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14/11/2019 | FRANCE | N°17/07428

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 14 novembre 2019, 17/07428


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 14 NOVEMBRE 2019



N° 2019/ 372













N° RG 17/07428 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAMNW







SARL COGECIA





C/



SAS LES COMMERCES DE SAINT LOUP





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Philippe PENSO



Me Agnès ERMENEUX











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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 16 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F03447.







APPELANTE



SARL COGECIA, dont le siège social est sis [Adresse 2]



représentée par Me Philippe PENSO, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 14 NOVEMBRE 2019

N° 2019/ 372

N° RG 17/07428 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAMNW

SARL COGECIA

C/

SAS LES COMMERCES DE SAINT LOUP

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Philippe PENSO

Me Agnès ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 16 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F03447.

APPELANTE

SARL COGECIA, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Philippe PENSO, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Xavier VAHRAMIAN, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

SAS LES COMMERCES DE SAINT LOUP, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assistée de Me Stéphane ENGELHARD, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Octobre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2019,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte en date du 20 septembre 2010, la société PLACE SAINT LOUP a signé avec la société COGECIA, titulaire d'une carte professionnelle d'agent immobilier, et la société LC2I un contrat de prestation de service afin de permettre à la société PLACE SAINT LOUP de définir un projet immobilier concernant des terrains situés [Adresse 3], de réaliser le montage de l'opération et de finaliser les dossiers de permis de construire. Suivant avenant en date du 13 février 2012, la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP a été substituée à la société PLACE SAINT LOUP.

Par acte en date du 3 octobre 2011, la société COGECIA et la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP ont signé un contrat de commercialisation dans le cadre de ce projet immobilier dénommé EAST PARK en vue de l'acquisition de certains lots par la société LES SENORIALES.

La société COGECIA a émis à l'égard de la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP trois factures, l'une au titre de la rémunération sur commission de la vente à la société LES SENORIALES pour un montant de 54 416 € 99 et deux correspondant à des prestations d'assistance de maîtrise d'ouvrage pour un montant de 90 000 €.

Par acte en date du 18 novembre 2015, la société COGECIA a fait assigner devant le tribunal de commerce de MARSEILLE la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP en paiement de la somme de 149 416 € 99 en paiement des factures, outre 10 000 € de dommages intérêts et 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant jugement en date du 16 février 2017, le tribunal a prononcé la nullité du contrat en date du 3 octobre 2011, a débouté la société COGECIA de sa demande en paiement de la somme de 54 416 € 99 au titre de ce contrat, et a condamné la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP au paiement de la somme de 90 000 € au titre des factures d'assistance à maîtrise d'ouvrage, les parties étant déboutées du surplus de leurs demandes.

La société COGECIA a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 14 avril 2017.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 9 septembre 2019 et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 9 octobre 2019.

A l'appui de son appel, par conclusions déposées au greffe le 28 août 2019, la société COGECIA soutient avoir conclu avec la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP le 3 octobre 2011 un contrat de commercialisation valide. Elle invoque un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation, puis des jurisprudences du fond, concernant les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 dite loi HOGUET et affirme que désormais l'absence de mandat écrit en matière de négociation immobilière peut être couverte par la ratification ultérieure des actes commis par l'agent immobilier. Elle soutient avoir parfaitement exécuté les prestations convenues et rappelle que sa facture a été au demeurant comptabilisée par la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP.

Sur les prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage, elle rappelle avoir notamment assisté la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP dans les négociations avec les déposants de recours à l'encontre des permis de construire, négociations ayant abouti à des accords transactionnels. Elle se fonde sur différents courriers et sur l'aveu même de la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP pour prouver la réalité de ces prestations ayant donné lieu à l'émission des deux factures contestées. La société COGECIA conclut en conséquence à la confirmation de la décision ayant condamné la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP au paiement de la somme de 90 000 € TTC au titre des factures et à l'infirmation en ce qu'elle a rejeté sa demande en paiement de la somme de 59 416 € 99.

Subsidiairement, la société COGECIA demande à la cour, si elle annulait le contrat de commercialisation daté du 3 octobre 2011, de condamner la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP au paiement de la somme de 59 416 € 99 sur le fondement délictuel au titre du préjudice subi.

Elle sollicite en tout état de cause la condamnation de la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP à lui verser la somme de 15 000 € à titre de dommages intérêts, outre 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LES COMMERCES DE SAINT LOUP, par conclusions déposées le 6 septembre 2019, demande à la cour d'infirmer la décision en ce qu'elle l'a condamnée au paiement des honoraires d'assistance. Elle nie avoir signé le moindre contrat portant sur ces prestations de négociations dans le cadre des contestations formées contre le permis de construire et affirme que les pièces versées ne démontrent nullement l'existence de l'assistance alléguée par la société COGECIA. Les protocoles transactionnels, au demeurant, ne feraient pas figurer cette société comme agissant dans le cadre des pourparlers. Selon elle, en toute hypothèse, la société COGECIA aurait été réglée de la rémunération forfaitaire d'un montant de 240 000 € par les sociétés LES COMMERCES DE SAINT LOUP, PLACE SAINT LOUP et ORION et serait ainsi remplie de ses droits.

Sur la rémunération au titre de la vente des lots à la société civile immobilière LES SENORIALES, elle soutient que c'est à bon droit que le tribunal a prononcé la nullité du contrat de commercialisation du fait de l'absence de limitation dans le temps de la convention et de l'absence d'enregistrement du mandat. Sur le fond, selon elle, la société COGECIA n'aurait en toute hypothèse pas fourni la moindre prestation et ne prouverait pas son rôle à l'égard des deux cocontractants. Elle dénie toute reconnaissance de la dette et soutient sur la demande subsidiaire que la demanderesse ne démontre aucun préjudice permettant de fonder sa demande en dommages intérêts.

La société LES COMMERCES DE SAINT LOUP demandent au terme de ses écritures à la cour d'infirmer la décision l'ayant condamnée à verser la somme de 90 000 € au titre de factures d'assistance à maître d'ouvrage, de confirmer le jugement ayant annulé le contrat de commercialisation et ayant débouté la société COGECIA de sa demande de rémunération et en toute hypothèse de débouter la société COGECIA de sa demande en dommages intérêts et de la condamner à verser une somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le paiement des honoraires au titre d'un contrat d'apporteur d'affaire

Il résulte des articles 1er, 6 et 7 de la loi du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972 que tout mandat en matière de vente immobilière doit à peine de nullité être écrit, mentionner une limitation de ses effets dans le temps et être inscrit sur un registre mentionnant tous les mandats dans leur ordre chronologique ; ces prescriptions s'appliquent à toute opération d'entremise, et notamment au contrat de commercialisation, dès lors que l'opération porte sur un bien immobilier tel que défini par l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 ; la nullité encourue a pour objectif la protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire et en conséquence elle doit être considérée comme une nullité relative, et non absolue.

En l'espèce, la société COGECIA ne verse au débat aucun mandat écrit inscrit au registre visé par l'article 72 du décret du 20 juillet 1972 se référant au contrat de commercialisation signé le 3 octobre 2011 avec la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP ; en outre, ce contrat est expressément conclu suivant son article 2 pour une durée indéterminée, ce qui contrevient aux dispositions légales rappelées au paragraphe précédant ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que ce contrat devait être considéré comme nul et que la société COGECIA ne justifiait pas d'un mandat valide lui permettant d'exiger une rémunération.

La nullité tirée du non respect des prescriptions des articles 6 et 7 de la loi du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972 étant une nullité relative, elle peut être couverte par la ratification ultérieure des actes accomplis sans le mandat requis ; force est de constater qu'en l'espèce, la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP n'a jamais réglé la facture d'honoraire objet du litige, et n'a jamais par un acte postérieur reconnu l'existence d'un droit à honoraire ; le fait que la facture ait été inscrite dans les comptes de la société LES COMMERCES DE SAIT LOUP ne vaut pas preuve du paiement et ne peut valoir reconnaissance de dette, ces documents n'ayant qu'une valeur comptable provisionnelle ne privant pas la société du droit de contester la créance, et l'action même en paiement de la société COGECIA démontrant que nul versement n'a été en réalité effectué ; l'acte de cautionnement bancaire consenti suite à une mesure d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire ne peut à ce titre être analysé comme valant reconnaissance de dette, la nature de la somme cautionnée n'étant pas précisé et l'acte ayant pour seul objet de substituer une garantie à une autre conformément aux dispositions de l'article L512-1 du code de procédure civile d'exécution ; il apparaît dès lors qu'aucun acte n'est venu couvrir la nullité initiale du mandat et c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société COGECIA ne disposait d'aucun document lui permettant d'exiger une rémunération au titre d'honoraires.

Sur le paiement d'honoraires au titre de l'assistance dans le cadre des recours dirigés contre les demandes de permis de construire

Le contrat de prestation de service signé le 20 septembre 2010 stipule expressément en son préambule que la mission confiée à la société COGECIA et à la société LC2I a pour but notamment de 'finaliser les dossiers de permis de construire afférents à l'opération immobilière envisagée' ; conformément à l'article 1 du même contrat, la mission précise est définie par l'annexe 1 qui vise expressément sous le paragraphe 'Phase 2" le suivi de l'instruction du permis de construire ; il apparaît de ces éléments que la société COGECIA s'est engagée par ce contrat à fournir au maître de l'ouvrage une assistance dans toutes les opérations liées à la délivrance des permis de construire ; en contrepartie, la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP s'est engagé à verser à la société COGECIA et à la société LC2I prises ensemble une somme totale de 480 000 €, cette somme étant expressément stipulée comme étant forfaitaire ; suivant avenant en date du 13 février 2012, le montant de la rémunération forfaitaire due à la société COGECIA a été fixée à la somme de 149 632 € afin de tenir compte d'un règlement de 90 638 € déjà intervenu.

La société COGECIA verse deux attestations rédigées par messieurs [N] et [T] et un courriel daté du 21 août 2019, permettant de penser qu'elle a effectivement participé aux négociations ayant permis d'aboutir à des protocoles d'accords signés par la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP avec les différentes parties ayant introduit une action judiciaire en contestation des permis de construire ; elle produit enfin deux pouvoirs en date du 28 octobre 2011 par lequel le président de la société LES COMMERCES SAINT LOUP donne tout pouvoir au président de la société COGECIA pour signer un protocole d'accord avec la société G SPORT INTERNATIONAL, relativement au recours initié par cette dernière devant le tribunal administratif de MARSEILLE ; l'analyse des premiers juges apparaît sur ce point fondée ; en revanche, il convient de constater que le contrat de prestation de service du 20 septembre 2010 prévoyait expressément l'assistance dans l'instruction des permis de construire au titre des missions confiées à la société COGECIA ; en conséquence, la somme de 480 000 € prévue par ce contrat à titre forfaitaire, et ramenée à la somme de 149 632 € en ce qui concerne la société COGECIA suivant l'avenant du 13 février 2012, doit être considérée comme rémunérant toutes les opérations relatives à cette instruction, et ce y compris l'assistance lors de négociations tendant à obtenir le désistement de recours.

La société COMMERCES DE SAINT LOUP verse aux débats une facture en date du 2 février 2012 émise par la société COGECIA d'un montant de 149 632 € HT, ainsi qu'un relevé de compte courant établissant le paiement de cette facture par une société ORION ; la société COGECIA ne conteste pas la réalité du paiement intervenu ; il convient d'en déduire que la somme forfaitaire de 149 632 € a bien été réglée par la société COMMERCES DE SAINT LOUP en paiement du contrat de prestation de service ; c'est dès lors à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande en paiement des factures éditées le 19 mars 2014 d'un montant de 72 000 € et 18 000 € correspondant à l'assistance dans le cadre des recours dirigés contre les permis de construire, cette prestation ayant été déjà réglée par le versement de l'intégralité des honoraires forfaitaires convenus dans la convention en date du 20 septembre 2010 et son avenant et aucun document n'étant produit permettant de constater l'existence d'un accord de la société COMMERCES DE SAINT LOUP pour verser un complément d'honoraire ; la décision déférée sera en conséquence infirmée sur ce point.

Sur la demande en paiement de dommages intérêts

La société COGECIA est à l'origine du préjudice résultant du non respect par elle des dispositions d'ordre public résultant de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d'application ; elle ne peut en conséquence demander des dommages intérêts pour réparer la perte subie du fait de la nullité de l'acte par elle signé.

Au vu de la solution donnée au litige, aucune résistance abusive ne peut être imputée à la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP et la société COGECIA sera déboutée de sa demande en dommages intérêts.

Sur les demandes accessoires

La société COGECIA succombant en son appel, elle devra verser une somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 16 février 2017 dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP à verser à la société COGECIA la somme de 90 000 € au titre des factures d'assistance à maîtrise d'ouvrage,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

- DÉBOUTE la société COGECIA de sa demande en paiement de la somme de 90 000 € dirigée contre la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP.

Ajoutant à la décision,

- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

- CONDAMNE la société COGECIA à verser à la société LES COMMERCES DE SAINT LOUP la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- MET l'intégralité des dépens à la charge de la société COGECIA.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 17/07428
Date de la décision : 14/11/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°17/07428 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-14;17.07428 ?
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