COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 14 NOVEMBRE 2019
lv
N° 2019/ 650
Rôle N° RG 18/09863 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCTDO
SCI ARENA
C/
[L] [W] [D]
[E] [O]
[M] [Q]
[R] [X] épouse [P]
[J] [X] épouse [Z]
[H] [X]
[G] [T] VEUVE [X]
PROCUREUR GENERAL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Emmanuel D'ESPARRON
SELARL SELARL CAMPANA-MOUILLAC
Me Olivier LANTELME
Décisions déférées à la Cour :
Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt n° 723 FS-D rendu par la Cour de Cassation en date du 16 juin 2016, enregistré sous le numéro de pourvoi V 15-12.498 qui a cassé et annulé l'arrêt n° 752 rendu le 19 novembre 2014 par la Chambre Civile B de la Cour d'Appel de BASTIA, enregistré au répertoire général sous le n° 12/00874, sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de BEZIERS du 20 juillet 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/3581.
APPELANTE
SCI ARENA représentée par Monsieur [H] [X], son liquidateur, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Emmanuel D'ESPARRON, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée de Me Florian DE MASCUREAU, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMES
Monsieur [L] [W] [D]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Erick CAMPANA de la SELARL SELARL CAMPANA-MOUILLAC, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Pierre LORENZI, avocat au barreau de BASTIA, plaidant
Monsieur [E] [O]
[Adresse 2]
représenté par Me Erick CAMPANA de la SELARL SELARL CAMPANA-MOUILLAC, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Pierre LORENZI, avocat au barreau de BASTIA, plaidant
Monsieur [M] [Q]
demeurant [Adresse 3]
défaillant
Madame [R] [X] épouse [P] prise en sa qualité d'héritière de Monsieur [V] [X] décédé le [Date décès 1] 2016
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Olivier LANTELME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Anaïs TETU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [J] [X] épouse [Z] prise en sa qualité d'héritière de Monsieur [V] [X] décédé le [Date décès 1] 2016
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Olivier LANTELME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Anaïs TETU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [H] [X] pris en sa qualité d'héritier de Monsieur [V] [X] décédé le [Date décès 1] 2016
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Olivier LANTELME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Anaïs TETU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [G] [T] veuve [X] prise en sa qualité d'usufruitière de Monsieur [V] [X] décédé le [Date décès 1] 2016
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Olivier LANTELME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Anaïs TETU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie-Florence BRENGARD, Président
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2019.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2019,
Signé par Madame Marie-Florence BRENGARD, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte authentique du 7 avril 1961, M. [K] [X] a constitué avec ses fils la société civile ARENA ayant pour objet l'acquisition, la location la vente de toute propriété rurale, et a acquis des terres sur la commune de [Localité 1] en Haute-Corse.
À la suite du décès de M. [K] [X] le 11 décembre 1986, un conflit est né entre les héritiers.
Par jugement du 18 septembre 1989, le tribunal de grande instance de Béziers a prononcé la dissolution anticipée de la société civile ARENA et a commis Me [I] [X] en qualité de liquidateur.
Celui-ci a saisi le tribunal de grande instance de Béziers afin d'être autorisé à vendre le domaine de 70 ha 69 ares 69 centiares situé à [Localité 1] aux conditions précisées par la SAFER de Corse, soit 300 000 Fr. Par jugement du 7 décembre 1992, le tribunal de grande instance de Béziers a donné acte à M. [V] [X] de son offre de rachat du domaine de [Localité 1] au prix de
320 000 Fr. et a autorisé Me [X] ès qualités à céder ledit domaine à Monsieur [V] [X]. Par arrêt du 27 juillet 1994, la cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement du 7 décembre 1992 du tribunal de grande instance de Béziers.
Par ordonnance du 16 mars 2000, M. [U] [C] a été désigné en qualité de liquidateur de la société civile ARENA en remplacement de Me [I] [X].
Parallèlement, eu égard à l'inculture du domaine de [Localité 1], à la requête de la SAFER de Haute-Corse, par jugement du 30 mars 1993, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bastia a autorisé cet organisme à exploiter les dites parcelles appartenant aux consorts [X] et à la société ARENA, a fixé les conditions de jouissance, le montant du fermage en rappelant que la SAFER disposait d'un délai de deux ans pour cédé le bail. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Bastia 22 février 1994.
Par acte du 22 février 1996, la SAFER a cédé son droit au bail sur les terres d'une superficie de 102 ha 58 ares et 59 centiares appartenant aux consorts [X] et à la société ARENA à M. [M] [Q], M. [L] [D] et M. [E] [O].
Par lettre recommandée avec AR du 27 juin 2000, le notaire chargé de la vente, Me [M], notaire en résidence à [Localité 2], a notifié à chacun des preneurs la vente projetée avec Monsieur [V] [X] pour un montant de 320 000 Fr.
Par lettre recommandée du 11 août 2000, les trois preneurs ont fait connaître au notaire leurs décisions d'exercer leur droit de préemption sur les parcelles qu'ils exploitent chacun.
À la requête de M. [V] [X], par ordonnance de référé du 27 mars 2007, il a été fait défense à M. [U] [C] ès qualités de liquidateur de la société ARENA de conclure la vente avec les preneurs.
Par exploits des 26 octobre et 5 novembre 2007, M. [V] [X] a assigné M. [U] [C] ès qualités, M. [Q], M. [D] et M. [O] afin qu'il soit enjoint à Monsieur [U] [C] ès qualités de signer la vente du domaine de la société civile Aréna situé à [Adresse 1] en exécution du jugement du 7 décembre 1992 du tribunal de grande instance de Béziers confirmé par l'arrêt du 27 juillet 1994 de la cour d'appel de Montpellier.
Entre-temps par jugement du 17 décembre 2007, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bastia a notamment donné acte de la résiliation du bail conclu entre la société ARENA et M. [Q].
Par jugement du 20 juillet 2009, le tribunal de grande instance de Béziers a :
-rejeté la requête en rabat de l'ordonnance de clôture,
-rejeté l'exception d'incompétence,
en conséquence sur le fond,
-débouté M. [V] [X] de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions,
-dit que le droit de préemption prévu par l'article L. 412-1 du code rural est applicable à la vente autorisée par l'arrêt du 27 juillet 1994 de la cour d'appel de Montpellier au profit de Messieurs [O] et [D],
-rejeté toutes demandes contraires ou plus amples des parties,
-rejeté la demande d'exécution provisoire,
-condamné M. [V] [X] aux entiers dépens,
-condamné M. [V] [X] à payer à Messieurs [Q], [D] et [O] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [V] [X] a relevé appel de cette décision par déclaration du 25 septembre 2009.
Par arrêt du 22 février 2011, la cour d'appel de Montpellier :
-a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par les consorts [Q], [D] et [O],
- l'a réformé dans ses autres dispositions et,
-a dit que l'attribution à Monsieur [V] [X], associé de la société ARENA, selon l'arrêt en date du 27 juillet 1994, des terres situées à [Localité 1] (Haute-Corse) et appartenant à cette société moyennant le prix de 320 000 Fr. ne constitue pas une aliénation à titre onéreux donnant aux consorts [Q], [D] et [O] le bénéfice du droit de préemption,
-a débouté en conséquence les consorts [Q], [D] et [O] de toutes leurs demandes,
-a enjoint à M [U] [C] pris en sa qualité de liquidateur de la société ARENA de signer l'acte authentique portant cession par lui-même ès qualités à M. [V] [X] moyennant le prix de 48 783,69 euros des terres appartenant à cette société située à [Localité 1] (Haute-Corse), ainsi cadastrées :
'
Soit une superficie totale de 70 ha, 71 ares 69 centiares,
-a condamné M. [E] [O], M. [M] [Q] et M. [L] [D] à payer chacun à Monsieur [V] [X] la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-a rejeté les autres demandes,
-a condamné les consorts [Q], [D] et [O] aux dépens de première instance et d'appel.
Sur pourvoi de M. [E] [O] et de M. [L] [D], par arrêt du 13 juin 2012, la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt du 22 février 2011, et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Bastia, a condamné M. [X] aux dépens et à payer à Messieurs [D] et [O] la somme globale de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Motif de cassation :
« Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que pour que le preneur puisse bénéficier du droit de préemption et l'exercer, il doit s'agir d'une aliénation volontaire et que l'acquisition par M. [X], associé de la SCI, des terres dépendant de l'actif social, qui s'inscrit dans le cadre des opérations de liquidation et de partage de cette société entre associés, ne constitue pas, en raison de l'effet déclaratif du partage, une aliénation à titre onéreux donnant aux consorts [O], preneurs, le bénéfice du droit de préemption ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la vente d'un actif social réalisé au cours de la liquidation de la société en vue d'apurer le passif social et avant le partage, constitue une aliénation à titre onéreux ouvrant aux preneurs le bénéfice du droit de préemption, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Par arrêt du 19 novembre 2014, la cour d'appel de Bastia a :
-infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Béziers en date du 20 juillet 2009,
-et statuant à nouveau,
-dit que les parcelles litigieuses dépendent du régime indivisaire entre associés,
-débouté M. [D] et M. [O] de leurs demandes,
-condamné M. [D] et M. [O] à payer chacun à Monsieur [X] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné M. [D] et M. [O] aux dépens.
Sur pourvoi de Messieurs [D] et [O], par arrêt du 16 juin 2016, la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 19 novembre 2014 par la cour d'appel de Bastia et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a condamné M. [X] aux dépens ainsi qu'à payer à Messieurs [D] et [O] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Motif de cassation :
« Attendu que pour dire que les parcelles litigieuses dépendent du régime indivisaire entre associés, l'arrêt retient que la dissolution d'une société n'emporte pas l'extinction de celle-ci qui survit jusqu'à la fin des opérations de liquidation, que la loi du 15 mai 2001 a mis fin au régime dérogatoire dont bénéficiaient les sociétés civiles en les obligeant à se faire enregistrer au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, sous peine de perdre leur personnalité morale et de devenir une société en participation, qu'il n'est pas contesté que la SCI n'a jamais été inscrite au registre du commerce et des sociétés et que cette société reste, jusqu'à la fin de sa liquidation, une société en participation sans capacité juridique distincte de celle de ses associés et sans patrimoine propre ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la SCI dissoute par jugement du 18 septembre 1989, n'était pas soumise à l'obligation d'immatriculation instaurée par l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 et avait conservé sa personnalité morale pour les besoins de sa liquidation jusqu'à ce que celle-ci soit clôturée, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
La cour de céans a été saisie par déclaration 13 juin 2018 de la SCI ARENA représentée par son liquidateur, M. [H] [X].
En effet, il a été mis fin à la mission de M. [C] par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Béziers du 17 juillet 2015, puis par ordonnance du 25 juillet 2017, M. [H] [X] a été désigné en qualité de liquidateur de la société civile ARENA.
M. [V] [X] étant décédé le [Date décès 1] 2016, ses héritiers, soit sa veuve Mme [G] [T], et ses trois enfants, [R], [J] et [H] [X] ont été attraits à la cause.
Par conclusions du 22 août 2018, Messieurs [D] et [O] ont invoqué l'irrecevabilité de la saisine après cassation au motif que l'arrêt du 16 juin 2016 avait été notifié par exploit du 23 août 2017 à la personne de son liquidateur Monsieur [U] [C].
Par conclusions récapitulatives du 14 février 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SCI ARENA demande à la cour de :
« Vu les articles L. 412-1 et suivants du code rural et l'article 1583 du Code civil,
In limine litis,
Rejeter la demande d'irrecevabilité formée par Messieurs [D] et [O].
Sur le fond,
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Béziers le 20 juillet 2009 en ce qu'il a écarté l'application de l'article 412-5 du code rural au bénéfice de Monsieur [Q].
Infirmer le jugement rendu par le tribunal de Grande instance de Béziers pour le surplus.
Statuant à nouveau :
À titre principal :
Dire et juger que Messieurs [L] [D] et [E] [O] ne peuvent se prévaloir d'un quelconque droit de préemption.
Donner acte à la SCI ARENA qu'elle n'entend plus vendre le domaine de [Localité 1] dans les conditions du jugement du tribunal de Grande instance de Béziers 7 décembre 1992.
À titre subsidiaire :
Constater que la vente des parcelles sises sur la commune de [Localité 1] (Haute-Corse) désignés ci-après, entre la SCI ARENA et les héritiers d'[V] [X], à savoir Madame [R] [X] épouse [P], Madame [J] [X] épouse [Z] , Monsieur [H] [X] et Madame [G] [X], moyennant le prix de 48 783,69 € et définitives depuis le 7 décembre 1992 :
'
Dire que l'arrêt qui sera rendu et qui vaudra vente sera publiée au bureau des hypothèques du lieu de la situation des parcelles.
En tout état de cause :
Débouter Messieurs [L] [D], [E] [O] et [M] [Q] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
Condamner solidairement Messieurs [L] [D], [E] [O] et [M] [Q] à payer à la SCI ARENA la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner solidairement Messieurs [L] [D], [E] [O] et [M] [Q] aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions du 1er mars 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, Madame [G] [X] née [T], Madame [R] [X] épouse [P], Madame [J] [X] épouse [Z] , Monsieur [H] [X] demandent à la cour de :
Vu les articles L. 412-1 et suivants du code rural,
Vu l'article 1583 Code civil,
Vu l'article 1134 ancien du Code civil,
À titre liminaire
ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le 19 février 2019 dans la procédure ° 18/9863 et admettre aux débats les conclusions des pièces communiquées le 19 février 2019.
Maintenir la date de plaidoirie au 5 mars à 14h15.
Infirmer le jugement du tribunal de Grande instance en date du 20 juillet 2009.
Statuant à nouveau :
À titre principal,
Juger que Messieurs [D] et [O] ne peuvent se prévaloir d'aucun droit de préemption.
À titre subsidiaire,
Constater que la vente des parcelles sises sur la commune de [Localité 1] désignées ci-après entre la SCI ARENA et les héritiers de Monsieur [V] [X] moyennant le prix de 48 783,69 € est définitive depuis le 7 décembre 1992 :
'
Dire que l'arrêt à intervenir sera publié au service de la publicité foncière de Bastia.
À titre infiniment subsidiaire,
Constater que Messieurs [O] et [D] sont occupants sans droit, ni titre des parcelles sises sur la commune de [Localité 1].
Dire que Messieurs [D] et [O] ne peuvent se prévaloir du droit de préemption de la L. 145-1 du code rural.
En tout état de cause,
Débouter Messieurs [D] et [O] de l'intégralité de leurs demandes.
Condamner Messieurs [D] et [O] à payer aux consorts [X] la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions du 11 septembre 2018, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur [E] [O] et Monsieur [L] [D] demandent à la cour de :
Déclarer irrecevable la déclaration de saisine de la cour de céans effectuée hors les délais de l'article 1034 du code de procédure civile.
En tous les cas, dire la saisine nulle et de nul effet car effectuée sans respecter les prescriptions de la 901-5 du code de procédure civile applicable à la saisine de la cour.
Sur le fond :
Débouter la SCI ARENA et les consorts [X] des fins de leur appel.
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de Grande instance de Béziers du 20 juillet 2009.
Condamner les appelants à payer aux concluants la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 nouveau code de procédure civile .
Les condamner aux dépens.
Messieurs [D] et [O] ont assigné Monsieur [M] [Q] et ont signifié leurs écritures par acte du 20 septembre 2018 déposé à l'étude.
Les consorts [X] ont signifié leurs écritures à Monsieur [M] [Q] par exploit du 25 septembre 2018 remis à domicile à la personne de son épouse.
Par ordonnance du 5 mars 2019, l'ordonnance de clôture du 19 février 2019 a été révoquée et l'instruction de l'affaire a été close à nouveau.
Par arrêt avant dire droit en date du 09 mai 2019, la cour a:
- ordonné la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture du 05 mars 2019,
- enjoint aux parties de conclure sur la recevabilité de la saisine après cassation de la SCI ARENA le 13 juin 2018 au regard de la signification de l'arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 2016 à Madame [G] [X] née [T], Madame [R] [X] épouse [P], Madame [J] [X] épouse [Z] , Monsieur [H] [X],
- renvoyé la cause et les parties à l'audience du 17 septembre 2019 à 14 h 15,
- informé les parties que l'instruction de l'affaire sera close à nouveau le 3 septembre 2019,
- réservé les dépens.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées par la voie électronique le 29 juillet 2019, la SCI ARENA demande à la cour de:
In limine litis,
Rejeter la demande d'irrecevabilité formée par Messieurs [D] et [O],
Sur le fond,
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Béziers le 20 juillet 2009 en ce qu'il a écarté l'application de l'article 412-5 du code rural au bénéfice de Monsieur [Q].
Infirmer le jugement rendu par le tribunal de Grande instance de Béziers pour le surplus.
Statuant à nouveau :
À titre principal :
Dire et juger que Messieurs [L] [D] et [E] [O] ne peuvent se prévaloir d'un quelconque droit de préemption.
Donner acte à la SCI ARENA qu'elle n'entend plus vendre le domaine de [Localité 1] dans les conditions du jugement du tribunal de Grande instance de Béziers 7 décembre 1992.
À titre subsidiaire :
Constater que la vente des parcelles sises sur la commune de [Localité 1] (Haute-Corse) désignés ci-après, entre la SCI ARENA et les héritiers d'[V] [X], à savoir Madame [G] [X] née [T], Madame [R] [X] épouse [P], Madame [J] [X] épouse [Z] , Monsieur [H] [X], moyennant le prix de 48 783,69 € est définitive depuis le 7 décembre 1992 :
.......
Dire que l'arrêt qui sera rendu et qui vaudra vente sera publié au bureau des hypothèques du lieu de situation des parcelles,
En tout état de cause,
Débouter Messieurs [L] [D] ,[E] [O] et [M] [Q] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Condamner solidairement Messieurs [L] [D] ,[E] [O] et [M] [Q] à payer à la SCI ARENA la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Messieurs [L] [D] et [E] [O] , suivant leurs conclusions déposées et notifiées le 26 juin 2019, demandent à la cour de:
Au principal,
Déclarer irrecevable la déclaration de saisine de la cour de céans effectuée hors les délais de l'article 1034 du code de procédure civile,
Sur le fond,
Débouter la SCI ARENA et les consorts des fins de leur appel,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Béziers du 20 juillet 2009,
Condamner les appelants à payer aux concluants la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La procédure a été à nouveau clôturée par ordonnance du 03 septembre 2019.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la déclaration de saisine après cassation
Aux termes de l'article 1034 du code de procédure civile, à moins que la juridiction de renvoi n'ait été saisie sans notification préalable, la déclaration doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, être faite avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de cassation faite à la partie. Ce délai court même à l'encontre de celui qui notifie.
L'article 654 alinéa 2 du code de procédure civile édicte que la signification à personne morale est faite à personne lorsque elle est délivrée à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier, ou à toute autre personne habilitée à cet effet.
Ces dispositions n'écartent pas qu'à défaut, la signification doit être délivrée au siège social de la personne morale.
Messieurs [D] et [O] justifient qu'ils ont notifié l'arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 2016 à la SCI ARENA le 23 août 2017 à la personne de Monsieur [U] [C], à son adresse, en sa qualité de liquidateur de la société ARENA, par dépôt de l'acte à l'étude.
Cependant, par ordonnance du 17 juillet 2015, il avait été mis fin à la mission de Monsieur [U] [C]. Il n'était donc plus le représentant légal de la société ARENA à la date du 23 août 2017.
Cette situation était connue de Messieurs [D] et [O] puisque leur conseil devant le tribunal de Grande instance de Béziers, la cour d'appel de Montpellier, et la cour d'appel de Bastia, soit Maître [D] [Y] [K], avocat au barreau de Bastia, avait été informé par Monsieur [U] [C] par courrier recommandé avec AR du 9 octobre 2015 auquel était joint la copie de l'ordonnance présidentielle du 17 juillet 2015.
La signification qui est faite à une personne dont il est connu qu'elle n'a pas qualité pour représenter la société, ne fait pas courir le délai de saisine après cassation. Il en résulte que la signification du 23 août 2017 délivrée à la SCI ARENA en la personne de Monsieur [U] [C] n'a pas fait courir le délai de saisine de deux mois.
Messieurs [O] et [D] font valoir cependant que lorsqu'une partie notifie à un premier adversaire un arrêt de cassation, le délai dont cette partie dispose pour saisir la cour d'appel de renvoi commence à courir à compter de la première notification et le point de départ du délai pour saisir la cour de renvoi n'est pas reporté à la dernière notification effectuée à une autre partie.
Toutefois, la SCI ARENA n'est pas à l'origine des notifications, de sorte qu'un tel principe ne lui est pas applicable.
Il convient de rappeler qu'en cas de plusieurs parties à l'instance, le point de départ du délai commence à courir à compter de la date à laquelle l'arrêt a été notifié à chacune des parties, la signification devant intervenir séparément à chacune d'elles.
En l'occurrence, le délai de saisine de la cour d'appel de renvoi n'a jamais commencé à courir à l'encontre de la SCI ARENA puisque la signification effectuée le 23 août 2017 est irrégulière et que celle faite aux héritiers d'[V] [X], n'a pu faire courir aucun délai à l'encontre de la SCI ARENA.
La saisine après cassation en date du 13 juin 2018 par la SCI ARENA n'est donc pas irrecevable comme étant tardive.
Sur la nullité de l'acte de saisine de la cour
Messieurs [O] et [D] concluent à la nullité de l'acte de saisine de la cour de céans au motif que celui-ci n'est pas motivé et n'est donc pas conforme aux prescriptions de l'article 901-4 du code procédure civile qui précise que ' La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité: (...)
4°) les chefs du jugement expressément critiquées auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'.
Or, la saisine des juridictions de renvoi après cassation fait l'objet de dispositions particulières énoncées aux articles 1032 et suivants du code de procédure civile et la déclaration saisine régularisée par la SCI ARENA liste bien les différents chefs du jugement du tribunal de grande instance de Béziers à l'encontre desquels elle entend solliciter la réformation.
Le moyen tiré de la nullité de l'acte de saisine de la cour de renvoi sera écarté.
Sur le fond
Les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté l'exception d'incompétence ne font l'objet d'aucune discussion entre les parties et seront donc purement et simplement confirmées.
Dans sa motivation, bien que ce ne soit pas repris dans le dispositif de sa décision, le tribunal de grande instance de Béziers a considéré que M. [Q] ne pouvait pas bénéficier des dispositions de l'article L 412-5 du code rural relatif au droit de préemption du fermier au motif que celui-ci n'exploite plus les parcelles données à bail, en l'état d'un jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 17 décembre 2007 ayant donné acte de la résiliation du bail conclu entre la SCI ARENA et M. [Q] sur les parcelles en cause.
Ce point ne fait l'objet d'aucune contestation par les parties, M. [Q], qui n'a pas constitué avocat devant la cour de céans, ne revendiquant d'ailleurs aucun droit de préemption.
La SCI ARENA et les consorts [X] invoquent à titre principal l'absence d'exercice du droit de préemption dans les conditions légales compte tenu:
- d'une part, de l'absence de nouvelle notification sur le fondement de l'article L 412-9 du code rural,
- d'autre part, de l'absence de projet de vente ou à tout le moins de son abandon par les parties.
Contrairement à ce que prétendent Messieurs [D] et [O], il ne s'agit pas de demandes nouvelles en cause d'appel, puisqu'elles tendent aux mêmes fins que celles qui avaient soumises au premier juge, à savoir qu'il soit jugé que les preneurs ne peuvent pas exercer leur droit de préemption à l'occasion de la vente des parcelles litigieuses.
Sur le premier point, l'article L 412-8 du code rural prévoit les modalités de notification d'un projet de vente par le notaire instrumentaire, au profit d'un preneur à bail rural titulaire d'un droit de préemption.
Lorsque le preneur a exercé son droit de préemption, l'alinéa 4 énonce que ' En cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire pour réaliser l'acte de vente authentique; passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet. L'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption.'
L'article L 412-9 stipule que ' Dans le cas où, au cours du délai de deux mois prévu à l'article précédent, le propriétaire décide de modifier ses prétentions, il doit par l'intermédiaire du notaire chargé d'instrumenter, notifier ses nouvelles conditions, notamment de prix, au preneur bénéficiaire du droit de préemption. Le délai de deux mois profite celui-ci pour faire valoir son droit de préemption est alors augmenté de quinze jours.
Dans le cas où, après l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'article précédent, le propriétaire entend modifier ses prétentions, ou lorsqu'un an après l'envoi de la dernière notification, la vente n'étant pas réalisée, il persiste dans son intention de vendre, il est tenu de renouveler la procédure prévue à l'article précédent.'
La SCI ARENA et les consorts [X] soutiennent que le projet de vente a été notifié aux preneurs par le notaire instrumentaire de la vente par trois lettres recommandées avec accusé de réception du 27 juin 2000, que si les preneurs ont fait part de leur volonté d'exercer leur droit de préemption le 11 août 2000, aucune vente n'a été régularisée dans le délai de 2 mois, ni même d'un an prévu à l'article L 412-9, puisque ce n'est que le 14 février 2007 que le liquidateur a informé M. [X] qu'il entendait procéder à la vente au profit des preneurs, de sorte que le droit de préemption ne pouvait s'exercer qu'à la condition qu'une nouvelle notification intervienne.
Messieurs [D] et [O] considèrent pour leur part que la vente était parfaite depuis le 11 août 2000, date à laquelle ils ont fait savoir qu'ils entendaient exercer leurs droit de préemption et que, dans ces conditions, l'acte authentique de réitération signé au-delà d'un an ne constitue pas une nouvelle vente nécessitant une nouvelle notification aux preneurs.
Si effectivement, en cas de signature d'une promesse synallagmatique de vente comportant une condition suspensive relative à la purge du droit de préemption, laquelle est réalisée par les décisions judiciaires consacrant la forclusion du doit du preneur, la vente est effectivement devenue parfaite, de sorte la réitération de cette vente par acte notarié au-delà du délai d'un an prévu à l'article L 412-9 du code rural ne constitue pas une nouvelle vente imposant une nouvelle notification au preneur.
En d'autres termes, lorsque l'exercice du droit de préemption du preneur est forclos, le propriétaire et l'acquéreur évincé peuvent réitérer la vente au-delà du délai d'un an, sans qu'une nouvelle notification au preneur n'intervienne.
Tel n'est absolument pas le cas de la présente espèce, puisque Messieurs [D] et [O] ont exercé leur droit de préemption dans le délai de deux mois qui leur était imparti par l'article L 412-8 du code rural mais aucune vente n'a été réalisée dans le délai prévu à l'article L 412-9 alinéa 2 du même code.
Ce n'est que par un courrier du 14 février 2007 que Me [C], alors liquidateur de la SCI ARENA et propriétaire des parcelles, a informé M. [V] [X] de la persistance de son intention de vendre. A cette date, le notaire instrumentaire de la vente n'a pas adressé de nouvelle notification aux preneurs, pour qu'ils puissent valablement exercer leur droit de préemption, une telle formalité étant pourtant obligatoire puisqu'il s'était écoulé plus d'un an depuis l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article L 412-8 alinéa 4 du code rural, en cas de préemption du fermier et qu'aucune vente n'avait été réalisée.
Le droit de préemption des preneurs ne s'est donc pas exercé dans les conditions légales.
C'est donc à tort que les premiers juges ont dit que le droit de préemption prévue par l'article L 412-1 du code rural est applicable à la vente autorisée par l'arrêt du 27 juillet 1994 de la cour d'appel de Montpellier au profit de Messieurs [D] et [O].
Le jugement sera en conséquence infirmé sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,
Déclare recevable la déclaration de saisine de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 13 juin 2018 à l'initiative de la SCI ARENA,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Béziers en date du 20 juillet 2009 sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence territoriale,
Et statuant à nouveau,
Dit que M. [L] [D] et M. [E] [O] ne peuvent se prévaloir du droit de préemption prévu à l'article L 412-1 du code rural s'agissant de la vente autorisée par l'arrêt du 27 juillet 1994 de la cour d'appel de Montpellier entre la SCI ARENA et M. [V] [X] des parcelles situées à [Localité 1] ( Haute Corse) ainsi cadastrées:
- Section C n°[Cadastre 1] lieudit [Localité 3] d'une superficie de 18 ha 86 a 56 ca,
- Section C n°[Cadastre 2] lieudit [Localité 4] d'une superficie de 7 ha 12 a 79 ca,
- Section C n°[Cadastre 3] lieudit [Localité 4] d'une superficie de 38 ha 88 a 50 ca,
- Section C n°[Cadastre 4] lieudit [Localité 4] d'une superficie de 2 ha 02 a 89 ca,
- Section C n°[Cadastre 5] lieudit [Localité 5] d'une superficie de 2 ha 42 a 32 ca,
- Section D n°[Cadastre 6]p lieudit [Localité 6] d'une superficie de 1 ha 8 a 74 ca,
- Section D n°[Cadastre 7]p lieudit [Localité 6] d'une superficie de 29 a 87 ca,
Déboute, en conséquence, M. [L] [D] et M. [E] [O] , de leurs demandes,
Condamne M. [L] [D] et M. [E] [O] à payer à la SCI ARENA la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [L] [D] et M. [E] [O] à payer à Madame [G] [X] née [T], Madame [R] [X] épouse [P], Madame [J] [X] épouse [Z] , Monsieur [H] [X] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [L] [D] et M. [E] [O] aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT