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11/10/2019 | FRANCE | N°18/19837

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 11 octobre 2019, 18/19837


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 11 OCTOBRE 2019



N° 2019/697













Rôle N° RG 18/19837 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDPYL





[Q] [X]

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DE BOUCHES DU RHONE





C/



SAS ELIOR SERVICE PROPRETE ET SANTE



















Copie exécutoire délivrée

le : 11 octobre 2019

à :

Me Roger VIGNAUD

Me Etienne DE VILLEPIN







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 15 Novembre 2018, enregistré au répertoire général sous le n°F16/1553 .







APPELANTS



Madame [Q] [X], deme...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 11 OCTOBRE 2019

N° 2019/697

Rôle N° RG 18/19837 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDPYL

[Q] [X]

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DE BOUCHES DU RHONE

C/

SAS ELIOR SERVICE PROPRETE ET SANTE

Copie exécutoire délivrée

le : 11 octobre 2019

à :

Me Roger VIGNAUD

Me Etienne DE VILLEPIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 15 Novembre 2018, enregistré au répertoire général sous le n°F16/1553 .

APPELANTS

Madame [Q] [X], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DE BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS ELIOR SERVICE PROPRETE ET SANTE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités audit siège [Adresse 4]

représentée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 septembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Corinne HERMEREL, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Corinne HERMEREL, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2019..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2019.

Signé par Madame Corinne HERMEREL, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

La société Elior Services Propreté et Santé (ci-après désignée ELIOR) a pour spécialité le nettoyage dans les établissements de santé et relève de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, étendue par arrêté du 23 juillet 2012, sous réserve de l'application des dispositions de l'article L. 2241-9 du code du travail.

Mme [Q] [X] a été engagée en qualité d'agent de service sur le site de [Adresse 3], à compter du 28 janvier 2015 aux termes de plusieurs contrats à durée déterminée puis selon un contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1 février 2016.

Se comparant à des salariés d'ELIOR affectés sur d'autres sites, Mme [Q] [X] a saisi le 21 juin 2016 le conseil de prud'hommes de Marseille d'une demande de rappel de prime de 13ème mois et d'une prime d'assiduité, sur le fondement du principe de l'égalité de traitement.

Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône est intervenu volontairement à l'instance.

Selon jugement de départage prononcé le 15 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône,

- débouté Mme [Q] [X] de ses demandes de rappel de primes de 13ème mois et d'assiduité,

- débouté le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône de sa demande indemnitaire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Q] [X] aux dépens de l'instance,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Mme [Q] [X] et le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône ont interjeté appel de ce jugement le 17 décembre 2018.

Vu les conclusions notifiées le 26 août 2019 par la société ELIOR,

Vu les conclusions notifiées le 2 septembre 2019 par Mme [Q] [X] et le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 5 septembre 2019.

Prétentions des parties

Pour solliciter l'attribution de la prime de 13ème mois, la salariée se compare aux salariés d'ELIOR affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 4], et à une salariée exerçant sur le site de la clinique [3] à [Localité 3]. Elle observe qu'alors qu'ils sont placés dans la même situation et exercent un travail égal ou de valeur égale, ils ont perçu une prime de 13ème mois qui n'a pas été mise en place par erreur par l'employeur mais résulterait selon elle d'un engagement unilatéral de ce dernier et non en application du transfert légal ou conventionnel.

S'agissant de sa demande de prime d'assiduité, la salariée se compare à des salariés bénéficiant de cet avantage, qui travaillaient antérieurement pour la clinique [1] à [Localité 1], et qui ont, suite à une externalisation du marché de nettoyage, travaillé pour ELIOR à partir du 1er juin 2014, transfert à l'occasion duquel un nouveau contrat de travail a été signé.

La salariée fait valoir que tous les salariés issus de la clinique [1] ont été embauchés par ELIOR, par application volontaire et non de plein droit de l'article L. 1224-1 du code du travail. Elle demande à la cour d'appel de constater que la société ELIOR a accordé à ces salariés, par contrat, une prime d'assiduité d'un montant de 144,54 euros versée mensuellement et de retenir que les salariés concluants qui ne bénéficient pas d'une telle prime, alors qu'ils travaillent dans des établissements de santé et exercent des fonctions de valeur égale, sont victimes d'une inégalité de traitement.

Mme [Q] [X], demande à la cour, infirmant le jugement, de :

- rejeter les irrecevabilités soulevées par la société ESPS,

- dire et juger que l'employeur n'a pas mis en place la prime de 13ème mois au sein de la polyclinique de [Localité 4] par erreur mais de façon unilatérale,

- dire et juger que les transferts des contrats de travail des salariés de la clinique [3] à [Localité 3] qui bénéficient de la prime de 13ème mois ne s'est pas opéré en application de l'article L. 1224-1 du code du travail mais de façon volontaire,

- constater que la société ELIOR a accordé par contrat aux salariés du site de la clinique [1] à [Localité 1] une prime mensuelle d'assiduité d'un montant de 144,54 euros,

- constater qu'elle a été victime d'une inégalité de traitement,

- condamner la société ELIOR à lui verser les sommes de :

1 508,88 euros au titre du rappel de la prime de 13ème mois,

1718,65 euros au titre de la prime assiduité de juin 2014 à 2017,

700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône demande la condamnation de la société ELIOR SERVICES PROPRETE à lui verser les sommes de :

- 200 euros à titre de dommages et intérêts,

- 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils demandent de dire que les sommes allouées porteront intérêts de droit à compter de l'introduction de la présente instance, en application de l'article 1153-1 du code civil et anatocisme, en application de l'article 1154 du code civil.

Par conclusions écrites régulièrement notifiées, communes à toutes les affaires inscrites au rôle, la société ESPS demande de :

- dire et juger irrecevables, au visa des articles 908 et 910-4 du code de procédure civile, les demandes des appelants au titre d'un rappel de prime de 13ème mois fondé par comparaison aux salariés de la société Hôpital Services employés sur le site de la clinique [2] à [Localité 2],

- dire et juger irrecevables, au visa des articles 132 et 954 du code de procédure civile et R. 1453-5 du code du travail, les conclusions en date du 24 juillet 2019,

- dire et juger que les différences de rémunérations constatées reposent sur des éléments objectifs matériellement vérifiables tenant tant à l'origine du lien contractuel résultant d'un transfert légal, d'une embauche directe ou d'un transfert conventionnel ou d'une erreur au titre du versement effectué sur le site de [Localité 4],

- en conséquence confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les salariés de leur demande de :

prime de 13ème mois pris en comparaison du site de la clinique de [Localité 4],

prime d'assiduité versée aux salariés du site de la clinique [1] dont les contrats de travail ont été repris par application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail au titre d'un transfert légal,

- débouter le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône de l'ensemble de ses demandes,

- subsidiairement, lui donner acte de son offre de consignation amiable et conventionnelle,

- condamner les appelants à lui payer la somme de 500 euroschacun au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement critiqué et aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes de Madame [Q] [X]

La société ELIOR conclut à l'irrecevabilité des demandes de Mme [Q] [X] au titre de la prime de 13ème mois dont bénéficieraient des salariés affectés sur le site de la clinique [2] à [Localité 2].

Il convient d'emblée de constater que l'appelante ne forme aucune demande fondée sur cette comparaison. En conséquence, cette demande d'irrecevabilité est sans objet.

Par ailleurs, la cour étant saisie en l'état de conclusions des appelants en date du 2 septembre 2019 faisant référence à des pièces régulièrement communiquées, la demande d'irrecevabilité de conclusions en date du 24 juillet 2019 est également sans objet.

Sur l'égalité de traitement

Le principe 'à travail égal, salaire égal', dégagé par la jurisprudence, oblige l'employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ou, du moins, à devoir justifier toute disparité de salaire. Cette règle est une application particulière du principe d'égalité de traitement entre les salariés. Elle s'oppose à ce que des salariés, placés dans une situation identique, soient traités différemment au regard de l'octroi d'une augmentation de salaire, d'une prime ou d'un avantage.

Ce principe implique donc une comparaison de situations entre salariés, de sorte que l'employeur n'est pas fondé à invoquer, dans le cadre d'un litige relatif à la relation individuelle de travail qui le lie à son salarié, les répercussions éventuelles que pourrait avoir la solution de ce litige sur la situation professionnelle d'autres salariés de l'entreprise. En conséquence, le moyen de la société ELIOR tiré de la règle selon laquelle 'nul ne plaide par procureur' sera rejeté.

Les salariés exercent un même travail ou un travail de valeur égale lorsqu'ils sont dans une situation comparable au regard de la nature de leur travail et de leurs conditions de formation et de travail.

Les différences de rémunération entre des salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale sont licites dès lors qu'elles sont justifiées par des critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination. Dans ce cadre, des raisons conjoncturelles peuvent permettre de déroger à l'égalité de traitement entre salariés.

Il appartient au salarié qui s'estime victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait, loyalement obtenus, laissant supposer son existence. C'est à celui qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire, au regard de l'avantage considéré, à celui auquel il se compare de façon déterminée. Il incombe ensuite à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs et pertinents.

Une différence de traitement peut se justifier par l'application d'une disposition légale ou d'une décision de justice, voire d'une disposition conventionnelle. Dans certains cas, l'inégalité de traitement est présumée justifiée lorsqu'elle résulte d'un accord collectif ou d'un protocole de fin de conflit ayant valeur d'accord collectif. En revanche, si la différence de traitement découle d'une décision unilatérale de l'employeur, celui-ci doit nécessairement la justifier. En effet, l'employeur ne peut pas opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier une inégalité de rémunération ou de traitement.

Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : 'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.'

En cas de transfert d'une entité économique, l'obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu'ils tiennent d'un usage au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés. Dans ce cadre, l'origine de l'avantage importe peu.

La demande relative à la prime de 13ème mois

Mme [Q] [X], recrutée par la société ELIOR, sollicite l'attribution d'une prime de 13ème mois en comparant sa situation avec des salariés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 4] et avec une salariée travaillant au sein de la clinique [3] à [Localité 3].

Mme [Q] [X] compare sa situation à des salariés du site de la polyclinique de [Localité 4]. L'examen des bulletins de paie des salariés de l'entreprise ayant travaillé sur ce site révèlent le versement, en novembre 2012 ([P]), novembre 2013 ([F], [J], [M], [Z], [P]), novembre 2014 ([P]), novembre 2018 ([P]) d'un 13ème mois sur la base de 100 % du salaire mensuel brut de base (au prorata du temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année).

Il n'est pas contesté que Mme [Q] [X] n'a pas perçu cette prime de 13ème mois, au moins pour les périodes dont elle justifie par les bulletins de salaire qu'elle verse aux débats, et effectue un travail égal ou de valeur égale à celui occupé par les salariés auxquels elle se compare.

La différence de traitement ayant été mise en évidence par la salariée, il incombe dès lors à l'employeur de la justifier par des raisons objectives et pertinentes.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'attribution de la prime de 13ème mois à ces salariés du site de la polyclinique de [Localité 4] ne résulte ni d'un transfert du contrat de travail en application d'une garantie d'emploi, en application de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, ni d'un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives ou d'un protocole de fin de conflit ayant même valeur, ni du maintien d'une majoration de traitement consentie à certains salariés par un ancien employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

La société ELIOR soutient que c'est par erreur que cette prime a été versée à deux reprises aux salariés auxquels Mme [Q] [X] se compare et que c'est ensuite en raison d'une décision du conseil de prud'hommes en date du 5 janvier 2015, assortie de l'exécution provisoire, qu'elle a réitéré ce versement annuel.

C'est à tort que la société ELIOR considère que la charge de la preuve pèse sur la salariée qui devrait démontrer que l'employeur a eu une intention libérale ou que le paiement de cette prime constituait un usage d'entreprise.

En effet, c'est bien à l'employeur de justifier des motifs du versement de cette prime de 13ème mois et pour cela de démontrer l'erreur qu'il allègue, afin d'expliquer et de justifier la différence de traitement qui en résulte entre ces salariés et la salariée appelante.

Pour démontrer l'existence de cette erreur, il est produit par la société ELIOR deux attestations :

- l'une, non datée, émane du responsable du centre de services partagés de la société ELIOR, M. [K], qui affirme que ladite erreur résulte d'un changement de programme informatique, le passage du système de paye Arcole au système Pléiades ne comportant pas de ligne PFA mais une ligne 13ème mois,

- l'autre émane d'une responsable de site, Mme [S], qui explique qu'après avoir été condamné à verser un rappel de cette prime à des salariés par le conseil de prud'hommes de Narbonne en avril 2012, l'employeur s'était exécuté mais avait en outre, par erreur, également versé la prime à d'autres salariés avant tout jugement les concernant.

Ainsi, l'explication donnée sur l'origine de l'erreur, humaine ou informatique, est différente selon les deux attestations versées.

Par ailleurs, il résulte des bulletins de salaire produits que cette prime de 13ème mois a été attribuée non seulement en novembre 2012 (Madame [P]), mais aussi en novembre 2013 (Mmes [P], [J], [F], [M], M. [Z]), novembre 2014 (Madame [P]), et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13ème mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015.

Cette réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par ELIOR.

La société ELIOR ne démontrant pas avoir commis une erreur, le versement d'une prime de 13ème mois effectué entre 2012 et 2014 au profit de quelques salariés de l'entreprise doit en conséquence être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 4], sans que l'employeur soit en mesure d'invoquer des raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de traitement que ce versement a occasionné entre les salariés exerçant sur le site de la polyclinique de [Localité 4] et Mme [Q] [X].

Mme [Q] [X], dont il n'est pas contesté qu'elle se trouve dans une situation de travail de valeur égale aux cinq salariés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 4] auxquels elle se compare, est donc fondée à solliciter le versement de la prime de 13ème mois pour la période précédant l'année 2015.

La société ELIOR soutient qu'à compter de l'année 2015, c'est en application d'une décision de justice, assortie de l'exécution provisoire, qu'elle a accordé cet avantage aux salariés auxquels Mme [Q] [X] se compare.

La salariée étant fondée à se prévaloir de l'inégalité de traitement résultant de l'avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 4] entre 2012 et 2014, sans être justifié par l'employeur autrement que par une erreur non retenue par la cour, la circonstance que ces salariés auxquels elle se compare auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient, ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche en janvier 2015

Compte-tenu de l'inégalité de traitement retenue de ce chef, la comparaison avec une salariée de la clinique [3] à [Localité 3] est surabondante et ne nécessite pas une analyse dans le cadre du présent litige.

Mme [Q] [X] reste donc encore fondée en sa demande du versement d'un 13ème mois à compter de 2015, sauf à en examiner le montant sollicité au regard des éléments produits.

Mme [Q] [X] sollicite une somme de 1508,88 euros au titre des années 2015 à 2017. L'employeur ne présente aucune contestation relative au décompte présenté, ni élément permettant d'évaluer le rappel de salaire réclamé. Compte tenu des documents communiqués par la salariée, et notamment des contrats de travail et des bulletins de salaires produits pour les périodes travaillées durant les années considérées, il sera fait droit à sa demande de ce chef pour la somme de 1508,88 euros.

Le jugement ayant débouté la salariée de ce chef sera infirmé.

La demande relative à la prime d'assiduité

Mme [Q] [X] forme une demande de rappel de prime d'assiduité à compter du mois de juin 2014. Fondant sa demande sur l'inégalité de traitement, Mme [Q] [X] se compare aux salariés exerçant leur activité au sein de la clinique [1], marché repris par la société ELIOR à compter du 1er juin 2014.

Mme [Q] [X] fait valoir que chaque salarié travaillant dans la clinique [1] a signé avec la société ELIOR, le 31 mai 2014, un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d'ancienneté, qui mentionne en son article 6 qu'outre la rémunération de base, une prime d'assiduité mensuelle qui varie de 80 euros à 158,09 euros par mois pour un temps plein, est versée au salarié.

Mme [Q] [X]  produit les bulletins de paie des salariées auxquelles elle se compare, à savoir les bulletins de Mmes [U], [N], [A], [E]-[D], [H], [L], sur lesquels apparaît effectivement le versement d'une telle prime, d'un montant de 144,54 euros pour la plupart de ces salariés, dès juin 2014. Elle-même ne perçoit pas cette prime d'assiduité.

La société ELIOR réplique que les salariés auxquels se compare Mme [Q] [X] n'ont pas été recrutés mais repris dans le cadre d'un transfert légal et qu'ils bénéficient à ce titre du maintien intégral de leur rémunération. Elle ajoute que les appelants ne se trouvent donc pas dans une situation identique aux salariés auxquels ils se comparent.

           Il n'est pas contesté que ces salariées effectuent un travail égal ou de valeur égale ou similaire à celui de Mme [Q] [X].

           

           En cas de transfert d'une entité économique, l'obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu'ils tiennent d'un usage au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.

           

     Les contrats de travail des salariées auxquelles Mme [Q] [X] se compare, signés le 31 mai 2014, portent tous la mention suivante :

'suite à la reprise des prestations de bionettoyage et services hôteliers par la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, dans le cadre de l'article L. 1224-1 du code du travail, il a été proposé à Mme ... de bénéficier d'un transfert de son contrat de travail au sein de la société ELIOR à compter du 1er juin 2014, ce transfert valant rupture d'un commun accord du contrat de travail d'origine de Madame ... avec la société Clinique [1] et conclusion d'un nouveau contrat à durée indéterminée avec la société Elior.'

           

           En l'espèce, c'est bien une entité économique qui a été transférée, s'agissant du transfert d'un ensemble de salariés de la clinique [1], affectés à l'activité de bionettoyage de la clinique, au profit des usagers de la clinique, dans les locaux de cet établissement, soit un ensemble organisé de personnes utilisant un matériel destiné à l'activité de bio-nettoyage et affectées à des tâches spécifiques de nettoyage des locaux, et dont il n'est pas contesté qu'ils ont tous été repris par la société ELIOR, ainsi que l'indique la salariée dans ses conclusions, et qui poursuivent à l'identique l'activité antérieure au sein du même établissement.

           Les salariées concernées, dont les contrats de travails étaient nécessairement poursuivis, étaient toutefois libres de signer, fut-ce de manière superflue, un nouveau contrat de travail reprenant notamment les conditions et avantages qu'elles détenaient avant le transfert, avec reprise de leur ancienneté, et il ne peut se déduire de l'existence d'un tel contrat que les conditions du transfert légal du contrat de travail n'étaient pas par ailleurs réunies. La référence à l'article L. 1224-1 du code du travail mentionnée dans ce contrat de travail, résultant nécessairement de la commune intention des parties, corrobore cette analyse et la signature de ce contrat a notamment permis de placer expressément la relation de travail entre la salariée et la clinique [1] jusqu'alors sous l'empire de la convention collective de l'hospitalisation privée, sous l'égide de la convention idoine. Le contrat signé avec la société ELIOR stipule ainsi dans son article 3 que la relation de travail est régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

           Il résulte de cette analyse que la référence contractuelle à l'article L. 1224-1 du code du travail correspond en l'espèce à la réalité des conditions du transfert du contrat de travail et qu'en conséquence, l'octroi de la prime d'assiduité découle de l'obligation à laquelle était tenue la société ELIOR de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur à la date du 1er juin 2014 et notamment cette prime appelée jusqu'alors prime de fidélité.

En conséquence, l'inégalité de traitement est justifiée et le jugement sera confirmé en ce que la demande de rappel de prime d'assiduité a été rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône

La violation du principe de l'égalité de traitement quant à l'attribution d'une prime de 13ème mois justifie que la société ELIOR soit condamnée à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'offre de consignation

La société ELIOR propose, le cas échéant, de consigner les condamnations qui seraient éventuellement prononcées par la cour d'appel, et ce conventionnellement, sous réserve de l'accord des appelants.

La cour observe que les appelants ne se sont pas exprimés en réponse et il n'appartient pas à la cour de statuer sur cette offre.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les considérations d'équité conduisent à condamner la société ELIOR à verser à Mme [Q] [X] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de dire n'y avoir lieu à application de cet article au profit du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône.

Mme [Q] [X], appelante, obtient pour partie gain de cause en appel. La société ELIOR qui succombe partiellement supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière prud'homale et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT des entreprises des Bouches-du-Rhône et en ce que Mme [Q] [X] a été déboutée de sa demande de rappel de prime d'assiduité,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare dépourvues d'objet les fins de non recevoir présentées par la société Elior services propreté et santé,

Condamne la société ELIOR services propreté et santé à verser :

- à Mme [Q] [X] la somme de 1508,88 euros au titre du rappel de prime de 13ème mois,

- au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts,

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation sont dus à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales ayant fait l'objet de la saisine initiale du conseil de prud'hommes,

Condamne la société Elior services propreté et santé à verser à Mme [Q] [X] la somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles pour l'ensemble de la procédure,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Elior services propreté et santé aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 18/19837
Date de la décision : 11/10/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B8, arrêt n°18/19837 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-11;18.19837 ?
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