchée,

- l'accès à l'esplanade de stationnement est tout à fait possible,

- les véhicules de secours ont parfaitement accès à l'ensemble des propriétés.

Ils ajoutent que le trottoir devant le portail des appelantes, à l'extérieur, n'est pas une place de stationnement et ne l'a jamais été, de sorte que celles-ci ne sont pas fondés à se garer sur la plate-forme où elles gênent le passage en empiétant avec leur véhicule alors qu'elles disposent par ailleurs de place de stationnement.

Ils soulignent qu'à l'appui de leur demande de travaux, elles produisent un devis portant sur une surface deux fois plus importante que la superficie de la plate-forme devant leur portail, ce qui réduit d'autant la largeur de la voie privée et donc de la servitude, qu'en tout état de cause, M. [X] est également concerné par un tel ouvrage et n'a pas été ni consulté, ni assigné, puisque la demande de travaux a pour conséquence de construire sur la servitude et de gêner le passage des voisins, ce qui est contraire au protocole d'accord.

Ils en tirent pour conséquence que Mmes [F] et [W] tentent de revenir sur des actes passés devant notaire ainsi que sur un accord homologué devant le juge, pour empiéter sur la servitude, faire réaliser des travaux aux frais de leurs anciens voisins afin de créer de manière totalement irrégulière une place de stationnement devant leur porte, tout en empêchant parallèlement tout accès aux propriétés voisines. Ils précisent que lors de la division intervenue en mars 2014, la partie de terrain devant l'entrée des appelantes leur a été attribuée et elles cherchent à tirer partie de cette attribution pour faire une place de stationnement.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 24 septembre 2019.

MOTIFS

Les dispositions du jugement ayant rejeté l'exception de nullité de l'assignation présentée par M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R] ne font l'objet d'aucune discussion entre les parties et seront donc purement et simplement confirmées.

Dans leurs dernières écritures devant la cour, M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R] concluent à l'irrecevabilité des demandes adverses, soutenant en premier que le bordereau de communication de pièces n'est pas régulier.

En application de l'article 954 alinéa 1er du code de procédure civile, un bordereau récapitulatif de pièces est annexé aux conclusions d'appel reprenant les pièces dont il fait état au soutien des conclusions.

Ce texte n'est assorti d'aucune sanction et Mmes [F] et [W] justifient avoir notifiées le 23 septembre 2019, leurs dernières conclusions accompagnées d'un bordereau récapitulatif reprenant la numérotation des pièces invoquées au soutien de leurs prétentions, lesquelles pièces avaient déjà été communiquées.

Sur le second moyen invoqué par les intimés tenant au fait qu'ils ne sont pas propriétaires de la maison voisine des appelantes, il est constant que Mmes [F] et [W] recherchent la responsabilité des époux [R] sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage.

Le droit d'un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibée par la loi ou les règlements, est limité par l'obligation qu'il a de ne pas causer à la propriété d'autrui aucun dommage excédant les inconvénients anormaux de voisinage.

Il s'agit d'une cause de responsabilité objective, à savoir qu'elle suppose uniquement que soit rapportée la preuve d'un trouble dépassant les inconvénients normaux ou ordinaires du voisinage.

Il en résulte une indifférence de la théorie du trouble anormal de voisinage à la faute constitutive de l'abus pour tenir compte exclusivement du dommage subi.

Dès lors que seule l'anormalité du dommage constitue la condition indispensable à mise en oeuvre de cette responsabilité sans faute, le propriétaire actuel d'un bien immobilier doit jugé responsable de plein droit, même sans faute de sa part, des troubles issus excédant les inconvénients normaux du voisinage constatés dans le fonds voisin.

En l'espèce, Mmes [F] et [W] ont fait assigner M. et Mme [R] alors qu'il ressort des pièces produites qu'ils n'ont jamais été propriétaires de la maison voisine, laquelle a été acquise en vertu d'un acte notarié en date du 10 juin 2014, par la SCI ROUDIL.

Le fait que celle-ci était effectivement représentée à l'acte par M. [V] [R] et ce, en présence de son épouse est sans incidence sur le fait que les intimés n'ont jamais eu la qualité de propriétaires voisins des appelantes.

De surcroît, bien que l'acte ne soit pas produit, il résulte des explications des parties que la SCI ROUDIL a, par acte du 1er avril 2016, cédé sa propriété à M. et Mme [K].

Or, Mmes [F] et [W], tout en fondant exclusivement leurs prétentions sur la théorie du trouble anormal de voisinage, n'ont pas appelé en la cause les propriétaires actuel du fonds à l'origine du trouble qu'elles déplorent.

Depuis l'introduction de la procédure, elles n'ont jamais dirigé leurs demandes contre le propriétaire de l'immeuble auteur des nuisances et n'apportent, au demeurant, dans leurs conclusions, strictement aucune réponse, à ce moyen d'irrecevabilité invoqué par les intimés, se contenant d'affirmer que M. [R] a reconnu avoir effectué les travaux, ce qui n'apporte rien dès lors qu'elles se prévalent de la théorie du trouble anormal de voisinage.

Elles sont donc irrecevables en leurs demandes à l'encontre des époux [R].

En définitive, le jugement sera confirmé sauf en ce qu'il a rejeté les demandes présentées par Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI à l'encontre de M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R], lesquelles sont irrecevables.

Mme [Q] [O] épouse [R] ne justifiant pas de la part des appelantes d'une erreur grossière équipollente au dol, ni de l'existence d'une volonté de nuire, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée en cause d'appel.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal d'instance de Grasse sauf en ce qu'il rejeté les demandes présentées par Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI à l'encontre de M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R],

Statuant à nouveau sur ce point,

Déclare Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI irrecevables en leurs demandes à l'encontre de M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R],

Y ajoutant,

Déboute Mme [Q] [O] épouse [R] de son appel incident,

Condamne in solidum Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI à payer à M. [V] [R] et Mme [Q] [O] épouse [R] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [B] [F] et Mme [N] [W][W] SLODKOWSKI aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 18/00052
Date de la décision : 28/11/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°18/00052 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-28;18.00052 ?
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