COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 14 NOVEMBRE 2019
N° 2019/ 375
N° RG 17/07621 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAM2P
SARL PROJET.PC
C/
SARL CEGIS
[M] [N]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Thierry TROIN
Me Romain CHERFILS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 17 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016002968.
APPELANTE
SARL PROJET.PC, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SARL CEGIS, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Bernard ROSSANINO, avocat au barreau de GRASSE
PARTIE INTERVENANTE
Maître Me [M] [N]
demeurant [Adresse 3] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société PROJECT.PC désigné en cette qualité par le tribunal de commerce d'Antibes le 5 mai 2017
représenté par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE
intervenant volontaire
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2019,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S
Se sont immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés :
- le 30 septembre 1984 la S.A.R.L. CEGIS ayant pour gérant Monsieur [F] [O] [P] ;
- le 5 janvier 2011 la S.A.R.L. PROJET.PC ayant pour associé unique et comme gérant Monsieur [G] [D].
Un protocole d'accord a été conclu le 1er décembre 2012 entre 4 consorts [R] et la société PROJET.PC, pour la promesse de vente par les premiers à la seconde :
- d'une propriété située [Adresse 4] et cadastrée AP [Cadastre 1], soumise au régime de la copropriété, sur laquelle est édifiée une maison d'habitation, cette propriété comprenant 2 lots (appartements) sans quote-part de parties communes générales ;
- d'une parcelle de terre située [Adresse 5], cadastrée AP [Cadastre 2] ;
le tout au prix de 1 200 000 euros 00 H.T. net vendeur ; est notamment stipulée comme condition suspensive une clause de substitution de l'acheteur.
Une promesse de vente notariée pour les 2 mêmes immeubles et au prix précité a été signée le 27 juin 2013 entre les 4 consorts [R] et la société CEGIS.
La société CEGIS a confirmé le 15 octobre 2014 à Madame [A] [Y] de la banque B.P.C.A. de CANNES-LA BOCCA son partenariat avec dans l'opération des 2 propriétés, et l'a informée qu'en cas d'aboutissement elle versera à celui-ci une rémunération de 100 000 euros 00 H.T., payable en deux fois soit 60 000 euros 00 à la signature de l'acte authentique d'acquisition du terrain, et le solde c'est-à-dire 40 000 euros 00 'par la suite en fonction de l'état d'avancement dudit projet'.
Par lettre du 21 septembre 2015 la société CEGIS a écrit à la société PROJET.PC d'une part ne jamais lui avoir donné pouvoir ou mandat quelconque de la représenter dans l'affaire des 2 propriétés ; elle a cependant précisé que cette affaire lui a été présentée par l'intermédiaire de cette société moyennant une commission d'apporteur d'affaire fixée forfaitairement à 50 000 euros 00 T.T.C, par ailleurs que la participation de la même au montage de l'opération de construction devait pour ses honoraires être forfaitisée à la même somme ; enfin la société CEGIS a contesté devoir payer ces 2 sommes en raison de l'attitude et des actions négatives de la société PROJET.PC.
La promesse de vente précitée est devenue vente effective aux termes d'un acte notarié du 23 décembre 2015, les vendeurs n'étant plus que 3 suite au décès de la 4ème.
Le 26 janvier 2016 la société PROJET.PC, au motif que la société CEGIS s'est reconnue son débiteur pour ses différentes interventions et son assistance dans la résolution des problèmes des propriétés (intermédiaire pour la promesse de vente, acquisition du foncier), lui a réclamé la somme de 100 000 euros 00 H.T.
Le 21 juin 2016 la société PROJET.PC a fait assigner la société CEGIS en paiement d'honoraires pour la somme de 100 000 euros 00 H.T. soit 120 000 euros 00 T.T.C., avec intérêts et capitalisation de ceux-ci. Le Tribunal de Commerce d'ANTIBES par jugement du 17 mars 2017 visant les articles 1134 et 1315 du Code Civil a :
* débouté la société PROJET.PC de sa demande au principal, ainsi que toutes ses autres demandes ;
* condamné la société PROJET.PC à payer à la société CEGIS la somme de 1 000 euros 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
* a condamné la société CEGIS ['] aux entiers dépens.
La S.A.R.L. PROJET.PC a régulièrement interjeté appel le 18-19 avril 2017, et a été mise en liquidation judiciaire le 5 mai 2017 ; par conclusions du 28 juin 2017 l'appelante, et Maître [M] [N] pris en sa qualité de mandataire liquidateur de celle-ci, soutiennent notamment que :
- cette société a organisé les différentes modalités d'exécution du protocole d'accord du 1er décembre 2012 (géomètre, architecte, rendez-vous, ...) ;
- pour la faisabilité financière de l'opération sur les 2 propriétés la société CEGIS s'est substituée à la société PROJET.PC ; la première a déposé un permis de construire le 28 mai 2014 ;
- pour le travail de la société PROJET.PC (partenariat, prospection et études, analyses techniques) il était convenu avec la société CEGIS une rémunération à titre d'honoraires de 100 000 euros 00 H.T., impayée malgré l'acte de vente définitif du 23 décembre 2015 ;
- la société PROJET.PC n'exerce l'activité ni d'agent immobilier ni d'intermédiaire immobilier, ce que sait la société CEGIS ;
- la même démontre tout le travail qu'elle a effectué, et dont s'est servi la société CEGIS ; ses honoraires ne constituent aucunement une commission d'intermédiaire, mais représentent le fruit de ce travail dûment accepté par cette société ;
- la prestation de la société PROJET.PC est démontrée par le courrier du 15 octobre 2014 de la société CEGIS à Madame [Y] (dont le caractère fallacieux est contesté), la lettre du 21 septembre 2015 de la seconde société à la première, et le courrier du 26 janvier 2016 de la première à la seconde ;
- la société PROJET.PC dément l'exactitude de ses prétendus manquements graves invoqués par la société CEGIS ; celle-là n'a jamais présenté un autre promoteur que celle-ci.
Les appelants demandent à la Cour, vu les articles 1134 du Code Civil, 1341 et 1347 anciens du Code Civil, de :
- déclarer recevable l'appel de la société PROJET.PC représentée par Maître [N] ;
- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de paiement des honoraires dûs par la société CEGIS à la société PROJET.PC ;
- recevoir l'appelante en ses demandes ; y faisant droit et statuant à nouveau :
- dire et juger recevable et bien fondée en regard des pièces soumises aux débats la demande de condamnation de la société CEGIS de lui régler à titre d'honoraires la somme de 100 000 euros 00 H.T. ne s'agissant aucunement d'une commission d'intermédiaire mais d'une rémunération à titre d'honoraires pour le travail effectué par la société PROJET.PC ;
- dire et juger que la preuve de l'accord sur le principe et le montant des honoraires dûs est rapportée par la société PROJET.PC ;
- condamner en conséquence la société CEGIS à la somme de 100 000 euros 00 H.T. soit 120 000 euros 00 T.T.C. relatifs aux honoraires dûs à la société PROJET.PC, outre intérêts de droit de ladite somme à compter de l'assignation délivrée le 21 juin 2016 ;
- dire et juger que l'ensemble des sommes qui seront allouées à seront productives d'intérêts capitalisés d'année en année jusqu'à parfait règlement, et ce à compter de l'assignation délivrée le 21 juin 2016 ;
- dire et juger que si la Cour s'estimait insuffisamment éclairée, il y aurait lieu de faire droit à la demande de vérification d'écritures qui avait été présentée en première instance par la société CEGIS et d'organiser en ce cas cette procédure de vérification d'écritures ;
- dire et juger en conséquence que la lettre invoquée en date du 15 octobre 2014 émane bien et a été signée par le représentant de la société CEGIS ;
- condamner la société CEGIS à la somme de 4 000 euros 00 sur le fondement de l'article
700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 20 octobre 2017 la S.A.R.L. CEGIS répond notamment que :
- la société PROJET.PC exerce une activité illicite selon la loi du 2 janvier 1970, car elle se livre à une activité d'intermédiation en vue de la conclusion d'achats et de ventes d'immeubles bâtis ou non bâtis, peu important qu'ils soient destinés ou non à des opérations de promotion immobilière ;
- la même s'est substituée la société CEGIS car ne disposant pas des fonds nécessaires à l'acquisition du bien ;
- la somme réclamée constitue à l'évidence une commission d'intermédiaire pour une acquisition foncière ; la société PROJET.PC ne justifie pas d'un mandat écrit donné par elle-même ;
- la société PROJET.PC ne justifie pas de la carte professionnelle exigée par la loi précitée, et la société CEGIS n'a jamais reçu de facture ;
- les études invoquées par la société PROJET.PC ont en réalité été effectuées par des arpenteurs, géomètres et architecte mandatées non par cette société mais par la société CEGIS ;
- la société PROJET.PC ne prouve pas la convention obligeant la société CEGIS à lui verser une rémunération de 100 000 euros 00 H.T. ; la lettre du 15 octobre 2014 à Madame [Y] est un faux, son en-tête ne correspondant pas à celui de la société CEGIS ;
- la société PROJET.PC n'a pas exécuté de bonne foi la prétendue convention : mauvaise demande de permis de construire, manoeuvres déloyales dénoncées par les consorts [R] pour que ceux-ci ne vendent pas à la société CEGIS, essais pour empêcher cette dernière de signer l'acte authentique.
L'intimée demande à la Cour de :
- la recevoir son appel incident, la déclarer bien fondée ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a estimé que la société PROJET.PC n'était pas soumise aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970 ;
- statuant à nouveau ;
- constater et au besoin dire et juger que la société PROJET.PC se livrait à une activité d'intermédiation en vue de la conclusion d'achats et ventes d'immeubles bâtis ou non bâtis ;
- constater et au besoin dire et juger que la somme dont les appelants réclament le paiement constitue une commission d'intermédiaire pour une opération d'acquisition foncière portant sur des biens d'autrui ;
- constater que la société PROJET.PC ne justifie pas être titulaire d'une carte professionnelle ou d'un agrément administratif, ni d'un mandat écrit que lui aurait donné la société CEGIS, prévoyant et fixant la commission qui pourrait lui être due conformément aux exigences de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ;
- dire et juger que, dans ces conditions, la société PROJET.PC ne peut prétendre à aucune commission ou , par une exacte application des dispositions impératives des articles l et 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, comme étant irrecevables ;
- en toute hypothèse :
- procéder à la vérification d'écriture conformément aux articles 287 et suivants du Code de Procédure Civile pour déterminer que le courrier soi-disant adressé par la société CEGIS à Madame [Y] de la BPCA en date du 15 octobre 2014, constituant la pièce n° 12 des productions des appelants, est un faux établi par la société PROJET.PC, et en tirer toutes conséquences de droit ;
- constater et au besoin dire et juger que les appelants n'administrent pas la preuve dont ils ont la charge d'une convention écrite (instrumentum) et, par suite, ne démontrent pas que le consentement des parties s'est bien rencontré sur une chose et sur un prix, de sorte que c'est la preuve même de l'engagement de la société CEGIS à payer à la société PROJET.PC la somme de 100 000 euros 00 H.T. qui n'est pas rapportée ;
- confirmer pour le surplus le jugement ;
- dire et juger que les appelants ne prouvent pas l'obligation de paiement à charge de la société CEGIS dont ils réclament l'exécution, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article 1315 alinéa 1er du Code Civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce ;
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, comme étant infondées ;
- constater et au besoin dire et juger que la société PROJET.PC a gravement manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi la prétendue convention servant de cause à son action, de sorte qu'elle ne peut être fondée à réclamer la contrepartie financière qu'elle pouvait en attendre;
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, par application des dispositions de l'article 1134 du Code Civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce ;
- débouter les appelants de toute autre demande ;
- y ajoutant, condamner les appelants à verser à la société CEGIS une indemnité de 5 000 euros 00 par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, pour ses frais irrépétibles d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2019.
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M O T I F S D E L ' A R R E T
L'article 1315 alinéa 1 ancien du Code Civil, aujourd'hui 1353 alinéa, dispose que 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver'.
La société PROJET.PC ne communique aucune pièce concrétisant un accord avec la société CEGIS pour être rémunérée à hauteur de 100 000 euros 00 pour les prestations qu'elle soutient avoir réalisées ; toutes les six factures sauf une des personnes ayant travaillé sur les 2 propriétés litigieuses (arpenteurs, géomètres, architecte) ont été émises à l'encontre de la seule société CEGIS ; les 2 plans réalisés par Monsieur [S] arpenteur-géomètre pour les propriétés ex-DALMASSO (division et servitude, implantation pour commerciaux) mentionnent comme acquéreur la société PROJET.PC, mais nullement la société CEGIS ; les écrits de la société GEORGE V COTE D'AZUR-Nexity à la société PROJET.PC des 13 octobre 10 et 20 décembre 2010 ainsi que du 28 février 2011 concernent une autre propriété, située [Adresse 6].
L'éventuelle convention conclue par la société CEGIS en faveur de la société PROJET.PC, tout comme le détail de ses stipulations, ne sont pas démontrées par la lettre de la première du 21 septembre 2015 et de la seconde du 26 janvier 2016.
Le courrier adressé le 15 octobre 2014 par la société CEGIS à Madame [Y] de la banque BPCA mentionne et non la société PROJET.PC gérée par celui-ci ; ce courrier, à supposer qu'il soit vrai, soumet le versement de 100 000 euros 00 H.T. par la première cte à la seconde à l'aboutissement du partenariat entre elles, aboutissement qui n'est nullement démontré par la société PROJET.PC.
C'est donc à juste titre, et sans que la Cour ait besoin d'examiner si la société PROJET.PC était ou non soumise à la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, que le Tribunal l'a débouté de sa demande en paiement contre la société CEGIS.
Enfin la liquidation judiciaire de la société PROJET.PC fait obstacle à sa condamnation au profit de la société CEGIS au titre des frais irrépétibles d'appel.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Confirme le jugement du 17 mars 2017.
Met les dépens d'appel en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PROJET.PC, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Rejette toutes les autres demandes.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT