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09/10/2019 | FRANCE | N°18/18606

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 09 octobre 2019, 18/18606


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 09 OCTOBRE 2019



N°2019/





Rôle N° RG 18/18606 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMR6







[R] [H]





C/





URSSAF PACA























Copie exécutoire délivrée

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à :





Me Aurelie BOUCKAERT, avocat au barreau de MARSEILLE



URSSAF PACA









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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES-DU-RHONE en date du 22 Octobre 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21401030.



APPELANT



Maître [R] [H], intervenant volontaire, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 09 OCTOBRE 2019

N°2019/

Rôle N° RG 18/18606 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMR6

[R] [H]

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Aurelie BOUCKAERT, avocat au barreau de MARSEILLE

URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES-DU-RHONE en date du 22 Octobre 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21401030.

APPELANT

Maître [R] [H], intervenant volontaire, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA [Personne physico-morale 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Aurelie BOUCKAERT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 2]

représentée par M. [B] [E] (Inspecteur de contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Madame Florence DELORD, Conseiller

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2019.

Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Madame Harmonie VIDAL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SA [Personne physico-morale 1] qui avait fait l'objet d'un contrôle de l'URSSAF portant sur les années 2010, 2011 et 2012 et avait reçu une lettre d'observations du 19 juillet 2013 suivie d'une mise en demeure du 8 novembre 2013 de payer la somme de 70465 euros incluant les majorations de retard, puis une contrainte du 13 janvier 2014, toutes deux contestées devant la commission de recours amiable, a fait appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 22 octobre 2018 qui a joint les deux recours, a validé la contrainte pour 62391 euros (après annulation des majorations de retard par l'URSSAF), et l'a condamnée à payer à l'URSSAF la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par leurs dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 11 septembre 2019, la société appelante et Maître [H], intervenant volontairement devant la Cour en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société (nommé par jugement du tribunal de commerce du 24 avril 2017), ont demandé à la Cour d'infirmer le jugement, d'annuler la mise en demeure, de valider l'opposition à la contrainte, d'annuler les points 4 et 7 du redressement, de rectifier les sommes soumises à cotisations au titre du point 8 du redressement et de condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, l'URSSAF a demandé à la Cour de confirmer le jugement, et de condamner la société [Personne physico-morale 1] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A-) Sur le chef de redressement n°4 (6477 euros)

La société [X] avait adressé à son salarié, M.[M], « chef de mission R&D », une lettre de licenciement pour faute grave datée du 30 juin 2010 après entretien préalable du 25 juin ; le salarié ayant informé l'employeur qu'il contestait la procédure du licenciement ainsi que les griefs retenus à son encontre, mais l'employeur ayant maintenu sa décision, les deux parties avaient décidé de mettre fin à leur contentieux en raison de la longueur prévisible d'une procédure prud'homale, et de conclure un accord transactionnel qui a été établi et daté du 8 juillet 2010.

Le préambule de ce document relate la chronologie des incidents ayant précédé la convocation à l'entretien préalable et les motifs du licenciement pour faute grave à l'encontre de M.[M] qui aurait failli à sa mission (obtention d'avis techniques, certification des produits commercialisés par l'entreprise, mise à jour des nomenclatures, etc...), et ceci malgré plusieurs relances de son employeur en février, mars et mai 2010.

L'accord auquel les parties ont finalement abouti indique expressément qu'il s'agit pour chaque partie d'éviter de subir les aléas et les délais d'une action prud'homale, chacune restant toutefois sur sa position, l'employeur maintenant sa décision de licencier son chef de mission pour faute grave et ce dernier maintenant en contester les motifs.

Le document fait état des concessions réciproques qu'ils acceptent de faire afin d'aboutir à la transaction financière devant permettre de mettre fin à tout contentieux de manière globale et définitive.

Il y est précisé que « M.[M] reconnaît expressément avoir disposé d'un temps de réflexion suffisant, et des informations nécessaires pour approuver les termes de la transaction » et d'avoir ainsi « consenti les engagements en parfaite connaissance de cause notamment sur les conséquences financières, sociales et en matière d'indemnisation ASSEDIC ».

En conséquence, il avait été décidé, d'un commun accord, que l'employeur verserait à son ancien salarié une indemnité forfaitaire et globale de 15800 euros nette afin de mettre fin à toute contestation et à tout litige.

Lors du contrôle, l'URSSAF a considéré que la transaction emportait nécessairement renonciation de l'employeur à se prévaloir de la faute grave du salarié et que ce protocole ne permettait pas de dire que le salarié concerné avait renoncé expressément à l'indemnité de préavis.

L'URSSAF a donc reconstitué, sur la base de l'accord transactionnel, ce qu'aurait été l'indemnité de préavis et a considéré que cette somme devait être réintégrée dans l'assiette des cotisations.

La société a contesté les arguments de l'URSSAF, mais en vain, dès réception de la mise en demeure, puis devant la commission de recours amiable et devant la juridiction de sécurité sociale.

Il convient de rappeler que seuls les salariés peuvent demander l'annulation des protocoles transactionnels, induisant la compétence exclusive de la juridiction prud'homale qui interdit à la juridiction de sécurité sociale de rechercher si les transactions étaient valablement conclues, notamment quant aux conditions de réciprocité.

A titre surabondant, il semble qu'en 2019, soit neuf ans plus tard, ce protocole n'a pas été annulé.

Ce protocole précise :

« La rupture revêt la nature juridique d'un licenciement pour faute grave ('). La Société, sans revenir sur le bien-fondé et la qualification du licenciement de M.[M], accepte de verser à celui-ci, à titre d'indemnité transactionnelle globale, forfaitaire et définitive, la somme nette de 15800 euros.

En contrepartie de la concession de la Société ('), M.[M] accepte de renoncer à contester le bien fondé de son licenciement, notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2010 par la Société.

M.[M] se déclare rempli de l'intégralité de ses droits pouvant résulter de l'exécution comme de la rupture de son contrat de travail.

En conséquence de quoi, les parties renoncent, sous réserve de l'exécution de la présente transaction, à toute action ou instance de quelque nature que ce soit qui pourrait résulter de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail les ayant lié(e)s ».

Les termes de cet accord sont clairs, précis et sans ambiguïté.

En effet, la rupture du contrat de travail restait un licenciement pour faute grave puisque l'employeur ne revenait pas sur sa décision de licencier son salarié pour faute grave.

Il n'était pas prévu que le salarié licencié exécuterait un préavis puisque le dernier bulletin de salaire était celui du mois de juin, comprenant le salaire du mois, les heures supplémentaires à 25% et l'indemnité de congés payés, le reçu pour solde de tout compte étant lui-même établi et daté du 2 juillet.

Le salarié s'engageait à ne demander aucune autre indemnité et à n'entreprendre aucun contentieux. L'objet de la transaction était donc clair sur ce point également.

Par ailleurs, l'indemnité transactionnelle ne comportait aucun élément de rémunération soumis à cotisations puisque, dans le contexte de la transaction, le salarié licencié ayant eu le temps de s'enquérir des conséquences de cette transaction, notamment sur le plan financier, renonçait expressément à demander toute autre somme que ce soit.

Dès lors que la volonté des parties y est clairement exprimée, la présentation matérielle de l'accord transactionnel importe peu.

Ainsi, il importe peu que l'accord ne contienne pas les phrases suivantes : « je renonce à demander une indemnité de préavis » ou « le salarié renonce expressément à toute demande tendant au paiement de toute indemnité et/ou somme de toute nature résultant de la conclusion, de l'exécution et/ou de la rupture de son contrat ».

La cour considère que la rédaction de l'ensemble de ce protocole fait ressortir une démarche claire et précise, en donnant à l'indemnité transactionnelle un fondement exclusivement indemnitaire, et qui, au visa des articles 1134 et 1135 devenus 1103,1104,1193 et 1194 du code civil, doit être respectée.

La cour n'a d'ailleurs trouvé aucun élément de fait permettant de dire que l'Urssaf aurait puisé, dans les dossiers de la société contrôlée ou d'autres organismes, des informations permettant à son agent de dire qu'une partie de cette indemnité transactionnelle comprendrait de manière certaine et incontestable des éléments de rémunération soumis à cotisations et de justifier alors un redressement.

Dès lors, en présumant que du seul fait de la transaction, l'employeur avait nécessairement renoncé à la qualification de faute grave, l'inspectrice a dénaturé les termes clairs et précis du protocole d'accord transactionnel, violant ainsi les articles susvisés du code civil.

En conséquence, elle n'était pas fondée à reconstituer fictivement les montants d'indemnités purement hypothétiques et inexistantes, de les soustraire de l'indemnité transactionnelle et de dire qu'elles devaient être soumises à cotisations sociales.

La cour annule ce 4ème chef du redressement et infirme le jugement sur ce premier point.

B-) Sur le chef de redressement n°7 (6794 euros)

La société [Personne physico-morale 1], [Localité 1], commercialise des systèmes de chauffage de serres agricoles.

Le 3 août 2006, un contrat de « représentant multicartes » pour la commercialisation des matériels « [X] » a été conclu par sa filiale, la société Elsad (située à Aubagne et dont le PDG était [O] [X]) avec M.[S], ancien salarié de la société [Personne physico-morale 1], transféré le 1er avril 2010 à la société [Personne physico-morale 1].

Par ce contrat dont les termes ont été maintenus dans leur intégralité, M.[S] était chargé de représenter la société dans 13 départements du grand sud-est de la France.

Sa rémunération était composée uniquement de commission de 5% du montant hors taxes facturé au client et réglées en fin de mois sur la base des ventes du mois précédent. Les frais professionnels étaient remboursables sur présentation des tickets de péage et autres notes, et une indemnité kilométrique était prévue, l'intéressé utilisant son véhicule personnel.

Lors de son contrôle, l'inspectrice de l'Urssaf a pourtant considéré que, M.[S] étant un VRP exclusif et ayant un horaire de travail imposé, la société aurait dû appliquer le principe d'assiette minimum des cotisations prévu par l'article R242-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale.

Il s'agissait du seul motif retenu et elle a procédé à une reconstitution des cotisations éludées, en prenant pour base de calcul le Smic en vigueur, pour chaque mois de la période contrôlée, selon les tableaux figurant dans sa lettre d'observations.

La société a contesté ce chef de redressement, mais en vain, dès réception de la mise en demeure, puis devant la commission de recours amiable et devant la juridiction de sécurité sociale.

Devant la cour, l'URSSAF a maintenu que M.[S] était un VRP exclusif en raison de trois éléments déterminants dont elle donnait le détail (cf.infra), et elle a fait valoir que la société contrôlée aurait dû appliquer le principe de la « ressource minimale forfaitaire prévue par l'ANI de 1975 ».

Invoquant le non-respect du principe du contradictoire, l'appelante a critiqué cette modification du fondement juridique de la réintégration, basée, non plus sur le Smic mais sur la ressource minimale de l'ANI, et pour la première fois devant la cour.

Elle a maintenu sa contestation relative au caractère exclusif de ce VRP et à l'applicabilité de l'article R242-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale.

Il convient de rappeler que les observations de l'inspecteur du recouvrement doivent être « motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement (...) » , comme le prévoit l'article R249-53 III du code de la sécurité sociale et que c'est à l'Urssaf d'apporter la preuve des éléments de fait sur lesquels est fondé le redressement.

Pour justifier ce 7ème chef du redressement, l'inspectrice a affirmé que M.[S] était un VRP exclusif avec un horaire de travail imposé, contredisant sur ces deux points ainsi le contrat qui lui était présenté et sans préciser sur quels éléments elle se fondait.

Or, le contrat conclu le 3 août 2006 était un contrat de représentant « multicartes », dont l'article 8 précisait que M.[S] avait l'autorisation de représenter d'autres sociétés pour tous articles à condition qu'il ne s'agisse pas d'articles concurrents de la gamme des produits « [X] », et d'en informer la société au fur et à mesure des nouvelles représentations qu'il acceptera.

Ce contrat mentionnait donc bien : les produits qu'il était autorisé à vendre, la zone géographique qu'il devait prospecter et le mode de calcul de ses commissions.

Aucun horaire de travail ne lui était imposé, sa seule obligation étant de « respecter les plans de tournée qui « pourraient lui être fournis ou qu'il aurait déterminés avec son supérieur » et de réaliser un objectif de vente défini avec la société en début d'année.

Aucun élément de fait n'a été précisé pour justifier la requalification du contrat « multicartes » en contrat de VRP exclusif, et l'Urssaf a maintenu le redressement tant devant la commission de recours amiable que devant le tribunal.

Ce n'est que devant la cour que l'Urssaf a invoqué trois arguments pour démontrer que M.[S] avait un statut de VRP exclusif  : d'après les DADS il n'aurait perçu aucune autre rémunération, la société ne cotisait pas à la CCVRP mais à l'Urssaf et les kilomètres parcourus pour la société [X] étaient élevés et excluaient donc l'exercice d'une autre activité professionnelle.

La Cour constate d'une part, M.[S], concerné au premier chef par une éventuelle requalification, ne semble pas avoir revendiqué le statut de VRP exclusif ni par un nouveau contrat ni devant la juridiction prud'homale.

D'autre part, les éléments de fait présentés tardivement en cause d'appel et que conteste l'appelante, n'ont pas été débattus contradictoirement lors du contrôle puisque la lettre d'observations n'en fait pas état.

Plus particulièrement, l'Urssaf n'apporte aucune preuve concernant les DADS, et son argument relatif aux kilomètres parcourus est peu sérieux dans la mesure où elle ne mentionne ni le montant des indemnités kilométriques ni les plans de tournée éventuellement convenus avec la société que son inspectrice n'avait même pas cités.

La cour n'est donc pas en mesure de contrôler la pertinence de ces données de pur fait.

Et enfin, l'Urssaf a passé sous silence le fait que le contrat ne fixait ni durée du travail ni horaire de travail. Or, en méconnaissance totale du contrat de travail, l'inspectrice de l'Urssaf a appliqué l'article R242-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale qui fixe le minimum des rémunérations sur la base du Smic, alors que les VRP, qu'ils soient ou non exclusifs ne peuvent prétendre au Smic que dans l'hypothèse où un horaire de travail leur est imposé.

La communication des observations à l'employeur constitue une formalité substantielle destinée à assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense. En l'absence d'une telle communication, la mise en demeure qui suit la procédure de communication est nulle. Et, dans tous les cas, il appartient à l'Urssaf de prouver que l'employeur a bien été informé des erreurs et omissions qui lui sont reprochées et le fondement juridique ainsi méconnu.

L'article R249-53 III du code de la sécurité sociale précité s'inscrit dans l'ensemble des règles assurant le respect du principe du contradictoire puisque c'est à réception de la lettre d'observations que le cotisant contrôlé peut connaître le texte dont il aurait méconnu les prescriptions et, donc, le motif de droit sur lequel l'agent de l'Urssaf a décidé de procéder à un redressement.

Au moment du contrôle, l'inspectrice avait procédé au redressement en se fondant uniquement sur l'article R242-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale qui pose comme base d'évaluation minimale du salaire le montant du Smic augmenté des « indemnités-majorations-primes » prévues par des dispositions législatives ou réglementaires.

Devant la cour, l'Urssaf a fondé sa demande de confirmation du jugement ayant validé le 7ème chef du redressement sur un accord interprofessionnel de 1975 qui a la nature juridique d'une convention collective comme le précise expressément son article 2 : « Les dispositions de la présente convention collective s'appliquent aux représentants de commerce travaillant dans les conditions définies par l'article L. 751-1 à L. 751-3 du code du travail et qui rendent effectivement compte de leur activité à leurs employeurs (1) dès lors que ceux-ci leur en ont fait la demande. ».

Or, ce texte n'est applicable qu'aux VRP exclusifs, ce qui n'est pas le cas de M.[S] ainsi qu'il vient d'être démontré.

Au surplus, l'article 5 de cet accord fixe les modalités de calcul de la ressource minimale qui diffèrent du mode de calcul prévu par l'article R242-1 alinéa 6 précité et l'Urssaf ne fournit aucune explication chiffrée pour justifier du montant du redressement, si bien qu'à supposer que son argument relatif à l'exclusivité du statut du VRP soit fondé, sa demande de condamnation à paiement serait déclarée infondée.

En conséquence, la cour annule ce 7ème chef de redressement et infirme le jugement sur ce point.

C-) Sur le chef de redressement n°8 (29247 euros)

Deux salariés de la société [X] (MM.[O] et [T]) ont perçu, pour leurs frais de déplacement avec leurs véhicules personnels, d'une part des indemnités kilométriques et d'autre part des forfaits mensuels (respectivement 917,38 et 800 euros).

Leur profession n'est pas indiquée et leurs contrats n'ont pas été versés aux débats, mais il pourrait s'agir de commerciaux, du fait même de leurs nombreux déplacements en métropole et aux Antilles.

L'inspectrice a considéré qu'en l'absence de preuve d'une utilisation conforme à leur objet, les sommes correspondant au forfait mensuel versé même pendant les congés des salariés, constituaient un complément de salaire qui devait être soumis à cotisations sociales.

Elle a réintégré la somme de 19200 euros par an pour les deux salariés.

La société [X], appelante a fait valoir que ces deux versements mensuels ne faisaient pas double emploi comme l'avait noté le tribunal et que le forfait mensuel indemnisait l'utilisation du véhicule personnel, en plus de l'indemnisation des kilomètres parcourus.

Toutefois, elle a admis que le total des deux sommes avait excédé le barème fiscal et elle a fait valoir que seule la partie excédentaire devait être soumise à cotisations. Concernant le cas de M.[T] qui demeurait à [Localité 2] pour des raisons familiales, elle a fait valoir que le forfait mensuel recouvrait également l'utilisation du véhicule pour son trajet domicile-lieu de travail car les moyens de transport en commun lui auraient imposé un trajet de près de 4 heures par jour (dont elle a donné le détail).

Lorsque le salarié est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, le remboursement effectué par l'employeur à partir du barème fiscal d'indemnités kilométriques est exonéré de cotisations à condition qu'il apporte la preuve de l'usage professionnel du véhicule.

Les factures, tickets et notes de restaurant communiqués correspondent aux jours et lieux mentionnés sur les états des frais de déplacements remplis par chacun des deux salariés.

Les indemnités kilométriques étaient donc justifiées dans leur principe et l'exonération de cotisations avait bien été validée et admise au moment du contrôle.

Cependant, l'évaluation de l'indemnité kilométrique était faite comme prévu par les contrats de travail pour une somme systématiquement inférieure au barème fiscal ainsi que l'appelante l'a démontré, soit 0,10 euros par kilomètre alors que le barème fiscal prévoyait la somme d'au moins 0,301 euros par kilomètre (selon la puissance fiscale des véhicules), outre diverses indemnités de montants variant en fonction du nombre de kilomètres.

L'URSSAF ne pouvait pas, sans se contredire, prétendre qu'il n'existait pas de preuve de l'utilisation professionnelle du véhicule personnel pour justifier la réintégration du forfait mensuel dans l'assiette des cotisations alors qu'elle admettait l'exonération des indemnités kilométriques dont le principe n'était pas contesté.

L'URSSAF n'a contesté, ni le nombre de kilomètres parcourus ni l'application des barèmes 2010, 2011 et 2012 aux véhicules des deux salariés.

L'URSSAF n'a pas non plus contesté le principe de l'indemnisation domicile-lieu de travail pour M.[T].

L'existence du forfait mensuel reste contractuellement intangible dans les relations employeur-salariés tant qu'aucune modification n'a été prévue, soit à l'amiable soit à l'occasion d'un contentieux prud'homal.

En revanche, dans les rapports employeur-Urssaf, et dans le cadre d'un contentieux du recouvrement, la juridiction de sécurité sociale peut faire masse des deux indemnités puisqu'elles ont la même vocation à compenser des déplacements professionnels avec les véhicules personnels.

L'URSSAF n'a d'ailleurs émis aucune contestation, même à titre subsidiaire, sur l'offre de régularisation présentée par la société appelante.

Il vient d'être démontré que la réintégration dans l'assiette des cotisations ne devait pas porter sur la totalité des forfaits mensuels mais sur les seules sommes excédant le barème fiscal de chaque année.

La cour valide le mode de calcul présenté par la société appelante pour demander la rectification des sommes à intégrer, avant de calculer le montant du redressement, soit pour 2010, 2011 et 2012 :

-pour M.[O] : 8052,83 + 7552,65 + 8255,59

-pour M.[T] : 1170,8 + 51,69 ; rien pour 2012

En conséquence, la cour limite à 25083,56 euros la base de régularisation à intégrer dans l'assiette des cotisations sociales au titre de ce 8ème chef de redressement, soit, pour 2010 une base de 9223,63 euros, pour 2011 une base de 7604,34 euros et pour 2012, une base de 8255,59 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Donne acte à Maître [H] de son intervention volontaire devant la Cour en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA [Personne physico-morale 1],

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 22 octobre 2018,

Et statuant à nouveau:

Déclare bien fondées la contestation de la mise en demeure du 8 novembre 2013 et l'opposition à la contrainte datée du 13 janvier 2014, relatives aux chefs de redressement n°4, 7 et 8 de la lettre d'observations ainsi que sur des majorations de retard,

Annule le redressement portant sur le quatrième ( 6477 euros) et sur le septième chef de redressement (6794 euros),

Annule partiellement le huitième chef du redressement en ce que l'URSSAF l'a fixé à la somme de 29247 euros,

Rectifie comme suit les sommes devant être soumises à cotisations sociales au titre du huitième chef du redressement, soit, pour 2010 une base de 9223,63 euros, pour 2011 une base de 7604,34 euros et pour 2012, une base de 8255,59 euros,

Renvoie les parties devant les services de l'URSSAF qui procéderont à un nouveau calcul des cotisations et contributions sociales dues au titre de ce huitième chef du redressement, sur la base de ces montants,

Déboute l'URSSAF de ses demandes,

Condamne l'URSSAF à payer à la SA [Personne physico-morale 1] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'URSSAF aux dépens postérieurs au 1er janvier 2019, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 18/18606
Date de la décision : 09/10/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°18/18606 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-09;18.18606 ?
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